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Date : 20000210


Dossier : A-449-97


CORAM :      LE JUGE STRAYER

                 LE JUGE ROBERTSON

                 LE JUGE NOËL



ENTRE :


URBANDALE REALTY CORPORATION LIMITED,


appelante,


- et -



SA MAJESTÉ LA REINE,


intimée.






Appel entendu à Ottawa (Ontario), le mercredi 3 novembre 1999



Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le jeudi 10 février 2000





MOTIFS DU JUGEMENT :      LE JUGE NOËL

Y A SOUSCRIT :      LE JUGE STRAYER

MOTIFS DISSIDENTS :      LE JUGE ROBERTSON





Date : 20000210


Dossier : A-449-97


CORAM :      LE JUGE STRAYER

                 LE JUGE ROBERTSON

                 LE JUGE NOËL

ENTRE :


URBANDALE REALTY CORPORATION LIMITED,


appelante,


- et -



SA MAJESTÉ LA REINE,


intimée.



MOTIFS DU JUGEMENT


LE JUGE NOËL

[1]          Il s"agit de l"appel d"un jugement par lequel le juge Dubé, de la Section de première instance de la Cour fédérale1, a rejeté l"appel du jugement rendu par le juge Bonner, de la Cour canadienne de l"impôt2, rejetant l"appel interjeté à l"encontre d"une nouvelle cotisation pour l"année d"imposition 1986 de l"appelante.

[2]          La question à trancher dans le présent appel est la suivante : la somme de 2 908 000 $ que l"appelante a versée au cours de son année d"imposition 1986 à la municipalité régionale d"Ottawa-Carleton à titre de redevance d"aménagement régionale (RAR) était-elle, sous le régime du paragraphe 9(1) de la Loi de l"impôt sur le revenu3 (la Loi), déductible dans le calcul du bénéfice tiré par l"appelante de son entreprise de promotion immobilière pour cette année d"imposition et, si oui, cette déduction est-elle interdite par l"alinéa 18(9)a )? Ayant conclu que le débours n"était pas déductible sous le régime du paragraphe 9(1), le juge Dubé ne s"est pas prononcé au sujet de l"alinéa 18(9)a ).

Les faits

[3]          Les faits essentiels ne sont pas contestés.

[4]          L"appelante exploite une entreprise de promotion immobilière et, à ce titre, achète des terrains " vagues " ou non lotis, les lotit, les viabilise, puis les vend à des constructeurs. De plus, elle détient et gère divers biens locatifs.

[5]          Situé dans la ville de Kanata, le terrain à l"égard duquel la RAR a été versée comporte environ 160 hectares de terrains " vagues " destinés à l"aménagement résidentiel. Au moment du paiement, les activités nécessaires à la production d"un plan de lotissement avaient été réalisées et un avant-projet de lotissement avait été déposé auprès de la municipalité régionale. Aucun aménagement n"y avait encore été apporté.

[6]          Avant l"imposition de la RAR, les promoteurs étaient tenus, comme condition de la convention concernant le lotissement, d"installer, à leurs propres frais, des services tels que les égouts et l"eau, dans les limites du lotissement. De même, ils étaient obligés d"affecter des terres à l"aménagement de chemins et de parcs dans le lotissement et de supporter autrement les coûts, même indirects, liés au lotissement lui-même. Toutefois, une grande partie des frais généraux étaient pris en charge par le contribuable existant.

[7]          La RAR a été introduite en 19854 à titre de paiement unique à l"égard de terrains devant être aménagés à des fins résidentielles; elle était censée réduire les répercussions sur l"assiette fiscale des dépenses en immobilisations requises par les nouveaux aménagements. Elle a été imposée dans l"intérêt général, en l"occurrence pour financer divers services municipaux assurés par la municipalité régionale relativement au développement urbain. L"appelante et l"intimée souscrivent à la conclusion du juge Dubé selon laquelle la RAR constituait une forme d"impôt foncier5.

[8]          La RAR a été imposée comme condition d"approbation du morcellement des terres et devait être payée à la suite de l"enregistrement du plan de lotissement6. Pour en assurer le paiement, la municipalité régionale avait conclu des arrangements avec les municipalités locales suivant lesquels ces dernières acceptaient de ne délivrer un permis de construire que si l"auteur de la demande produisait un certificat attestant que la RAR avait été payée7.

[9]          La RAR était calculée en fonction d"un taux afférent au genre de logements envisagés par le plan de lotissement. L"entrée en vigueur de ces taux devait s"étaler sur une période de trois ans comme suit : 1985, le tiers du taux intégral, 1986, les deux tiers du taux intégral, et 1987, le taux intégral, plus l"indexation conforme à une échelle déterminée8.

[10]          L"appelante a payé la RAR à la fin de 1986 de manière à éviter l"augmentation des taux devant entrer en vigueur le 1er janvier 1987. Le montant versé était calculé en fonction de l"avant-projet de lotissement que l"appelante avait présenté avec sa demande de paiement9.

[11]          Au cours de son année d"imposition 1986, l"appelante avait enregistré des ventes foncières de l"ordre de 7 410 489 $, mais la RAR était étrangère à ces ventes.

[12]          Dans sa déclaration de revenus pour l"année d"imposition 1986, l"appelante a déduit la RAR dans le calcul du bénéfice tiré de ses activité de promotion immobilière. La déduction apparaissait sous la rubrique [TRADUCTION] " Impôts - Frais de lotissement " dans l"" Annexe des frais généraux d"administration " jointe à sa déclaration de revenus10. Elle figurait parmi d"autres dépenses telles que les impôts fonciers et les frais d"intérêt. La RAR a été traitée de la même manière pour les fins des états financiers.

