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Date : 20020318

Dossier : A-223-01

Toronto (Ontario), le lundi 18 mars 2002

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                                 JAN HOY CASSELLS, LORRAINE CASSELLS,

JACQUELINE WALLACE, DALTON HUGH et

CHEYENNE CASSELLS, représentés par leur tutrice à l'instance,

LORRAINE CASSELLS

                                                                                                                                            appelants

                                                                         - et -

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

                                                                 JUGEMENT

L'appel est rejeté, avec les dépens partie-partie.

                                                                                                                       « Marshall Rothstein »          

                                                                                                                                                    Juge                        

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20020319

Dossier : A-223-01

                                            Référence neutre : 2002 CAF 110

CORAM :     LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

LE JUGE EVANS

ENTRE :

             JAN HOY CASSELLS, LORRAINE CASSELLS,

JACQUELINE WALLACE, DALTON HUGH et

CHEYENNE CASSELLS, représentés par leur tutrice àl'instance,

LORRAINE CASSELLS

                                                                    appelants

                                   - et -

SA MAJESTÉLA REINE

intimée

                                                                            

       Audience tenue à Toronto (Ontario), le lundi 18 mars 2002.

             Jugement rendu à l'audience à Toronto (Ontario),

                          le lundi 18 mars 2002.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                          LE JUGE EVANS


Date : 20020319

Dossier : A-223-01

Référence neutre : 2002 CAF 110

CORAM :     LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

LE JUGE EVANS

ENTRE :

             JAN HOY CASSELLS, LORRAINE CASSELLS,

JACQUELINE WALLACE, DALTON HUGH et

CHEYENNE CASSELLS, représentés par leur tutrice àl'instance,

LORRAINE CASSELLS

                                                                    appelants

                                   - et -

SA MAJESTÉLA REINE

intimée

                   MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

                (prononcés à l'audience à Toronto (Ontario),

                          le lundi 18 mars 2002)

LE JUGE EVANS

   Il s'agit d'un appel interjetécontre l'ordonnance d'un juge de la Section de première instance (Cassells c. La Reine, 2001 CFPI 263), qui avait rejetéune requête en jugement sommaire introduite par les appelants contre l'intimée, Sa Majestéla Reine. La requête faisait suite àune action introduite par Jan Hoy Cassells, son épouse et leurs enfants, qui demandaient réparation pour plusieurs préjudices qu'ils prétendaient avoir subis lorsque M. Cassells fut illégalement renvoyédu Canada en 1998 conformément àune mesure d'expulsion prononcée contre lui.

   Le renvoi était illégal parce que M. Cassells était àl'époque soumis àune assignation de témoin décernée àla requête de son épouse. L'assignation l'enjoignait de comparaître comme témoin àl'instruction d'une demande introduite par Mme Cassells devant la Cour de l'Ontario (Division de la famille). Mme Cassells voulait faire modifier une ordonnance de supervision et demandait que la responsabilitéde la supervision de la famille soit transférée d'une sociétéd'aide àl'enfance de Toronto àune autre située àWindsor, la ville oùils avaient déménagé. La Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, alinéa 50(1)a), prévoit qu'une mesure de renvoi ne peut être exécutée lorsque l'exécution irait directement àl'encontre d'une autre décision rendue au Canada par une autoritéjudiciaire.

   Dans une ordonnance datée du 8 juin 1998, le juge Brockenshire, de la Cour de l'Ontario (Division générale), a jugéque l'existence de l'assignation de témoin rendait illégal le renvoi de M. Cassells, et il a ordonnéau ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration d'autoriser M. Cassells àrevenir au Canada aux frais de l'État. Il a jugéqu'il n'appartenait pas aux fonctionnaires de l'immigration de décider par eux-mêmes que l'assignation était un moyen dilatoire et de renvoyer M. Cassells sur la foi de leur conclusion. Si leur impression était que l'assignation était un moyen dilatoire, alors ils auraient dûdéposer une demande pour la faire annuler, mais aucune demande n'a étédéposée.


   Le juge des requêtes a estiméque, bien que l'argument ex turpi causa non oritur actio n'eût pas étéplaidéàl'encontre de la requête des appelants en jugement sommaire, la Couronne pourrait opposer cet argument en faisant valoir que l'assignation de témoin avait peut-être étéobtenue dans le dessein illicite de différer encore le renvoi de M. Cassells du Canada. Le juge des requêtes a estiméque, en toute équitépour ceux que pouvait préoccuper un comportement antisocial de cette nature, on ne saurait tirer de conclusions défavorables sans qu'ils aient d'abord eu l'occasion d'exposer leurs positions devant la Cour.

