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                                                                                                                     Date : 19971104

 

                                                                                                                  Dossier : A-762-96

 

CORAM :       Le juge STRAYER

                        Le juge DESJARDINS

                        Le juge McDONALD

 

Entre :

 

                                                  SA MAJESTÉ LA REINE,

 

                                                                                                                              requérante,

 

                                                                    - et -

 

 

                                                          PETER K.S. WU,

 

                                                                                                                                      intimé

 

 

 

 

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique)

 

 

 

 

Motifs du jugement prononcés à l'audience tenue à Vancouver (C.-B.), le lundi 3 novembre 1997

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR                                  Le juge STRAYER


 

 

 

 

                                                                                                                     Date : 19971104

 

                                                                                                                  Dossier : A-762-96

 

CORAM :       Le juge STRAYER

                        Le juge DESJARDINS

                        Le juge McDONALD

 

Entre :

 

                                                  SA MAJESTÉ LA REINE,

 

                                                                                                                              requérante,

 

                                                                    - et -

 

 

                                                          PETER K.S. WU,

 

                                                                                                                                      intimé

 

 

 

                                                  MOTIFS DU JUGEMENT

                                (prononcés à l'audience tenue à Vancouver (C.-B.)

                                                        le 3 novembre 1997)

 

 

 

Le juge STRAYER

 

 

[1]        Il y a en l'espèce recours en contrôle judiciaire contre la décision en date du 3 septembre 1996 par laquelle la Cour canadienne de l'impôt a fait droit à l'appel formé par M. Wu à l'égard de ses années d'imposition 1990, 1991 et 1992.

 

[2]        La disposition en jeu de la Loi de l'impôt sur le revenu est son paragraphe 15(1.1) qui prévoit ce qui suit :

(1.1) Par dérogation au paragraphe (1), lorsque, dans une année d'imposition, une corporation verse un dividende en actions à une personne et qu'il est raisonnable de considérer qu'un des motifs du versement consiste à modifier de façon sensible la valeur de la participation d'un actionnaire désigné de la corporation, la juste valeur marchande du dividende en actions doit être incluse dans le calcul du revenu de cette personne pour l'année sauf dans la mesure où elle est déjà incluse dans le calcul du revenu de cette personne en vertu de l'alinéa 82(1)a).

 

[3]        En tout premier lieu, nous convenons avec le juge de première instance que les dividendes en actions versés à M. Wu pour les années en question avaient pour effet de modifier sensiblement la valeur de l'action ordinaire de catégorie A de sa femme, le Dr Ng. Il reste à examiner si le juge a commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire en concluant qu'il n'était pas prouvé que c'était là l'un des motifs de ce versement.

 

[4]        Sur l'interprétation correcte du paragraphe 15(1.1) et dans ses conclusions sur les faits, il s'est prononcé en ces termes :

[TRADUCTION]

Bien qu'il soit possible de donner du paragraphe 15(1.1) une interprétation plus large, je ne pense pas que pareille interprétation aille jusqu'à nous permettre de substituer aux termes qui y figurent des mots comme « dont l'intéressé savait ou aurait dû savoir » que l'opération modifierait sensiblement la valeur des actions. Il faut qu'il y ait une preuve qui permette d'imputer cette intention à l'appelant, et non de simples conjectures ou hypothèses.

 

[5]        Nous interprétons le passage ci-dessus comme signifiant que pour prouver le motif du versement visé au paragraphe 15(1.1), il faut démontrer que tel était le dessein du contribuable, c'est-à-dire qu'il faut appliquer un critère subjectif pour « détecter ce motif dans l'esprit du contribuable ». Nous n'y voyons pas une conclusion juste sur le plan juridique. Les mots « il est raisonnable de considérer » figurant au paragraphe 15(1.1) indiquent clairement que le dessein peut être prouvé si, eu égard aux circonstances, il est raisonnable de considérer qu'il s'agit là d'un motif du versement.

 

[6]        À cet égard, il convient de rappeler la décision S.M. c. Placer Dome Inc.[1] qu'a  rendue notre Cour quelque temps après le jugement en première instance de l'espèce. La disposition en jeu dans l'affaire susmentionnée, savoir le paragraphe 55(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, ne s'applique que si « l'un des objets » a été de diminuer sensiblement le gain en capital. On n'y voit pas les termes « il est raisonnable de considérer ». Dans sa décision, la Cour a présumé sans se prononcer là-dessus, que le critère était subjectif. Cependant il a été jugé que pour réfuter la présomption adoptée par le ministre que c'était là l'un des objets de l'opération,

le contribuable (ou ses conseillers) doivent offrir une explication qui révèle les objets que sous-tend l'opération. Cette explication ne doit être ni invraisemblable ni déraisonnable le contribuable doit présenter une explication convaincante qui démontre qu'aucun des objets visés n'était de diminuer sensiblement le gain en capital.[2]

 

À notre avis, vu la présence au paragraphe 15(1.1) des termes additionnels qui en permettent l'application lorsqu'il « est raisonnable de considérer qu'un des motifs » du versement consiste à modifier la valeur de la participation d'un actionnaire, la charge est encore plus lourde qui incombe au contribuable de produire l'explication objectivement raisonnable que l'opération n'a nullement pour objet de modifier la valeur de la participation d'un actionnaire.