[13]          Par la voie d"une cotisation initiale datée du 14 décembre 1988, le ministre a rejeté la déduction de la RAR dans le calcul du bénéfice de l"appelante pour l"année. Sur dépôt d"une opposition, le ministre a, par une nouvelle cotisation datée du 21 août 1989, maintenu le rejet. En produisant la nouvelle cotisation, le ministre s"est fondé sur la présomption selon laquelle les principes comptables généralement reconnus (PCGR) n"autorisaient pas la déduction de la RAR en 198611.

[14]          Appel a alors été interjeté à la Cour de l"impôt, que le juge Bonner, de cette cour, a rejeté. À la suite d"un appel à la Section de première instance de la Cour fédérale, le juge Dubé a rejeté lui aussi l"appel. Même si l"appel à la Cour fédérale a été interjeté par voie de procès de novo , l"affaire a été instruite uniquement sur le fondement des éléments de preuve produits devant la Cour de l"impôt sans comparution de témoins.

[15]          Le présent appel attaque cette décision du juge Dubé.

Le jugement de la Section de première instance

[16]          En rejetant l"appel, le juge Dubé a statué que la RAR n"était pas déductible pour l"année d"imposition 1986 de l"appelante parce qu"elle ne pouvait pas se " rattacher " à des revenus tirés cette année-là du terrain. Pour arriver à cette conclusion, il a invoqué l"opinion exprimée par notre Cour dans l"affaire Canada c. Canderel, selon laquelle " le principe comptable du rattachement a été élevé ["] au statut de principe juridique "12, et, dans La Reine c. Toronto College Park Limited13, portant que la question n"est pas de savoir " laquelle des trois options relatives aux PCGR reflète le plus fidèlement les bénéfices ou le revenu net du contribuable, mais plutôt d"établir si la dépense en question peut se raccorder à une source de revenu déterminée "14.

[17]          Le juge Dubé a ajouté que, compte tenu de sa conclusion, il n"y avait pas lieu

d"examiner la prétention subsidiaire de l"intimée selon laquelle la RAR a été versée " au titre d"une période " postérieure à 1986 et que, par conséquent, l"alinéa 18(9)a ) n"en autorisait pas la déduction15.

[18]          Après le prononcé de la décision du juge Dubé, la Cour suprême du Canada a infirmé les décisions rendues par notre Cour dans les affaires Canderel et Toronto College Park16, statuant, entre autres, que le " principe du rattachement " ne doit pas être érigé en règle de droit et que, dans la détermination du bénéfice sous le régime de la Loi, l"objectif est d"obtenir une image fidèle du revenu du contribuable et de sa véritable situation financière pour l'année, et non pas nécessairement d"appliquer le " principe du rattachement " ou toute autre méthode comptable, même si elle est requise par les PCGR.

[19]          Prenant appui sur les arrêts Canderel et Toronto College Park de la Cour suprême, l"appelante fait valoir que le raisonnement avancé par le juge Dubé pour rejeter la déduction de la RAR est manifestement erroné et ne doit pas être retenu. Citant des extraits du cadre d"analyse établi par la Cour suprême dans ces arrêts, l"appelante soutient qu"elle s"est acquittée du fardeau de démontrer que sa méthode de calcul du revenu est compatible avec la Loi et donne une image fidèle de son revenu pour l"année. Elle ajoute que le ministre n"a pas démontré que la déduction de la RAR au moment de la vente du terrain à l"égard duquel elle a été payée donnerait une image plus fidèle de son revenu.

Analyse et décision

[20]          Comme il était tenu de le faire, le juge Dubé est parvenu à sa décision en partant du principe selon lequel, en droit, les dépenses devaient se rattacher à des revenus avant de pouvoir être déduites. En l"espèce, la dépense ne pouvant être rattachée à des revenus réalisés au cours de l"année où elle a été payée, le juge Dubé a rejeté l"appel17. Compte tenu des deux arrêts que la Cour suprême a prononcés entre-temps, infirmant les décisions de notre Cour sur lesquelles la Section de première instance a fondé son jugement, je suis d"avis, pour les motifs ci-après énoncés, que la décision de la Section de première instance doit être infirmée et que notre Cour doit rendre le jugement que la Section de première instance aurait dû rendre.

[21]          L"approche adoptée par la Cour suprême dans les arrêts Canderel et Toronto College Park repose sur la série de principes suivants :

(1) La détermination du bénéfice est une question de droit.
(2) Le bénéfice tiré d'une entreprise pour une année d'imposition est déterminé en déduisant des revenus tirés de l'entreprise pour l'année en question les dépenses engagées pour gagner ces revenus : M.N.R. c. Irwin, précité, Associated Investors, précité.
(3) Dans la détermination du bénéfice, l'objectif est d'obtenir une image fidèle du bénéfice du contribuable pour l'année visée.
(4) Dans la détermination du bénéfice, le contribuable est libre d'adopter toute méthode qui n'est pas incompatible avec :
     a)      les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu;
     b)      les principes dégagés de la jurisprudence ou les "règles de droit" établis;
     c)      les principes commerciaux reconnus.
(5) Les principes commerciaux reconnus, notamment ceux codifiés formellement dans les PCGR, ne sont pas des règles de droit mais des outils d'interprétation. Dans la mesure où ils peuvent influencer le calcul du revenu, ils ne le feront qu'au
cas par cas, selon les faits relatifs à la situation financière du contribuable.
(6) En cas de nouvelle cotisation, une fois que le contribuable a prouvé qu'il a donné une image fidèle de son revenu pour l'année, image qui est compatible avec la Loi, la jurisprudence et les principes commerciaux reconnus, il incombe alors au
ministre de prouver que le chiffre fourni ne donne pas une image fidèle ou qu'une autre méthode de calcul fournirait une image plus fidèle18.

