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Date_: 20050415

Dossier_: A-579-04

Référence : 2005 CAF 134

EN PRÉSENCE DE LA JUGE SHARLOW

ENTRE_:

                                                                  APOTEX INC.

                                                                                                                                            appelante

                                                                                                   (demanderesse reconventionnelle)

                                                                             et

                           ELI LILLY AND COMPANY et ELI LILLY CANADA INC.

                                                                                                                                              intimées

                                                                                                 (défenderesses reconventionnelles)

                                                                             et

                                                         SHIONOGI & CO. LTD.

                                                                                                                                                intimée

                                                                                                     (défenderesse reconventionnelle)

                                    Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

                                   Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 13 avril 2005.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                                                   LA JUGE SHARLOW


Date_: 20050415

Dossier_: A-579-04

Référence : 2005 CAF 134

EN PRÉSENCE DE LA JUGE SHARLOW

ENTRE_:

                                                                  APOTEX INC.

                                                                                                                                            appelante

                                                                                                   (demanderesse reconventionnelle)

                                                                             et

                           ELI LILLY AND COMPANY et ELI LILLY CANADA INC.

                                                                                                                                              intimées

                                                                                                 (défenderesses reconventionnelles)

                                                                             et

                                                         SHIONOGI & CO. LTD.

                                                                                                                                                intimée

                                                                                                     (défenderesse reconventionnelle)

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SHARLOW


[1]                Le 28 février 2005, le commissaire de la concurrence a déposé un avis de requête pour obtenir la permission d'intervenir à l'appel. Il s'agit de l'appel de la décision Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc. (2004), 35 C.P.R. (4th) 155 (C.F.), par laquelle le juge Hugessen a accueilli la requête des défenderesses et rejeté par jugement sommaire une partie de la demande reconventionnelle d'Apotex dans une action en contrefaçon de brevet.

[2]                Apotex alléguait que Lilly avait contrevenu à l'article 45 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. 34, en acquérant des brevets de Shionogi & Co. Ltd., s'assurant ainsi le contrôle exclusif de tous les procédés rentables de fabrication du céfaclor. En autorisant le rejet sommaire de ces allégations, le juge Hugessen a conclu que l'article 45 de la Loi sur la concurrence peut s'appliquer à une entente concernant l'exercice des droits de brevet, mais que l'acquisition des brevets en cause par Lilly ne contrevenait pas à l'article 45.

[3]                L'étendue de l'intervention envisagée est décrite dans le premier paragraphe des observations du commissaire sur la requête en intervention, ainsi libellé :

[traduction] La présente est une demande du commissaire de la concurrence pour obtenir l'autorisation d'intervenir dans le présent appel, afin de présenter des observations ainsi qu'une preuve par affidavit concernant l'élaboration et le sens du document Propriété intellectuelle - Lignes directrices pour l'application de la loi (2000) et des lignes directrices semblables aux É.-U. et dans l'U.E., à l'égard de deux points litigieux soulevés par cet appel_:

(i)         l'article 50 de la Loi sur les brevets empêche-t-il l'application de l'article 45 (et de l'article 36) de la Loi sur la concurrence (la Loi) à la cession de brevets?

(ii)         le juge des requêtes avait-il raison d'affirmer que ses conclusions au sujet de la question mentionnée ci-haut sont entièrement compatibles avec les lignes directrices formulées par le commissaire?


[4]                Ainsi, le but de l'intervention envisagée est, si je ne m'abuse, de permettre au commissaire de faire des observations sur le bien-fondé de certaines conclusions de droit énoncées dans la décision frappée d'appel, ainsi que d'expliquer en quoi ces conclusions sont conformes au document Propriété intellectuelle - Lignes directrices pour l'application de la loi publié par le commissaire. Ces observations traitent principalement de la théorie du droit de la concurrence.

[5]                Apotex consent à l'intervention du commissaire. Pour des raisons qui deviendront évidentes, les intimées n'ont pas encore déposé un dossier de requête au sujet de la requête en intervention.

[6]                Au soutien de sa requête en intervention, le commissaire a déposé l'affidavit de Gwillym Allen, agent de commerce à l'emploi du commissaire au Bureau de la concurrence, souscrit le 25 février 2005. L'affidavit de M. Allen se lit en partie comme suit_:

[traduction] 3. Le commissaire n'a pas commencé d'investigation ou d'enquête en vertu de la Loi sur la concurrence (la Loi) au sujet des questions mentionnées ou abordées dans le présent litige. Sa participation éventuelle se limiterait à contribuer à l'examen par la Cour de l'interprétation à donner à la Loi et à la Loi sur les brevets, en aidant la Cour à comprendre le rôle de la Loi et des lignes directrices en ce qui concerne les droits de propriété intellectuelle.

