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Date : 20010322

Dossier : A-774-99

Coram :            LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NOËL

Entre :

                                      LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA

                                                                                                                                   Demanderesse

                                                                            ET

                                                             MARYSE DUPÉRÉ

                                                                                                                                     Défenderesse

Audience tenue à Montréal (Québec) le mardi 20 mars 2001     

Jugement rendu à Montréal (Québec) le jeudi 22 mars 2001

MOTIFS DU JUGEMENT PAR:                                                                LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT:                                                                                        LE JUGE DÉCARY

LE JUGE NOËL


Date : 20010322

Dossier : A-774-99

Référence neutre : 2001 CAF 83

Coram :            LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NOËL

Entre :

                                      LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA

                                                                                                                                   Demanderesse

                                                                            ET

                                                             MARYSE DUPÉRÉ

                                                                                                                                     Défenderesse

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]                Je suis d'avis que cette demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie.


[2]                La défenderesse occupait simultanément deux emplois à temps partiel chez deux employeurs distincts : un premier au CHRS de Portneuf (Centre régional d'hébergement et de santé) et un second au CHUQ (Pavillon Hôtel-Dieu de Québec). Du 7 mars au 16 septembre 1997, du fait de sa grossesse, elle s'est prévalue de son droit à un retrait préventif à son emploi de Portneuf et elle a reçu, conformément à la loi, des prestations de la Commission de la santé et de la sécurité au travail (CSST). Le 17 septembre 1997, elle a pris un congé de maternité chez cet employeur et les prestations de la CSST ont cessé de lui être versées le 16 de ce même mois.

[3]                Mais au cours de cette même période, soit du 7 mars au 3 septembre 1997, la défenderesse a continué d'exercer son autre emploi à temps partiel au CHUQ de Québec. Elle fut cependant affectée par son employeur à des fonctions compatibles avec sa grossesse et il n'y a au dossier aucune preuve que sa rémunération fut réduite. Elle n'a pas reçu pour cet emploi de prestations de la CSST et, le 14 septembre 1997, elle a pris un congé de maternité.

[4]                Le 22 septembre 1997, la défenderesse a formulé une demande de prestations en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, c. 23 (la « Loi » ) et des prestations de maternité lui furent payées. Le montant des prestations fut déterminé par la Commission de l'emploi et de l'immigration (la « Commission » ) en fonction des 26 semaines consécutives qui, dans sa période de référence, constituent sa période de base. La Commission a pris la date du 3 septembre 1997 comme fin de la période de base car il s'agissait, à son avis, de la semaine au cours de laquelle était survenu le dernier arrêt de rémunération. Pour ce faire, elle s'est fondée sur l'article 14 de la Loi, et plus particulièrement le paragraphe 14(4), qui stipule :




                                Taux de prestations

14(1) Taux de prestations hebdomadaires

14. (1) Le taux de prestations hebdomadaires qui peut être versé à un prestataire est de cinquante-cinq pour cent de sa rémunération hebdomadaire assurable.

                              Rate of weekly benefits

14(1) Rate of weekly benefits

14. (1) The rate of weekly benefits payable to a claimant is 55% of their weekly insurable earnings.


14(1.1) Maximum de la rémunération hebdomadaire assurable

(1.1)         Le maximum de la rémunération hebdomadaire assurable d'un prestataire est_:

14(1.1) Maximum weekly insurable earnings

(1.1)         The maximum weekly insurable earnings is

a)        si sa période de prestations débute au cours des années 1997 à 2000, de 750_$;

b)       si sa période de prestations débute au cours des années subséquentes, le montant obtenu par division du maximum de la rémunération annuelle assurable par 52.

(a)      _$750 if the claimant's benefit period begins during the years 1997 to 2000; and

(b)      if the claimant's benefit period begins in a subsequent year, the maximum yearly insurable earnings divided by 52.

14(2) Rémunération hebdomadaire assurable

(2) La rémunération hebdomadaire assurable correspond au quotient obtenu par division de la rémunération assurable du prestataire au cours de sa période de base par le plus élevé des nombres suivants_:

14(2) Weekly insurable earnings

(2) A claimant's weekly insurable earnings are their insurable earnings in the rate calculation period divided by the larger of the following divisors:

a)        le nombre de semaines, pendant la période de base, au cours desquelles le prestataire a reçu une rémunération assurable;

(a)      the divisor that equals the number of weeks during the rate calculation period in which the claimant had insurable earnings, and

b)      le nombre prévu au tableau qui suit, en fonction du taux régional de chômage applicable.   

(b)      the divisor determined in accordance with the following table by reference to the applicable regional rate of unemployment.