[22]          Selon la preuve produite à l"instruction, l"appelante a toujours suivi la même procédure consistant à inscrire les intérêts, les impôts et autres frais financiers afférents à des terrains non aménagés détenus en vue de la revente comme une dépense dans ses états financiers et a adopté la même approche aux fins de l"impôt sur le revenu. Ce fait n"est pas controversé. Il semble clair que, selon la Loi et la jurisprudence (à l"exception des années pour lesquelles le paragraphe 18(2) interdisait ce genre de déductions), les impôts fonciers et les frais d"intérêt payés par un commerçant à l"égard de terrains vagues qu"il détient en stock peuvent être déduits dans le calcul du bénéfice puisqu"il s"agit de dépenses normales d"exploitation d"un promoteur immobilier19. Ce traitement semble également être admissible suivant les PCGR20.

[23]          Cependant, selon la preuve d"expert faite à l"instruction, lorsqu"un terrain vague est aménagé, les PCGR exigent que toutes les dépenses engagées à compter de ce moment soient ajoutées au coût du terrain dans la mesure où elles peuvent être rattachées au terrain sur une base rationnelle. De prime abord, les divergences dans les témoignages des deux experts qui ont comparu semblent considérables, mais un examen minutieux de la transcription officielle montre que la seule question véritable qui les séparait était de savoir si l"aménagement du terrain sous-jacent était en cours lorsque la RAR a été payée. Dès lors que l"on reconnaît que le terrain était en cours d"" aménagement ", ce qui, je pense, doit être reconnu21, il devient manifeste que, sur la foi des textes invoqués par les deux experts, les PCGR exigent que la RAR soit ajoutée au coût du terrain22.

[24]          Si je ne m"abuse, l"avocat de l"appelante a abondé dans ce sens au cours de l"audience. Il a cependant insisté pour dire que les PCGR n"étaient pas déterminants quant à la question du traitement de la dépense sous le régime de la Loi et il a invité la Cour à examiner le cadre d"analyse proposé par la Cour suprême dans les arrêts Canderel et Toronto College Park.

[25]          La question à trancher soulève deux points :     
             a)      La RAR constituait-elle un débours ou une dépense fait ou engagé par le contribuable en vue de tirer un revenu de son entreprise de façon à être déductible dans le calcul de son revenu, malgré l"alinéa 18(1)a )?
             b)      Si la RAR était déductible, l"était-elle dans le calcul du revenu pour l"année d"imposition au cours de laquelle elle a été payée?

[1]          Les trois premiers principes énoncés par la Cour suprême dans l"arrêt Canderel permettent de répondre à ces questions. À mon avis, la présente espèce ne soulève aucune question nécessitant le recours aux trois autres principes énoncés dans cet arrêt23.

Alinéa 18(1)a)

[2]          À mon avis, la RAR est déductible dans le calcul du revenu de l"appelante tiré de son entreprise, malgré la limitation générale que comporte l"alinéa 18(1)a ) :

18(1) In computing the income of a taxpayer from a business or property no deduction shall be made in respect of

     (a) an outlay or expense except to the extent that it was made or incurred by the taxpayer for the purpose of gaining or producing income from the business or property;

18(1) Dans le calcul du revenu du contribuable, tiré d"une entreprise ou d"un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

     (a) un débours ou une dépense, sauf dans la mesure où ce débours ou cette dépense a été fait ou engagé par le contribuable en vue de tirer un revenu d"une entreprise ou d"un bien;

[3]          En examinant la possibilité d"appliquer cette limitation, on doit garder à l"esprit la nature exacte de l"entreprise de l"appelante : elle achète des terrains vagues, les viabilise, les lotit, puis les vend en lots à des constructeurs. Dans le cours normal des affaires, cette activité exige que des dépenses considérables soient engagées au cours d"une année d"imposition antérieure à celle de la vente des lots. Autrement dit, les propriétaires de l"entreprise devaient prévoir subir des pertes au cours d"une année afin de gagner un revenu dans une année ultérieure.

[4]          Combiné avec le paragraphe 9(1)24, l"alinéa 18(1)a ) prévoit qu"une dépense ne peut être déduite que si elle est faite ou engagée au cours de l"année; mais il est établi depuis longtemps qu"il n"est pas nécessaire qu"elle soit rattachée à des revenus réalisés au cours de l"année. Ce qu"il faut, c"est que la dépense soit faite ou engagée au cours de l"année " en vue de tirer un revenu d"une entreprise "25.

[5]          En l"espèce, il ne fait aucun doute que le paiement a été fait dans le cadre du processus de production de revenu de l"appelante et qu"il s"agissait d"une dépense d"entreprise légitime engagée dans l"année où elle a été faite. L"appelante faisait face à un paiement qu"elle était tenue de faire afin de transformer en revenu le terrain qu"elle détenait en stock. Elle avait le choix de payer la somme de 2 908 000 $ en 1986, ou de payer une somme substantiellement plus élevée l"année suivante.

[6]          La décision de faire le paiement plus tôt que plus tard ne peut être mise en doute lorsque la question est envisagée, comme elle doit l"être, dans la perspective de l"entreprise de l"appelante. Même si la dépense ne peut être rattachée à une vente effectuée au cours de l"année, elle a manifestement été faite en vue de tirer un revenu de l"entreprise. Par conséquent, la RAR est déductible dans le calcul du revenu de l"appelante, malgré la limitation générale que comporte l"alinéa 18(1)a ).

Année d"imposition

[7]          À mon avis, la RAR est déductible dans le calcul du revenu de l"appelante pour l"année d"imposition au cours de laquelle elle a été payée pour les raisons suivantes :

     a)      dans le cas d"une entreprise commerciale ordinaire, les fonds utilisés pour l"acquisition de stocks n"apparaissent pas généralement comme tel (même s"il s"agit d"un débours qui a été fait en vue de tirer un revenu de l"entreprise) dans le compte de résultats parce qu"ils sont remplacés dans l"état des biens autres que les biens en immobilisations du contribuable par le stock acheté (à son coût);
     b)      le contexte dans lequel se fait le calcul du bénéfice tiré, pour une année d"imposition, d"une entreprise qui achète et vend (ou qui achète, fabrique et vend) est l"" usage qui est devenu une règle de droit " consistant à calculer le bénéfice pour une année, entre autres, en utilisant la valeur de l"" inventaire " (le stock) " au début et à la fin de la période " au " coût ou à la valeur marchande, le moins élevé de ces éléments étant à retenir "26.

