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Date : 20010515

Dossier : A-453-99

Coram :            LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NOËL

                                                                       

Entre :

                                              FRANÇOIS J. SUERMONDT

                                                                                                                             Demandeur

                                                                      ET

                                                  SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                       et

                                  LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                             Défendeurs

Audience tenue à Montréal (Québec) le mardi 15 mai 2001    

Jugement prononcé à l'audience à Montréal (Québec) le mardi 15 mai 2001    

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PAR :                                          LE JUGE NOËL


Date : 20010515

Dossier : A-453-99

Référence neutre : 2001 CAF 155

Coram :            LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NOËL

Entre :

            FRANÇOIS J. SUERMONDT

                                                                                                                             Demandeur

                                                                      ET

                                                  SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                       et

                                  LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                             Défendeurs

                                     MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

                                      (Prononcés à l'audience à Montréal (Québec)

                                                       le mardi 15 mai 2001)

LE JUGE NOËL


[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire dirigée à l'encontre d'un jugement de la Cour canadienne de l'impôt rejetant l'appel qu'avait logé Monsieur Suermondt à l'égard d'une cotisation émise pour son année d'imposition 1991. Ce jugement est rapporté à [1999] A.C.I. no 353 (C.C.I.) (Q.L.).

[2]                Le litige fait suite au règlement final d'une poursuite qu'avait entamée Monsieur Suermondt à l'encontre de son ancien employeur, Datapoint Canada Inc., pour licenciement illégal. Selon la compréhension de Monsieur Suermondt, le montant que l'employeur avait accepté de lui verser était de l'ordre de 111 540 $ sur lequel les impôts et autres prélèvements exigibles devaient être déduits et remis aux autorités fiscales. C'est ainsi que Monsieur Suermondt a reçu en 1991 un montant de 72 500 $, lequel fut considéré par ce dernier comme étant libre d'impôt.

[3]                Quelques années plus tard, un relevé de revenus d'emploi fut émis par une compagnie du nom de Interlogic Trace Canada Inc. pour l'année 1991 (laquelle compagnie avait, semble-t-il, fait l'acquisition de Datapoint Canada Inc. dans l'intérim) indiquant qu'une allocation de retraite d'une valeur brute de 72 500 $ avait été payée à Monsieur Suermondt. Selon ce relevé, aucun montant n'avait été retenu ou remis aux autorités fiscales à même cette somme.

[4]                Le premier juge explique dans ses motifs que c'est suite à la réception de ce relevé d'emploi que le Ministre du revenu, par voie de cotisation émise en date du 24 août 1994, ajouta au revenu du contribuable la somme de 72 500 $ et préleva les impôts payables.


[5]                Monsieur Suermondt s'opposa à cette cotisation alléguant sans succès que l'entente négociée avec l'employeur portait sur un montant de 111 540 $ et que l'excédent avait été retenu par l'employeur au titre des impôts et autres redevances exigibles sur le montant.

[6]                Devant la Cour de l'impôt, Monsieur Suermondt a expliqué que son ancien employeur n'avait plus de bureau au Canada, et qu'il était donc limité quant à ses moyens de preuve. Il a tout de même réussi à produire une lettre écrite en date du 4 février 1991 par le président de Datapoint, à Me Beaulieu qui représentait Datapoint dans le litige en question. Cette lettre se lit comme suit :

Re:      François Suermondt vs Datapoint Canada Inc.

Please find enclosed two cheques made payable to Godin, Raymond, Harris, Thomas – In Trust in the amount of $72,500.00 and $500.00, being the amount of settlement with Mr. Suermondt and Mr. Suermondt's legal fees, respectively.

The settlement, I believe, is realistic under the circumstances. We have acknowledged that we owed François outstanding commissions of $36,000 (his claim $44,000), plus alleged outstanding twenty-two days of vacations. If we add into that, his claim for lost interest on commissions due him from August 1989, the six to nine man days of David Cunningham's and my time lost in presenting our case before the courts, and the potential award for wrongful dismissal (Suermondt's total claim of $115,000) the settlement is less painful. I have cleared this settlement with Mr. Philip Freeman, Senior Vice-President and Chief Legal Counsel for Interlogic Trace, Inc.

Along with a full release from Suermondt, would you please ensure that any unemployment insurance, income tax (Quebec and Federal), and other legal/governmental implications of this settlement are taken care of prior to the release of the cheques in order to save harmless Datapoint Canada Inc. and Interlogic Trace Canada Inc. from further liabilities and obligations relative to Mr. Suermondt.


It has been a pleasure dealing with you in this legal matter. Thank you for all your assistance in bringing about this out of court settlement.

[7]                Quant au témoignage de Monsieur Suermondt, le premier juge le trouva digne de foi. Il dit dans le cadre de son jugement qu'il acceptait sans hésitation le témoignage de ce dernier à l'effet qu'il croyait avoir reçu le montant en question libre d'impôt et des autres déductions applicables (paragraphe 12). Il nota cependant que l'entente était verbale et que l'employeur ne semblait pas l'avoir respectée (paragraphe 13).

[8]                Le premier juge conclut à cet égard :

[16]         ... Mr. Suermondt has been deceived by Datapoint, which did not live up to its agreement with him.

Il ajoute cependant :

That fact cannot redound to the detriment of the respondent.