14(3) Rémunération assurable

(3) La rémunération assurable au cours de la période de base est déterminée et calculée conformément aux règlements et comprend celle relative à l'exercice de tout emploi assurable, que celui-ci ait ou non pris fin.

14(3) Insurable earnings

(3) Insurable earnings in the rate calculation period shall be established and calculated in accordance with the regulations and include earnings from any insurable employment, regardless of whether the employment has ended.

14(4) Période de base

(4) La période de base d'un prestataire correspond à la période d'au plus vingt-six semaines consécutives, au cours de sa période de référence -- compte non tenu des semaines reliées à un emploi sur le marché du travail, au sens prévu par règlement --, se terminant_:

14(4) Rate calculation period

(4) The rate calculation period is the period of not more than 26 consecutive weeks in the claimant's qualifying period ending with the later of

a)        soit par la semaine, selon le cas_:

(a)      the week


(i)             précédant celle au cours de laquelle survient son dernier arrêt de rémunération, lorsque la période de prestations débute le dimanche de cette dernière semaine,

(i)             before the claimant's benefit period begins, if it begins on the Sunday of the week in which the claimant's last interruption of earnings occurs, or

(ii)            au cours de laquelle survient son dernier arrêt de rémunération, lorsque la période de prestations débute le dimanche d'une semaine postérieure à cet arrêt de rémunération;

(ii)            in which the claimant's last interruption of earnings occurs, if their benefit period begins on the Sunday of a week that is after the week in which the claimant's last interruption of earnings occurs, and

b)       soit, si elle est postérieure, par la semaine précédant le début de sa période de prestations, s'il exerce toujours un emploi assurable à ce moment.

(b)      the week before the claimant's benefit period begins, if the claimant has an insurable employment at the beginning of that period.

A prescribed week relating to employment in the labour force shall not be taken into account when determining what weeks are within the rate calculation period.

14(4.1) Durée de la période de base

(4.1) La période de base du prestataire est de vingt-six semaines, à moins que sa période de référence ne commence moins de vingt-six semaines avant la semaine visée à l'alinéa (4)a) ou b), auquel cas elle correspond au nombre de semaines compris dans l'intervalle.

14(4.1) Length of rate calculation period

(4.1) The rate calculation period is 26 weeks, unless the claimant's qualifying period begins on a Sunday that is less than 26 weeks before the Sunday of the week in which the rate calculation period ends under subsection (4), in which case it is the number of weeks between those Sundays.


[5]                Insatisfaite du taux de prestations fixé par la Commission, la défenderesse s'est portée en appel devant un conseil arbitral où, avec succès, elle a argumenté que, pour la détermination de son taux de prestations, la Commission aurait dû prendre en compte seulement le premier arrêt de la rémunération survenu en mars et ignorer celui de septembre. Le conseil arbitral a accueilli l'appel de la défenderesse en fondant sa décision sur le paragraphe 14(7) du Règlement sur l'assurance-emploi, DORS/96-332 (le « Règlement » ) :



14(7)

(7) Lorsque l'assuré accepte un travail moins rémunérateur de son employeur et, de ce fait, reçoit un supplément de rémunération en vertu d'une loi provinciale prévoyant le versement d'indemnités dans le cas où la continuation du travail mettrait en danger la personne qui l'accomplit ou mettrait en danger l'enfant à naître de la personne qui l'accomplit ou l'enfant qu'elle allaite, l'arrêt de rémunération de l'assuré survient lors de la dernière journée de travail avant le début du travail moins rémunérateur.

14(7)

(7) Where an insured person accepts less remunerative work with their (sic) employer and as a consequence receives a wage supplement under a provincial law intended to provide indemnity payments where the continuation of a person's work represents a physical danger to them (sic), to their unborn child or to the child they are breast-feeding, an interruption of earnings occurs on the insured person's last day of work before the beginning of the less remunerative work.


[6]                Par jugement du 12 octobre 1999, un juge-arbitre a maintenu la décision du conseil arbitral et rejeté l'appel de la Commission visant à faire infirmer cette décision.

[7]                Avec respect je crois que le juge-arbitre et le conseil arbitral ont mal interprété et appliqué le paragraphe 14(7) du Règlement. Ce paragraphe pose trois conditions essentielles à son application.

[8]                Il faut d'abord que l'assuré qui se prévaut de son droit à un retrait préventif accepte un travail moins rémunérateur de son employeur. En d'autres termes, il faut que l'assuré continue de travailler à des conditions salariales moins avantageuses. Il faut également, et il s'agit là de la seconde condition, que l'assuré reçoive un supplément de rémunération en vertu d'une loi provinciale. Enfin, il faut que ce supplément de rémunération soit versé en raison du fait que l'assuré a accepté un travail moins rémunérateur.