[8]          Par conséquent, lorsque le stock est vendu au cours de l"année d"acquisition, le " coût " est déduit du prix de vente afin de déterminer le bénéfice; mais si, sans être vendu, sa valeur est devenue inférieure à son coût avant la fin de l"année d"acquisition, la perte de valeur est imputée à l"année d"acquisition et, lorsqu"il est vendu au cours de l"année suivante, ce n"est que le solde du coût qui est déduit dans le calcul du bénéfice pour cette année-là.

[9]          Cela signifie que, pour obtenir une image fidèle du bénéfice tiré d"une telle entreprise, il faut reconnaître la diminution de la valeur des biens autres que les biens en immobilisation figurant dans le stock au cours de l"année, même si toute perte inhérente à cette diminution n"a pas encore été réalisée. A fortiori, une diminution de la valeur des biens autres que les biens en immobilisation du commerçant découlant d"un paiement effectivement fait au cours de l"année peut être comptabilisée pour cette année-là. Ce qui est déduit dans le calcul du bénéfice tiré d"une telle entreprise pour une année correspond à ce qui a été enlevé des biens autres que les biens en immobilisation du commerçant sans être remplacé par quelque chose d"autre, que cet enlèvement résulte d"un paiement d"argent, d"une remise de biens27 ou, si cela devait se produire, d"une baisse dans la valeur du stock.

[10]          En l"espèce, aucun bien n"a été reçu en remplacement du trou créé par le paiement de la RAR dans les biens autres que les biens en immobilisation de l"appelante. Même si les comptables affirment que le paiement doit être traité comme s"il donnait lieu à l"acquisition d"un bien de valeur comparable, rien ne prouve et, en fait, rien ne permet de croire qu"une telle acquisition a eu lieu28.

[11]          La seule présomption qui vient étayer la cotisation du ministre est que la déduction de la RAR n"était pas conforme aux PCGR. La preuve ayant été faite que cette présomption est non concluante, il incombait alors au ministre de démontrer que la nouvelle cotisation devait quand même être maintenue. La seule façon pour le ministre de s"acquitter de ce fardeau était de montrer que la juste valeur marchande du terrain de l"appelante à la fin de l"année excédait le montant figurant dans ses états financiers d"un montant équivalent à la RAR. Le ministre n"a avancé aucune présomption ni présenté aucune preuve à ce sujet.

[12]          Cela étant, il s"ensuit que, compte tenu des motifs qui précèdent, afin " d"obtenir une image fidèle du bénéfice du contribuable " pour l"année de paiement, la RAR doit être déduite dans le calcul du revenu de l"appelante pour l"année. Ayant tiré cette conclusion, je dois aborder la prétention subsidiaire de l"intimée.

Alinéa 18(9)a)

[13]          Même si le paiement pouvait être légitimement déduit dans le calcul du bénéfice de l"appelante sous le régime du paragraphe 9(1), l"intimée fait valoir que sa déduction est quand même interdite par l"alinéa 18(9)a ) :

18(9) Notwithstanding any other provision of this Act,

     (a) in computing a taxpayer"s income for a taxation year from a business ... no deduction shall be made in respect of an outlay or expense to the extent that it can reasonably be regarded as having been made or incurred
         (i) as consideration for services to be rendered after the end of the year,

18(9) Nonobstant toute autre disposition de la présente loi,

     a) dans le calcul du revenu d"un contribuable pour une année d"imposition tiré d"une entreprise [...] il n"est accordé aucune déduction au titre d"un débours ou d"une dépense dans la mesure où ils peuvent raisonnablement être considérés comme faits ou engagés
         (i) en contreprartie de services à être rendus après la fin de l"année,
         (ii) as, on account or in lieu of payment of, or in satisfaction of, interest, taxes (other than taxes imposed on insurance premiums), rent or royalty in respect of a period after the end of the year, or
         (iii) as consideration for insurance in respect of a period after the end of the year (other than an amount paid in respect of reinsurance by an insurer);
         (ii) à l"égard, au titre ou en paiement intégral ou partiel d"intérêts, d"impôts ou taxes (à l"exclusion des taxes imposées sur les primes d"assurance), de loyer ou de redevances visant une période postérieure à la fin de l"année, ou
         (iii) en contrepartie d"assurance visant une période postérieure à la fin de l"année (à l"exclusion d"une somme payée à l"égard de réassurance par un assureur);

[non souligné dans l"original]

[14]          À mon avis, la prétention de l"intimée échoue pour deux raisons. D"une part, l"application du sous-alinéa 18(9)a )(i) se limite aux " impôts ou taxes ", " intérêts ", " loyer " ou " redevances " " visant une période ... ", c"est-à-dire des paiements dont l"obligation de les faire naît du fait de l"écoulement du temps. Étant une taxe unique, la RAR ne constituait pas un paiement de cette nature.

[15]          D"autre part, même si le paiement de la RAR pouvait être considéré comme visant une période, on ne peut le considérer comme " visant une période postérieure à la fin de l"année [d"imposition 1986 de l"appelante] ", comme le prévoit l"alinéa 18(9)a ). La RAR était un paiement qu"il fallait faire pour obtenir l"approbation du morcellement du terrain; elle a été effectivement payée en 1986 afin d"éviter les augmentations de taux qui devaient entrer en vigueur par la suite. La seule période visée par le débours était donc celle au cours de laquelle l"appelante avait choisi de le faire, soit son année d"imposition 1986.

