Décisions de la Cour d'appel fédérale

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     Date : 19980703

     Dossier : A-570-97

Ottawa (Ontario), le 3 juillet 1998

CORAM :      LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE DÉCARY

         LE JUGE LÉTOURNEAU

Entre :

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     demanderesse,

     - et -

     LINDA MUNRO,

     intimée.

     JUGEMENT

     La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la Cour de l'impôt est infirmée et l'affaire est renvoyée à la Cour de l'impôt pour une nouvelle décision au motif que l'appel de la décision du fonctionnaire taxateur devrait être infirmée. Comme le prévoit l'article 18.25 de Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, l'intimée a droit à ses frais (" reasonable and proper costs " dans la version anglaise).

     " Alice Desjardins "

     JUGE

Traduction certifiée conforme

_____________________________

Laurier Parenteau, LL.L.


Date : 19980703


Dossier : A-570-97

CORAM :      LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE DÉCARY

         LE JUGE LÉTOURNEAU

Entre :

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     demanderesse,

     - et -

     LINDA MUNRO,

     intimée.

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le jeudi 7 mai 1998.

Jugement rendu à Ottawa le vendredi 3 juillet 1998.

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :      LE JUGE DÉCARY

SOUSCRIVENT À CES MOTIFS :      LE JUGE DESJARDINS

     LE JUGE LÉTOURNEAU

     Date : 19980703

     Dossier : A-570-97

CORAM :      LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE DÉCARY

         LE JUGE LÉTOURNEAU

Entre :

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     demanderesse,

     - et -

     LINDA MUNRO,

     intimée.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DÉCARY

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Cour canadienne de l'impôt dans laquelle le juge Bowman a accueilli un appel portant sur la décision d'un fonctionnaire taxateur.

[2]      La norme qui régit le contrôle du pouvoir discrétionnaire d'un fonctionnaire taxateur d'accorder des articles précis lors d'une taxation a été décrite dans les termes suivants par la présente Cour dans IBM Canada Ltée c. Xerox of Canada Ltd., [1977] 1 C.F. 181, page 185 (C.A.F.), sous la plume du juge Urie :

     [...] un tribunal ne devrait intervenir que lorsque les montants accordés sont inappropriés ou que la décision est déraisonnable au point de sembler résulter d'une erreur de principe.         

[3]      L'affaire dont nous sommes saisis découle d'une décision du juge Garon qui a été prise en vertu de la procédure informelle prévue dans la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, L.R.C. (1985), ch. T-2, et ses modifications (la Loi), dans laquelle il a accueilli les appels de Mme Munro contre le ministre du Revenu national (le Ministre) au sujet de trois années d'imposition. Dans son jugement, le juge Garon a statué que Mme Munro avait droit :

     [TRADUCTION] [...] au remboursement de tous les frais (" expenses ") qu'elle pouvait avoir engagés relativement à ses appels.         

     [Dossier de la demande, page 32]

[4]      À l'instruction de sa cause, Mme Munro était représentée par une personne autre qu'un avocat, comme l'y autorise l'article 18.14 de la Loi. Ce représentant était un comptable.

[5]      Mme Munro a ensuite déposé un mémoire de frais sous la forme suivante :

     [TRADUCTION]

     MÉMOIRE DE FRAIS

     Voici mon mémoire de frais dans l'appel susmentionné.
     A.      Pour les services d'un avocat, je réclame ce qui suit :
             a) préparation de l'avis d'appel : 244,67 $
             b) préparation de l'audience : 246,10 $
             c) audience (") : 287,50 $
                 (Une demi-journée)
             d) taxation des dépens : néant $
     B.      Pour les frais de témoin je réclame ce qui suit : néant $
     C.      Pour les témoins experts je réclame ce qui suit : 400 $
     D.      Autres débours : 120 $

     [Dossier de la demande, page 9]

[6]          À l'audience sur la taxation, l'article C (concernant les témoins experts) a été accepté mais réduit à 300 $ (ce qui est le maximum autorisé par les Règles de la Cour canadienne de l'impôt (Procédure informelle) DORS/90-688, et ses modifications (les Règles). L'article D a également été accepté. La seule question à résoudre est celle de l'article A, c'est-à-dire la réclamation " pour les services d'un avocat ".

