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Date : 19991217

     Dossier : A-710-99



OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 17 DÉCEMBRE 1999



C O R A M :      LE JUGE STRAYER



E N T R E :

     MIL SYSTEMS, division de Davie Industries Inc.

     et FLEETWAY INC.,

     demanderesses,

     " et "

     TRIBUNAL CANADIEN DU COMMERCE EXTÉRIEUR,

     MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS ET

     DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX CANADA

     et SIEMENS WESTINGHOUSE INC.,

     défendeurs.



     O R D O N N A N C E

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1)      la requête présentée le 10 décembre 1999 pour l'obtention d'une injonction interlocutoire est rejetée avec dépens;
2)      l'audition de la demande de contrôle judiciaire aura lieu à Ottawa le 18 janvier 2000 et durera au plus une journée;
3)      l'intitulé de la cause est modifié, dès les présents motifs et ordonnance, en remplaçant le mot " ministère " par " ministre " et en supprimant le terme " Canada " dans la description des défendeurs;
4)      sous réserve d'une ordonnance ultérieure, les documents suivants sont considérés comme confidentiels et scellés, seuls la Cour et les avocats des parties y ayant accès :
     a)      les dossiers des demanderesses et de l'intimée Siemens Westinghouse Inc.;
     b)      le document intitulé " Marché " portant le numéro W8483-6-EFAA/001/MC en date du 8 octobre 1999, ainsi que la lettre portant la même date transmise par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada à Siemens Westinghouse Inc.


Original signé par

B.L. Strayer

J.C.A.


Traduction certifiée conforme


Claire Vallée, LL. B.



     Date : 19991217

     Dossier : A-710-99


C O R A M :      LE JUGE STRAYER



E N T R E :

     MIL SYSTEMS, division de Davie Industries Inc.

     et FLEETWAY INC.,

     demanderesses,

     - et -


     TRIBUNAL CANADIEN DU COMMERCE EXTÉRIEUR,

     MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS ET

     DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX CANADA

     et SIEMENS WESTINGHOUSE INC.,

     défendeurs.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE STRAYER

     La question que je dois trancher est de savoir s'il y a lieu de décerner une injonction interlocutoire empêchant le ministre défendeur de transmettre d'autres demandes ou " commandes subséquentes " à la défenderesse Siemens Westinghouse Inc. (" Siemens ") en application d'un " marché " contesté pour l'obtention duquel les demanderesses ont soumissionné en vain.

     Les demanderesses ont saisi le Tribunal canadien du commerce extérieur (" TCCE ") d'une plainte selon laquelle l'adjudication du marché à Siemens par le ministre est contraire à l'Accord sur le commerce intérieur. Dans leur plainte, les demanderesses demandent au TCCE de différer l'adjudication du contrat en application du paragraphe 30.13(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur1, dont voici le texte :


30.13(3) Where the Tribunal decides to conduct an inquiry into a complaint that concerns a designated contract proposed to be awarded by a government institution, the Tribunal may order the government institution to postpone the awarding of the contract until the Tribunal determines the validity of the complaint.

30.13(3) Le cas échéant, le Tribunal peut ordonner à l'institution fédérale de différer l'adjudication du contrat spécifique en cause jusqu'à ce qu'il se soit prononcé sur la validité de la plainte.

Le TCCE a estimé qu'un " contrat " avait déjà été " adjugé " à la défenderesse Siemens. Il a donc refusé de différer l'adjudication du contrat jusqu'à ce qu'il soit statué sur la plainte.

     Les demanderesses ont saisi la Cour d'une demande de contrôle judiciaire en vue d"obtenir une ordonnance enjoignant au TCCE de se pencher à nouveau sur la question de savoir si un contrat a été adjugé et, si tel n'a pas été le cas, s'il y a lieu de différer son adjudication. Dans l'intervalle, elles demandent une ordonnance provisoire interdisant en l'espèce toute exécution ultérieure du prétendu marché jusqu'à ce que la Cour statue sur la demande de contrôle judiciaire et que le TCCE se prononce sur la plainte qu'elles ont déposée concernant le choix de Siemens comme adjudicataire.

     Il s"agit d"une question difficile à trancher, mais j'arrive à la conclusion qu'il n'y a pas lieu de décerner une injonction provisoire.