[9]                Ce disant, le premier juge est, selon nous, tombé dans l'erreur. Dans la mesure où le premier juge était d'avis que l'entente entre Datapoint et le demandeur portait sur un montant de 111 540 $ alors que seule partie de ce montant fut versée, il se devait de constater que l'excédent fut retenu par l'employeur, lequel devenait de ce fait redevable au fisc des impôts dus par le demandeur jusqu'à concurrence du montant ainsi retenu (voir le paragraphe 227(9.4) de la Loi de l'impôt sur le revenu).


[10]            À cet égard, tant l'appréciation par le premier juge du témoignage du demandeur que la lettre du président de Datapoint confirment que le montant négocié fut de l'ordre de 111 540 $ alors que, comme nous l'avons vu, le montant versé fut de 72 500 $.

[11]            Dans le deuxième paragraphe de cette lettre, le président de Datapoint reconnaît que des sommes déjà substantielles (36 000 $, plus intérêts courus) sont dues au demandeur à titre de commissions. À ce montant s'ajoutent 22 jours de vacances dus au demandeur qui était à l'emploi de la compagnie depuis huit ans et qui, au moment de son départ, était directeur régional avec un revenu annuel de 115 000 $. Au-delà de ces montants, le président de la compagnie reconnaît la possibilité qu'un montant soit octroyé par le tribunal pour congédiement illégal. Or, un calcul rapide indique qu'un montant correspondant à sept mois de salaire comblerait l'écart entre les montants qui étaient par ailleurs dus au demandeur et le montant de 111 540 $ dont il se réclame.

[12]            Au surplus, comme le fait remarquer le premier juge au paragraphe 5 de ses motifs, pourquoi l'employeur enverrait-il à ses avocats un chèque de 72 500 $ payable au nom des avocats du demandeur en leur donnant instructions de régler tous les aspects fiscaux avant de remettre le chèque? À cet égard le témoignage de l'avocate de l'employeur est des plus instructifs :

Question du juge :

I don't know quite what he was doing there, I mean it's his obligation... Datapoint's obligation to do something, of course, not yours.

Réponse de Me Beaulieu :

Well, if I had... I can't tell you from recall because I don't remember, and I'm sorry but I just can't. But if I had received this letter I would probably have called Mr. Oyagi and say: look, I don't understand. Either, if he told me for example that the settlement was seventy-two thousand (72,000) net, I would have told him: fine, I have your cheque, I don't understand your last two paragraphs though, do you... you know. Or if the settlement was seventy-two thousand (72,000) gross, I would have told them: look, I'm returning the cheque, I can't process it because I have... there some monies that have to be taken out of that. So, to me, if Mr. Suermondt, and now again I'm not talking about recall so I'm not breaching any confidentiality for Datapoint, I don't remember. But if Mr. Suermondt did receive this amount of money, I must have spoken to Mr. Oyagi, I mean it's unheard of that I would send the cheque without having a release signed and without having done or at least inform them as to income tax and unemployment law. It's basic.

[13]            Même si Me Beaulieu indique clairement qu'elle ne témoigne pas de mémoire, elle affirme sans équivoque et de façon catégorique qu'elle n'aurait pas remis le chèque aux avocats du demandeur si le montant en question avait été un montant brut et qu'elle aurait parlé au président de Datapoint à ce sujet avant de remettre le chèque.

[14]            C'est donc que le témoignage du demandeur, cru par le premier juge, est aussi corroboré par la preuve documentaire et testimoniale émanant de l'employeur et de sa représentante à l'époque, Me Beaulieu. Le seul élément de preuve qui va dans le sens contraire est le relevé d'emploi émis bien après le fait par la compagnie qui succéda à Datapoint. Il ne s'agit pas là d'un élément de preuve qui peut être probant dans les circonstances, et le premier juge semble d'ailleurs n'y avoir accordé aucune importance.


[15]            Somme toute, la preuve indique sans équivoque que l'entente négociée portait sur le paiement d'une allocation de retraite de 111 540 $ et, partant, le premier juge se devait de conclure que la différence entre cette somme et la somme effectivement versée au demandeur fut retenue par l'employeur.

[16]            La demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision de la Cour canadienne de l'impôt sera annulée et l'affaire sera renvoyée à ladite Cour pour qu'elle la juge à nouveau en tenant pour acquis que l'appel du contribuable doit être accueilli et la cotisation déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation à la lumière des présents motifs. Le demandeur aura droit au remboursement des frais encourus à l'occasion de la demande de contrôle judiciaire.

                                                                                        « Marc Noël »               

                                                                                                     j.c.a.                       

Montréal (Québec)

15 mai 2001


                                               

                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                               SECTION D'APPEL

Date : 20010515

Dossier : A-453-99

Entre :

                      FRANÇOIS J. SUERMONDT

                                                                             Demandeur

                                              ET

                          SA MAJESTÉ LA REINE

                                               et

          LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                             Défendeurs

                                                                                                                             

             MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

                                                                                                                              


                                                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                                         SECTION D'APPEL

                          NOMS DES PROCUREURS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    A-453-99

CORAM :                                  LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NOËL

INTITULÉ :                                                   FRANÇOIS J. SUERMONDT

                                                                                                                                                                 Demandeur

                                                                                        ET

                                                                    SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                         et

                                                    LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                                 Défendeurs

LIEU DE L'AUDIENCE :                            Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                           Le 15 mai 2001

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR DE :

L'HONORABLE JUGE NOËL

EN DATE DU :                                             15 mai 2001

COMPARUTIONS:

Monsieur François J. Suermondt

Saint-Laurent (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

(lui-même)

Me Anne-Marie Boutin

POUR LES DÉFENDEURS

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:


Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LES DÉFENDEURS

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