[7]          En ce qui a trait à l'article A, Madame Munro a expliqué que les frais réclamés étaient ceux que son comptable lui avait facturés pour l'avoir représentée à l'audition de son appel. En fait, il est intéressant de noter que le montant total réclamé pour les honoraires du comptable, soit 778,27 $, est légèrement supérieur au maximum autorisé pour les frais d'un avocat en vertu de la règle 11, c'est-à-dire 700 $.

[8]          Le fonctionnaire taxateur a présumé que l'ordonnance du juge Garon portait sur " les dépens entre parties " et il a accepté l'argument du ministre faisant valoir que les règles n'autorisent que les frais qui se rapportent aux services d'un avocat. Il s'est appuyé sur la décision de la Cour de l'impôt dans Edgar (F.M.) c. Canada , [1994] 1 C.T.C. 2562, dans laquelle le juge en chef associé Christie a refusé les frais ayant trait aux services de représentants.

[9]          Le juge chargé du contrôle a convenu avec le fonctionnaire taxateur [TRADUCTION] " qu'en général, il n'y a pas de frais accordés pour les honoraires d'un représentant " en vertu des règles 11 et 12, " lorsqu'un plaideur a droit simplement à ses " dépens "". Il a toutefois ajouté que, dans l'affaire en cause, le juge Garon n'avait pas accordé de " dépens " mais plutôt autorisé le remboursement de " tous les frais ", ce qui, à son avis, est visé au paragraphe 12(3) des règles et peut inclure les honoraires des représentants. Il a fait observer que, comme le jugement du juge Garon n'avait pas fait l'objet d'un appel, l'ordonnance quant au remboursement de " tous les frais " était incontestable et ne pouvait faire l'objet d'une attaque indirecte dans le cadre du processus de taxation.

[10]          Les dispositions pertinentes de la Loi et des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (Procédure informelle) sont les suivantes :

Loi sur la Cour canadienne de l'impôt


     Informal Procedure

18.14 All parties to an appeal referred to in section 18 may appear in person or may be represented by counsel or an agent.

[...]

     Procédure informelle

18.14 Les parties à un appel visé à l'article 18 peuvent comparaître en personne ou être représentées par avocat ou par un autre représentant.

[...]

18.26 (1) Where an appeal referred to in section 18 is allowed and the judgment reduces the aggregate of all amounts in issue or the amount of interest in issue, or increases the amount of loss in issue, as the case may be, by more than one-half, the Court may award costs to the appellant in accordance with the rules of Court.

[...]

18.26 (1) Dans sa décision d'accueillir un appel visé à l'article 18, la Cour peut, conformément aux modalités prévues par ses règles, allouer les frais et dépens à l'appelant si le jugement réduit de plus de la moitié le total de tous les montants en cause ou le montant des intérêts en cause, ou augmente de plus de la moitié le montant de la perte en cause.

[...]

     RULES

20. (1) Subject to the approval of the Governor in Council, rules for regulating the pleadings, practice and procedure in the Court shall be made by the rules committee.

     RÈGLES

20. (1) Sous réserve de leur approbation par le gouverneur en conseil, les règles concernant la pratique et la procédure devant la Cour sont établies par le comité des règles.


(1.1) Without limiting the generality of the foregoing, the rules committee may make rules

     [...]
    

(j) for awarding and regulating costs in the Court in favour of or against the Crown as well as other parties and for authorizing the refusal of costs to an appellant who, in circumstances in which the appellant could make an election under section 18, does not make such an election.

(1.1) Sans qu'il soit porté atteinte à l'application générale de ce qui précède, le comité des règles peut prendre des règles sur les objets suivants:

     [...]
     j) l'attribution et la réglementation des frais et dépens tant en ce qui concerne Sa Majesté du chef du Canada que les parties, et le refus d'octroyer les dépens à un appelant qui, dans les circonstances où l'appelant pouvait faire le choix visé à l'article 18, n'a pas fait un tel choix.

