Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20000407

Dossier : A-729-98

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU, J.C.A.

LE JUGE NOËL, J.C.A.

LE JUGE MALONE, J.C.A.

ENTRE :

BRENDA MARIE JOHNSON-PAQUETTE

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le mardi 4 avril 2000

Jugement prononcé à Ottawa (Ontario), le vendredi 7 avril 2000

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                           LE JUGE NOËL, J.C.A.

Y ONT SOUSCRIT :                                                                      LE JUGE LÉTOURNEAU, J.C.A.

                                                                                                                LE JUGE MALONE, J.C.A.


Date : 20000407

Dossier : A-729-98

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU, J.C.A.

LE JUGE NOËL, J.C.A.

LE JUGE MALONE, J.C.A.

ENTRE :

BRENDA MARIE JOHNSON-PAQUETTE

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL, J.C.A.


[1]                À mon avis, le juge des requêtes a à bon droit conclu que la Section de première instance de la Cour ne pouvait pas entendre l'action de l'appelante compte tenu de la procédure de règlement des différends dont elle pouvait se prévaloir et dont elle s'est prévalue conformément à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP)[1].

[2]                Dans l'arrêt Weber c. Ontario Hydro[2], la Cour suprême a conclu que lorsqu'une convention collective prévoit qu'un arbitre a compétence à l'égard d'un litige et qu'un autre tribunal n'est pas expressément prévu dans la loi, l'arbitre a compétence à l'exclusion des tribunaux :

Dans St. Anne Nackawic, la Cour d'appel et la Cour suprême du Canada ont toutes deux insisté pour que l'analyse de la question de savoir si une affaire relève de la clause d'arbitrage exclusif s'effectue non pas sur le fondement des questions juridiques qui peuvent être soulevées, mais sur le fondement des faits entourant le litige qui oppose les parties. Il ne s'agit pas de savoir si l'action, définie en termes juridiques, est indépendante de la convention collective, mais plutôt si le litige « résulte [de la] convention collective » . Si, peu importe ce dont il peut être qualifié sur le plan juridique, le litige résulte de la convention collective, seul le tribunal du travail peut l'entendre, à l'exclusion des cours de justice[3].


[3]                En l'espèce, la demanderesse a initialement choisi la procédure de règlement des griefs pour régler le conflit l'opposant à son employeur et à ses collègues. Peu importe ce dont elle est qualifiée, la cause d'action que la demanderesse allègue maintenant dans sa déclaration découle manifestement des faits à l'appui des quatre griefs qu'elle a déposés sous le régime de la LRTFP et qui ont tous été rejetés dans une décision exécutoire rendue au dernier palier de la procédure de règlement des griefs[4].

[4]                L'appelante a essayé d'établir une distinction d'avec l'arrêt Weber pour le motif qu'en l'espèce, la procédure de règlement des griefs ne lui permettait pas de renvoyer l'affaire à l'arbitrage alors que cela lui était permis aux termes de la convention collective en cause dans l'arrêt Weber. Cela, dit-elle, est une différence importante qui permet à la Cour de ne pas tenir compte de la règle établie dans l'arrêt Weber.

[5]                Je note dans un premier temps qu'il est inexact de dire que l'appelante ne pouvait avoir recours à l'arbitrage par un tiers en l'espèce. Elle avait accès à l'arbitrage conformément à la procédure de règlement des griefs applicable, à condition de remplir les conditions prescrites au paragraphe 92(1) de la Loi et de convaincre son syndicat que l'affaire devrait être renvoyée à l'arbitrage conformément au paragraphe 92(2).


[6]                Chose plus importante toutefois, cette procédure de règlement des griefs est la procédure de règlement des différends qu'ont adopté les parties à la convention collective pour régler les conflits de travail de la nature de celui qu'a soulevé l'appelante dans son grief[5]. L'appelante s'est conformée à la convention collective et s'est prévalue de cette procédure[6]. Il s'ensuit que la présente affaire est complètement hors de la portée de l'arrêt Danilov v. Canada (Atomic Energy Control Board)[7] où la Cour d'appel de l'Ontario a noté que, contrairement à la présente espèce, la partie demanderesse dans l'affaire dont elle était saisie n'avait pas accepté au cours de la négociation collective que la procédure de règlement des griefs prévue dans la LRTFP s'applique à son différend[8].

