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Date : 19980918


Dossier : A-613-96

CORAM :      MADAME LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE DÉCARY

         LE JUGE NOËL

ENTRE :

     BOUTIQUE LIMITÉ INC.,

     appelante,

     et

     LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

     intimé,

     et

     LIMCO INVESTMENTS, INC.,

     intimée.

ET :      Dossier : A-622-96

     LIMCO INVESTMENTS, INC.,

     appelante,

     et

     HELLER CLARKE BLOND, pour le compte de BOUTIQUE LIMITÉ INC.,

     intimé,

     et

     LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

     intimé.

Audience tenue à Montréal (Québec), le lundi 14 septembre 1998.

Jugement rendu à l'audience à Montréal (Québec), le vendredi 18 septembre 1998.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PRONONCÉS PAR MADAME LE JUGE DESJARDINS.


Date : 19980918


Dossier : A-613-96

CORAM :      MADAME LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE DÉCARY

         LE JUGE NOËL

ENTRE :

     BOUTIQUE LIMITÉ INC.,

     appelante,

     et

     LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

     intimé,

     et

     LIMCO INVESTMENTS, INC.,

     intimée.

ET :      Dossier : A-622-96

     LIMCO INVESTMENTS, INC.,

     appelante,

     et

     HELLER CLARKE BLOND, pour le compte de BOUTIQUE LIMITÉ INC.,

     intimé,

     et

     LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

     intimé.



     MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

     (prononcés à l'audience le vendredi 18 septembre 1998)

LE JUGE DESJARDINS

[1]      Il s'agit de deux appels interjetés à l'égard d'un jugement dans lequel la Section de première instance a confirmé la décision du registraire des marques de commerce (" le registraire "), qui a statué que la marque de commerce " THE LIMITED " (" la marque "), enregistrée au nom de Limco Investment Inc. (" Limco "), était employée au Canada au cours de la période prescrite à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce1 en liaison avec les services enregistrés de Limco, mais non en liaison avec les marchandises enregistrées de celle-ci.

[2]      Dans le dossier de la Cour numéro A-613-96, l'appelante Boutique Limité Inc. interjette appel de la décision dans laquelle le juge de première instance a conclu que la marque avait été employée au Canada en liaison avec les services. Dans le dossier de la Cour numéro A-622-96, l'appelante Limco Investment Inc. interjette appel de la décision rendue au sujet des marchandises enregistrées.

[3]      Les deux affaires ayant été réunies et entendues ensemble, un seul jugement sera rendu et versé dans les deux dossiers.

[4]      La marque " THE LIMITED " couvrait les marchandises suivantes :

         [TRADUCTION] Vêtements pour dames et jeunes filles, soit des robes, des manteaux, des jupes, des pantalons, des blouses, des chemises, des écharpes, des ceintures, des chapeaux, des sous-vêtements, des bas et des chaussures

et les services suivants :

         [TRADUCTION] Services de vente au détail de vêtements pour dames.

Les marchandises (dossier de la Cour no A-622-96)

[5]      Le registraire n'était pas satisfait de la preuve dont il était saisi, étant donné que les déposants avaient simplement déclaré que la marque était employée en liaison avec les marchandises sans le démontrer. Plus précisément, ils n'avaient donné aucune précision, selon lui, au sujet des marchandises qui avaient été expédiées au Canada. De plus, la preuve ne couvrait pas toutes les marchandises mentionnées dans l'enregistrement.

[6]      Devant le juge de première instance, Limco a déposé dix autres affidavits afin d'établir la vente au Canada des marchandises en question. Toutefois, le juge de première instance n'a pas examiné cette nouvelle preuve, parce qu'il croyait [TRADUCTION] " que Limco avait cherché principalement à répondre à la contestation de Boutique au sujet des services ". Il nous appartient donc à nous d'examiner cette nouvelle preuve.

