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Date : 20040407

Dossier : A-185-01

Référence : 2004 CAF 151

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                                           FRANCIS MAZHERO

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                      LE CONSEIL CANADIEN DES RELATIONS INDUSTRIELLES,

                                          NYCOLE TURMEL ET PATRICIA DAWS

                                                                                                                                          défendeurs

                                    Affaire jugée sur pièces, sans la comparution des parties.

                                    Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 7 avril 2004.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                                                   LA JUGE SHARLOW


Date : 20040402

Dossier : A-185-01

Référence : 2004 CAF 151

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                                           FRANCIS MAZHERO

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                      LE CONSEIL CANADIEN DES RELATIONS INDUSTRIELLES,

                                          NYCOLE TURMEL ET PATRICIA DAWS

                                                                                                                                          défendeurs

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

La juge Sharlow


[1]                Cette affaire a débuté le 19 mars 2001, quand M. Mazhero a déposé un avis de demande de contrôle judiciaire en rapport avec un grief déposé par lui à l'encontre de son ancien employeur, le gouvernement territorial du Yukon. Une demande d'audience a été déposée, et l'administrateur de la Cour se prépare à fixer une date d'audience. Je suis saisie de plusieurs incidents interlocutoires. Dans sa lettre la plus récente adressée à la Cour le 1er avril 2004, M. Mazhero demandait officieusement à l'administrateur de planifier une séance spéciale de la Cour pour qu'elle dispose des incidents en question. Cette demande est rejetée.

[2]                Je commencerai par décrire les principaux documents soumis à la Cour ces dernières semaines.

[3]                Le 11 février 2004, M. Mazhero envoyait à la Cour, par télécopieur, un dossier de requête contenant un document intitulé « Avis de requête ex parte » , en vue d'obtenir une ordonnance suspendant la présente procédure et faisant droit à la demande de contrôle judiciaire, au motif qu' « un retard excessif et inexcusable dans le traitement de la demande et dans sa mise en état a causé au demandeur un préjudice qui équivaut à un déni de justice naturelle » . Cette requête est quelque peu malencontreuse. Une suspension d'instance est en général un recours exercé par un défendeur en vue d'empêcher un demandeur de se voir reconnaître un moyen de droit. Une ordonnance suspendant la procédure aurait pour effet d'invalider la demande de contrôle judiciaire déposée par M. Mazhero, et ce n'est pas ce qu'il veut. Je traiterai cette requête comme s'il s'agissait d'une requête en jugement sommaire.


[4]                Le dossier de requête du 11 février 2004 contient aussi un affidavit, signé semble-t-il par M. Mazhero le 11 février 2004, qui indique qu'il avait signifié le dossier de requête aux défendeurs par courrier le même jour. M. Mazhero habite Chesterfield Inlet, et les défendeurs se trouvent à Ottawa et à Whitehorse.

[5]                Dans la lettre d'accompagnement qu'il envoyait avec le dossier de requête le 11 février 2004, M. Mazhero priait l'administrateur de l'autoriser, en vertu du paragraphe 71(2) des Règles, à déposer le dossier de requête par télécopieur, en raison du risque de retard pour cause d'intempéries s'il devait déposer le dossier par courrier. Le 16 février 2004, le juge Malone rejetait la demande de dépôt du dossier de requête par télécopieur. Le dossier de requête fut présenté en copie papier et déposé le 18 février 2004.

[6]                Par lettre datée du 17 février 2004, le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) informait la Cour que l'avis de requête du 11 février 2004 lui avait été signifié et il demandait à la Cour des indications sur la manière dont il serait disposé de la requête. Par lettre datée du 20 février 2004, l'avocate de la défenderesse Nycole Turmel demandait elle aussi des indications. Le 20 février 2004, le juge Malone ordonnait à tous les défendeurs de répondre à la requête au plus tard le 27 février 2004. La Cour a notifié cette directive à toutes les parties par lettre datée du 23 février 2004.


[7]                Le 25 février 2004, M. Mazhero envoyait par télécopieur une lettre à la Cour. Une bonne partie de la lettre est illisible, à cause sans doute d'un problème de transmission par télécopie. Cependant, il semble que M. Mazhero voulait qu'on lui explique pourquoi le juge Malone avait été prié de donner une directive concernant l'envoi par télécopieur de son dossier de requête, quand seul le consentement de l'administrateur était requis selon le paragraphe 71(2) des Règles.

[8]                Le 26 février 2004, le CCRI déposait sa réponse à la requête en suspension de l'instance et en jugement sommaire.