[7]                L'appelante cherche également à établir une distinction d'avec l'arrêt Weber pour le motif que la disposition législative qui était en cause dans cette affaire[9] prévoyait expressément que l'arbitrage constituait le seul recours possible alors que les dispositions pertinentes de la LRTFP sont rédigées en termes facultatifs[10]. À cet égard, le libellé de la disposition pertinente dans l'arrêt Weber était l'un des trois motifs indépendants ayant conduit la Cour suprême à conclure que les procédures concomitantes n'étaient pas permises, les deux autres étant que :


(1)          les lois en matière de relations de travail prévoient un code régissant tous les aspects des relations de travail, auquel on porterait atteinte si les parties avaient accès au tribunal comme juridiction concomitante auquel le législateur n'a pas attribué la tâche de se prononcer sur ces questions[11];

(2)          l'accessibilité aux tribunaux comme juridictions concomitantes minerait le régime d'arbitrage exclusif qui est au coeur de toutes les lois canadiennes sur les relations de travail et empêcherait la résolution rapide et économique des litiges en matière de relations de travail[12].

       

[8]                Ces deux considérations de politique générale subsistent et demeurent applicables aux procédures de règlement des conflits de travail prévues dans la LRTFP. En outre, en ce qui concerne l'absence d'exclusions dans la LRTFP, la Cour suprême, dans l'arrêt Gendron c. Syndicat des approvisionnements et services de l'Alliance de la fonction publique du canada, section locale 50057[13], relativement à une omission semblable contenue dans le Code canadien du travail, a déclaré :

Bien que la Loi ne prévoie pas expressément que le Conseil a compétence exclusive, elle indique que le Parlement avait en vue un Conseil relativement autonome et spécialisé et que les tribunaux ordinaires devraient faire preuve de retenue judiciaire devant ses décisions et ses ordonnances sous réserve seulement d'un contrôle conforme aux limites de la clause privative. Comme je l'ai déjà souligné, le Parlement a prescrit le devoir, la procédure d'arbitrage d'un manquement reproché, un large éventail de redressements et une clause privative qui protège le Conseil. On peut donc présumer qu'il a voulu que les tribunaux ordinaires ne jouent qu'un rôle limité, le cas échéant, dans le règlement des différends visés par la Loi[14]. [Non souligné dans l'original.]


[9]                La Cour suprême a donc considéré le régime qu'a adopté le législateur dans le Code canadien du travail comme indiquant une intention d'exclure le rôle des tribunaux ordinaires malgré l'absence d'indications expresses à cet effet. Il est significatif, à mon avis, que dans l'arrêt Weber, la Cour suprême se soit appuyée sur l'arrêt Gendron pour rejeter le modèle de la concomitance dans les litiges en matière de relations de travail[15].

[10]            L'intention du législateur d'exclure l'intervention des tribunaux dans les litiges en matière de relations de travail peut donc être formulée expressément ou ressortir implicitement. Lorsque, comme c'est le cas pour la LRTFP, le législateur a, au moyen d'une loi, adopté ce qui se veut manifestement un code complet applicable à la résolution des litiges en matière de relations de travail dans un secteur donné d'activité et a rendu l'issue des recours prévus dans la loi finale et obligatoire pour les personnes concernées, le fait de permettre le recours aux tribunaux ordinaires auxquels ces tâches n'ont pas été attribuées porterait atteinte au régime législatif[16]. Pour donner effet à ces régimes, il faut considérer que le législateur a exclu le recours aux tribunaux ordinaires.


[11]            En vertu du paragraphe 17(1) de la Loi sur la Cour fédérale, la Section de première instance de la Cour a compétence dans les cas de demande de réparation contre la Couronne « [s]auf disposition contraire de la présente loi ou de toute autre loi » . À mon avis, le juge des requêtes a à bon droit conclu dans la présente affaire que la LRTFP prévoit le contraire.

[12]            L'appel devrait être rejeté avec dépens.

                    « Marc Noël »                 

J.C.A.

« Je souscris.

Gilles Létourneau, J.C.A. »

« Je souscris.

