Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 19991207


Dossier : A-127-99


CORAM :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE NOËL


ENTRE :


VLADIMIR KATRIUK


appelant




et





LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION


intimé





Audience tenue à Toronto (Ontario),

les lundi 6 décembre et mardi 7 décembre 1999


Jugement rendu à l"audience à Toronto (Ontario),

le mardi 7 décembre 1999






MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                          LE JUGE STRAYER




Date : 19991207


Dossier : A-127-99


CORAM :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE NOËL


ENTRE :


VLADIMIR KATRIUK


appelant




et





LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION


intimé




MOTIFS DU JUGEMENT

(Exposés à l"audience à Toronto (Ontario),

le 7 décembre 1999)



LE JUGE STRAYER


[1]      L"appelant a soulevé plusieurs questions litigieuses dans le cadre du présent appel.

Appel contre le refus de suspendre les procédures

[2]      Ayant soigneusement examiné les motifs que le juge Nadon a exposés pour étayer son refus de suspendre les procédures auxquelles il présidait en vertu de l"article 18 de la Loi sur la citoyenneté , nous estimons qu"il n"a pas commis d"erreur en exerçant son pouvoir discrétionnaire. L"appelant se plaint du fait que le juge n"a pas, dans ses motifs, traité de l"argument fondé sur l"article 15 de la Charte qu"il lui a présenté en ce qui concerne la discrimination qu"il subirait vu qu"il fait l"objet d"une poursuite au civil, et non au criminel. Il ne serait pas surprenant que le juge de première instance ait considéré qu"il n"était pas nécessaire de commenter cet argument. En outre, il n"est pas nécessaire qu"un juge expose systématiquement tous les motifs de sa décision. De toute façon, nous n"estimons pas que le juge de première instance a commis une erreur de droit en rejetant implicitement cette proposition. Malgré l"interrogatoire soigneux des avocats dans le cadre de la présente audition, nous n"avons pu identifier une quelconque catégorie de personnes à laquelle l"appelant appartiendrait et qui serait analogue aux catégories prévues au paragraphe 15(1) de la Charte .

Droit d"interjeter appel et appel contre une décision fondée sur l"article 18

[3]      Nous avons conclu que le paragraphe 18(3) de la Loi sur la citoyenneté empêche effectivement qu"un appel soit interjeté contre la décision du juge Nadon portant que l"appelant n"a pas été légalement admis au Canada à titre de résident permanent vu qu"il n"a pas répondu sincèrement à certaines questions ou qu"il a omis de faire part de circonstances importantes avant d"être admis au Canada.

[4]      Le paragraphe 18(1) permet qu"une telle question soit soumise à la Cour et qu"elle soit tranchée par celle-ci; en outre, le paragraphe 18(3) prévoit :

La décision de la Cour visée au paragraphe (1) est définitive et, par dérogation à toute autre loi fédérale, non susceptible d'appel.

Cette disposition empêche clairement qu"un appel soit interjeté, à moins que, comme le soutient l"appelant, le paragraphe 18(3) ne soit pas valide du fait qu"il porte atteinte à l"article 7 ou à l"article 15 de la Charte . En ce qui concerne l"article 7, notre Cour a conclu, dans Luitjens c. Secrétariat d"État1, qu"une décision fondée sur le paragraphe 18(1) de la Loi sur la citoyenneté selon laquelle une personne a obtenu à tort la citoyenneté canadienne ne faisait pas intervenir le droit que garantit l"article 7. Il en est ainsi parce qu"une telle décision ne constitue qu"une conclusion préliminaire susceptible de fonder ultérieurement une décision du gouverneur en conseil de révoquer la citoyenneté de la personne visée, et qu"elle n"a, en soi, aucune incidence sur la vie, la liberté ou la sécurité de cette dernière. Nous croyons comprendre que la Cour suprême du Canada a approuvé cette décision de façon générale dans l"arrêt Tobiass et al c. Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration2 qu"elle a ultérieurement rendu. Même si cet arrêt portait sur un appel interjeté contre une décision de suspendre les procédures, et non sur une décision fondée sur le paragraphe 18(1), la Cour a analysé le paragraphe 18(3) et dit :

Il ne fait aucun doute que le législateur fédéral peut valablement limiter la compétence de la Cour d"appel fédérale de cette manière3.

La Cour suprême a également souscrit au point de vue de notre Cour selon lequel une décision fondée sur l"article 18 ne constitue pas un jugement définitif, contrairement à un sursis4. En outre, elle a reconnu que le législateur fédéral avait invoqué des motifs de politique valables pour limiter les appels contre des décisions interlocutoires5.

[5]      Appliquant l"arrêt Luitjens , ce que nous sommes tenus de faire en l"absence de circonstances extraordinaires, nous concluons que le paragraphe 18(3) n"entre pas en conflit avec l"article 7 de la Charte , même si nous considérerions que l"article 7 confère un droit d"appel.