[7]      Nous sommes tous convaincus que cette preuve, qu'elle soit examinée seule ou de concert avec les éléments de preuve portés à l'attention du registraire, n'établit pas la vente de l'une ou l'autre des marchandises énumérées dans le cours normal des activités commerciales2 au cours de la période concernée3. Le registraire n'a commis aucune erreur susceptible de révision en ce qui a trait aux affidavits dont il était saisi. Dans le cas des nouveaux affidavits, nous constatons un manque constant de précision en ce qui a trait aux dates auxquelles chaque marchandise aurait été vendue. De plus, certaines clientes, comme Mmes Orna Hilberger et Sabina Sternthal, ont indiqué clairement que les marchandises qu'elles ont acquises étaient achetées aux États-Unis. Certaines déclarations émanant d'employées comme Mme Dana Calvert, Leslie D. Beeman, Michelle Carlson, Jerelyn Kjellsen et Christine B. Alflen renferment des affirmations imprécises au sujet de quelques marchandises qui auraient été vendues par téléphone, mais ne sont fondées sur aucun document justificatif établissant la vente ou l'expédition des marchandises au Canada et la date de ces opérations. Cette lacune est particulièrement évidente dans le cas de Mme Calvert. Le fait qu'elle travaillait pour Limco depuis 1984, c'est-à-dire avant la date limite du 21 janvier 1991, ne la soustrait pas en soi à l'obligation d'établir la vente des marchandises précises au cours de la période pertinente. Dans d'autres cas relatés par les déposants, il est loin d'être évident que la vente a eu lieu au Canada. Ce que disent ces déposants, c'est que des acheteurs canadiens sont allés aux États-Unis pour acheter les marchandises en question et que les mesures de livraison nécessaires ont été prises. Dans son affidavit, Mme Kjellsen atteste que les ventes ont été consenties en faveur de Canadiens qui téléphonaient depuis leurs domiciles au Canada. Toutefois, ces déclarations n'indiquent pas la date de l'achat et, étant donné que Mme Kjellsen travaille pour Limited Store depuis 1992, ces ventes n'auraient pu être conclues sans la remise d'un avis. Il en va de même dans le cas de Mme Christine B. Alflen, qui est devenue employée en août 1993.

[8]      Nous en arrivons donc à la conclusion que Limco n'a pas prouvé, comme elle devait le faire, l'emploi de sa marque au Canada en liaison avec ses marchandises au cours de la période pertinente.

[9]      Par conséquent, l'appel interjeté dans le dossier de la Cour no A-622-96 sera rejeté. La question des frais sera tranchée dans le dossier de la Cour no A-613-96.

Les services (dossier de la Cour no A-613-96)

[10]      Le juge de première instance a confirmé la décision au motif que celle-ci était justifiée, compte tenu de la preuve dont le registraire était saisi.

[11]      La preuve portée à l'attention du registraire se composait d'affidavits de deux dirigeants de Limco, soit MM. Jones et Schultze.

[12]      Il appert de ces affidavits que, même si Limco n'avait aucun magasin au Canada, les clients canadiens téléphonaient régulièrement à différents magasins " The Limited Stores " des États-Unis et passaient des commandes de marchandises qui leur étaient subséquemment livrées à leurs adresses domiciliaires au Canada. Les affidavits indiquent également que Limco fournissait des services de carte de crédit à un certain nombre de clients canadiens en liaison avec la marque de commerce THE LIMITED et que la société The Limited Stores Inc. offrait des services de garantie et de remboursement aux clients canadiens.

[13]      Après avoir cité le jugement que le juge Addy a rendu dans l'affaire Saks & Co. c. Canada (registraire des marques de commerce)4, le registraire s'est ensuite exprimé comme suit5 :

         [TRADUCTION] J'aurais été enclin à modifier la description des services enregistrés du propriétaire de façon à la limiter aux services effectivement assurés au Canada, mais le juge Addy n'a pas imposé cette restriction dans l'arrêt Saks. L'enregistrement est donc confirmé dans le cas des services.

[14]      Le registraire a mal compris le sens de l'arrêt Saks.

[15]      Il s'agit d'un jugement dans lequel la Cour a conclu à l'emploi des marchandises au Canada. Ce qui a été établi dans l'arrêt Saks, c'est que, lorsqu'un propriétaire qui n'exploite aucune boutique au Canada désire prouver l'utilisation de sa marque en liaison avec des services de vente au détail dans un grand magasin, il doit porter à l'attention du registraire ou du juge des éléments de preuve suffisamment détaillés pour permettre à celui-ci de décider si des services de vente au détail dans un grand magasin sont offerts. Il n'est pas nécessaire que nous nous prononcions ici sur le bien-fondé de l'arrêt Saks. Comme nous l'expliquerons plus loin, la preuve présentée en l'espèce est tout simplement insuffisante pour nous permettre de faire une comparaison avec la situation factuelle exposée dans l'affaire Saks.

