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Date : 20010719

Dossier : A-656-97

Référence neutre : 2001 CAF 238

CORAM :       LE JUGE EN CHEF RICHARD

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

                                                                 DAVID GREELEY

                                                                                                                                                         appelant

                                                                                   et

                                  LES PROPRIÉTAIRES DU NAVIRE « TAMI JOAN »

                        ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN INTÉRÊT

                              DANS LE NAVIRE et SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF

                                                        DU NOUVEAU-BRUNSWICK

                                                                                                                                                           intimés

                                   Audience tenue à St. John's (Terre-Neuve), le 1er juin 2001.

                                    Jugement prononcé à Ottawa (Ontario), le 19 juillet 2001.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                  LE JUGE EN CHEF RICHARD

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE ROTHSTEIN

                                                                                                                                       LE JUGE SEXTON


Date : 20010719

Dossier : A-656-97

Référence neutre : 2001 CAF 238

CORAM :       LE JUGE EN CHEF RICHARD

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

                                                                 DAVID GREELEY

                                                                                                                                                         appelant

                                                                                   et

                                  LES PROPRIÉTAIRES DU NAVIRE « TAMI JOAN »

                        ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN INTÉRÊT

                              DANS LE NAVIRE et SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF

                                                        DU NOUVEAU-BRUNSWICK

                                                                                                                                                           intimés

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EN CHEF RICHARD

[1]                 Il s'agit d'un appel de la décision de M. le juge Gibson ((1997), 135 F.T.R. 290).


[2]                 L'appelant (le demandeur) a conclu une charte-partie avec le propriétaire du navire « Tami Joan » pour la période du 15 mai 1992 au 25 décembre 1992. Comme l'appelant l'a découvert par la suite, le navire était grevé d'une hypothèque détenue par la province du Nouveau-Brunswick [ci-après le Nouveau-Brunswick], dont les paiements étaient en retard. Quand l'appelant et le propriétaire du « Tami Joan » ont laissé expirer l'assurance sur le navire, le Nouveau-Brunswick, à titre de créancier hypothécaire, a saisi le navire pendant qu'il se trouvait au port.

[3]                 Le 12 novembre 1992, l'appelant a intenté une action contre « Les propriétaires du navire « Tami Joan » , toutes les autres personnes ayant un intérêt dans ce navire et Sa Majesté la Reine du chef du Nouveau-Brunswick (représentée par le ministre des Pêches et de l'Aquaculture, Conseil de développement des pêches, du Nouveau-Brunswick) » .

[4]                 Aux termes d'une ordonnance rendue par M. le juge MacKay ((1996), 113 F.T.R. 66), le Nouveau-Brunswick a été supprimé comme deuxième défendeur, et les parties suivantes ont été rayées de la déclaration :

[TRADUCTION]

9. Le demandeur déclare qu'en raison de l'équipement, des fournitures et des améliorations qu'il a apportés sur le navire et de la possession légale de ce dernier, il a droit à un privilège maritime possessoire sur ce navire prioritaire à toute autre demande effective ou envisagée du deuxième défendeur.

ET le demandeur souhaite obtenir :

[...]

d) des dommages-intérêts relativement à l'équipement, aux fournitures et aux améliorations que s'est appropriés le deuxième défendeur pour son usage personnel - 35 777 $;

e) des dommages-intérêts particuliers et généraux contre le deuxième défendeur relativement à la perte de jouissance du navire défendeur pour la période du 26 octobre 1992 au 25 décembre 1992;


f) des dommages-intérêts punitifs contre le deuxième défendeur;

[...]

[5]                 L'instruction de l'action s'est ouverte sur la base de la déclaration modifiée. Le Nouveau-Brunswick y figurait à titre de personne intéressée en sa capacité de créancier hypothécaire.

[6]                 Dans la déclaration modifiée le demandeur sollicitait les redressements suivants :

[TRADUCTION]

a) une ordonnance portant que le demandeur a un droit de possession et de jouissance sur le navire défendeur;

b) une ordonnance portant que le demandeur détient un privilège maritime possessoire et un droit in rem à l'égard de l'équipement qu'il a fourni au navire défendeur et des améliorations qu'il y a apportées;

c) une ordonnance portant que ledit privilège maritime possessoire prend rang avant toute autre demande se rapportant au navire défendeur;

d)    des dommages-intérêts spéciaux et généraux en ce qui concerne la perte de jouissance du navire défendeur pour la période allant du 26 octobre 1992 au 25 décembre 1992;

e) des intérêts, conformément à la Judgment Interest Act;

f) les dépens.

