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Date : 20021112

Dossier : A-2-02

Référence neutre : 2002 CAF 446

CORAM :       LE JUGE STRAYER

LE JUGE NADON

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                                                       FARSIDE CLOTHING LTD. et

                                                          FARSIDE SKATEBOARDS

                                                             & SNOWBOARDS LTD.

                                                                                                                                                     appelantes

                                                                                   et

                                                       CARICLINE VENTURES LTD.

                                                                                                                                                           intimée

                     Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 12 novembre 2002.

        Jugement prononcé à l'audience à Vancouver (Colombie-Britannique), le 12 novembre 2002.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :     LE JUGE EVANS

Y ONT SOUSCRIT : LES JUGES STRAYER et NADON


Date : 20021112

Dossier : A-2-02

Référence neutre : 2002 CAF 446

CORAM :       LE JUGE STRAYER

LE JUGE NADON

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                                                       FARSIDE CLOTHING LTD. et

                                                          FARSIDE SKATEBOARDS

                                                             & SNOWBOARDS LTD.

                                                                                                                                                     appelantes

                                                                                   et

                                                       CARICLINE VENTURES LTD.

                                                                                                                                                           intimée

                                              MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

                              (prononcés à l'audience à Vancouver (Colombie-Britannique)

                                                                le 12 novembre 2002.)

LE JUGE EVANS

A.        INTRODUCTION

        Caricline Ventures Ltd. est la propriétaire de la marque de commerce PHARSYDE, qui a été enregistrée au Canada en vue d'être utilisée en liaison avec toute une gamme de vêtements, chaussures et accessoires. Les marchandises sont vendues au magasin PHARSYDE à Vancouver.

[2]                 Caricline a délivré deux déclarations alléguant la contrefaçon de sa marque PHARSYDE par les défenderesses. Dans la première action, les défenderesses sont ZZTY Holdings Limited et Azim Zone Inc. qui exploitaient des magasins de vêtements à Toronto, sous le nom de « Farside Clothing Co. » . Dans la deuxième action, les défenderesses, Farside Clothing Ltd. et Farside Skateboards & Snowboards Ltd., exploitent des magasins de détail à Edmonton où elles vendent des vêtements et des articles de sport sous la marque de commerce, FARSIDE. Chacune des entreprises appartient à un membre de la famille Devji.

[3]                 Les défenderesses ont allégué que la marque de commerce, PHARSYDE, enregistrée par la demanderesse était invalide et, dans une demande reconventionnelle, ont demandé sa radiation. Les deux actions ont été entendues ensemble, et une seule série de motifs a été prononcée. Le juge du procès, le juge O'Keefe, a statué que la marque de commerce de la demanderesse était valide et a rejeté la demande reconventionnelle; il a accueilli l'action en contrefaçon de la demanderesse : Caricline Ventures Ltd. c. ZZTY Holdings Limited and Azim Zone Inc., 2001 CFPI 1342. Les défenderesses, que nous appellerons maintenant les appelantes, ont interjeté appel contre ce jugement.


[4]                 Les appelantes font valoir que le juge a commis une erreur en concluant qu'elles n'avaient pas prouvé que la marque de commerce enregistrée de l'intimée était invalide, soit sur la base de l'article 17 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, en raison de son emploi antérieur par les appelantes, soit sur la base de l'article 18, parce qu'elle avait cessé d'être distinctive en septembre 1997 lorsque les appelantes avaient introduit leur demande reconventionnelle contestant la validité de la marque.

[5]                 Sans abandonner l'argument fondé sur l'emploi antérieur, l'avocate a axé presque toutes ses observations orales sur la question du caractère distinctif. Nous examinons d'abord cette question sur le fond, sans décider si le juge avait à bon droit conclu que les appelantes ne l'avaient pas bien invoqué dans leur défense.

B.        CARACTÈRE DISTINCTIF

[6]                 La théorie des appelantes à cet égard voudrait que leur emploi de la marque FARSIDE entre juin 1995 et septembre 1997 en liaison avec des marchandises qui sont semblables à celles liées à la marque PHARSYDE a fait perdre à la marque de commerce de l'intimée tout caractère distinctif qu'elle aurait pu avoir lorsque l'intimée a déposé une demande pour la marque en avril 1995. L'argument de l'avocate était que le juge O'Keefe avait commis une erreur de droit en considérant que l'emploi de la marque FARSIDE par les appelantes en liaison avec leurs marchandises n'avait aucune pertinence parce qu'il s'agissait d'une contrefaçon.


[7]                 Elle a formulé deux observations à l'appui de cet argument. En premier lieu, il n'est pas de règle que le caractère distinctif d'une marque ne peut être réfuté par la preuve d'un emploi antérieur constituant la contrefaçon par la personne qui la conteste. En second lieu, l'emploi par les appelantes de leur marque FARSIDE avant l'enregistrement de la marque de l'intimée en janvier 1997 ne constituait pas une contrefaçon : l'intimée avait demandé une marque de commerce projetée. Les appelantes ne prenaient pas appui sur leur conduite après qu'elles eurent pris connaissance de la marque PHARSYDE par suite d'une mise en demeure qui leur avait été envoyée plus tard en janvier, très peu de temps après l'enregistrement de la marque.