Conclusion

[16]          Pour ces motifs, je suis d"avis d"accueillir l"appel avec dépens dans l'instance et devant la Section de première instance, et de renvoyer la nouvelle cotisation au ministre pour réexamen et nouvelle cotisation compte tenu du principe que la RAR était légitimement déductible dans le calcul du bénéfice de l"appelante pour son année d"imposition 1986.



" Marc Noël "

juge

" Je souscris à ces motifs.

     Le juge Barry L. Strayer "


Traduction certifiée conforme

C. Bélanger, L.LL.



Date : 20000210


Dossier : A-449-97


CORAM :      LE JUGE STRAYER

                 LE JUGE ROBERTSON

                 LE JUGE NOËL     

     Affaire intéressant un appel d"un jugement de la

     Section de première instance

     concernant la Loi de l"impôt sur le revenu

ENTRE :

     URBANDALE REALTY CORPORATION LIMITED,

     appelante,

     (demanderesse),

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée,

     (défenderesse).

     MOTIFS DISSIDENTS

LE JUGE ROBERTSON

[1]          En décembre 1986, la contribuable appelante, entreprise de promotion immobilière, a payé par anticipation la somme de 2,9 millions de dollars à titre de redevances d"aménagement régionales à l"égard d"un projet de lotissement. Elle l"avait fait pour éviter une augmentation considérable des redevances qui devait prendre effet le 1er janvier 1987 à l"égard de chacun des lots résidentiels projetés dans un lotissement d"une superficie de 160 hectares. La municipalité régionale d"Ottawa-Carleton s"est empressée d"accepter le paiement par anticipation, même si l"obligation de payer ne naissait légalement qu"après l"enregistrement d"un plan de lotissement approuvé et le dépôt d"une demande de permis de construire concernant un lot en particulier. L"objet de la redevance d"aménagement régionale était de couvrir les dépenses que supporterait éventuellement la municipalité régionale par suite du développement urbain. Elle ne visait pas à couvrir le coût des services devant être fournis au projet immobilier de la contribuable.

[2]          La contribuable a cherché à déduire la somme de 2,9 millions de dollars des 7,4 millions de dollars tirés de ventes de terrain non reliées pour le motif que le montant en question était une dépense courante. Le ministre du Revenu national a établi une nouvelle cotisation pour la contribuable partant du principe que le montant en question ne pouvait être déduit sous le régime de l"arrticle 9 de la Loi de l"impôt sur le revenu. L"appel interjeté à la Cour canadienne de l"impôt n"a pas été accueilli, le juge Bonner préférant le témoignage d"expert du témoin du ministre qui avait témoigné que, selon les principes comptables généralement reconnus (PCGR), le montant en question serait ajouté au coût du terrain et, par ailleurs, que les PCGR étaient " davantage en accord avec les principes ayant normalement cours en matière commerciale ". Manifestement, le fond du contentieux entre les parties était de savoir si les terrains en question avaient atteint l"étape de la mise en valeur. Selon les PCGR, dès que l"on atteint cette étape, toutes les dépenses doivent être ajoutées au coût du terrain. À ce sujet, le témoignage du témoin expert du ministre, selon lequel les terrains avaient atteint l"étape de la mise en valeur, a été retenu. À la page 6, le juge Bonner a fait l"analyse suivante :

À mon avis, les principes comptables généralement reconnus invoqués par M. McFadgen sont davantage en accord avec les principes ayant normalement cours en matière commerciale que ceux invoqués par M. Cogan. Plusieurs raisons m"amènent à cette conclusion. La raison principale est que le fait de faire la déduction pour l"année 1986 réduirait le bénéfice réalisé en 1986 en défalquant des revenus de cette année-là un montant qui, en réalité, a été engagé pour produire ces revenus au cours des années ultérieures lorsque les lots à bâtir dans le lotissement Bridlewood III seraient vendus. Le paiement de la redevance d"aménagement en 1986 n"avait tout simplement aucun lien avec le processus de production des revenus de 1986 de l"appelante. On ne peut raisonnablement considérer la redevance comme frais d"administration ou frais généraux ou encore comme une " dépense courante " de l"entreprise dans son ensemble ainsi que le déclare le juge Rowlett dans l"affaire Naval Colliery Co. Ltd. c. C.I.R. Les débours n"ont pas été engagés pour répondre à une demande récurrente découlant de l"exploitation de l"entreprise dans son ensemble. Il est évident que le résultat direct et immédiat du paiement des redevances se traduisait par l"augmentation de la valeur du stock de lots à bâtir de l"appelante se trouvant dans Bridlewood Phase III, lesquels étaient tous disponibles à la fin de 1986.

[3]          La contribuable a interjeté un appel de novo à la Section de première instance de notre Cour et, du consentement du ministre, la preuve produite devant le juge Bonner a été soumise au juge Dubé, éliminant ainsi la nécessité de faire comparaître des témoins experts. Le juge Dubé a convenu avec le juge Bonner que les PCGR sont en accord avec les principes ayant normalement cours en matière commerciale. Le juge Dubé a également statué que ces principes étaient conformes aux principes de rattachement développés par la Cour d"appel fédérale dans Canderel Ltd. c. Canada, [1995] 2 F.C. 232, et Toronto College Park Ltd. c. Canada, [1996] 3 F.C. 858. Ces deux décisions ont par la suite été infirmées par la Cour suprême qui a statué, entre autres, que le principe de rattachement ne pouvait pas être élevé au statut de règle de droit : voir Canderel Ltd. c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 147, et Toronto College Park Ltd. c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 183. Notre Cour n"avait pas encore rendu ses décisions dans les affaires Canderel et Toronto College Park lorsque le juge Bonner a rendu sa décision.