   Dans la présente instance, l'avocat de M. Cassells et de sa famille a fait valoir que le juge des requêtes avait commis trois erreurs qui autorisaient la Cour àinfirmer sa décision et àaccorder la requête en jugement sommaire présentée par ses clients. D'abord, selon lui, l'argument ex turpi causa était chose jugée parce que le juge Brockenshire avait conclu que l'assignation n'était pas un moyen dilatoire. Ce n'est pas ainsi que nous lisons les motifs du juge Brockenshire. Ànotre avis, il a seulement dit qu'il n'appartenait pas aux fonctionnaires de décider par eux-mêmes d'ignorer l'assignation de témoin et de renvoyer M. Cassells.

   L'avocat des appelants a également soutenu que le juge Brockenshire avait dûdécider que l'assignation n'était pas un moyen dilatoire, parce qu'autrement il aurait refuséd'accorder l'ordonnance discrétionnaire enjoignant le ministre d'autoriser M. Cassells àrevenir au Canada aux frais de l'État. En l'absence d'une indication en ce sens dans les motifs, nous ne sommes pas disposés àconjecturer ainsi et nous ne pouvons conclure, au vu des motifs et de l'ordonnance du juge Brockenshire, qu'il a dûimplicitement considérer que l'assignation n'était pas un moyen dilatoire.


   Deuxièmement, l'avocat des appelants a soutenu que l'argument ex turpi causa était chose jugée parce qu'il n'avait pas étéinvoquépar la Couronne lorsqu'elle avait demandéàla Cour fédérale, par requête, de radier l'action en dommages-intérêts des appelants parce qu'elle était frivole et vexatoire, requête qui a étérejetée par le juge Rouleau le 9 juin 1998. Ànotre avis, si la Couronne n'a pas invoquél'argument ex turpi causa dans ladite requête, laquelle a étérejetée, cela ne l'empêche pas de modifier ultérieurement sa défense au regard de la déclaration des appelants.

   Troisièmement, l'avocat des appelants a avancéque la Couronne n'avait pas expressément invoquél'argument ex turpi causa àl'audition de la requête et ne l'avait pas plaidédans la défense qui avait suivi la déclaration des appelants. Par conséquent, de dire l'avocat, le juge des requêtes a commis une erreur en soulevant lui-même cet argument, parce que cela était incompatible avec la nature contentieuse du procès et que cela avait nui aux appelants, qui n'avaient pas étéavertis du moyen de défense et qui par conséquent n'avaient pas eu une véritable possibilitéd'y réagir.

   Que le juge des requêtes ait ou non commis une erreur en soulevant de son propre chef le moyen ex turpi causa, nous sommes convaincus que la déclaration renferme des points de fait et de droit qui ne sauraient être adéquatement résolus par une requête en jugement sommaire. Au surplus, lorsqu'un juge, durant l'instruction d'une requête en jugement sommaire, suggère un moyen de défense possible non antérieurement plaidé, cela ne suffit pas en soi àempêcher la partie concernée de modifier si elle le souhaite ses actes de procédure en accord avec cette suggestion.

Ànotre avis, il ressort clairement des pièces produites qu'il ne peut être disposéde la prétention des appelants sans procès. L'avocat des appelants reconnaît d'ailleurs qu'un procès est nécessaire pour quantifier le préjudice. Quant aux aspects de la responsabilité, les appelants devront prouver bien davantage que le fait du renvoi de M. Cassells du Canada en contravention de l'alinéa 50(1)a), le seul point décidépar le juge Brockenshire.

Une mesure administrative prise en contravention d'un texte de loi ne donne pas toujours droit àindemnisation. Notre droit ne reconnaît pas le délit ou quasi-délit général qui consiste àcauser un préjudice en raison d'actes illégaux ou en raison d'une conduite qui nie les droits fondamentaux d'une personne. Pour obtenir réparation, les appelants pourraient devoir prouver, entre autres choses, non seulement que le renvoi de M. Cassells était illégal (la question qui est chose jugée), mais aussi que les fonctionnaires concernés par les événements entourant son renvoi ont agi avec malice, téméritéou au mépris d'une obligation de prudence dont M. Cassells était créancier, ou encore que le renvoi a donnénaissance àune action des appelants, autres que M. Cassells lui-même, selon le paragraphe 61(1) de la Loi sur le droit de la famille, L.R.O. (1990), ch. F-3.