[Les mots soulignés ont été ajoutés à l'ouverture de l'instruction.]


[7]                 Le juge de première instance a examiné tout d'abord la question de savoir si le Nouveau-Brunswick avait le droit de saisir le « Tami Joan » en vertu de son hypothèque; deuxièmement, dans l'affirmative, la question de savoir si l'appelant détenait un privilège possessoire et un droit in rem à l'égard des objets qu'il avait fournis au « Tami Joan » et des améliorations qu'il avait effectuées; troisièmement, la question de savoir quel était le rang de ce privilège par rapport à la réclamation du Nouveau-Brunswick contre le « Tami Joan » en vertu de son hypothèque; quatrièmement, la question de savoir à quels objets et améliorations s'appliquait tout privilège possessoire dont bénéficiait l'appelant; et cinquièmement, la question de savoir si l'appelant avait droit à des dommages-intérêts spéciaux et généraux à l'égard de la perte de jouissance du « Tami Joan » aux fins de la pêche après la saisie du navire.

[8]                 En ce qui a trait à la première question, le juge de première instance a statué que l'hypothèque détenue par le Nouveau-Brunswick avait été correctement enregistrée. Le Nouveau-Brunswick avait légalement le droit de saisir le navire puisque les paiements hypothécaires étaient en retard et que le propriétaire et l'appelant avaient laissé s'éteindre l'assurance, compromettant ainsi la garantie du Nouveau-Brunswick.

[9]                 Concernant la deuxième question, le juge de première instance a également conclu que si l'appelant avait en fait fourni des matériaux au navire, il détiendrait un privilège possessoire jusqu'au moment de la saisie du navire.


[10]            En ce qui a trait à la troisième question, le juge de première instance a statué que l'appelant avait effectivement fourni des marchandises et du matériel au navire et, par conséquent, que cela constituait le fondement de son privilège possessoire. Toutefois, comme l'appelant avait cessé d'avoir le navire en sa possession en raison de sa saisie légale effectuée par le Nouveau-Brunswick, et qu'il avait donc perdu sa priorité relativement à tout privilège dont il pouvait être le titulaire, il ne lui restait plus que le droit de recevoir le montant visé par son privilège, au même titre que tous les autres créanciers.

[11]            Le juge de première instance a donc jugé inutile d'examiner la quatrième question.

[12]            Finalement, le juge de première instance a conclu, après avoir soigneusement examiné la preuve, que l'appelant n'avait pas droit à des dommages-intérêts spéciaux ou généraux relativement à la perte de jouissance du navire pour la période du 26 octobre 1992, date de la saisie du navire par le Nouveau-Brunswick, jusqu'au 25 décembre 1992, date de l'expiration du contrat de location.

[13]            En appel, l'appelant a réclamé les réparations pécuniaires suivantes du Nouveau-Brunswick :

1.        des dommages-intérêts de 45 000 $ pour manque à gagner;

2.        des dommages-intérêts de 35 000 $ pour perte d'équipement.


[14]            Pour ce qui est de la réclamation pour manque à gagner, le juge de première instance a déclaré qu'il n'y avait tout simplement aucune façon de savoir si l'appelant avait perdu la possibilité de pêcher le flétan noir à la fin de la saison par suite de la saisie du navire et il a poursuivi en déclarant que, même s'il en arrivait à cette conclusion, il n'avait absolument aucun élément de preuve lui permettant de déterminer le montant des dommages-intérêts.

[15]            Cette conclusion de fait est appuyée par le dossier et la Cour ne voit aucune raison de modifier la conclusion du juge de première instance à cet égard, même en supposant que cette réclamation pouvait être formulée dans l'action de l'appelant devant la présente Cour.

