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Date : 20051221

Dossier : A-191-05

Référence : 2005 CAF 440

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Demandeur

et

MICHEL VILLENEUVE

Défendeur

Audience tenue à Montréal (Québec), le 15 décembre 2005.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 21 décembre 2005.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                      LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE NADON

                                                                                                                       LE JUGE PELLETIER


Date : 20051221

Dossier : A-191-05

Référence : 2005 CAF 440

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Demandeur

et

MICHEL VILLENEUVE

Défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]                La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision d'un juge-arbitre, lequel accueillît un appel du défendeur à l'encontre d'une décision d'un conseil arbitral rendue le 9 septembre 2004.

[2]                Dans sa décision du 9 septembre 2004, le conseil arbitral entérinait la décision prise par la Commission de l'assurance-emploi du Canada (Commission) de réviser le salaire du défendeur pour une semaine de gains qu'il avait omis de déclarer et, en conséquence, de rajuster à la baisse le montant des prestations qui lui étaient payables pour cette semaine. Le rajustement entraînait alors un trop-payé par la Commission.

[3]                L'appel devant le juge-arbitre ne soulevait qu'une seule question bien ciblée : la Commission a-t-elle erré dans sa décision de réviser les gains du défendeur et de rajuster le montant des prestations ? Le juge-arbitre n'y a jamais répondu. Il a plutôt annulé ou radié la dette du défendeur résultant du trop-payé qu'il a reçu. Il a conclu que le défendeur devait deux montants, en fait deux trop-payés, à la Commission. Il a ensuite procédé à l'imputation du paiement sur l'une des deux dettes, son choix étant dicté par l'article 1572 du Code civil du Québec comme étant la dette que le défendeur avait le plus d'avantage à acquitter. Les faits qui ont donné naissance à cette décision du juge-arbitre et à la demande de contrôle judiciaire qui en découle sont les suivants.

LES FAITS

[4]                Le défendeur a demandé et reçu des prestations d'assurance-chômage après une cessation de travail. Sa période initiale de prestations fut établie à compter du 27 janvier 2002.

[5]                Suite à une réévaluation des heures et de la rémunération assurables du défendeur, la période du début des prestations qui avait été fixée au 27 janvier 2002 fut modifiée et décalée dans le temps au 2 février 2002. Cette décision consécutive à la réévaluation fut prise le 26 mars 2002. À ce moment-là, des prestations avaient déjà été versées au demandeur et il en résultait un trop-payé de 413 $.

[6]                Le défendeur fut informé, le 6 juillet 2002, de la décision consécutive à la réévaluation et du trop-payé réclamé, lequel fut récupéré par des prélèvements sur des prestations payables au cours des mois de janvier et février 2003. La dette résultant de ce trop-payé était donc éteinte.

[7]                Pour le défendeur qui en était à sa toute première expérience et excursion dans le dédale de l'assurance-emploi, le report de sa période initiale de bénéfices (qui avait été avancée par la Commission par rapport à la période qu'il avait lui-même déclarée dans son relevé d'emploi) et la réclamation d'un trop-payé n'ont pas manqué de le dérouter au point de le désarçonner.

[8]                En février 2003, la Commission réalise qu'en avril 2002, le défendeur a travaillé une semaine pour Téléglobe Canada et a touché une rémunération à titre de salaire au montant de 863,02 $ qu'il a omis de déclarer. Le 5 février 2003, la Commission écrit au défendeur pour obtenir des explications quant à ce revenu non déclaré. Le défendeur répond par écrit, le 14 février 2003, et confirme le travail effectué ainsi que la rémunération reçue. Mais il croit erronément, de bonne foi, avoir remboursé les montants dus à la Commission par suite de cette rémunération non déclarée au moyen des prélèvements de janvier et février qui viennent tout juste d'être faits. Cette méprise ressort clairement de sa lettre du 14 février 2003.

[9]                Bien sûr qu'il y a méprise de sa part puisqu'à ce moment-là l'impact de cette rémunération sur le bénéfice de ses prestations n'a pas encore été déterminé par la Commission. Celle-ci n'en est qu'au stade de la vérification quant à l'existence de cette rémunération qu'aurait touchée le défendeur.

[10]            Aussi, le fait maintenant confirmé, conformément à la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (Loi), la Commission procède-t-elle à la répartition de la somme de 863,02 $ gagnée dans la semaine du 21 avril 2002. Le 22 avril 2003, elle rend sa décision sur la répartition de cette somme. Elle rajuste le salaire du défendeur pour la semaine du 21 avril 2002. Le 26 avril 2003, elle informe ce dernier qu'en conséquence de ce rajustement, un montant de prestations lui a été versé en trop : voir le dossier du demandeur, pages 11 et 31. Il s'agit d'un deuxième trop-payé dont le montant, par pure coïncidence, est identique au montant du premier trop-payé déjà acquitté, soit 413 $. Il n'y a pas de doute qu'une grande partie de la confusion qu'on peut constater au niveau du défendeur, du conseil arbitral et du juge-arbitre émane de cette coïncidence au niveau des montants. Pourtant, particulièrement pour les intervenants dans le système qui sont familiers avec ce dernier, les explications de la Commission au dossier sont assez claires pour dissiper cette confusion pour autant et pour peu qu'on s'y arrête.