[9]                Une version modifiée du dossier de requête du 11 février 2004 de M. Mazhero fut déposée le 27 février 2004. Le dossier de requête du 27 février 2004 contient le même avis de requête (la requête en jugement sommaire), mais il est modifié pour faire état d'événements qui se sont produits après le 11 février 2004. Par exemple, il contient un affidavit qui ressemble à l'affidavit précédemment déposé, sauf que le nouvel affidavit mentionne la lettre adressée à la Cour le 11 février 2004 par M. Mazhero, la directive du 16 février 2004, la lettre adressée à la Cour par le CCRI le 17 février 2004 et la lettre adressée à la Cour le 20 février 2004 par l'avocate de Mme Turmel.

[10]            Le 27 février 2004, M. Mazhero déposait un avis de requête pour que soit rendue une ordonnance annulant la directive du 16 février 2004, au motif qu'elle avait été donnée sans compétence et qu'elle lui avait causé un préjudice.


[11]            Également le 27 février 2004, M. Mazhero envoyait à la Cour une lettre dans laquelle il exprimait ses vues sur plusieurs points. Il dit entre autres choses que la lettre du 20 février 2004 de l'avocate de Mme Turmel était trompeuse.

[12]            Le 29 février 2004, M. Mazhero envoyait à la Cour une lettre où il écrivait que selon lui les défendeurs ne s'étaient pas conformés aux règles régissant le changement ou la nomination de procureurs. On peut lire dans la lettre qu'il « invoque le paragraphe 58(2) des Règles » en portant cette affaire à l'attention de la Cour.

[13]            Le 1er mars 2004, M. Mazhero envoyait à la Cour, par télécopieur, un document intitulé « Additif aux conclusions écrites du demandeur Francis Mazhero concernant l'avis de requête ex parte daté du 11 et du 27 février 2004 » . Dans ce document, il fait valoir que les défendeurs ne se sont pas conformés aux règles concernant le changement ou la nomination de procureurs et que cette inobservation constitue une erreur fatale de procédure qui lui donne le droit d'obtenir gain de cause dans sa demande de contrôle judiciaire.


[14]            Le 2 mars 2004, M. Mazhero envoyait à la Cour, par télécopieur, une lettre dans laquelle il demande des copies de tous avis de changement ou de nomination de procureurs déposés par les défendeurs. Le 7 mars 2004, M. Mazhero envoyait par télécopieur à la Cour copie d'une lettre qu'il avait envoyée aux avocats des défendeurs et qui concernait les avis de changement et de nomination de procureurs.

[15]            Le 7 mars 2004, M. Mazhero produisait un additif modifié et non signé, versé à son dossier de requête, additif qui concernait la requête en jugement sommaire, avec lettre d'accompagnement demandant qu'il soit pris en compte.

[16]            Le 9 mars 2004, l'avocate de Mme Turmel envoyait par télécopieur à la Cour une lettre dans laquelle elle demandait des directives sur la manière et sur l'opportunité de répondre aux documents soumis par M. Mazhero après le dépôt de sa requête en jugement sommaire.

[17]            Le 17 mars 2004, M. Mazhero envoyait par télécopieur à la Cour une lettre dans laquelle il fait état de son intention d'introduire contre tous les défendeurs une procédure d'outrage au tribunal.

[18]            Le 17 mars 2004, l'avocate de Mme Turmel envoyait une lettre à la Cour pour l'informer du nouveau nom de son cabinet. La lettre mentionne la présente affaire, ainsi que toutes autres affaires dont s'occupe ce cabinet.


[19]            Le 19 mars 2004, M. Mazhero envoyait à la Cour, par télécopieur, un avis de requête la priant d'ordonner au président du CCRI, à Mme Turmel et à la défenderesse Patricia Daws d'exposer les raisons pour lesquelles ils ne devraient pas être déclarés coupables d'outrage au tribunal. Des copies papier de ce dossier de requête ont été produites, puis déposées le 30 mars 2004.

[20]            Le 22 mars 2004, M. Mazhero produisait un additif à ses conclusions écrites, additif qui concernait sa requête en ordonnance d'exposé de moyens, et qui répondait aux points soulevés dans une lettre du CCRI datée du 12 mars 2004.

[21]            Le 23 mars 2004, M. Mazhero envoyait par télécopieur à la Cour une lettre renfermant d'autres conclusions sur la question des avis de changement et de nomination de procureurs.

