Date : 20050502
Dossier : A-506-04
Référence : 2005 CAF 155
CORAM : LE JUGE DÉCARY
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
EDDIE BORDAGE
défendeur
Audience tenue à Montréal (Québec), le 2 mai 2005.
Jugement rendu à l'audience à Montréal (Québec), le 2 mai 2005.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE DÉCARY
Date : 20050502
Dossier : A-506-04
Référence : 2005 CAF 155
CORAM : LE JUGE DÉCARY
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
EDDIE BORDAGE
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à l'audience à Montréal (Québec), le 2 mai 2005)
[1] En 2001, le défendeur, originaire de la Côte-Nord (province de Québec), obtient un diplôme en forage et dynamitage à la suite d'un cours qui se donnait à Sherbrooke et vers lequel il avait été dirigé par la Commission d'assurance-emploi. Il se trouve par la suite un emploi au Nouveau-Brunswick le 24 juillet 2002 dans un domaine autre que celui du forage et dynamitage.
[2] En janvier 2003, la Commission de la construction du Québec invite les personnes intéressées à suivre le cours « Chantiers, équipements et organismes » à poser leur candidature. Ce cours permet d'obtenir un certificat donnant le droit d'exercer une occupation sur les chantiers de construction du Québec. Il y a un nombre précis de places pour la région de la Côte-Nord, dont cinq sont réservées aux personnes diplômées en forage et dynamitage (dossier du demandeur, p. 47).
[3] Désireux de revenir au Québec, le défendeur pose sa candidature. Le 11 février 2003, la Commission de la construction du Québec l'informe que sa candidature a été retenue (dossier du demandeur, p. 23). Le cours, d'une durée de 60 heures, devait être donné en mars, avril, mai et juin 2003.
[4] Le 21 février 2003, le défendeur, qui avait obtenu sa permanence, quitte son emploi au Nouveau-Brunswick.
[5] Le 17 mars 2003, le défendeur demande qu'on lui verse des prestations de chômage étant donné qu'il avait quitté son emploi pour les raisons suivantes : il avait étudié en forage et dynamitage; l'emploi qu'il occupait au Nouveau-Brunswick n'était pas dans son domaine; il avait été accepté au cours de formation; il revenait ainsi dans sa région, la Côte-Nord (dossier du demandeur, p. 24). Il se disait d'avis que l'obtention de la « carte de construction » lui garantirait « un emploi dans mon domaine à moyen terme et dans des meilleures conditions » .
[6] Le 19 mars 2003, lors d'une entrevue avec un représentant de la Commission, il précisera qu'il voulait revenir au Québec et dans sa région, qu'il se cherchait alors du travail, qu'il venait de déménager et n'avait pas « encore contacté d'employeur » (dossier du demandeur, p. 27).
[7] Le 19 mars 2003, la Commission l'avise qu'il était exclu du bénéfice des prestations à partir du 23 février 2003 au motif qu'il avait volontairement quitté son emploi et qu'il ne s'agissait pas là de la seule solution raisonnable dans son cas.
[8] Le 16 avril 2003, le conseil arbitral casse la décision de la Commission, se disant d'avis que le cours (lequel ne commencera que le 22 avril suivant et devrait prendre fin le 2 mai) « lui ouvrira le marché du travail » et que « compte tenu [de son] parcours de formation ... il avait une assurance raisonnable d'un autre emploi » au sens du sous-alinéa 29c)(vi) de la Loi sur l'assurance-emploi.
[9] Le 12 août 2004, le juge-arbitre confirme en ces termes la décision du conseil arbitral :
[...] Le prestataire, en quittant son emploi pour suivre le cours nécessaire à l'obtention de la carte de construction, s'exposait certes à un risque de chômage, mais ce risque était raisonnable, compte tenu des exigences particulières dans le secteur de la construction au Québec, soit de détenir une carte de compétence pour pouvoir travailler sur les chantiers de construction. Le prestataire avait déjà investi considérablement dans sa formation de « forage et dynamitage » ; la suite logique était ce cours qui venait compléter sa formation et lui ouvrait les possibilités de travailler sur les chantiers du Québec, sa province d'origine.
À mon avis, le fait de compléter ce cours de 60 heures qui permet au prestataire d'obtenir sa carte de compétence peut être assimilé à ce que le juge Donaldson (cité par le juge Pratte dans l'affaire Tanguay, supra) décrit comme « taking steps which may reasonably be expected to lead to such employment as to make it right and reasonable to leave his employment » .
Il s'agit manifestement d'un cas « limite » et la Commission n'a pas réussi à convaincre le juge-arbitre que le conseil arbitral a erré en fait et en droit et que sa décision soit déraisonnable.
Bien que la jurisprudence semble réduire largement la possibilité de pouvoir quitter son emploi pour un motif semblable à celui de M. Bordage, la cause Mathieu Lessard, A-249-01, doit être distinguée, en ce que M. Bordage avait une assurance raisonnable d'un autre emploi dans un avenir immédiat : on demandait 5 foreurs et dynamiteurs sur la Côte Nord, il était le seul candidat, et il lui manquait un cours de 60 heures qui ne nécessitait pas de passer un examen à la fin.
[CUB 61395, p. 3]
[10] Le juge-arbitre et, avant lui, le conseil arbitral ont commis une erreur qui exige que nous intervenions.
[11] Le sous-alinéa 29c)(vi) requiert l'assurance raisonnable d'un autre emploi dans un avenir immédiat. En l'espèce, aucune de ces trois exigences n'est rencontrée. L'offre de la Commission de la construction du Québec est une offre de cours, pas une offre d'emploi. Au moment où il choisit de lui-même de devenir chômeur, le défendeur ne sait pas s'il aura un emploi, il ne sait pas de quel emploi auprès de quel employeur il s'agirait, il ne sait pas à quel moment dans l'avenir il aurait un emploi (voir Canada (Procureur général) c. Sacrey, [2004] I R.C.F. 733; Canada (Attorney General) v. Laughland, (2003) 301 N.R. 331 (C.A.F.); Canada (Procureur général) c. Bédard (2004) 241 D.L.R. (4th) 763 (C.A.F.); Canada v. Wall, (2002) 293 N.R. 338 (C.A.F.); Canada (Procureur général) c. Lessard, 2002 CAF 469).
[12] La demande de contrôle judiciaire sera accueillie, mais sans frais, le défendeur ne l'ayant point contestée; la décision du juge-arbitre sera annulée et l'affaire sera renvoyée au juge-arbitre en chef ou au juge-arbitre qu'il désignera pour qu'il rende une nouvelle décision en tenant pour acquis que le prestataire a quitté son emploi sans justification.
« Robert Décary »
j.c.a.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-506-04
INTITULÉ : LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
EDDIE BORDAGE
défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 2 mai 2005
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE DÉCARY
LE JUGE LÉTOURNEAU
LE JUGE PELLETIER
PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR : LE JUGE DÉCARY
COMPARUTIONS:
Me Paul Deschênes |
POUR LE DEMANDEUR |
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada Montréal (Québe |
POUR LE DEMANDEUR
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Landry, Savard Sept-Îles (Québec) |
POUR LE DÉFENDEUR
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