[4]          Compte non tenu du fait que le juge Dubé s"est fondé sur des décisions qui ne représentent plus l"état du droit, la question demeure : compte tenu des principes énoncés par le juge Iacobucci dans l"arrêt Canderel, précité, la contribuable a-t-elle le droit, sous le régime de l"article 9 de la Loi de l"impôt sur le revenu, de déduire, à titre de dépense courante, le paiement par anticipation de 2,9 millions de dollars? Le passage critique de cet arrêt se trouve aux pages 174 et 175 :

(1) La détermination du bénéfice est une question de droit.
(2) Le bénéfice tiré d'une entreprise pour une année d'imposition est déterminé en déduisant des revenus tirés de l'entreprise pour l'année en question les dépenses engagées pour gagner ces revenus : M.N.R. c. Irwin, précité, Associated Investors, précité.
(3) Dans la détermination du bénéfice, l'objectif est d'obtenir une image fidèle du bénéfice du contribuable pour l'année visée.
(4) Dans la détermination du bénéfice, le contribuable est libre d'adopter toute méthode qui n'est pas incompatible avec :
     a)      les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu;
     b)      les principes dégagés de la jurisprudence ou les "règles de droit" établis;
     c)      les principes commerciaux reconnus.
(5) Les principes commerciaux reconnus, notamment ceux codifiés formellement dans les PCGR, ne sont pas des règles de droit mais des outils d'interprétation. Dans la mesure où ils peuvent influencer le calcul du revenu, ils ne le feront qu'au cas par cas, selon les faits relatifs à la situation financière du contribuable.
(6) En cas de nouvelle cotisation, une fois que le contribuable a prouvé qu'il a donné une image fidèle de son revenu pour l'année, image qui est compatible avec la Loi, la jurisprudence et les principes commerciaux reconnus, il incombe alors au ministre de prouver que le chiffre fourni ne donne pas une image fidèle ou qu'une autre méthode de calcul fournirait une image plus fidèle.

[5]          Bref, la contribuable est libre de choisir toute méthode qui n"est pas incompatible avec les dispositions de la Loi , les principes ou les règles tirés de la jurisprudence et, enfin, les principes commerciaux reconnus. Par ailleurs, les principes commerciaux reconnus comprennent, notamment, les PCGR qui ne sont pas eux-mêmes des règles de droit, mais des outils d'interprétation.

[6]          En l"espèce, la contribuable a modifié l"argument qu"elle a avancé devant le juge Bonner. Elle concède que, d"après les PCGR, le paiement en question n"est pas déductible à titre de dépense courante. De plus, elle reconnaît que les impôts fonciers sont traités de la même manière dans le cadre des PCGR. L"avocat de la contribuable prétend que, selon les principes commerciaux reconnus, les impôts fonciers sont déductibles à titre de dépense courante, malgré les PCGR, et que la redevance d"aménagement en question est un impôt foncier. Pour étayer son argument, la contribuable fait valoir que le fait que le plafond des déductions des impôts fonciers prévu au paragraphe 18(2) de la Loi ne s"applique pas aux impôts fonciers payés par un promoteur immobilier est un " indice solide " que le Parlement n"avait pas envisagé de limite de ce genre dans le calcul du bénéfice tiré d"une entreprise sous le régime du paragraphe 9(1) conformément aux principes commerciaux reconnus. Par conséquent, elle soutient que la méthode qu"elle a utilisée pour calculer son bénéfice présente une image fidèle du bénéfice et qu"il incombe au ministre de démontrer le contraire ou qu"il existe une autre méthode de calcul donnant une image plus fidèle.

[7]          D"après la preuve d"expert, lorsque des terrains vagues passent à l"étape de la mise en valeur, ce qui était le cas en l"espèce, toutes les dépenses engagées à partir de ce moment doivent être ajoutées au coût du terrain. C"est là le résultat imposé par les PCGR et qui, d"après les juges des instances inférieures, est le plus en accord avec les principes commerciaux ordinaires. Indépendamment du principe que l"on peut tirer du paragraphe 18(2) de la Loi , on ne peut en déduire ce que sont les principes commerciaux reconnus, alors que, en fait, la preuve, qui a été acceptée par les instances inférieures, établit que la déduction de la dépense en question violerait ces principes. La contribuable n"ayant présenté aucune preuve que sa méthode de calcul du bénéfice est compatible avec la Loi , la jurisprudence et les principes commerciaux reconnus, ne s"est pas acquittée de son fardeau initial. Il n"existe aucune preuve qu"une image fidèle du bénéfice pour l"année peut être obtenue en déduisant la redevance d"aménagement de 2,9 millions de dollars versée par anticipation plutôt qu"en l"ajoutant au coût du terrain non aménagé à l"égard duquel elle a été payée. Par conséquent, il n"incombait pas alors au ministre de prouver qu"une autre méthode de calcul fournirait une image plus fidèle.

[8]          À parler strictement, il n"est pas nécessaire, à la lumière de cette conclusion, d"examiner l"argument du ministre selon lequel l"analogie tirée par la contribuable entre une redevance d"aménagement régionale et les impôts fonciers prélevés et payés sur une base annuelle est une erreur. Cela dit, je reconnais que l"analogie est mal fondée. Il ne fait aucun doute que la redevance d"aménagement en question est un impôt et il est également vrai qu"il s"agit d"un impôt foncier, mais il ne s"ensuit pas que les deux devraient recevoir un traitement identique aux fins de l"impôt sur le revenu. Les impôts fonciers s"apparent davantage à une dépense courante, c"est-à-dire une dépense périodique et annuelle qui doit inévitablement être payée au cours de chaque année d"imposition. Toutefois, la redevance d"aménagement régionale est un paiement unique qui est intégralement lié à l"aménagement des terrains en question. La construction d"habitations ne peut commencer sans ce paiement. Je m"empresse d"ajouter qu"il existe une autre raison pour laquelle le ministre peut être disposé à accepter la déductibilité d"impôts fonciers annuels avant la mise en valeur d"un terrain. Cette raison n"a aucun lien avec le fait que la contribuable a fourni une image fidèle de son revenu (bénéfice). Il est notoire qu"en termes relatifs les impôts payables sur un terrain vague sont bien inférieurs aux impôts payables sur un terrain aménagé et peuvent être presque insignifiants. Par exemple, en l"espèce, la contribuable a payé, pour l"année d"imposition 1986, des impôts fonciers représentant en tout 113 000 $ [voir le Dossier d"appel, à la page 29]. Bref, même si les impôts fonciers étaient déductibles d"après les principes commerciaux reconnus, cela ne permet pas de conclure que les redevances d"aménagement régionales devraient recevoir ou recevraient le même traitement comptable.