[22]            Le 24 mars 2004, M. Mazhero envoyait par télécopieur à la Cour une lettre l'informant qu'il avait présenté au CCRI, en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. 1985, ch. A-1, une demande de communication de documents se rapportant à sa plainte contre le CCRI, ou se rapportant à la présente instance.


[23]            Le 29 mars 2004, le CCRI envoyait à la Cour une lettre dans laquelle, entre autres choses, il la prie de lui indiquer s'il est ou non tenu de répondre à la requête visant à une ordonnance d'exposé de moyens.

[24]            Le 1er avril 2004, M. Mazhero envoyait par télécopieur à la Cour une lettre dans laquelle il énumère tous les documents signés par les avocats des divers défendeurs et qui, d'après lui, sont invalides en raison de l'absence d'un avis de changement ou de nomination de procureurs.

[25]            Durant l'examen de ces aspects, j'ai donné la directive suivante :

De nombreuses pièces de correspondance et de nombreuses requêtes déposées dans ce dossier doivent encore être examinées par la Cour. Il n'est pas possible de les examiner si le flux de papier n'est pas stoppé pour quelque temps. Par conséquent, jusqu'à plus ample informé, aucun autre document ne sera soumis dans cette affaire par une partie quelconque (sauf, au besoin, la correspondance intéressant la fixation d'une date pour l'audience). Les documents reçus par la Cour au mépris de cette directive seront ignorés et seront retournés sur-le-champ à la partie qui les aura soumis.

[26]            Si je comprends bien, j'ai maintenant devant moi trois requêtes. Il y a la requête que je traiterai comme s'il s'agissait d'une requête en jugement sommaire, la requête en annulation de la directive du 16 février 2004 et la requête visant à une ordonnance d'exposé de moyens. J'examinerai successivement chacune de ces requêtes.

Requête en jugement sommaire


[27]            Comme je l'ai dit précédemment, M. Mazhero sollicite une ordonnance faisant droit à sa demande de contrôle judiciaire, avec dépens, en alléguant un retard excessif et inexcusable qui lui aurait causé un préjudice. Il fait valoir que la Cour n'a plus compétence pour instruire la demande et en disposer. Le CCRI a déposé une réponse à cette requête. Les autres défenderesses ne l'ont pas fait.

[28]            M. Mazhero dit que, n'eussent été les retards dans cette affaire, elle aurait été résolue en mai ou juin 2001, et il habiterait et travaillerait encore à Whitehorse, au lieu d'être déraciné. Il dit qu'il a été contraint de travailler sur cette affaire presque chaque jour depuis le 19 mars 2001 et qu'il est maintenant sans travail. Il dit que, même s'il est fait droit à sa demande, l'affaire serait soumise au CCRI pour enquête sur des événements qui se sont déroulés à Whitehorse plus de quatre ans auparavant, et que les témoins ne sont sans doute plus accessibles aujourd'hui ou n'ont plus souvenir des événements. Il dit que de toute manière sa réputation ne pourra être retrouvée.

[29]            En général, aucun recours ne peut être accordé pour retard excessif en l'absence d'une preuve établissant un préjudice. Les arguments de M. Mazhero sur l'existence d'un préjudice n'apparaissent que dans ses conclusions et ne sont pas appuyés par un affidavit. Ce qui d'après lui aurait pu arriver s'il n'y avait eu aucun retard dans cette affaire est simple conjecture. C'est là une raison suffisante pour rejeter cette requête. Cependant, j'examinerai aussi les arguments de M. Mazhero sur les causes du retard.


[30]            M. Mazhero fait valoir qu'il faut considérer trois périodes de temps. La première couvre environ six mois, entre la date de sa plainte initiale au CCRI, c'est-à-dire vers le 2 octobre 2000, et la date à laquelle sa demande de contrôle judiciaire a été signifiée au CCRI, c'est-à-dire vers le 24 mars 2001. Rien ne me permet de conclure qu'il y a eu retard excessif au cours de cette période, si tant est qu'il y ait eu retard.