[8]                 Nous ne sommes pas persuadés que le juge n'a pas appliqué le bon critère juridique. La phrase apparaissant dans les motifs sur laquelle l'avocate s'appuie fortement n'étaye pas son argument. Le juge O'Keefe a déclaré (au paragraphe 74) : « En ce qui concerne la marque de la demanderesse, les défenderesses sont les seules personnes à qui l'on reproche d'avoir contrefait ou affaibli la marque de la demanderesse. » Cette déclaration est vraie. Toutefois, l'avocate soutient que cela veut dire que l'emploi constituant une contrefaçon n'est pas pertinent aux fins de l'article 17, ce qui, en tant que proposition juridique, est fausse.

[9]                 Nous ne souscrivons pas à cette interprétation de ce que le juge a dit. Il n'a pas dit qu'un tel usage était sans pertinence quant à la perte du caractère distinctif. De fait, les extraits qu'il a cités de l'ouvrage de Fox intitulé The Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition, 3e éd. (Toronto: Carswell; 1972), font ressortir que l'emploi antérieur constituant une contrefaçon peut faire perdre à une marque son caractère distinctif, bien que la question de savoir dans quelle mesure il faudrait le faire pour atteindre un tel résultat a été jugée être une question difficile. Il s'agit d'une question de degré.


[10]            Nous ne sommes pas non plus persuadés que le juge ne tenait effectivement compte que de l'emploi antérieur constituant une contrefaçon. Le fait qu'il ait parlé de la « contrefaçon ou de l'affaiblissement » laisserait entendre qu'il était conscient que tout l'emploi antérieur par les appelantes ne constituait pas une contrefaçon.

[11]            L'avocate a également fait valoir que, même si le juge avait utilisé le critère applicable, sa conclusion selon laquelle la marque de l'intimée était distinctive était manifestement fausse, parce que le propriétaire de l'intimée avait présenté au cours de son témoignage la preuve d'une confusion réelle au sujet de la question de savoir s'il y avait un lien entre les magasins de l'intimée et ceux des appelantes. En particulier, il a déclaré qu'environ deux personnes par mois soulevaient la question. Les questions provenaient en particulier de fournisseurs, et d'autres personnes travaillant dans le même commerce, bien qu'il ait également rappelé qu'un client l'avait également soulevée.


[12]            Le juge s'est fondé sur ce qu'il a décrit comme une campagne publicitaire de grande envergure menée dans la région de Vancouver par l'intimée de 1996 à 1998 comme preuve des efforts visant à assurer le caractère distinctif de PHARSYDE, ainsi que sur la reconnaissance du magasin dans un journal communautaire et sur des articles élogieux publiés dans deux journaux à grand tirage. Là encore, à notre avis, on ne saurait dire que la conclusion du juge était, compte tenu de la preuve dont il était saisi, si manifestement erronée au point de constituer une erreur manifeste et dominante. La preuve de la confusion réelle n'était pas si prépondérante au point de rendre déraisonnable la conclusion du juge O'Keefe sur la question du caractère distinctif. Il lui était donc loisible, en tenant compte de l'ensemble de la preuve, de conclure que les appelantes n'avaient pas établi qu'il n'était pas raisonnablement probable que les consommateurs identifieraient PHARSYDE avec une seule source.

C.        EMPLOI ANTÉRIEUR

(i) Qualité des appelantes pour contester la marque de l'intimée

[13]            La demande de radiation d'une marque de commerce fondée sur l'article 17 de la Loi ou sur l'emploi antérieur d'une autre personne ou sur la confusion avec une autre marque, ne peut être introduite que par l'auteur de la demande d'enregistrement d'une autre marque ou par son successeur en titre. Lorsque la demande d'enregistrement de la marque FARSIDE a été présentée, en 1998, l'auteur de la demande n'était pas l'une des appelantes, mais une société à matricule qui faisait affaire sous la dénomination Déja Vu. M. Hafis Devji était propriétaire de la société, ainsi que de Farside Clothing Ltd. Par conséquent, pour établir la qualité afin de présenter une demande reconventionnelle en radiation de la marque PHARSYDE, les appelantes devaient établir que la société à matricule leur avait transféré la marque FARSIDE.


[14]            Il a été admis qu'il n'y avait aucune constatation écrite du transfert de la marque de la société à matricule à Farside Clothing. M. Devji a reconnu que la marque n'a pas été vendue par sa société à matricule à Farside Clothing, parce que dans son esprit il ne faisait aucune distinction entre les deux entreprises. De surcroît, en octobre 1998, M. Devji avait remarqué que le nom de la marque dont l'enregistrement était demandé était celui de FAR SIDE; il avait alors modifié la demande pour indiquer le nom FARSIDE. Toutefois, il n'avait pas demandé aussi à changer la demande pour indiquer que le nom de l'auteur était Farside Clothing, au lieu de la société à matricule.

