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Date : 20050225

Dossier : A-266-04

Référence : 2005 CAF 68

Ottawa (Ontario), le 25 février 2005

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                              AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

                                                                                                                                              appelante

                                                                             et

                                                           ARTISTIC IDEAS INC.

                                                                                                                                                  intimée

                                     Audience tenue à Toronto (Ontario), le 14 février 2005

                                     Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 25 février 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                     LE JUGE ROTHSTEIN

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                         LE JUGE SEXTON

                                                                                                                              LE JUGE EVANS


Date : 20050225

Dossier : A-266-04

Référence : 2005 CAF 68

Ottawa (Ontario), le 25 février 2005

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                              AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

                                                                                                                                              appelante

                                                                             et

                                                           ARTISTIC IDEAS INC.

                                                                                                                                                  intimée

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROTHSTEIN

Introduction


[1]                Il s=agit de l=appel d=une décision rendue par la juge Snider de la Cour fédérale, publiée à (2004), 251 F.T.R. 223. Il faut décider si un * tiers + est tenu, en réponse à une demande de fourniture de renseignements et de production de documents visée au paragraphe 231.2(1) de la Loi de l=impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1, et ses modifications (la Loi), de fournir des renseignements ou des documents contenant le nom de * personnes non désignées nommément + au ministre du Revenu national.

Les faits

[2]                Artistic Ideas Inc. (Artistic) organise la vente d=oeuvres d=art à des contribuables canadiens qui en font ensuite don à des organismes de bienfaisance enregistrés. Les donateurs obtiennent alors une déduction fiscale fondée sur la valeur d=expertise des oeuvres d=art. Celle-ci excède le prix payé par les donateurs pour les oeuvres d=art. La différence entre le prix qu=ils paient et les déductions fiscales procurent aux donateurs un avantage financier net. Ces opérations sont parfois appelées * achat et vente successifs d=oeuvres d=art +.

[3]                Le ministre a entrepris une vérification d=Artistic en 2001. Au cours de cette vérification, une demande de fourniture de renseignements et de production de documents a été signifiée à Artistic en vertu du paragraphe 231.2(1) de la Loi. Artistic a accepté de fournir au ministre tous les renseignements et documents demandés, sauf le nom des donateurs et des organismes de bienfaisance.

[4]                Artistic a demandé à la Cour fédérale de radier, par ordonnance, la partie de la demande de fourniture et de production lui enjoignant de fournir le nom et l=adresse des donateurs et des organismes de bienfaisance.


Décision de la juge Snider

[5]                La juge Snider a conclu :

1.         que la vérification d=Artistic constituait une enquête réelle et sérieuse sur son assujettissement à l=impôt;

2.         que les noms des donateurs et des organismes de bienfaisance étaient utiles pour la vérification d=Artistic;

3.         que le ministre voulait établir de nouvelles cotisations à l=égard des donateurs parce qu=ils s=étaient livrés à des opérations d=achat et de vente successifs d=oeuvres d=art;

4.        qu=aucune preuve n=indiquait que le ministre avait l=intention d=effectuer la vérification des organismes de bienfaisance.

[6]                Elle a conclu que le ministre avait le droit de connaître le nom des organismes de bienfaisance, mais non celui des donateurs.

Dispositions législatives pertinentes

[7]                Les paragraphes 231.2(1), (2) et (3) prévoient ce qui suit :



231.2. (1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, le ministre peut, sous réserve du paragraphe (2) et, pour l=application et l=exécution de la présente loi, y compris la perception d=un montant payable par une personne en vertu de la présente loi, par avis signifié à personne ou envoyé par courrier recommandé ou certifié, exiger d=une personne, dans le délai raisonnable que précise l=avis :

231.2. (1) Notwithstanding any other provision of this Act, the Minister may, subject to subsection (2), for any purpose related to the administration or enforcement of this Act, including the collection of any amount payable under this Act by any person, by notice served personally or by registered or certified mail, require that any person provide, within such reasonable time as is stipulated in the notice,

a) qu=elle fournisse tout renseignement ou tout renseignement supplémentaire, y compris une déclaration de revenu ou une déclaration supplémentaire;

b) qu=elle produise des documents.

(a) any information or additional information, including a return of income or a supplementary return; or

(b) any document.

(2) Le ministre ne peut exiger de quiconque -- appelé * tiers + au présent article -- la fourniture de renseignements ou production de documents prévue au paragraphe (1) concernant une ou plusieurs personnes non désignées nommément, sans y être au préalable autorisé par un juge en vertu du paragraphe (3).