[31]            La deuxième période s'étend sur environ 29 mois, soit de juin 2001 à octobre 2003. Durant cette période, il semble y avoir eu controverse sur la question de savoir si la demande de M. Mazhero aurait dû être adressée à la Section de première instance plutôt qu'à la Section d'appel. Ce point a été résolu le 30 octobre 2001, lorsque le juge Rothstein avait ordonné que l'affaire suive son cours devant la Section d'appel, aujourd'hui appelée Cour d'appel fédérale. Le juge Rothstein avait aussi fixé de nouveaux délais pour le dépôt de documents, délais qui ont été observés par le CCRI. Le dossier du CCRI a été déposé le 4 février 2002. Le CCRI n'avait aucune autre obligation de dépôt en ce qui a trait à la demande de contrôle judiciaire. Le temps écoulé jusqu'à ce moment-là, dans la mesure où il avait pour origine une action ou omission du CCRI, avait donc été expliqué à la satisfaction du juge Rothstein, et il avait été excusé. Je n'ai aucune raison d'arriver à une conclusion contraire.


[32]            Il semble que M. Mazhero a aussi déposé plusieurs requêtes durant cette seconde période, notamment une requête en autorisation de produire des preuves nouvelles et un argumentaire additionnel, qui a été rejetée le 18 juillet 2002, une requête se rapportant à des allégations d'outrage au tribunal, qui a été rejetée le 30 juillet 2003, et une requête en ajournement du dépôt d'une demande d'audition, qui a été rejetée le 9 octobre 2003. Par cette dernière ordonnance de rejet, M. Mazhero devait déposer la demande d'audience avant le 21 octobre 2003. M. Mazhero a laissé passer cette échéance, mais il a présenté une explication, qui a été acceptée par le juge Décary, lequel a ordonné le 9 décembre 2003 que la demande d'audience soit acceptée pour dépôt au 10 novembre 2003.


[33]            M. Mazhero fait valoir que le retard survenu durant cette période doit être imputé en partie au personnel de la Cour. Il semble en effet y avoir eu quelque confusion dans le dépôt de documents. La confusion venait en partie de ce que M. Mazhero avait tenté de déposer une demande d'audience le même jour que son dossier de demande de contrôle judiciaire, ce qui signifiait que la demande d'audience avait été soumise prématurément parce que les dossiers des défendeurs n'avaient pas encore été déposés. La confusion était en partie le résultat d'un avis d'examen de l'état de l'instance délivré le 23 octobre 2002, avis qui n'a pas été signifié à M. Mazhero comme il aurait dû l'être. M. Mazhero dit qu'il n'a été informé que le 30 avril 2003 de l'avis d'examen de l'état de l'instance. Il fait valoir que l'avis lui a été « dissimulé » . Cependant, après examen du dossier de la Cour, je crois que l'absence de signification de l'avis fut simplement une erreur d'écriture. Rien ne permet à M. Mazhero de dire que le personnel de la Cour lui a délibérément dissimulé quoi que ce soit.

[34]            La troisième période compte environ cinq mois, de novembre 2003 jusqu'à aujourd'hui. M. Mazhero affirme que, en application du paragraphe 314(2) des Règles, la Cour aurait dû planifier son audition dans un délai de 90 jours après le dépôt de la demande d'audience. M. Mazhero interprète mal cette disposition. Selon le paragraphe 314(2), les parties doivent, dans la demande d'audience, indiquer les dates où elles seront disponibles pour l'audition au cours des 90 jours qui suivent. L'objet de cette règle est de s'assurer que les parties se tiennent à disposition pour les dates prévues, au cas où l'audience se déroulerait à l'une des dates en question. La règle n'oblige pas la Cour à accepter l'une quelconque de ces dates.

[35]            M. Mazhero prétend que les défendeurs et les fonctionnaires de la Cour ont « manipulé la procédure » pour retarder la présente instance et modifier peut-être son issue. Le dossier ne renferme rien qui autorise une telle affirmation. Au contraire, rien ne révèle une quelconque mauvaise foi ni une motivation déplacée de la part des défendeurs ou des employés de la Cour.


[36]            Je relève aussi que la propension de M. Mazhero à déposer de multiples requêtes et à vouloir compléter ses requêtes par des lettres et des modifications à répétition, a contribué au retard dont il se plaint aujourd'hui. Je ne le lui reproche pas, car il est fondé à faire valoir ses droits comme il l'entend. Cependant, il reste qu'il a choisi de s'y prendre d'une manière qui tend à décourager, et non à encourager, une solution rapide des points qu'il entend soulever dans sa demande de contrôle judiciaire.