Règles de la Cour canadienne de l'impôt (Procédure informelle)


     Interpretation

2. In the rules,

"counsel" means every person who may practise as a barrister, advocate, attorney or solicitor in any of the provinces; (avocat)

     Définition

2. Les définitions qui suivent s'appliquent aux présentes règles.

"avocat" Quiconque peut exercer à titre d'avocat ou de procureur dans une province. (counsel)


     Costs

10. (1) Costs on an appeal shall be at the discretion of the judge by whom the appeal is disposed of in the circumstances set out in subsection 18.26(1) of the Act which reads as follows:

     "18.26 (1) Where an appeal referred to in section 18 is allowed and the judgment reduces the aggregate of all amounts in issue or the amount of interest in issue, or increases the amount of loss in issue, as the case may be, by more than one half, the Court may award costs to the appellant in accordance with the rules of Court."

     Frais et dépens

10. (1) Les dépens sont laissés à la discrétion du juge qui règle l'appel, dans les circonstances établies au paragraphe 18.26(1) de la Loi qui prévoit ce qui suit:

     " 18.26 (1) Dans sa décision d'accueillir un appel visé à l'article 18, la Cour peut, conformément aux modalités prévues par ses règles, allouer les frais et dépens à l'appelant si le jugement réduit de plus de la moitié le total de tous les montants en cause ou le montant des intérêts en cause, ou augmente de plus de la moitié le montant de la perte en cause. "


(2) A judge may direct the payment of costs in a fixed sum, in lieu of any taxed costs.

(2) Le juge peut ordonner le paiement d'un montant forfaitaire, au lieu des dépens taxés.


11. On the taxation of party and party costs the following fees may be allowed for the services of counsel

     (a) for the preparation of a notice of appeal, $150,
     (b) for preparing for a hearing, $200,
     (c) for the conduct of a hearing, $300 per half day or part thereof, and
     (d) for the taxation of costs, $50.

11. Lors de la taxation des dépens entre parties, les honoraires suivants peuvent être adjugés pour les services d'un avocat:

     a) la préparation de l'avis d'appel " 150 $,
     b) la préparation de l'audience " 200 $,
     c) l'audience " 300 $ pour chaque demi-journée ou fraction de celle-ci,
     d) la taxation des dépens " 50 $.

12. (1) A witness, other than a witness who appears to give evidence as an expert, is entitled to be paid by the party who arranged for his attendance $50 per day, plus reasonable and proper transportation and living expenses.

12. (1) Un témoin, sauf s'il comparaît en qualité d'expert, a le droit de recevoir de la partie qui l'a convoqué le montant suivant: 50 $ par jour plus les frais de déplacement et de subsistance raisonnables et appropriés.


(1.1) An amount is not payable under subsection (1) in respect of an appellant unless the appellant is called upon to testify by counsel for the respondent.

(1.1) Aucun montant n'est payable à l'appelant aux termes du paragraphe (1), à moins que l'avocat de l'intimée n'ait appelé l'appelant à témoigner.


(2) There may be paid to a witness who appears to give evidence as an expert a reasonable payment, not to exceed $300 per day unless the Court otherwise directs, for the services performed by the witness in preparing himself to give evidence and giving evidence.

(2) Il peut être versé au témoin qui comparaît en qualité d'expert un montant raisonnable, qui ne doit pas dépasser 300 $ par jour, sauf si la Cour en ordonne autrement, en échange de ses services, tant pour préparer son témoignage que pour le rendre.


(3) Such other disbursements may be allowed as were essential for the conduct of the appeal, if it is established that the disbursements were made or that the party is liable for them.

(3) Les autres débours essentiels à la tenue de l'appel peuvent être adjugés s'il est établi qu'ils ont été versés ou que la partie est tenue de les verser.

[11]      Je ne partage pas l'opinion du juge concernant la question de l'attaque indirecte.