(2) The Minister shall not impose on any person (in this section referred to as a "third party") a requirement under subsection 231.2(1) to provide information or any document relating to one or more unnamed persons unless the Minister first obtains the authorization of a judge under subsection 231.2(3).

(3) Sur requête ex parte du ministre, un juge peut, aux conditions qu=il estime indiquées, autoriser le ministre à exiger d=un tiers la fourniture de renseignements ou production de documents prévue au paragraphe (1) concernant une personne non désignée nommément ou plus d=une personne non désignée nommément -- appelée * groupe + au présent article --, s=il est convaincu, sur dénonciation sous serment, de ce qui suit :

a) cette personne ou ce groupe est identifiable;

b) la fourniture ou la production est exigée pour vérifier si cette personne ou les personnes de ce groupe ont respecté quelque devoir ou obligation prévu par la présente loi;

(3) On ex parte application by the Minister, a judge may, subject to such conditions as the judge considers appropriate, authorize the Minister to impose on a third party a requirement under subsection 231.2(1) relating to an unnamed person or more than one unnamed person (in this section referred to as the "group") where the judge is satisfied by information on oath that

(a) the person or group is ascertainable; and

(b) the requirement is made to verify compliance by the person or persons in the group with any duty or obligation under this Act.


Analyse

[8]                Tel que je comprends le régime prévu à l=article 231.2, le ministre peut exiger d=un tiers qu=il fournisse des renseignements et des documents utiles pour déterminer s=il se conforme à la Loi. Il ne peut toutefois pas exiger du tiers qu=il fournisse des renseignements ou des documents concernant des personnes non désignées nommément sur lesquelles il souhaite mener une enquête, sans y être au préalable autorisé par un juge. Le juge peut autoriser le ministre à exiger la fourniture de ces renseignements ou de ces documents seulement si les personnes non désignées nommément sont identifiables et s=il est convaincu que la fourniture est nécessaire pour vérifier si ces personnes se conforment à la Loi.


[9]                Le ministre dit que la restriction visant l=obtention de renseignements ou de documents concernant des personnes non désignées nommément s=applique seulement si le tiers ne fait pas lui-même l=objet d=une enquête. Lorsque, comme c=est le cas en l=espèce, le tiers, Artistic, fait l=objet d=une enquête, le paragraphe 231.2(2) ne s=applique pas. Le ministre se fonde sur des arrêts comme James Richardson and Sons, Ltd. c. M.R.N., [1984] 1 R.C.S. 614, et Banque Canadienne de Commerce c. Procureur général du Canada, [1962] R.C.S. 729, pour soutenir que son pouvoir d=obtenir le nom de personnes non désignées nommément est très large et que le fait que les documents demandés puissent contenir des renseignements confidentiels concernant des personnes non désignées nommément est hors de propos. Il prétend que le paragraphe 231.2(2) s=applique seulement de manière à l=empêcher de faire une * recherche à l=aveuglette + au sujet d=autres contribuables lorsque le tiers ne fait pas lui-même l=objet d=une enquête. Ces arrêts sont antérieurs aux paragraphes 231.2(2) et (3), dont l=adoption semble cependant avoir été motivée, à tout le moins en partie, par l=arrêt Richardson. Bien que ces arrêts fournissent des renseignements généraux utiles, les dispositions législatives applicables ont changé depuis qu=ils ont été rendus.

[10]            Selon la preuve en l=espèce, ce sont les donateurs qui sont censés faire l=objet d=enquêtes de la part du ministre. Il s=agit précisément des personnes auxquelles les paragraphes 231.2(2) et (3) s=appliquent. Si le ministre veut qu=Artistic lui communique leur nom, il doit obtenir l=autorisation d=un juge. Or, une telle autorisation n=a pas été obtenue en l=espèce et le ministre ne peut pas, par conséquent, exiger d=Artistic qu=elle fournisse des renseignements concernant les donateurs.

[11]            Par contre, les paragraphes 231.2(2) et (3) ne s=appliquent pas si les personnes non désignées nommément ne font pas elles-mêmes l=objet d=une enquête. On peut supposer que leur nom est alors nécessaire seulement pour l=enquête effectuée par le ministre sur le tiers. Dans un tel cas, le tiers à qui est signifiée une demande de fourniture de renseignements et de production de documents en vertu du paragraphe 231.2(1) doit fournir tous les renseignements et documents pertinents, y compris le nom de personnes non désignées nommément, vu que le paragraphe 231.2(2) vise seulement les personnes non désignées nommément à l=égard desquelles le ministre peut obtenir l=autorisation d=un juge en vertu du paragraphe 231.2(3).