[37]            Après examen scrupuleux du dossier et des conclusions de M. Mazhero, je ne suis pas persuadée que les diverses causes des délais survenus dans cette affaire ont été flagrantes au point que M. Mazhero serait fondé à une ordonnance lui accordant, sans audition, le recours sollicité dans sa demande. La requête tendant à faire suspendre l'instance et à faire prononcer l'ordonnance demandée par M. Mazhero dans sa demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

Requête en annulation de la directive du 16 février 2001


[38]            Le postulat sur lequel repose cette requête, c'est que le paragraphe 71(2) des Règles, qui autorise le dépôt, par télécopieur, de certains longs documents, avec le consentement de l'administrateur, empêche l'administrateur dont le consentement est demandé d'obtenir les directives d'un juge. Ce postulat est erroné. L'administrateur a le droit d'obtenir les directives d'un juge dans les affaires de ce genre, et le juge qui donne des directives en réponse à une telle demande a le pouvoir de le faire. La requête pour que soit rendue une ordonnance annulant la directive du 16 février 2004 sera rejetée.

Requête pour que soit rendue une ordonnance d'exposé de moyens

[39]            Selon M. Mazhero, Mme Turmel et Mme Daws ont contrevenu à la directive du 23 février 2004, le CCRI et Mme Turmel ne se sont pas conformés aux Règles concernant le dépôt d'avis de changement ou de nomination de procureurs, et la demande de directives contenue dans la lettre du 9 mars 2004 adressée à la Cour par l'avocate de Mme Turmel est un abus de procédure.

[40]            Il est évident, au vu des pièces déposées par M. Mazhero, que ses allégations résultent de plusieurs malentendus concernant la directive du 23 février 2004 et concernant les Règles. Encore une fois, je n'en fais pas reproche à M. Mazhero, car ces questions tiennent en partie à des principes qui, même s'ils sont bien établis en droit, sont parfois implicites plutôt que formels.

[41]            À ce jour, le délai imparti pour répondre à la requête de M. Mazhero tendant à faire prononcer une ordonnance d'exposé de moyens n'est pas encore expiré, et aucune réponse n'a été déposée, mais la requête a été signifiée à tous les défendeurs. Je dispose de cette requête sans avoir entendu les défendeurs, parce qu'il n'y a aucun argument auquel ils puissent répondre. Cette requête sera rejetée, pour les raisons suivantes.


1. La directive du 23 février 2004

[42]            Selon M. Mazhero, les défenderesses Nycole Turmel et Patricia Daws ont délibérément contrevenu à la directive du 23 février 2004, ainsi rédigée :

Tous les défendeurs devront répondre à la requête du demandeur au plus tard le 27 février 2004.

[43]            Cette directive a en réalité été donnée le 20 février 2004, mais elle a été envoyée aux parties le 23 février 2004. La requête dont fait état cette directive est la requête de M. Mazhero que j'ai considérée comme une requête en jugement sommaire.

[44]            En général, un défendeur n'est pas contraint de répondre à une requête présentée par une partie adverse, mais, si une réponse doit être donnée, elle doit l'être à l'intérieur d'une période précise. En l'espèce, les défendeurs n'auraient pu savoir si la requête de M. Mazhero allait même être admise pour dépôt, car il s'agissait d'une requête en jugement sommaire qui avait été déposée après la demande d'audience. C'est là une manière inusitée de s'y prendre, et, eu égard aux circonstances, le CCRI et Mme Turmel ont eu raison de demander des directives. Si la défenderesse Patricia Daws n'a pas demandé de directives ou déposé une réponse, c'est simplement parce qu'elle ne souhaitait pas présenter de conclusions à propos de la requête, quand bien même eussent-elles été examinées.


[45]            M. Mazhero interprète la directive du 23 février 2004 comme si elle devait forcer tous les défendeurs à déposer une réponse à sa requête, qu'ils l'eussent voulu ou non. Ce n'est pas ainsi qu'il faut l'interpréter. La directive ne forçait aucun défendeur à déposer une réponse à la requête de M. Mazhero en jugement sommaire. Son objet était seulement de préciser que la requête de M. Mazhero serait examinée par la Cour, même si une demande d'audience avait déjà été déposée, et de préciser que, pour tout défendeur qui souhaitait déposer une réponse, la date d'échéance serait le 27 février 2004. Par conséquent, Mme Turmel et Mme Daws n'ont pas contrevenu à la directive quand elles ont exercé leur droit de ne pas répondre à la requête.

2. Non-dépôt présumé d'avis de changement ou de nomination de procureurs

[46]            Selon M. Mazhero, le CCRI et Mme Turmel ont sciemment négligé de nommer procureurs les avocats qui représentent actuellement ces parties.