[12]      En vertu du paragraphe 18.26(1) de la Loi, le juge Garon n'avait d'autre pouvoir que celui " d'allouer les frais et dépens ". Le fait qu'il ait choisi les mots " tous les frais " ne saurait faire oublier que son ordonnance portait et ne pouvait que porter sur l'octroi des frais et dépens et que l'allocation des frais et dépens est régie par les Règles adoptées relativement aux frais et dépens.

[13]      Le juge de la Cour de l'impôt a, aux termes de la règle 10(1), le pouvoir discrétionnaire d'allouer les frais et dépens ou de ne pas les allouer. Dès qu'il exerce ce pouvoir discrétionnaire en décidant de les allouer, il ne peut accorder que ceux qui sont autorisés par les Règles. Comme le faisait justement observer le juge Millar dans l'arrêt Weston Bakeries Limited v. Baker Perkins Inc. et al (1960), 31 W.W.R. 200, aux pages 209 et 210 (C.A. Man.), confirmé par la Cour suprême du Canada dans de brefs motifs prononcés verbalement à (1961), 35 W.W.R. 576 (C.S.C.) :

         [TRADUCTION]         
         [...] Mais les décisions des tribunaux anglais m'amènent à penser que le pouvoir discrétionnaire conféré aux juges n'est pas sans limite, et qu'il ne leur donne pas la possibilité de déclarer que certains articles sont des frais qui ne pouvaient pas auparavant être alloués en tant que frais, ni, sous le couvert de ce pouvoir discrétionnaire, d'établir de nouveaux tarifs. À mon avis, le " pouvoir discrétionnaire " leur a été accordé afin de contrôler les frais et dépens reconnus et non pas pour autoriser des articles de dépenses qui n'étaient pas auparavant accepter, ni de créer de nouveaux frais, ou de modifier le fondement à partir duquel les frais sont alloués [...]         

(Voir également Donald Campbell and Company Limited v. Pollack, [1927] A.C. 732, aux pages 811 et 812 (H.L. (E.)), le vicomte Cave, L.C.).

[14]      Les frais et dépens autorisés en vertu des Règles relatives à la procédure informelle sont de deux types : un montant forfaitaire au lieu des dépens taxés (règle 10(2)), ou les dépens taxés qu'une partie doit payer à l'autre. Ces dépens taxés sont classés, à toutes fins pratiques, sous deux rubriques : ceux entre parties et ceux entre procureur et client. Dans ce contexte, je souscris entièrement à l'opinion exprimée par le juge Mahoney (tel était alors son titre) dans l'arrêt La Reine c. Creamer, [1977] 2 C.F. 195, à la page 200 (C.F. 1re inst.) :

         [...] Je ne vois pas l'intérêt qu'il y aurait à perpétuer certaines subtilités développées par d'autres juridictions en d'autre temps qui, si significatives qu'elles aient pu être alors en ces lieux, ne sont d'aucune utilité pour nous en ce moment [...]         

[15]      Il faut partir du postulat que le juge Garon avait l'intention d'agir dans les limites du pouvoir que lui confère la loi quand il a rendu l'ordonnance accordant le " remboursement de tous les frais (" expenses ") qu'elle peut avoir engagés relativement à ses appels ". Ces mots, pris individuellement ou globalement, ne se retrouvent pas dans les Règles, à l'exception du mot " expenses " qui, à la règle 12(1), est utilisé dans le contexte restrictif " des frais de déplacement et de subsistance raisonnables et appropriés ". Ces mots ne peuvent équivaloir à une ordonnance allouant un montant forfaitaire. Ils ne peuvent non plus équivaloir à une ordonnance allouant les frais et dépens entre procureur et client : le représentant n'est pas un procureur et, de toutes les façons, le conseiller de l'intimée n'a pas eu la possibilité de répondre comme l'exige la jurisprudence. Ces mots peuvent simplement équivaloir à une ordonnance octroyant les dépens entre parties, ce qui est l'ordonnance généralement accordée ou qui est implicite à moins que des mots à l'effet contraire ne soient expressément mentionnés dans l'ordonnance.

