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Date : 20050414

Dossier : A-397-04

Référence : 2005 CAF 136

CORAM:        LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                                             

                                            MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                                     SWIFTSURE TAXI CO. LTD.

                                                                                                                                                intimée

                         Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique) le 13 avril 2005.

                         Jugement rendu à Vancouver (Colombie Britannique) le 14 avril 2005.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                            LE JUGE ROTHSTEIN

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                    LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE PELLETIER


Date : 20050414

Dossier : A-397-04

Référence : 2005 CAF 136

CORAM:        LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE PELLETIER

ENTRE:

                                             MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                                     SWIFTSURE TAXI CO. LTD.

                                                                                                                                                intimée

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]                Il s'agit de l'appel par le ministre du Revenu national d'une ordonnance du juge Blanchard de la Cour fédérale accueillant la requête de l'intimée et ordonnant au ministre de s'abstenir de liquider les biens de l'intimée saisis pour non-versement de retenues à la source.


[2]                Le ministre soutient que la Cour fédérale n'a pas la compétence pour rendre l'ordonnance délivrée par le juge Blanchard. Subsidiairement, le ministre plaide que si une telle compétence existe, il n'y a aucune question sérieure à trancher par la Cour fédérale et que la prépondérance des inconvénients le favorise.

[3]                L'argument du ministre quant à la compétence est fondé sur l'idée que la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi) est un code complet. Le ministre allègue que le fait qu'il existe des sursis légaux applicables au recouvrement de certains types de créances en vertu de la Loi, et qu'il n'existe aucun sursis légal pour le recouvrement de retenues à la source, suppose que le législateur n'avait pas l'intention d'attribuer compétence à la Cour fédérale pour accorder un sursis discrétionnaire dans les circonstances.

[4]                Un argument analogue a été avancé par rapport au Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2, dans Fraternité des préposés à l'entretien des voies -- Fédération du réseau Canadien Pacifique c. Canadien Pacifique ltée, [1996] 2 R.C.S. 495. À la page 499, la juge McLachlin (qui n'était pas encore juge en chef) a souligné :

Le principe directeur dans le présent litige est celui suivant lequel, nonobstant l'existence d'un code détaillé conçu pour le règlement des conflits de travail, les cours de justice conservent, en « l'absence de tout autre recours » , leur pouvoir discrétionnaire résiduel d'accorder un redressement interlocutoire tel que les injonctions, pouvoir qui découle de la compétence inhérente des cours en matière de recours interlocutoires [...]

Aux pages 501 et 502 elle a fait observer ce qui suit :

Si l'on veut éviter que la primauté du droit ne soit réduite à un ensemble incohérent, appliqué au gré de la fantaisie, il faut qu'il y ait une entité à laquelle les parties à un conflit puissent s'en remettre lorsque les lois et les régimes établis par celles-ci ne prévoient aucun recours.


[5]                Les pouvoirs de redressement de la Cour fédérale découlent d'une compétence d'origine législative qui est, en matière visée par cette compétence, concurrente par rapport à la compétence inhérente des cours supérieures des provinces : voir Canada (Commission des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, [1998] 1 R.C.S. 626, au paragraphe 38.

[6]                Compte tenu de cette jurisprudence, je n'accepte pas l'argument du ministre relativement au caractère complet du code. Dans un cas approprié, la Cour fédérale a compétence pour accorder un sursis ou une injonction discrétionnaire à l'égard des matières relevant de la Loi.

[7]                Le ministre a également invoqué l'article 22 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, L.R. 1985, ch. C-50; 1990, ch. 8, art. 21, pour faire valoir qu'une injonction ne peut pas être accordée contre la Couronne. Il s'agit d'un argument complexe qui a été présenté vers la fin de l'audience et qui n'a pas été traité à fond. Aucune doctrine ni jurisprudence n'ont été citées. Sur la base des arguments avancés dans le présente appel, il ne me semble pas évident que l'article 22 s'applique à des injonctions ou sursis interlocutoires, qui ont d'ailleurs été accordés régulièrement par la Cour fédérale contre les ministres de la Couronne. Faute d'argument concluant sur ce point, je ne suis pas prêt à dire à ce stade que le juge Blanchard ne pouvait ordonner au ministre de s'abstenir de procéder au recouvrement en l'espèce.


[8]                Quant à l'argument du ministre relativement à l'existence d'une véritable question litigieuse, il est bien établi que le seuil exigé n'est pas élevé. De fait, l'avocat du ministre reconnaît que la Cour fédérale puisse être compétente pour accorder des sursis dans certaines circonstances, et ce, même en cas de non-versement de retenues à la source. Les exemples cités comprennent des cas où le ministre effectue une réclamation contre le mauvais contribuable, ou des cas où le contribuable allègue s'être acquitté de toute responsabilité. Cependant, le ministre soutient que cette compétence ne s'étend pas aux différends sur les citations établies par le ministre. Je ne ferai pas de commentaire sur la validité de cet argument. Je dirai seulement que, si je ne m'abuse, cet argument sera plaidé dans l'instance en contrôle judiciaire qui se déroulera devant la Cour fédérale. Je ne peux pas affirmer qu'il n'y a aucune question sérieuse à trancher.

[9]                Pour ce qui est de la prépondérance des inconvénients, il s'agit d'une décision éminemment discrétionnaire qui ne sera pas infirmée facilement par la Cour. Je ne suis pas persuadé que le juge Blanchard a tenu compte de considérations impertinentes ou qu'il a omis de tenir compte de considérations pertinentes. Je ne vois pas de raison de modifier sa détermination à cet égard.

[10]            Le ministre a fait valoir que le juge Blanchard a commis une erreur de fait manifeste et dominante présumant à tort que l'intimée avait déposé un avis d'opposition à l'encontre des nouvelles cotisations établies pour les années 1997, 1998 et 1999, alors que ce n'était pas le cas. Donc, aucun différend sous-jacent ne justifiait d'empêcher le ministre de prendre des mesures de recouvrement à l'égard de ces années. C'est peut-être bien le cas, mais le dossier n'est pas absolument clair à cette égard. Selon ma compréhension, cette question sera aussi débattue lors du contrôle judiciaire devant la Cour fédérale dans un mois environ. Cette question devra être tranchée dans ce forum.


[11]            L'appel devrait être rejeté, mais sans frais.

« Marshall Rothstein »

J.C.A.

« Je souscris à ces motifs.

Alice Desjardins, juge »

« Je souscris à ces motifs.

J.D. Denis Pelletier, juge »

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR D'APPEL FÉDÉRAL

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER:                                                                  A-397-04

(Appel des motifs de l'ordonnance et de l'ordonnance de la Cour fédérale du 13 juillet 2004, dossier ITA-8785-00)

INTITULÉ:                                                                 Ministre du Revenu national c. Swiftsure Taxi Co. Ltd.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                         Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        13 avril 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                                      LE JUGE ROTHSTEIN

Y ONT SOUSCRIT :                                                 LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE PELLETIER

DATE :                                                                        14 avril 2005

COMPARUTIONS :

Donnaree Nygard

POUR L'APPELANT

Stanley Foo

POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général of Canada

Ottawa (Ontario)

POUR L'APPELANT

Burke Tomchenko & Fraser

Barristers & Solicitors

Port Moody (British Columbia)

POUR L'INTIMÉE

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