Brian Malone, J.C.A. »

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


Date : 20000407

Dossier : A-729-98

OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 7 AVRIL 2000

CORAM :        LE JUGE LÉTOURNEAU, J.C.A.

LE JUGE NOËL, J.C.A.

LE JUGE MALONE, J.C.A.

ENTRE :

BRENDA MARIE JOHNSON-PAQUETTE

appelante

et

SA MAJESTÉLA REINE

intimée

                                           JUGEMENT

L'appel est rejeté avec dépens.

             « Gilles Létourneau »          

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION D'APPEL

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                             A-729-98

APPEL D'UN JUGEMENT DE LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA RENDU LE 26 NOVEMBRE 1998 (DOSSIER T-165-98)

INTITULÉDE LA CAUSE :            BRENDA MARIE-JOHNSON-PAQUETTE c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                 OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :               le 4 avril 2000

MOTIFS DU JUGEMENT :             le juge Noël, J.C.A.

Y ONT SOUSCRIT :                         les juges Létourneau et Malone, J.C.A.

DATE DES MOTIFS :                      le 7 avril 2000

ONT COMPARU :                           

M. Macey Schwartz                                                                POUR L'APPELANTE

M. Louis Sébastien                                                                POUR L'INTIMÉE

M. Richard Fader

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Macey Schwartz                                                                POUR L'APPELANTE

Ottawa (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                                             POUR L'INTIMÉE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)



[1]            L.R.C. (1985), ch. P-35.

[2]          (1995), 125 D.L.R. (4th) 583 (C.S.C.).

[3]            Idem, à la page 599.    La décision de la Cour est unanime sur ce point. La Cour suprême dans l'arrêt Weber était partagée seulement en ce qui concerne la compétence de l'arbitre d'accorder une réparation fondée sur la Charte.

[4]            En vertu du paragraphe 96(3) de la LRTFP, la décision d'un agent des griefs rendue au dernier palier est finale et obligatoire sous le régime de la Loi.

[5]            Les quatre griefs découlent des mêmes faits et, bien qu'on puisse soutenir qu'en soi, les deux griefs portant sur le harcèlement sont visés par l'article 91 de la LRTFP plutôt que par la convention collective (clause M-16.01), les deux griefs alléguant l'omission de l'employeur de prendre des mesures appropriées sont clairement visés par la convention collective (clause M-38.02).

[6]            Une procédure qui aurait pu faire l'objet d'un contrôle judiciaire si l'appelante en avait décidé ainsi.

[7]            [1999] O.J. No. 3735, dossier no C.31965.

[8]            Idem, au paragraphe 9. La Cour a noté dans ses motifs :

[TRADUCTION]

Quand la procédure de règlement des griefs prévue dans la loi n'est pas acceptée et qu'il n'y a pas de mécanisme prévoyant un règlement final et obligatoire du différend, on ne peut pas dire que seule cette procédure extrajudiciaire s'applique.

[9]            Le paragraphe 45(1) de la Loi sur les relations de travail de l'Ontario, L.R.O. 1990, ch. L.2.

[10]           Articles 91 et 92 de la LRTFP.

[11]           Précité, note 2, à la page 599, le juge McLachlin, citant l'arrêt St. Anne-Nackawic Pulp and Paper Co. c. Syndicat canadien des travailleurs du papier, section locale 219, [1986] 1 R.C.S. 704.

[12]           Précité, note 2, à la page 600.

[13]           [1990] 1 R.C.S. 1298.

[14]           Idem, à la page 1321.

[15]           Précité, note 2, à la page 600.

[16]           St. Anne-Nackawic Pulp and Paper Co., précité, note 10, à la page 718. Voir également l'arrêt qu'a rendu récemment la Cour suprême dans Regina Police Assn. Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, [2000] A.C.S. no 15, au paragraphe 39. La Cour d'appel fédérale a appliqué ce principe en faisant référence à la LRTFP dans l'arrêt Bouchard c. Canada (ministère de la Défense nationale), [1999] C.A.F. no 1807, A-687-98, novembre 1999, aux paragraphes 24 et 25, et a exprimé l'avis que les tribunaux ordinaires ne pouvaient pas connaître de certains litiges fondés sur la LRTFP.


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.