[12]            Aucune preuve n=indique que le ministre souhaite obtenir le nom des organismes de bienfaisance pour vérifier si elles se conforment à la Loi. Par conséquent, il a le droit de se faire communiquer le nom de ces organismes en vertu du paragraphe 231.2(1) parce que les paragraphes 231.2(2) et (3) ne s=appliquent pas à eux.

[13]            Ainsi, la juge Snider a conclu à juste titre qu=Artistic devait communiquer le nom des organismes de bienfaisance, mais non celui des donateurs.

[14]            Le ministre s=appuie sur l=arrêt R. c. Van Egmond (2002), 215 D.L.R. (4th) 697 (C.A. C.-B.), une cause pénale soumise à la Cour d=appel de la Colombie-Britannique. Il ne semble pas que l=on ait renvoyé la Cour aux paragraphes 231.2(2) et (3) dans cette affaire et, d=ailleurs, personne n=a comparu pour le compte de l=accusé. Je n=estime donc pas que cet arrêt soit utile.

[15]            Artistic était disposée à communiquer au ministre les documents qu=il demandait une fois que le nom des donateurs en aurait été enlevé. Le ministre dit cependant que, comme l=article 231.2 ne prévoit pas l=expurgation des documents, ils doivent être fournis avec le nom des donateurs. Je ne peux pas être de cet avis.


[16]            La seule manière raisonnable, pour Artistic, d=accéder à la demande de fourniture de renseignements et de production de documents qui lui a été signifiée est de supprimer le nom des donateurs. Le ministre obtient ainsi les renseignements et les documents auxquels il a droit, mais non les renseignements qu=il ne peut pas obtenir sans l=autorisation d=un juge. La prétention du ministre viderait de sa substance le paragraphe 231.2(2) simplement parce que les renseignements auxquels il n=avait pas droit se trouvaient dans les documents qui renfermaient les renseignements auxquels il avait droit. Il est toujours possible d=expurger des documents dans les cas appropriés, et les documents en cause en l=espèce doivent être expurgés pour respecter la procédure prévue à l=article 231.2.

[17]            Si le ministre avise le tiers qu=il n=a aucune raison d=invoquer le paragraphe 231.2(3) et que le tiers refuse de communiquer le nom de personnes non désignées nommément parce qu=il n=est pas convaincu que ces personnes ne font pas l=objet d=une enquête, le tiers peut intenter un recours devant la Cour fédérale ou le ministre peut intenter un recours en vertu des autres dispositions de la Loi.


Conclusion

[18]            L=appel devrait être rejeté. Artistic devrait avoir droit à des dépens de 5 000 $, débours et TPS inclus.

                                                                                                                          _ Marshall Rothstein _                    

                                                                                                                                                     Juge                                 

* Je souscris aux présents motifs

J. Edgar Sexton, juge +

* Je souscris aux présents motifs

John M. Evans, juge +

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


                                                   COURT D=APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                             A-266-04

APPEL D=UNE DÉCISION OU D=UNE ORDONNANCE RENDUE PAR LA COUR FÉDÉRALE EN DATE DU 16 AVRIL 2004, NO DE DOSSIER DE LA COUR FÉDÉRALE : T-1141-02.

INTITULÉ :                                                            AGENCE DES DOUANES

ET DU REVENU DU CANADA

c.

ARTISTIC IDEAS INC.

LIEU DE L=AUDIENCE :                                    TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L=AUDIENCE :                                   LE 14 FÉVRIER 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                                LE JUGE ROTHSTEIN

Y ONT SOUSCRIT :                                      LE JUGE SEXTON

LE JUGE EVANS

DATE DES MOTIFS :                                           LE 25 FÉVRIER 2005

COMPARUTIONS:

Peter A. Vita, c.r.                                                      POUR L=APPELANTE

P. Tamara Sugunasiri

Martin Teplitsky, c.r.                                                 POUR L=INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

John H. Sims, c.r.                                                      POUR L=APPELANTE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Teplitsky, Colson                                                       POUR L=INTIMÉE

Toronto (Ontario)


Date : 20050225

Dossier : A-266-04

Ottawa (Ontario), le 25 février 2005

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                              AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

                                                                                                                                              appelante

                                                                             et

                                                           ARTISTIC IDEAS INC.

                                                                                                                                                  intimée

                                                                   JUGEMENT

L=appel est rejeté. Artistic a droit à des dépens de 5 000 $, débours et TPS inclus.

                                                                                                                                Marshall Rothstein                   

                                                                                                                                                     Juge                                 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

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