[9]          Mon collègue le juge Noël a conclu que la contribuable a droit à la déduction sollicitée, compte tenu d"un " usage qui est devenu une règle de droit ". Cet usage a trait au mode d"évaluation des stocks sous le régime du paragraphe 10(1) de la Loi , qui prévoit que le stock d"un contribuable à la fin de l"année doit être évalué au coût ou à la juste valeur marchande, si elle est inférieure. En toute déférence, je n"arrive pas à comprendre comment la contribuable est en mesure de profiter des règles régissant l"évaluation des stocks. Voici comment je comprends le droit en la matière.

[10]          Il ne fait aucun doute que la redevance d"aménagement régionale de 2,9 millions de dollars est imputable au revenu. La véritable question est de savoir si elle devrait être ajoutée au coût du stock de terrains de la contribuable ou si elle devrait être traitée comme une dépense courante pour l"année de paiement. Ce n"est que dans ce dernier cas qu"elle serait déductible comme le prétend la contribuable. Cependant, les deux tribunaux inférieurs ont conclu que, selon les PCGR et les principes commerciaux reconnus, la redevance d"aménagement régionale doit être ajoutée au coût du stock de terrains de la contribuable. Cela étant, elle devient un montant dont on ne peut tenir compte dans le calcul du bénéfice tant que le terrain n"est pas vendu ou qu"il n"est pas établi que sa valeur est inférieure à son coût.

[11]          Par conséquent, en l"espèce, si, en 1986, la contribuable avait payé, par exemple, 10 millions de dollars pour les terrains ainsi qu"une redevance d"aménagement régionale de 2,9 millions de dollars, le coût du terrain à la fin de 1986 serait alors de 12,9 millions de dollars. Si la valeur du terrain à cette date était de 12,9 millions de dollars ou plus, le stock serait comptabilisé comme un élément d"actif à son coût. Si c"était le cas, la valeur représentée par la dépense de 12,9 millions de dollars faite en 1986 serait comptabilisée comme un élément d"actif de la contribuable dans cette année-là. Toutefois, si la valeur du terrain à la fin de 1986 était inférieure à 12,9 millions de dollars, la contribuable pourrait réclamer la différence comme une réduction de la valeur du stock en application du paragraphe 10(1) de la Loi .

[12]          La contribuable n"a pas tenté de réclamer une perte d"entreprise à cet égard, probablement parce que la juste valeur marchande des terrains en question n"était pas tombée en-deçà de leur coût. De toute façon, aucune preuve n"a été présentée relativement à la juste valeur marchande des terrains à la fin de 1986. L"absence d"une preuve de ce genre signifie que le paragraphe 10(1) ne peut s"appliquer. Mais, ce qui est plus important encore, c"est que l"absence d"une telle preuve de la valeur du terrain veut dire qu"on ne peut conclure que la valeur du terrain à l"égard duquel les 2,9 millions de dollars ont été payés n"a pas été augmentée par la dépense. Pour cette raison, je dois, avec égards, m"opposer à la conclusion du juge Noël selon laquelle le " trou " créé par la dépense n"est pas représenté par un élément d"actif. [Je ne peux pas non plus souscrire à la conclusion énoncée au paragraphe 36 de ses motifs selon laquelle il incombait au ministre de prouver que la valeur du terrain en question avait été augmentée par la dépense. À mon sens, il est injuste de lui imposer cette obligation, alors que la contribuable n"a même pas réclamé une perte au titre du paragraphe 10(1). Par ailleurs, je n"ai pu trouver dans le dossier d"appel aucun élément de preuve à l"appui de la conclusion que l"argument fondé sur le paragraphe 10(1) a été soulevé devant le juge Bonner, de la Cour canadienne de l"impôt, ou devant le juge Dubé.]

[13]          Je suis d"avis de rejeter l"appel avec dépens.

     " J.T. Robertson "

     juge

Traduction certifiée conforme

C. Bélanger






Date : 20000210


Dossier : A-449-97


OTTAWA (ONTARIO), LE JEUDI 10 FÉVRIER 2000


CORAM :      LE JUGE STRAYER

                 LE JUGE ROBERTSON

                 LE JUGE NOËL



ENTRE :


URBANDALE REALTY CORPORATION LIMITED,


appelante,


- et -



SA MAJESTÉ LA REINE,


intimée.





JUGEMENT


     L"appel est accueilli avec dépens dans l"instance et devant la Section de première instance et la nouvelle cotisation est renvoyée au ministre pour réexamen et nouvelle cotisation compte tenu du principe que la somme de 2 908 000 $ payée par l"appelante à la municipalité régionale d"Ottawa-Carleton au titre des redevances d"aménagement régionales est déductible dans le calcul du bénéfice qu"elle a tiré de son activité de promotion immobilière pour son année d"imposition 1986.


" Barry L. Strayer "

juge


Traduction certifiée conforme

C. Bélanger

COUR D"APPEL FÉDÉRALE

Dossier : A-449-97


Entre


URBANDALE REALTY CORPORATION LIMITED,

     appelante,

     - et -

SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.