Les appelants ne peuvent simplement fonder leur action en dommages-intérêts sur l'ordonnance du juge Brockenshire, et ils semblent le reconnaître dans leur déclaration. Ainsi, au paragraphe 28, ils affirment que, lorsqu'elle a ordonnéle renvoi de M. Cassells, l'agente chargée des renvois a agi « avec téméritéet sans égard àses droits fondamentaux » et qu'il n'existait aucune raison valable de décerner le mandat en vue de son arrestation. Aussi, au paragraphe 31, les appelants affirment qu'une présumée lettre diffamatoire remise aux autorités jamaïcaines àl'arrivée de M. Cassells avait étéécrite par les fonctionnaires de l'immigration « avec malice » . D'ailleurs, de difficiles questions risquent de se poser : si les fonctionnaires se sont trompés, leurs erreurs étaient-elles des erreurs de droit ou des erreurs de fait? et cette distinction a-t-elle ici des conséquences?


L'avocat des appelants a soutenu que la défenderesse ne pouvait priver les appelants du bénéfice d'un jugement sommaire en insérant dans sa défense un déni général et en bloc des allégations contenues dans la déclaration, surtout au vu de la conclusion du juge Brockenshire selon laquelle le renvoi de M. Cassells était illégal en raison de l'existence de l'assignation de témoin, assignation dont les fonctionnaires concernés avaient connaissance àtous les moments pertinents.

Ànotre avis cependant, le juge des requêtes a eu raison de refuser de faire droit àla requête des appelants en jugement sommaire parce que la déclaration des appelants soulève àl'évidence quantitéde difficiles points de droit et de fait qui ne peuvent être valablement décidés que sur la foi d'un dossier factuel complet comme celui qui résulte d'un procès. D'ailleurs, dans son affidavit, Mme Davidson, l'agente chargée des renvois, indiquait que ni elle ni, àsa connaissance, d'autres agents d'immigration, n'avaient étémotivés par des considérations déplacées, mais croyaient plutôt qu'il n'y avait aucun obstacle juridique au renvoi de M. Cassells.

Dans une affaire soulevant des questions juridiques plus simples et plus nettes, il aurait sans doute fallu que la Couronne, s'empressant de répondre àla requête, produise une preuve plus conséquente. Cependant, dans la présente affaire, qui soulève de difficiles questions, notamment des points de droit qui dépendent de faits, le juge des requêtes pouvait parfaitement, compte tenu de l'ensemble des éléments produits, rejeter la requête des appelants en jugement sommaire.

Pour ces motifs, et en dépit des efforts de M. Barnwell, l'avocat des appelants, l'appel sera rejeté, avec dépens.

                                                            « John M. Evans »                  

                                                                         Juge                                 

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                        COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

                          SECTION D'APPEL

                    AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                       A-223-01

INTITULÉ:                    JAN HOY CASSELLS, LORRAINE CASSELLS,

JACQUELINE WALLACE, DALTON HUGH et

CHEYENNE CASSELLS, représentés par leur

tutrice àl'instance, LORRAINE CASSELLS

                                                                    appelants

- et -

SA MAJESTÉLA REINE

intimée

DATE DE L'AUDIENCE :         LE LUNDI 18 MARS 2002

LIEU DE L'AUDIENCE :         TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                   LE JUGE EVANS

DATE DES MOTIFS :            LE MARDI 19 MARS 2002

PRONONCÉS ÀL'AUDIENCE ÀTORONTO (ONTARIO), LE LUNDI 18 MARS 2002.

ONT COMPARU :

Osborne G. Barnwell                                pour les appelants

David Tyndale                                pour l'intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

FERGUSON, BARNWELL                     pour les appelants

Avocats

515 ch. Consumers, bureau 310

Toronto (Ontario)

M2J 2Z4

Morris Rosenberg                           pour l'intimée

Sous-procureur général du Canada


           COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

                 SECTION D'APPEL

Date : 20020319

Dossier : A-223-01

ENTRE :

JAN HOY CASSELLS, LORRAINE CASSELLS,

JACQUELINE WALLACE, DALTON HUGH et

CHEYENNE CASSELLS, représentés par leur tutrice àl'instance, LORRAINE CASSELLS

                                       appelants

- et -

SA MAJESTÉLA REINE

intimée

                                                                                            

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

                                                                                          

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