[9]                Or, si l'on applique ces conditions à la situation particulière de la défenderesse, la conclusion suivante s'impose. En ce qui concerne l'emploi au CHRS de Portneuf, la défenderesse n'a pas continué à y exercer un travail moins rémunérateur offert par l'employeur. Malgré le défaut de respecter cette condition essentielle du paragraphe 14(7), la procureure de la demanderesse nous a informés à l'audience que la Commission accepte tout de même en pareil cas d'appliquer ce paragraphe du Règlement au bénéfice de la personne enceinte. S'il n'y avait eu en cause que cet emploi, le problème d'application du paragraphe 14(7) ne se serait pas posé. Mais il y a en litige le second emploi que la défenderesse occupait au CHUQ de Québec.

[10]            Or, en ce qui a trait à ce second emploi, la preuve révèle que la défenderesse l'a conservé, qu'elle n'y a pas bénéficié d'un droit de retrait préventif et qu'elle n'a reçu aucun supplément de rémunération de la part de la CSST. En outre, tel que déjà mentionné, la preuve n'indique pas que la défenderesse, en conséquence d'une re-définition de ses fonctions, a pour la période de mars à septembre 1997 occupé chez cet employeur un travail moins rémunérateur. Il m'apparaît évident qu'en ce qui concerne l'emploi de la défenderesse au CHUQ, aucune des conditions du paragraphe 14(7) du Règlement n'est respectée et, qu'en conséquence, tant le juge-arbitre que le conseil arbitral ont erré lorsqu'ils ont appliqué la teneur de ce paragraphe aux faits de la présente affaire.


[11]            Dans les circonstances, la Commission a raison de soutenir que c'est l'article 14 de la Loi qui s'applique et détermine le taux de prestations. Le paragraphe 4 de cet article prend comme période de base du calcul du taux une période d'au plus 26 semaines consécutives qui, le sous-alinéa 14(4)(a)(ii) l'énonce sans ambiguïté, se termine par la semaine au cours de laquelle survient le dernier arrêt de rémunération. En l'occurrence, la période de base de la défenderesse s'est terminée le 3 septembre 1997 lorsqu'elle a quitté son emploi au CHUQ de Québec et a cessé d'y être rémunérée. C'est d'ailleurs à une conclusion semblable à laquelle notre Cour en était arrivée dans l'arrêt Canada c. Cymerman, [1996] 2 C.F. 593 en rapport avec l'interprétation de dispositions analogues de l'ancienne Loi sur l'assurance-chômage, L.R.C. (1985), ch. U-1.

[12]            Il convient d'ajouter que la Commission était disposée à appliquer à la défenderesse le paragraphe 14(7) du Règlement et, afin de déterminer le début de la période de prestations, à reconnaître que l'arrêt de rémunération de la défenderesse était survenu en mars 1997. Elle était aussi prête à considérer une demande antidatée de la défenderesse pour faire débuter le paiement de prestations en mars plutôt qu'en septembre 1997. Cette approche de la Commission, du moins en ce qui concerne le montant des prestations, eut été avantageuse pour la défenderesse car les 26 semaines consécutives constituant la période de base pour fin de fixation du taux auraient alors été celles précédant l'arrêt de rémunération en mars conformément à l'article 14 de la Loi. Elle aurait alors bénéficié d'un taux de prestations plus élevé. En contre-partie, évidemment, la durée de la période de prestations eut été affectée. La défenderesse a refusé cette invitation, désirant plutôt toucher des prestations à compter du 14 septembre 1997. Il lui faut alors vivre avec les conséquences légales de ce choix.


[13]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision du juge-arbitre annulée et l'affaire renvoyée au juge-arbitre en chef ou à son délégué pour qu'il la décide à nouveau en tenant pour acquis que l'appel de la Commission doit être accueilli et que le taux de prestations doit être établi en fonction du dernier arrêt de rémunération survenu la semaine du 3 septembre 1997.

[14]            Une copie des présents motifs sera déposée dans le dossier Procureur général du Canada -et- France Bélanger, A-60-00 pour y valoir, en y faisant les adaptations nécessaires, comme justification du jugement qui y accueille la demande de contrôle judiciaire.

                                                                                                                              « Gilles Létourneau »             

                                                                                                                                                     j.c.a.          

« Je suis d'accord »

« Robert Décary, j.c.a. »

« Je suis d'accord »

« Marc Noël, j.c.a. »


                                               

                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                               SECTION D'APPEL

Date : 20010322

Dossier : A-774-99

Entre :

        LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA

                                                                       Demanderesse

                                              ET

                               MARYSE DUPÉRÉ

                                                                         Défenderesse

                                                                                                                      

                         MOTIFS DU JUGEMENT

                                                                                                                      

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