[16]      Dans l'arrêt Simpson v. The Commissioners of Inland Revenue, [1914] 2 K.B. 842, le juge Scrutton (tel était alors son titre), a statué qu'une ordonnance visant à ce que [TRADUCTION] " tous les frais (" expenses ") engagés par les commissaires soient payés par l'appelant " (page 842) était nulle pour cause d'incertitude. Il a fait observer ce qui suit :

         [TRADUCTION]         
         Pour autant que je sache, le terme " frais " (" expenses ") n'est pas, comme l'expression " frais et dépens " ("costs"), un terme technique en droit anglais. Si un fonctionnaire taxateur recevait l'instruction de taxer les " frais " ("expenses"), il ne comprendrait pas ce qu'il a à faire [...] Cette difficulté aurait été évitée si l'arbitre en l'espèce avait utilisé les mots " frais et dépens " ("costs") au lieu du mot " frais " ("expenses"). [...]         

     [page 845]

[17]      Le juge Scrutton n'était pas disposé à substituer les mots " frais et dépens " ("costs") au mot " frais " ("expenses") dans l'ordonnance dont il était saisi et il l'a donc annulée. Il n'est pas nécessaire d'aller aussi loin : étant donné que le mot " frais " ("expenses"), dans le contexte dans lequel il a été utilisé par le juge Garon, n'est pas connu dans notre droit à moins qu'il ne signifie " frais et dépens " ("costs"), il suffit de l'interpréter dans ce sens. Agir autrement équivaudrait presque à décider que le juge Garon n'a pas exercé son pouvoir discrétionnaire d'allouer les frais et dépens sur une base judiciaire, et cet argument n'a pas été soulevé par les parties. Je ne suis certainement pas disposé à interpréter un mot employé dans une ordonnance de la Cour et qui peut être ambigu en choisissant une interprétation qui obligerait à invalider cette ordonnance par opposition à une interprétation qui lui conserverait sa validité, surtout lorsque l'annulation de l'ordonnance ayant trait aux " frais " ("expenses") porterait préjudice à la contribuable qui a par ailleurs eu gain de cause. Voici ce que faisait observer le juge Lambert dans Stiles v. British Columbia (Workers' Compensation Bd. ) (1989), 39 C.P.C. (2d) 74, à la page 78 (C.A.C.-B.) :

         [TRADUCTION]         
         [...] Le pouvoir discrétionnaire [concernant l'octroi des frais et dépens ("costs")] doit être exercé judiciairement, c'est-à-dire non pas d'une manière abusive ou arbitraire. Et [...] ce pouvoir doit être exercé de façon compatible avec les Règles de procédure de la Cour. Mais il serait dommage que des causes semblables ne soient pas décidées de manière semblable pour ce qui a trait aux frais et dépens "costs". Ainsi donc, par courtoisie judiciaire, des principes ont été élaborés pour guider les juges dans l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire à cet égard. Ces principes doivent être appliqués de façon cohérente ; si un juge refuse de les appliquer, sans avoir de bonnes raisons de le faire, il peut être accusé d'avoir agi de manière abusive ou arbitraire et non pas d'une manière judiciaire.         

Ces observations me confortent dans mon opinion que le juge Garon n'avait pas l'intention de s'écarter de la pratique habituellement suivie à la Cour canadienne de l'impôt.

[18]      Quand le ministre a été informé de l'ordonnance de la Cour de l'impôt, il ne pouvait que présumer que les " frais " ("expenses") qui avaient été alloués étaient les honoraires et débours habituels énoncés dans les Règles. À moins qu'il ne s'oppose à l'octroi même des frais et dépens, ce qu'il n'a pas fait, je ne vois pas comment son omission de porter cette ordonnance en appel peut l'empêcher à l'étape de la taxation de faire valoir que des frais réclamés dans un mémoire de frais ne sont pas visés par les Règles. À mon avis, il ne s'agit pas d'un cas d'attaque indirecte.