[47]            L'objet premier des Règles qui imposent un avis formel de changement ou de nomination d'un procureur est de faire en sorte que la Cour et toutes les autres parties disposent des renseignements dont elles ont besoin pour signifier des documents. Si des documents sont signifiés en conformité avec les renseignements figurant dans le dossier de la Cour (et en conformité avec les Règles applicables qui concernent la signification), la partie qui les signifie s'est acquittée de tout ce qui devait être fait au regard de la signification. S'il se trouve que les renseignements figurant dans le dossier de la Cour sont inexacts parce que la partie à qui le document a été signifié n'a pas donné avis formel d'un changement pertinent, il n'en résulte un désavantage que pour la partie qui n'a pas donné les renseignements exacts. Et, en tout état de cause, si les documents parviennent effectivement à la personne qui doit les recevoir, le destinataire ou la Cour pourra renoncer à faire valoir tout défaut de signification.

[48]            Il s'ensuit qu'un avis de changement de procureur n'est pas en principe requis lorsque le nom d'un cabinet est modifié, pour autant que l'on puisse raisonnablement escompter que les documents envoyés sous l'ancien nom ou sous le nouveau nom parviendront à leur destinataire. Un avis de changement de procureur n'est pas non plus requis lorsqu'un autre avocat au sein d'un cabinet juridique assume la responsabilité première d'un dossier ou, dans le cas d'une partie représentée par un avocat de son propre service juridique, lorsqu'un autre avocat de ce service juridique assume la responsabilité première du dossier, pour autant que de tels changements n'empêchent pas la signification d'avoir lieu.


[49]            Il appert du dossier de la Cour que le CCRI et Mme Turmel sont aujourd'hui, et ont toujours été, représentés par le même procureur, même si d'autres avocats ont à divers moments joué le rôle principal. Dans le cas du CCRI, l'avocat qui occupe pour lui est son propre contentieux interne. Dans le cas de Mme Turmel, c'est le cabinet anciennement appelé Raven, Allen, Cameron & Ballantyne, et aujourd'hui appelé Raven, Allen, Cameron, Ballantyne & Yasbeck LLP/r.l.s. Aucun de ces changements ne nécessitait le dépôt d'un avis de changement ou de nomination de procureur.

[50]            Aucun de ces changements n'a entravé non plus ici la bonne administration de la justice, porté atteinte à l'autorité ou à la dignité de la Cour, compromis la validité des documents déposés au nom du CCRI ou de Mme Turmel, ni invalidé une quelconque ordonnance ou directive de la Cour.

3. La demande de directives faite par Mme Turmel le 9 mars 2004

[51]            Selon M. Mazhero, la lettre adressée à la Cour le 9 mars 2004 par l'avocate de Mme Turmel est une lettre de mauvaise foi, frivole et vexatoire et constitue un abus de procédure, outre qu'elle manque de sincérité et qu'elle menace l'administration de la justice. Ces affirmations sont pour l'essentiel fondées sur les malentendus auxquels j'ai fait allusion précédemment. Elles reposent aussi sur la croyance erronée de M. Mazhero, pour qui une partie peut ou devrait être empêchée d'obtenir des directives. Les affirmations de M. Mazhero n'ont aucun fondement.

Dispositif

[52]            Les trois requêtes de M. Mazhero seront rejetées, mais sans dépens. Une seule réponse a été déposée par un défendeur auxdites requêtes (la réponse du CCRI à la requête en jugement sommaire), et le CCRI n'a pas sollicité de dépens.

                                                                                                                                     « K. Sharlow »              

                                                                                                                                                     Juge                   


Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                             A-185-01

INTITULÉ :                                                                            FRANCIS MAZHERO et LE CONSEIL CANADIEN DES RELATIONS INDUSTRIELLES, NYCOLE TURMEL ET PATRICIA DAWS

REQUÊTE JUGÉE SUR PIÈCES, SANS LA COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LA JUGE SHARLOW

DATE DES MOTIFS :                                                           LE 7 AVRIL 2004

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Francis Mazhero

EN SON PROPRE NOM

Marie-Claude Grignon

POUR LA DÉFENDERESSE,

   Nycole Turmel

Paul Champ

POUR LE DÉFENDEUR,

   LE CCRI

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Francis Mazhero

EN SON PROPRE NOM

Service du contentieux

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR,

   LE CCRI

Raven, Allen, Cameron, Ballantyne & Yazbeck

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE,

   Nycole Turmel

Direction générale des services juridiques

Ministère de la Justice

Gouvernement du Yukon

Whitehorse (Yukon)

POUR LA DÉFENDERESSE,                                                            Patricia Daws


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