     MOTIFS DU JUGEMENT

     COUR D"APPEL FÉDÉRALE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :              A-449-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :          URBANDALE REALTY CORPORATION LIMITED,
                                         ET
                                         SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 3 novembre 1999
MOTIFS DU JUGEMENT :                  LE JUGE NOËL
Y A SOUSCRIT :                              LE JUGE STRAYER
MOTIFS DISSIDENTS :                      LE JUGE ROBERTSON
EN DATE DU :                                  10 février 2000


ONT COMPARU :

Stephen Victor

David C. Nathanson                              POUR L"APPELANTE
Robert McMechan                              POUR L"INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kimmel Victor Ages

Ottawa (Ontario)

McDonald & Hayden

Toronto (Ontario)                                  POUR L"APPELANTE

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                  POUR L"INTIMÉE
__________________

1Publié à 97 D.T.C. 5353.

2Publié à 93 D.T.C. 154.

3S.R.C. 1952, ch. 148, modifié.

4Elle a été imposée par un règlement pris le 14 août1985 en vertu du paragraphe 50(6) de la Loi sur l"aménagement du territoire (1983, L.O. ch. 1), du paragraphe 31(1) et de l"article 3 de la Loi sur la municipalité régionale d"Ottawa-Carleton (L.R.O. 1980, ch. 439) et de l"article 215 de la Loi sur les municipalités (L.R.O. 1980, ch. 302).

5Paragraphes 39 à 43, 48 et 51 du mémoire des faits et du droit de l"appelante et paragraphe 27 du mémoire des faits et du droit de l"intimée.

6Lignes directrices de procédure, Annexe A, paragraphe 5, Dossier d"appel, vol. I, à la page 125.

7Ibid.

8Ibid, aux pages 124 et 126.

9Reçu de la municipalité régionale, Dossier d"appel, vol. I, à la page 144.

10Dossier d"appel, vol. I, aux pages 27 et 29.

11Défense, paragraphe 9, Dossier d"appel, vol. II, à la page 470. Le ministre avait présumé que le paiement avait été fait au titre du capital, mais cette question n"a pas été soulevée devant la Section de première instance ni en appel.

1295 D.T.C. 5101, à la page 5102.

1396 D.T.C. 6407, à la page 6411.

14Précité, note 1, à la page 5356.

15Ibid, à la page 5357.

16Canderel Limited c. La Reine, 98 D.T.C. 6100 et Toronto College Park Limited c. La Reine, 98 D.T.C. 6088.

17Précité, note 1, à la page 5356.

18Précité, note 17, aux pages 6100 et 6091 respectivement.

19Voir Onyx Realty Confection c. M.N.R., 74 D.T.C. 6352, aux pages 6353 à 6354;      Dans le cas d"un commerçant, compte non tenu des postes de revenu spéciaux et des débours, le bénéfice tiré de l"entreprise est le bénéfice brut tiré des opérations commerciales moins les dépenses normales d"exploitation,....      Voir également M.N.R. c. Irwin, [1964] R.C.S. 662, aux pages 664 à 665.

20Témoignage de M. McFadgen, Dossier d"appel, vol. II, à la page 676.

21Je partage la conclusion du juge Bonner, de la Cour canadienne de l"impôt, que l"opinion contraire de M. Cogan ne reposait pas sur une " vision réaliste de [...] la promotion immobilière ". (Précité, note 2, à la page 158.)

22La conclusion exacte tirée par M. McFadgen, dont le témoignage d"expert a été accepté aussi bien par le juge Dubé que par le juge Bonner, de la Cour canadienne de l"impôt, était que :
     [La redevance d"aménagement] aurait dû être inscrite au bilan comme bien détenu à des fins d"aménagement. Même si les redevances d"aménagement régionales étaient réputées constituer des frais de détention ou des frais généraux, elles auraient dû être capitalisées dans les états financiers pour se conformer aux principes comptables généralement reconnus. (Opinion d"expert de McFadgen, Dossier d"appel, vol. II, pages 457 et 462.)

23Les principes énoncés dans l"arrêt Canderel sont reproduits au paragraphe 21 des présents motifs.

24

9(1) Subject to this Part, a taxpayer"s income for a taxation year from a business or property is his profit therefrom for the year. 9(1) Sous réserve des dispositions de la présente Partie, le revenu tiré par un contribuable d"une entreprise ou d"un bien pour une année d"imposition est le bénéfice qu"il en tire pour cette année.

25Pour un énoncé antérieur de ce principe, voir Consolidated Textiles Limited v. M.N.R., 3 D.T.C. 958, le président Thorson, à la page 960. Pour une reformulation moderne, voir Mattabi Mines Ltd. c. Ontario (Ministre du Revenu), [1980] 2 R.C.S. 175, à la page 189, la juge Wilson, à la page 189.

26Cette règle, maintenant inscrite dans la Loi (paragraphe 14(2) de la loi de 1952 et paragraphe 10(1) de la Loi actuelle), a été suivie fidèlement au cours des années. Voir, par exemple, Whimster & Co. V. Inland Revenue Commissioners (1925), 12 T.C. 813, à la page 823; M.N.R. c. Irwin, précité, note 21, aux pages 664 à 665; M.N.R. c. Shofar Investment Corporation, [1980] R.C.S. 350, aux pages 353 et 354; Friesen c. The Queen, 95 D.T.C. 5551, aux pages 5558 à 5560; Minister of National Revenue v. Anaconda American Brass Ltd., [1956] A.C. 85, aux pages 100 et 101.

27J"ai à l"esprit l"exemple d"un don de terrain en paiement d"impôts.

28C"est strictement en se fondant sur une technique d"établissement des coûts appelée " la méthode de la capitalisation du coût entier " et sur la théorie selon laquelle les coûts qui profiteront à des périodes futures devraient se rattacher à des revenus de la période où le bénéfice est réalisé que M. McFadgen a exprimé l"avis que le paiement devait être " comptabilisé " comme " bien " dans le bilan. (Témoignage de M. McFadgen, Dossier d"appel, vol. II, aux pages 676 et 677.)

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