ANALYSE DES FAITS ET DE LA DÉCISION DU JUGE-ARBITRE

[11]            Cette mise en état de la situation conduit à cinq conclusions, factuelles et juridiques, toutes aussi évidentes qu'inéluctables. Premièrement, le défendeur ne peut avoir remboursé en janvier et en février 2003 un trop-payé qui n'existait pas avant la décision de la Commission rendue le 22 avril 2003 et qu'on n'avait pas réclamé du défendeur avant l'avis de dette qui lui fut envoyé le 26 avril 2003.

[12]            Deuxièmement, le remboursement de janvier et de février 2003, effectué à partir des prélèvements, est indubitablement le remboursement du premier trop-payé généré par le report de la période de bénéfices du 28 janvier 2002 au 2 février 2002.

[13]            Troisièmement, au moment où le juge-arbitre fut saisi de l'appel du défendeur, il n'existait qu'une seule dette, soit celle découlant de la décision du 22 avril 2003 suite à la répartition de la somme gagnée dans la semaine du 21 avril 2002 et non déclarée.

[14]            Quatrièmement, le juge-arbitre ne peut, comme il l'a fait, à partir des prélèvements faits en janvier et février 2003, procéder à une imputation de paiement pour une dette (celle créée par la décision du 22 avril 2003) qui n'existait pas au moment où ces prélèvements ont servi à rembourser le premier trop-payé.

[15]            Cinquièmement, ni le défendeur ni le juge-arbitre ne peuvent se livrer à un imputation de paiement entre deux dettes lorsqu'il n'en existe qu'une.

[16]            Enfin, il n'est pas nécessaire d'élaborer longuement sur la question, mais la radiation, la défalcation ou l'extinction d'une dette ne sont pas des pouvoirs qui ressortent de la compétence du juge-arbitre saisi d'un appel d'un prestataire à l'encontre d'une décision d'un conseil arbitral maintenant la répartition de la rémunération faite par la Commission : voir La Procureure générale du Canada c. Filiatrault, A-874-97, 18 septembre 1998 (C.A.F.); Buffone c. Ministre du développement des ressources humaines (Canada), A-666-99, 12 janvier 2001; Le Procureur général du Canada c. Mosher, 2002 CAF 355; Le Procureur général du Canada c. Idemudia, A-9-98, 11 février 1999.

[17]            Il est déconcertant de voir les importantes sommes d'argent littéralement gaspillées pour percevoir un trop-payé de 413 $ alors que l'erreur du prestataire était évidente et pouvait facilement se constater et se corriger lors de l'appel devant le conseil arbitral. Il a fallu deux séances du conseil arbitral avant qu'il ne soit compris ce qui se passait et que la confusion ne soit dissipée.

[18]            Malgré tout, une ordonnance du juge-arbitre en chef délégué, en date du 23 décembre 2004, donc postérieure à la décision du conseil arbitral du 9 septembre 2004, reproche un manque total d'explication valable à l'endroit du défendeur alors que des explications claires apparaissent au dossier, à la fois dans l'argumentation du 19 juin 2003 (pièce no. 13) et dans celle du 17 mars 2004 (pièce 24.3) soumises au conseil arbitral. L'ordonnance réunissait les deux dossiers du défendeur afin que le juge-arbitre « puisse enfin éclaircir la situation pour le bénéfice du prestataire » .

[19]            Malheureusement, ce ne fut pas le cas. Le juge-arbitre saisi de l'appel a ramené au premier plan la confusion qui avait été finalement dissipée par le conseil arbitral. Il a résolu un problème qui n'existait pas en s'appropriant une compétence qu'il ne possède pas, ce qui n'a fait qu'ajouter à la confusion du défendeur. Devant ces faits, la Commission n'avait d'autre choix que d'interjeter appel pour faire sanctionner le défaut de compétence. Elle l'a fait en renonçant aux dépens contre le défendeur.

[20]            À l'audience, les membres de la formation ont pris le temps d'expliquer au défendeur, en moult détails, les tenants et aboutissants des deux trop-payés et de la décision du conseil arbitral du 9 septembre 2004. Il est à souhaiter que le défendeur, qui s'est représenté seul, qui a investi un temps et des efforts considérables dans la résolution de ce dossier et qui s'est senti floué par le système, puisse enfin retrouver une sérénité échue depuis longtemps. Il va sans dire que la défalcation par la Commission du montant minime qui est dû contribuerait grandement au rétablissement de cette sérénité.

CONCLUSION

[21]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie sans frais, le demandeur y ayant renoncé. La décision du juge-arbitre sera annulée et l'affaire sera retournée au juge-arbitre en chef, ou au juge-arbitre qu'il désignera, pour qu'il la décide à nouveau en tenant pour acquis que l'appel du défendeur, à l'encontre de la décision du conseil arbitral du 9 septembre 2004 maintenant

la décision de la Commission quant à la répartition de la rémunération reçue par le défendeur, doit être rejeté.

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

« Je suis d'accord

Marc Nadon j.c.a. »

« Je suis d'accord

J.D. Denis Pelletier j.c.a. »


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     A-191-05

INTITULÉ :                                                    LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                        c. MICHEL VILLENEUVE

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 15 décembre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                         LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                      LE JUGE NADON

                                                                        LE JUGE PELLETIER

DATE DES MOTIFS :                                   le 21 décembre 2005

COMPARUTIONS :

Me Carole Bureau

POUR LE DEMANDEUR

M. Michel Villeneuve

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

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