[15]            À notre avis, cette preuve était suffisante pour permettre au juge de conclure que les appelantes n'avaient pas prouvé que la marque avait été transférée à Farside Clothing. Le fait qu'il n'ait pas expressément considéré si on pouvait déduire qu'il y avait eu transfert sur la base du témoignage de Hafis Devji, que le juge a décrit (au paragraphe 42) comme étant « incertain » et qui a « témoigné de mémoire » , ne constitue pas une erreur dominante et manifeste justifiant l'intervention de la présente Cour.

(ii) Emploi antérieur

[16]            Pour avoir gain de cause dans une demande de radiation d'une marque de commerce présentée en vertu de l'article 17 de la Loi sur les marques de commerce, l'auteur de la demande doit démontrer qu'une autre personne a antérieurement utilisé une marque de commerce créant de la confusion. Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, notamment, lors du transfert de la propriété de ces marchandises, « dans la pratique normale du commerce » , elle est apposée sur les marchandises mêmes.


[17]            En plus de conclure qu'il n'y avait pas eu emploi antérieur par les appelantes, le juge a également rejeté l'argument de celles-ci fondé sur l'article 17 parce qu'elles n'avaient pas prouvé que la marque FARSIDE était utilisée comme une marque de commerce pour distinguer leurs marchandises, plutôt que comme une particularité dans la conception, ou que, s'il s'agissait d'une marque de commerce, il y avait confusion entre elle et la marque PHARSYDE. Toutefois, compte tenu de notre conclusion sur la question de l'emploi antérieur, il n'est pas nécessaire d'examiner ces autres questions.

[18]            L'emploi antérieur par les défenderesses de la marque FARSIDE devait s'être produit avant le 4 avril 1995, date à laquelle l'intimée avait déposé la demande d'enregistrement de la marque PHARSYDE. Étant donné que Farside Clothing n'a commencé à exploiter un magasin qu'en juin 1995, il n' y avait eu aucun emploi antérieur de la marque de l'intimée en liaison avec des services. Le seul emploi antérieur pertinent de la marque aurait par conséquent été en liaison avec des marchandises.

[19]            Le juge n'a relevé aucune preuve de vente au détail de marchandises en liaison avec la marque FARSIDE. Il n'était pas disposé à déduire de la preuve du transfert des vêtements portant la marque FARSIDE des magasins Déja Vu et Glasshead aux magasins Farside, que les magasins Farside avaient effectivement vendu des vêtements au public. Il a fait remarquer que les dirigeants des appelantes avaient témoigné que ces ventes avaient eu lieu, mais, en l'absence de toute preuve documentaire qu'il y avait réellement eu vente de marchandises en liaison avec la marque FARSIDE (par exemple des chiffres de vente et des factures), il n'estimait pas que leur témoignage était propre à décharger les appelantes du fardeau de preuve qui leur incombait.


[20]            En dernière analyse, l'objection de l'avocate était fondée sur le fait que le juge avait commis une erreur en « ignorant » le témoignage oral des dirigeants des appelantes qui avaient, tous les deux, affirmé que des ventes avaient été effectuées et expliqué pourquoi les factures ne montraient pas l'existence des ventes ou les chiffres de vente de marchandises en liaison avec la marque FARSIDE. À notre avis, en fait, l'avocate nous demandait tout simplement d'accorder plus d'importance au témoignage oral que le juge ne l'avait manifestement fait et de faire une déduction de la vente des marchandises aux magasins Farside, déduction que le juge n'a pas faite. Comme la Cour suprême l'a clairement indiqué dans l'arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, il n'appartient pas au tribunal d'appel d'intervenir dès lors qu'il est convaincu, ainsi que nous le sommes, que la conclusion de fait tirée par le juge en était une qu'il pouvait raisonnablement tirer compte tenu de la preuve dont il était saisi.

D.        CONCLUSION

[21]            Pour ces motifs, l'appel est rejeté avec dépens.

  

                                                                                                                                          « John M. Evans »   

                                                                                                                                                                 Juge           

    

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION D'APPEL

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

    

DOSSIER :                                           A-2-02

INTITULÉ :                                        Farside Clothing Ltd. et al. c. Caricline Ventures Ltd.

                                                                                   

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

  

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 12 novembre 2002

  

MOTIFS DU JUGEMENT :           LE JUGE EVANS

Y ONT SOUSCRIT :                         LE JUGE STRAYER

LE JUGE NADON

  

DATE DES MOTIFS :                      Le 12 novembre 2002

   

COMPARUTIONS :

Carmen Plante                                                                               POUR LES APPELANTES

Keith Mitchell

Kevin Wright                                                                                   POUR L'INTIMÉE

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bishop & McKenzie LLP

Edmonton (Alberta)                                                                        POUR LES APPELANTES

Davis & Company

Vancouver (Colombie-Britannique)                                               POUR L'INTIMÉE

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