[19]      En l'absence de toute question concernant l'attaque indirecte, qui était le seul motif invoqué par le juge pour modifier la décision discrétionnaire du fonctionnaire taxateur, il ne reste qu'une décision qui, à toutes fins pratiques, confirme celle du fonctionnaire taxateur et qui entraîne le refus d'allouer les frais du représentant. Le juge Bowman n'était manifestement pas en mesure, n'eut été de l'argument portant sur l'attaque indirecte, de conclure que le fonctionnaire taxateur a pris une décision " déraisonnable au point de sembler résulter d'une erreur de principe " (voir IBM Canada Ltée c. Xerox of Canada Ltd., précité, par. 2). Je ne le suis pas non plus.

[20]      La procédure informelle énoncée dans la Loi traite précisément à l'article 18.14 de la représentation par une personne autre qu'un avocat ; pourtant, le Comité des règles a expressément restreint les honoraires taxables à ceux qui ont trait aux " services d'un avocat ". Cela va à l'encontre de l'intention très claire de la règle 11 qui restreint les honoraires aux services d'un avocat que de suggérer que les mots " les autres débours " à la règle 12(3) peuvent être interprétés de façon à inclure les frais pour les services de représentants, et en outre, d'autoriser ces représentants à réclamer des honoraires supérieurs à ceux que les avocats sont autorisés à réclamer. Les représentants ne devraient pas être autorisés à réclamer indirectement en vertu de la règle 12(3) ce qui leur est expressément refusé à la règle 11.

[21]      Je note que Mme Munro elle-même, dans son mémoire de frais, a réclamé les honoraires de son représentant comme étant des honoraires " pour les services d'un avocat ", ce qu'ils ne sont pas bien entendu. Si son comptable avait été cité comme témoin expert, elle aurait pu réclamer les honoraires de son comptable en vertu de la règle 12(2). Mais, dans la mesure où les frais réclamés ont trait aux services de son comptable à titre de représentant, et non pas à ses services en tant que témoin expert ou à tout autre titre, ces frais ne peuvent être alloués en vertu des Règles.

[22]      Il n'est pas loisible à cette Cour de modifier les règles énoncées par le Comité des règles de la Cour canadienne de l'impôt. On pourrait soutenir qu'un juge peut prendre les frais de représentation par un agent en considération s'il choisit d'accorder un montant forfaitaire au lieu des dépens taxés, aux termes de la Règle 10(2), mais ce n'est pas ce qui s'est produit en l'espèce et je n'exprime aucune opinion quant au fondement de cet argument. (Voir Lavigne c. Développement des ressources humaines et al. (8 juin 1998), A-104-97 (C.A.F.) [non publié].)

[23]      L'avocat de l'intimée s'est fortement appuyé sur la décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans Skidmore v. Blackmore (1995), 35 C.P.C. (3d) 28. Même si cette décision était pertinente en l'espèce, ce dont je doute, elle serait de peu d'utilité étant donné qu'elle traite de la pratique suivie devant les tribunaux de la Colombie-Britannique qui diffère, à de nombreux égards, de celle de la Cour de l'impôt.

[24]      Je suis d'avis d'accueillir la demande, d'annuler la décision du juge de la Cour de l'impôt et de renvoyer l'affaire à la Cour de l'impôt pour une nouvelle décision tenant compte de ce que l'appel de la décision du fonctionnaire taxateur devrait être rejeté. Comme le prévoit l'article 18.25 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, l'intimée a droit à ses " frais " (reasonable and proper costs, dans la version anglaise) relativement à la présente demande.

     " Robert Décary "

     Juge

" Je souscris à ces motifs.

     Alice Desjardins, juge "

" Je souscris à ces motifs.

     Gilles Létourneau, juge "

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

DIVISION D'APPEL


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              A-570-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Sa Majesté la Reine c.

                         Linda Munro

LIEU DE L'AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          le 7 mai 1998

MOTIFS DU JUGEMENT :          le juge Décary

SOUSCRIVENT À CES MOTIFS :      le juge Desjardins

                         le juge Létourneau

DATE :                  le 3 juillet 1998

ONT COMPARU :

Gordon Bouregard                  POUR L'APPELANTE

R. Bruck Easton                  POUR L'INTIMÉE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Belowus, Easton, English, Holmes              POUR L'APPELANTE

Windsor (Ontario)

George Thomson                  POUR L'INTIMÉE

Sous-procureur général du Canada

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