 

[7]        Le juge de première instance n'a pas appliqué cette norme juridique aux faits de la cause. Il a conclu sa décision en ces termes :

            [TRADUCTION]

                Le seul témoignage dont a la Cour a été saisie était celui de M. Wu. Le mieux qu'il ait pu faire, au sujet du quatrième motif, c'était de dire qu'il ne pouvait se rappeler aucune discussion avec qui que ce fût au sujet de la déclaration et du versement des dividendes. Son témoignage ne m'a pas convaincu. Sur certains points, il était évasif et sur d'autres, il ne se rappelait pas ce qui s'était passé. Il demeure cependant que si peu convaincant fût-il, son témoignage était le seul produit devant la Cour à ce sujet.

 

                La structure des actions, selon M. Wu, a pris les proportions qu'elle prenait à cause de la formulation qu'en donnait son avocat. Cette formulation faisait suite aux instructions données par M. Wu de constituer la compagnie « habituelle » pour couvrir une partie de la pratique médicale et rien d'autre.

 

                Tout bien pesé cependant, je ne suis pas convaincu que l'un des motifs du versement des dividendes fût de modifier sensiblement la valeur des actions ordinaires de catégorie A du Dr Ng. En conséquence, l'appel est accueilli avec dépens.

 

Le juge n'a pas pris en compte la charge de la preuve que faisait peser sur le contribuable la présomption faite par le ministre qu'il s'agissait justement là de l'un des motifs du versement des dividendes en actions au contribuable. En d'autres termes, il incombait en l'espèce au contribuable de prouver qu'il n'en était rien. N'empêche que tout en jugeant peu convaincant le témoignage de ce dernier, ainsi qu'on peut le voir dans le passage cité ci-dessus, il a conclu que puisqu'il s'agissait là de la seule preuve produite en l'espèce, il devait y ajouter foi. Il aurait dû plutôt examiner si ce témoignage satisfaisait au critère de l'explication objectivement raisonnable, par laquelle le contribuable pourrair s'acquitter de la charge qui lui incombait de prouver qu'aucun des motifs du versement n'était de modifier sensiblement la valeur des la participation du Dr Ng, au sens du paragraphe 15(1.1).

 

[8]        Dans ces conditions, nous avons conclu qu'il y a lieu d'annuler la décision de la Cour de l'impôt et de renvoyer l'affaire pour être jugée et décidée à nouveau dans le sens des présents motifs. Lors du nouveau procès, le juge de première instance adoptera aussi dans son jugement les arrangements conclus entre les parties et dont ne faisait pas état la décision attaquée de la Cour de l'impôt.

 

[9]        La Cour alloue à l'intimé ses frais et dépens raisonnables et légitimes.

 

                                                                                                                Signé : B.L. Strayer           

                                                                                ________________________________

                                                                                                                                      J.C.A.                   

 

Vancouver (Colombie-Britannique),

le 4 novembre 1997

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                ________________________________

                                                                                                                       F. Blais, LL. L.            


 

 

 

               COUR D'APPEL FÉDÉRALE

 

 

                                                         Date : 19971104

 

                                                      Dossier : A-762-96

 

 

Entre

 

                    SA MAJESTÉ LA REINE

 

                                      - et -

 

 

                            PETER K.S. WU

 

 

 

                   MOTIFS DU JUGEMENT


                                                   COUR D'APPEL FÉDÉRALE

 

                           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DATE :                                              19971104

 

NUMÉRO DU GREFFE :   A-762-96

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :         Sa Majesté la Reine

                                                            c.

                                                            Peter K.S. Wu

 

LIEU DE L'AUDIENCE :              Vancouver (C.-B.)

 

DATE DE L'AUDIENCE : 3 novembre 1997

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

PRONONCÉS PAR :                       Le juge Strayer

 

Y ONT SOUSCRIT :                       Le juge Desjardins

                                                            Le juge McDonald

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

M. M. Weder                                                  pour la requérante

 

M. K. Hansen                                      pour l'intimé

Mme K. R. Sharlow

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

George Thomson                                             pour la requérante

Sous-procureur général du Canada

 

Thornsteinssons                                               pour l'intimé

Avocats

Vancouver (C.-B.)



[1](1996) 96 D.T.C. 6562.

[2]Ibid., page 6567.

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