[16]            Bien que l'appelant ait spécifiquement demandé des dommages-intérêts pour la perte de jouissance du navire, il n'a présenté aucune réclamation précise pour les dommages-intérêts concernant la perte d'équipement. Il a plutôt plaidé son droit à un privilège possessoire et à un droit in rem découlant des objets qu'il a fournis au navire et des améliorations qu'il y a apportées.

[17]            Le juge de première instance a conclu qu'au moment où l'action a été intentée l'appelant ne disposait d'aucun fondement lui permettant de procéder in rem en vue de faire exécuter son privilège possessoire et que tout droit in rem éventuel d'origine législative pour les approvisionnements et les réparations prendrait rang après le droit du Nouveau-Brunswick en sa qualité de créancier hypothécaire.

[18]            Par conséquent, le juge de première instance n'a pas examiné la question des dommages-intérêts se rapportant à la perte d'équipement.


[19]            Toutefois, en appel, la Cour a été invitée à se pencher sur la question des dommages-intérêts découlant des réparations et des améliorations effectuées sur le navire par l'appelant pour la pêche en se fondant sur les documents dont était saisi le juge de première instance.

[20]            Les seuls biens que le juge de première instance a identifiés comme ayant été indiscutablement fournis par l'appelant sont 71 filets maillants et une rambarde de sûreté.

[21]            En ce qui concerne les 71 filets maillants, l'appelant a déclaré dans son témoignage qu'il les avait achetés d'un pêcheur à la mi-juillet 1992, mais il n'a fourni aucune facture ni aucun reçu. Non seulement n'y a-t-il aucune preuve de cette transaction, mais il n'y a pas non plus de preuve du prix payé. L'appelant a simplement fourni une estimation écrite du prix qu'il devrait payer pour acheter de nouveaux filets d'un détaillant, mais cet élément n'a aucune valeur probante étant donné que les filets de l'appelant n'étaient pas neufs. Par conséquent, l'appelant n'a pas prouvé les dommages-intérêts sous ce chef.

[22]            En ce qui a trait à la rambarde de sûreté, le défendeur a indiqué dans son témoignage qu'il avait payé 1 800 $ pour le matériel et la main-d'oeuvre. Il n'a produit aucune facture ni aucun reçu. Par conséquent, l'appelant n'a également pas fourni de preuve sous ce chef.


[23]            Concernant des autres engins de pêche pour lesquels il réclame maintenant des dommages-intérêts, le dossier laisse entendre que l'équipement et les engins ont été transportés à bord par l'appelant pour son propre usage pour le reste du contrat de location.

[24]            Le juge de première instance a noté que J. W. Hiscock Sons Ltd. (ci-après Hiscock) avait consenti des facilités de crédit considérables à l'appelant aux fins de son entreprise de pêche à condition que tout le poisson ramené par l'appelant soit traité par Hiscock.

[25]            À l'exception des rambardes de sûreté que l'appelant a installées de sa propre initiative, il ressort du dossier que les agents du Nouveau-Brunswick ont autorisé les personnes ayant un intérêt dans les engins ou l'équipement à reprendre ces biens. Le juge de première instance a même noté que l'appelant avait facilité la remise de l'équipement, des matériaux et des engins à Hiscock, qui a présenté l'une des plus importantes réclamations à l'égard de l'équipement.

[26]            Le dossier révèle également que l'appelant a admis qu'il n'était pas le propriétaire de tous les engins qui se trouvaient sur le bateau, et il y a certaines contradictions quant à savoir s'il n'aurait pas affirmé à l'un des agents du Nouveau-Brunswick qui était présent sur le navire au moment de la saisie qu'en fait aucun de ces engins ne lui appartenait. Ce n'est que plus tard que l'appelant a déposé une réclamation en tant que propriétaire.


[27]            L'appelant a déposé en preuve quelques factures et reçus, établis à son nom et à d'autres personnes, se rapportant à une partie de l'équipement.

[28]            Bien que certains de ces factures et reçus appuient la réclamation de l'appelant selon laquelle au moins une partie du reste de l'équipement a été livrée au navire, et peut indiquer que des frais ont été engagés pour que le « Tami Joan » réponde aux besoins de l'appelant pendant la durée de la charte-partie, aucun élément de preuve ne laisse entendre que ces dépenses ont été engagées autrement que pour permettre à l'appelant de faire la pêche pour le reste du contrat de location.