[16]      Étant donné qu'une vente à un Canadien aux États-Unis n'équivaut pas à l'emploi d'une marque dans le cours normal des activités au Canada et que Limco n'avait aucun magasin au Canada, les seules ventes possibles devaient être faites au moyen de commandes téléphoniques. Ayant radié les marchandises de l'enregistrement du fait que le propriétaire n'avait pas prouvé l'emploi de l'une ou l'autre de ses marchandises enregistrées au Canada au cours de la période concernée, le registraire ne pouvait conclure qu'un service téléphonique avait été employé au Canada ou que du crédit avait été accordé au moyen d'une carte de crédit LIMITED relativement à ces marchandises.

[17]      Ce qui restait était la livraison au Canada d'une marchandise achetée aux États-Unis ou un remboursement en liaison avec une vente survenue aux États-Unis. La preuve que Limco a présentée au sujet de la livraison se composait de deux relevés de ramassage, l'un daté du 16 août 1990 et l'autre qui portait une date illisible, mais sur lequel figurait le nom de United Postal Services et non la marque de Limco. Le remboursement ne suffit pas pour justifier un enregistrement à l'égard des [TRADUCTION] " services de vente au détail de vêtements pour dames " au Canada.

[18]      Enfin, Limco a présenté au juge de première instance des éléments de preuve concernant la publicité qu'elle avait faite par l'entremise de différentes revues de mode bien connues. Cette preuve en soi ne suffit pas non plus pour confirmer l'existence des services mentionnés dans le registre. Il a été établi que l'annonce d'une marque de commerce dans une publication distribuée au Canada ne constitue pas un emploi de la marque de commerce au Canada au sens de la Loi6.

[19]      L'appel interjeté dans le dossier de la Cour no A-613-96 sera donc accueilli, les décisions rendues par la Section de première instance et par le registraire seront annulées et l'enregistrement no 262,055 sera radié en entier.

[20]      Un ensemble de frais sont adjugés dans les dossiers de la Cour nos A-613-96 et A-622-96, tant pour l'instruction en première instance que pour l'appel.

                             Alice Desjardins

                                         J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION D'APPEL

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  A-613-96

APPEL D'UN JUGEMENT DE LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE EN DATE DU 13 JUIN 1996, DOSSIER No T-619-94 DE LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Boutique Limité Inc. c. Le registraire des marques de commerce et al
LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE :              14 septembre 1998
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :      (Madame le juge Desjardins et les juges Décary et Noël)
PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR :           Madame le juge Desjardins

ONT COMPARU :

Me Michael Heller                      pour l'appelante

Me Jean-François Buffoni

Me Isabelle Jomphe                      pour les intimés

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Michael E. Heller                  pour l'appelante

Heller Gottlieb & Foldiak

Montréal (Québec)

Me Jean-François Buffoni                  pour l'intimée (Limco)

Martineau, Walker

Montréal (Québec)

Me Morris Rosenberg                  pour l'intimé (P.G.C.)

Sous-procureur général

du Canada

Ottawa (Ontario)

__________________

     1 L.R.C. (1985), ch. T-13, article 45. Le registraire a remis un avis à Limco le 21 janvier 1991, à la demande de Boutique Limité Inc.

     2 Articles 2 et 4 de la Loi.

     3 John Labatt Ltée c. Rainier Brewing Co. (1984), 80 C.P.R. (2d) 228 (C.A.F.); Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1987), 17 C.P.R. (3d) 237 (C.A.F.); Boutiques Progolf Inc. c. Marks & Clerk (1993), 54 C.P.R. (3d) 451 (C.A.F.).

     4 (1989), 24 C.P.R. (3d) 49, p. 60-61 (C.F. 1re inst.).

     5 Dossier d'appel, vol. I, p. 140.

     6 Parker-Knoll Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1977), 32 C.P.R. (2d) 148, p. 150 (C.F. 1re inst.).

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