4. Plus précisément, le commissaire dans le présent appel s'intéresse uniquement aux conclusions suivantes du juge Hugessen basées sur l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Molnlycke AB c. Kimberley-Clark of Canada Ltd. et al. (1991), 36 CPR (3d) 493:


(a)        « [...] la Loi sur les brevets n'a pas pour effet de protéger contre la responsabilité, en vertu de la Loi sur la concurrence, tout accord susceptible de porter également sur l'exercice de droits attachés aux brevets. Toutefois, lorsqu'un accord ne vise que des droits de brevet et qu'il est autorisé expressément par la Loi sur les brevets, la diminution de la concurrence qui en résulte, parce qu'elle est autorisée par le législateur, n'est pas « indue » et n'est pas une infraction en vertu de l'article 45 » [non souligné dans l'original]

(b)        que cette conclusion est « tout à fait compatible avec le document Propriétéintellectuelle - Lignes directrices pour l'application de la loi publié par le Bureau de la concurrence » .

[7]                Lilly a signifié à M. Allen une assignation à comparaître au contre-interrogatoire sur son affidavit. L'assignation à comparaître comprend l'obligation d'apporter avec lui les documents suivants :

[traduction]

1.         toute lettre, tout courriel ou toute autre communication entre Apotex Inc., ses mandataires ou son procureur avec le commissaire, ses employés ou les avocats du Bureau de la concurrence, ainsi que les notes au sujet de ces communications;

2.         toute note, note de service, lettre, communication ou autre document au sujet de la présente procédure, de l'interprétation de l'article 45 ou de l'impact de la présente procédure sur les activités de contrôle d'application de la Loi menées par le Bureau;

3.         toute note, note de service, lettre, communication ou autre document au sujet de l'interprétation de Molnlycke AB c. Kimberly-Clark ;

4.         toute note, note de service, lettre, communication ou autre document au sujet de l'analyse par le Bureau des faits entourant la présente procédure, établi dans le cadre décrit au paragraphe 7 de l'affidavit de M. Allen, et notamment toute décision rendue.


[8]                Le commissaire me présente une requête demandant la radiation de cet extrait de l'assignation à comparaître au motif que les documents demandés ne sont pas pertinents quant à la requête en intervention du commissaire, qu'ils font partie de dossiers confidentiels d'un organisme chargé de faire respecter la loi, et que les demandes sont excessivement larges, vagues et générales, constituant de ce fait une violation de la défense d'aller à la pêche aux informations. Il s'agit essentiellement d'une requête pour obtenir une dispense en vertu du paragraphe 94(2) des Règles de la Cour fédérale, 1998, DORS/98-106). Le paragraphe 94(2) dispose :

94 (2) La Cour peut, sur requête, ordonner que la personne ou la partie pour le compte de laquelle la personne est interrogée soient dispensées de l'obligation de produire pour examen certains des documents ou éléments matériels demandés dans l'assignation à comparaître, si elle estime que ces documents ou éléments ne sont pas pertinents ou qu'il serait trop onéreux de les produire du fait de leur nombre ou de leur nature.

94 (2) On motion, the Court may order that a person to be examined or the party on whose behalf that person is being examined be relieved from the requirement to produce for inspection any document or other material requested in a direction to attend, if the Court is of the opinion that the document or other material requested is irrelevant or, by reason of its nature or the number of documents or amount of material requested, it would be unduly onerous to require the person or party to produce it.

[9]                D'après le raisonnement du juge Hugessen dans Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale) (1997), 80 C.P.R. (3d) 550 (C.F. 1re inst.), confirmé par (1999), 3 C.P.R. (4th) 286 (C.A.F.), un document peut s'avérer pertinent quant au contre-interrogatoire de M. Allen si sa production peut aider la Cour à décider s'il convient d'autoriser l'intervention, par exemple si le document traite vraisemblablement d'un ou de plusieurs facteurs à considérer avant d'accorder l'autorisation d'intervenir.


[10]            Suivant le paragraphe 109(2), la personne qui demande l'autorisation d'intervenir dans un appel doit démontrer que l'intervention envisagée « aidera à la prise d'une décision sur toute question de fait et de droit se rapportant à l'instance » . Les facteurs à considérer dans la décision d'accorder ou de refuser l'autorisation d'intervenir sont énoncés dans Syndicat canadien de la fonction publique (Division du transport aérien) c. Lignes aériennes Canadien ltée, [2000] A.C.F. no 220 (QL) (C.A.F.), au paragraphe 8 :

1) La personne qui se propose d'intervenir est-elle directement touchée par l'issue du litige?

2) Y a-t-il une question qui est de la compétence des tribunaux ainsi qu'un véritable intérêt public?

3) S'agit-il d'un cas où il semble n'y avoir aucun autre moyen raisonnable ou efficace de soumettre la question à la Cour?

4) La position de la personne qui se propose d'intervenir est-elle défendue adéquatement par l'une des parties au litige?

5) L'intérêt de la justice sera-t-il mieux servi si l'intervention demandée est autorisée?

6) La Cour peut-elle entendre l'affaire et statuer sur le fond sans autoriser l'intervention?