[29]            Les conditions de la charte-partie sont les suivantes :

[TRADUCTION]

4. Le locataire exploite, entretient et garde en bon état de fonctionnement, à ses propres frais, le navire à moteur loué et le remet dans le même état qu'il l'a reçu. Plus précisément, il doit :

a) Fournir tout le fuel et tous les lubrifiants nécessaires pour le fonctionnement du moteur.

b) Faire toutes les réparations nécessaires pour que le navire à moteur soit en bon état de fonctionnement.

c) Remplacer toutes les pièces brisées ou usées.

d) Retourner le navire à moteur en bon état de propreté.

5. Avant que le navire à moteur soit remis au locataire, ce dernier peut exiger qu'une inspection soit faite par des autorités appropriées et si le navire à moteur n'est pas dans un état satisfaisant, le coût de l'inspection sera à la charge du propriétaire. Si le locataire n'inspecte pas le navire à moteur avant d'en prendre livraison, il est irréfutablement réputé avoir accepté que le navire à moteur est en bon état de fonctionnement sans aucune pièce brisée ou usée et dans un état de propreté satisfaisant.

[30]            Ceci indique que l'appelant, et non le propriétaire, était responsable de toutes les fournitures, améliorations et réparations livrées et apportées au navire pendant la période du contrat de location.


[31]            En faisant valoir sa réclamation pour des dommages-intérêts pour la conversion non appropriée des biens par le Nouveau-Brunswick, l'appelant cherche à réintroduire l'action en responsabilité civile qui a été radiée de sa déclaration par l'ordonnance du juge MacKay le 11 avril 1996. Cette ordonnance n'a pas fait l'objet d'un appel.

[32]            Si le Nouveau-Brunswick a à tort converti les biens de l'appelant, alors il est loisible à l'appelant d'intenter une action contre le Nouveau-Brunswick devant les tribunaux de cette province.

[33]            Par conséquent, même si l'appelant conteste les autres conclusions du juge de première instance, son appel ne peut être accueilli.

[34]            L'appel sera donc rejeté avec dépens.

                                                                                             « J. Richard »                 

                                                                                                 Juge en chef                  

« Je souscris à ces motifs

Marshall Rothstein, juge »

« Je souscris à ces motifs

J. Edgar Sexton, juge »

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20010719

Dossier : A-656-97

Ottawa (Ontario), le 19 juillet 2001

CORAM :       LE JUGE EN CHEF RICHARD

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

                                       DAVID GREELEY

                                                                                                     appelant

                                                         et

        LES PROPRIÉTAIRES DU NAVIRE « TAMI JOAN »

ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN INTÉRÊT

    DANS LE NAVIRE et SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF

                              DU NOUVEAU-BRUNSWICK

                                                                                                       intimés

                                              JUGEMENT

L'appel est rejeté avec dépens.

                                                                                             « J. Richard »                 

                                                                                                 Juge en chef                

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                               COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                     AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS

DOSSIER :                 A-656-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :                          DAVID GREELEY c. LES PROPRIÉTAIRES DU

NAVIRE « TAMI JOAN » ET TOUTES LES

AUTRES PERSONNES AYANT UN INTÉRÊT

DANS LE NAVIRE ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                ST. JOHN'S (TERRE-NEUVE)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 1er JUIN 2001

MOTIFS DU JUGEMENT :                          LE JUGE EN CHEF RICHARD

Y ONT SOUSCRIT :                                        LES JUGES ROTHSTEIN ET SEXTON

DATE :                        LE 19 JUILLET 2001

COMPARUTIONS:

JOHN R. SINNOTT, c.r.                                                              POUR L'APPELANT

O. CLYDE SPINNEY                                                                  POUR LES INTIMÉS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

LEWIS, SINNOTT, SHORTALL, HURLEY

ST. JOHN'S (TERRE-NEUVE)                                                    POUR L'APPELANT

PROCUREUR GÉNÉRAL DU NOUVEAU-BRUNSWICK

FREDERICTON (NOUVEAU-BRUNSWICK)                         POUR LES INTIMÉS

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