[6]      L"appelant a également invoqué le paragraphe 15(1) de la Charte , soutenant que le paragraphe 18(3) établit une distinction inconstitutionnelle à l"égard de la catégorie de personnes à laquelle il appartient. Encore une fois, son avocat n"a pas été en mesure de définir, de façon à nous convaincre, un motif illicite de distinction qui serait analogue aux motifs énumérés au paragraphe 15(1).

Perte de compétence par suite d"une erreur d"appréciation de la preuve

[7]      L"avocat de l"appelant a tardivement soutenu devant nous que le juge Nadon avait perdu sa compétence pour entendre l"affaire parce qu"il avait fondé ses conclusions de fait sur un document qui ne faisait pas partie de la preuve produite. À son avis, une telle perte de compétence aurait eu pour effet d"exclure la décision qu"il avait rendue par la suite de l"application du paragraphe 18(1), qui porte sur des décisions qui, en vertu de paragraphe 18(3) ne peuvent faire l"objet d"un appel.

[8]      L"avocat n"a pu établir comment, sur le plan procédural, une telle erreur pouvait faire l"objet d"un appel devant nous. Outre cela, cependant, nous n"acceptons pas qu"une conclusion de fait erronée fondée sur une mauvaise appréciation de la preuve produite puisse entraîner une perte de compétence d"un juge de cour supérieure.6 Au mieux, il s"agirait d"une erreur commise dans le cadre de l"exercice de la compétence. Nous n"avons donc pas accepté les détails de cet argument de l"avocat pour ce qui est de la question de savoir si, de fait, le juge se serait à tort fondé sur un document qui ne faisait pas partie de la preuve produite.

Conclusion concernant le droit d"interjeter appel

[9]      Il n"y a donc pas de droit d"appel et nous n"entendrons pas d"arguments concernant le bien-fondé de l"appel.

Contrôle judiciaire de la décision fondée sur l"article 18 de la Loi sur la citoyenneté

[10]      L"appelant a soutenu que même s"il n"a pas de droit d"appel, il a tout de même le droit de chercher à obtenir le contrôle judiciaire d"une décision fondée sur l"article 18, à tout le moins dans les cas où l"instance devant la Section de première instance a été introduite en vertu des anciennes règles de la Cour fédérale (les nouvelles règles, entrées en vigueur en avril 1998, considèrent qu"un telle instance constitue une action). À notre avis, cet argument n"est pas fondé. Une telle instance, depuis la loi de 1974-75-76, permet expressément de renvoyer l"affaire à " la Cour "7 et le paragraphe 18(3) prévoit que la " décision de la Cour " ne saurait faire l"objet d"un appel. La Loi sur la Cour fédérale ne contient pas de disposition permettant le contrôle judiciaire de la décision d"un juge agissant en vertu de l"article 18 de la Loi sur la citoyenneté , et il n"existe pas, en common law, de droit d"obtenir le contrôle judiciaire d"une décision d"un juge de cour supérieure agissant au nom de la Cour.

Dispositif

[11]      L"appel est donc rejeté avec dépens.

                                     " B. L. Strayer "

                                         J.C.A.

Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Avocats inscrits au dossier

NO DU GREFFE :                  A-127-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :          VLADIMIR KATRIUK

                         - c. -

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                          L"IMMIGRATION

DATE DE L"AUDIENCE :              LES LUNDI ET MARDI

                         6 ET 7 DÉCEMBRE 1999

LIEU DE L"AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :          MONSIEUR LE JUGE STRAYER

Motifs exposés à Toronto (Ontario),

le mardi 7 décembre 1999

ONT COMPARU :                  M. Orest H.T. Rudzik

                         M. Nestor I.L. Woychyshyn

                             Pour l"appelant

                         M. Lucas

                             Pour l"intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      Orest H.T. Rudzik

                         Nestor I.L. Woychyshyn

                         Barristers & Solicitors

                         2323, rue Bloor ouest, pièce 212

                         Toronto (Ontario)

                         M6S 4W1

                             Pour l"appelant

                         Morris Rosenberg

                         Sous-procureur général du Canada

                             Pour l"intimé

COUR D"APPEL FÉDÉRALE


Date : 19991207


Dossier : A-127-99


ENTRE :


VLADIMIR KATRIUK


appelant




et




LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION


intimé





MOTIFS DU JUGEMENT



__________________

1      (1992) 9 C.R.R. (2d) 149, à la p. 152.

2      [1997] 3 R.C.S. 391.

3      Ibid., à la p. 412.

4      Ibid., aux pp. 412 et 413.

5      Ibid., à la p. 415.

6      Voir, par ex., Procureur général du Québec c. Cohen , [1979] 2 R.C.S. 305; R. c. Wilson (1995) N.S.R. (2d), au par. 6.

7      S.R. 1974-75-76, ch. 108, par. 18(1).

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