[11]            Je ne me propose pas d'examiner toutes les prétentions de Lilly au soutien de sa demande de communication de documents, mais je vais exposer les deux points qui me semblent les plus importants.


[12]            Premièrement, Lilly demande que certains documents mentionnés soient déposés afin d'explorer la possibilité que le commissaire ait un autre mobile pour intervenir que son désir d'aider la Cour au sujet des questions de droit. Lilly semble être d'avis que la requête en intervention du commissaire serait minée si l'on conclut que le commissaire n'est pas « neutre » . À mon sens, des renseignements sur le mobile sous-jacent de l'intervention du commissaire dans le présent appel n'aideraient pas la Cour à déterminer si elle doit autoriser l'intervention, laquelle, je le répète, concerne uniquement des questions de droit.

[13]            Deuxièmement, il semble que certaines prétentions de Lilly soient fondées sur la prémisse erronée que le commissaire veut contester le bien-fondé de l'arrêtMolnlycke AB c. Kimberly-Clark of Canada Ltd., précité. Je n'interprète pas l'intervention envisagée par le commissaire comme visant autre chose que la contestation du bien-fondé de certains énoncés dans la décision sous appel en l'espèce.

[14]            Ayant pris connaissance de l'affidavit de M. Allen et des prétentions des parties, je suis d'accord avec la prétention du commissaire selon laquelle les documents que Lilly cherche à obtenir ne sont pas pertinents. Lilly a le droit de contre-interroger M. Allen au sujet de son affidavit, mais à mon avis M. Allen devrait être dispensé de l'obligation de produire les documents.

                    « K. Sharlow »                                                                                                                                          Juge

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                                A-579-04

INTITULÉ :                                         APOTEX INC. c. ELI LILLY AND COMPANY et

ELI LILLY CANADA INC. et SHIONOGI & CO. LTD.

                                                                                                                                                           

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                                LA JUGE SHARLOW

DATE :                                                                                    LE 13 AVRIL 2005

OBSERVATIONS ÉCRITES:

William Miller/Randall Hofley/Belinda Peres

POUR L'INTERVENANT PROPOSÉ, LE COMMISSAIRE DE LA CONCURRENCE

H.B. Radomski/David Scrimger/Miles Hastie

POUR L'APPELANTE

A. David Morrow/Colin B. Ingram

POUR L'INTIMÉE                    SHIONOGI & CO. LTD.

Patrick Smith/John Norman                                                          POUR LES INTIMÉES

                                      ELI LILLY AND COMPANY

                                      AND ELI LILLY CANADA INC.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ministère de la Justice

Hull (Québec)

POUR L'INTERVENANT PROPOSÉ, LE COMMISSAIRE DE LA CONCURRENCE

Goodmans LLP

Toronto (Ontario)

POUR L'APPELANTE

Smart & Biggar

Ottawa (Ontario)

POUR L'INTIMÉE                    SHIONOGI & CO. LTD.

Gowling Lafleur Henderson LLP

Ottawa (Ontario)

POUR LES INTIMÉES

ELI LILLY AND COMPANY

ET ELI LILLY CANADA INC.


Date: 20050415

Dossier: A-579-04

Ottawa (Ontario), le 15 avril 2005

En présence de LA JUGE SHARLOW

Entre:

                                                                  APOTEX INC.

                                                                                                                                            appelante

                                                                                                   (demanderesse reconventionnelle)

                                                                             et

                           ELI LILLY AND COMPANY et ELI LILLY CANADA INC.

                                                                                                                                              intimées

                                                                                                 (défenderesses reconventionnelles)

                                                                             et

                                                         SHIONOGI & CO. LTD.

                                                                                                                                                intimée

                                                                                                     (défenderesse reconventionnelle)

                                                                ORDONNANCE

1.          M. Gwillym Allen est dispensé de produire les documents mentionnés dans                       « l'assignation à comparaître » datée du 2 mars 2005, relativement au contre-interrogatoire par le procureur de Eli Lilly and Company et Eli Lilly Canada Inc. sur l'affidavit de M. Allen souscrit le 25 février 2005.


2.         La date d'audience pour le présent appel ne sera pas déterminée avant qu'il n'ait été disposé de la requête du commissaire de la concurrence.

3.         Les parties devront coopérer à la tenue diligente du contre-interrogatoire de M. Allen, de sorte que le dossier de requête des intimées relatif à la requête en intervention du commissaire de la concurrence (y compris, dans le cas de Eli Lilly and Company et Eli Lilly Canada Inc., la transcription du contre-interrogatoire de M. Allen) puisse être déposé au plus tard le 2 mai 2005. Cette échéance pourra être reportée d'au plus 30 jours avec le consentement de toutes les parties, ou par la Cour sur requête d'une des parties.

4.         Le commissaire de la concurrence et Apotex inc. ont droit aux dépens de la présente requête, lesquels devront être payés par les intimées Eli Lilly and Company et Eli Lilly Canada Inc., et ce, quelle que soit l'issue de la cause.

          (s) « K. Sharlow »                                                                                          Juge

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


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