     Je suis d'avis que les demanderesses ont soulevé une question sérieuse quant à savoir si l'opération intervenue entre Siemens et le ministre équivalait à l'adjudication d'un contrat. Je crois que la question est à tout le moins discutable. Je ne crois pas par ailleurs qu'il s'agit du genre de situation où le redressement provisoire recherché trancherait définitivement le différend. Dans de telles circonstances, je serais tenu d'examiner le fond de l'affaire de manière plus approfondie2. L'octroi d'une injonction provisoire en l'espèce différerait simplement la poursuite de l'exécution d'un prétendu marché jusqu'à l'audition de la demande de contrôle judiciaire ou jusqu'à ce que le TCCE se prononce au sujet du bien-fondé de la plainte. Il ne trancherait pas en lui-même la question du droit au marché. Je suis également d'avis que la requête ne peut être rejetée pour le motif qu'elle n'a aucun fondement malgré la prétention de l'avocat de Siemens selon laquelle l'article 22 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif3 ferait obstacle à l'injonction demandée contre l"État. Il me semble que l'injonction demandée vise le ministre, et non l'État et que le contrôle judiciaire est de ceux prévus au paragraphe 18(1) de la Loi sur la Cour fédérale4. Il m'apparaît également plausible, comme on l'a fait valoir, que si l'allégation contenue dans la plainte est prouvée, le ministre a agi contrairement aux exigences de la Loi de mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur5 et ne jouit donc pas de l'immunité de l'État.

     En ce qui concerne le préjudice irréparable, très peu d'éléments me permettent de trancher en faveur des demanderesses ou de la défenderesse Siemens. Les deux parties ont présenté des éléments de preuve concernant le préjudice qu'elles subiraient si elles engageaient des personnes compétentes pour exécuter le marché ou si elles continuaient de retenir les services de celles qui y sont déjà affectées. Les demanderesses, qui ont exécuté des travaux apparentés pour l'État jusqu'à ce jour, risquent de perdre les employés affectés à ces fonctions si Siemens et ses sous-traitants continuent d'embaucher du personnel pour l'exécution du prétendu marché. Elles craignent une atteinte à leur réputation nationale et internationale en tant que sociétés susceptibles d'exécuter ce genre de travaux si elles devaient perdre leur personnel d'ici à ce que le TCCE détermine si un contrat a dûment été adjugé à Siemens. Il me semble cependant que le TCCE peut, en application du paragraphe 30.15(2) de la loi qui le régit, recommander des mesures correctives, dont le versement d'une indemnité aux demanderesses, que l'organisme public en cause est tenu, suivant le paragraphe 30.18(1), de mettre en oeuvre " dans toute la mesure du possible ". Notre Cour a statué qu'il en résultait une obligation légale importante6. On peut penser que les demanderesses pourraient également intenter un recours pour rupture de contrat contre l'État s'il était déterminé que le déroulement de la procédure d'adjudication n'a pas été régulière. Par contre, les demanderesses sont disposées à s'engager, si une injonction est décernée, à reconnaître un droit d'action à Siemens contre elles pour la réparation du préjudice éventuel qu'elle allègue, soit la perte des sommes déjà dépensées pour l'exécution du contrat, les salaires versés à des employés qui devraient être mis à pied ou qui seraient sans travail jusqu'à ce que le TCCE se prononce, etc. Compte tenu des renseignements dont je dispose, je ne suis pas en mesure d'affirmer avec certitude que l'une ou l'autre des parties subirait un préjudice qui ne pourrait pas être réparé par l'octroi de dommages-intérêts ou l'équivalent, et qui ne le serait pas.

     En ce qui concerne la prépondérance des inconvénients, à nouveau peu d'éléments me permettent de déterminer laquelle des deux parties subirait le plus d'inconvénients. Les demanderesses sont les adjudicataires d'un marché semblable passé avec l'État et elles s'exposent au ralentissement ou à la réduction progressive de leurs activités en raison de l'adjudication alléguée d'un nouveau contrat à un autre soumissionnaire. Pour sa part, la défenderesse Siemens soutient qu'elle est l'adjudicataire d'un nouveau marché qui doit être tenu pour valide tant que le TCCE n'en décide pas autrement, et dont l'exécution, qui a déjà commencé, doit se poursuivre.

     Même si peu d'éléments militent clairement en faveur de l'une ou l'autre des parties, il me semble opportun d'exercer mon pouvoir discrétionnaire en refusant de décerner une injonction provisoire, car j'estime que le statu quo sera ainsi mieux préservé. Je tiens également compte de la jurisprudence de la Cour7 selon laquelle les ordonnances interlocutoires des tribunaux administratifs ne devraient habituellement pas faire l'objet de contrôles judiciaires. La présente instance porte sur l'ordonnance interlocutoire du TCCE refusant de différer, jusqu'à ce qu'il soit statué sur la plainte, l'adjudication d'un contrat qui, selon lui, a déjà été adjugé. La question pourra être tranchée convenablement dans le cadre d'une instance de contrôle judiciaire, dans un proche avenir, lorsque la Cour pourra déterminer, à l'issue d'une audition complète, si des circonstances particulières justifient l'annulation de l'ordonnance interlocutoire.

     J'arrive toutefois à cette conclusion dans la mesure où l'audition de la demande de contrôle judiciaire devrait être instruite le plus rapidement possible. Après avoir consulté les avocats, j'ordonne que l'audience relative à la demande de contrôle judiciaire ait lieu à Ottawa, le 18 janvier 2000, sa durée ne devant pas excéder une journée.

     Avec l'accord des avocats des parties, j'ordonne par ailleurs que l'intitulé de la cause soit modifié afin de remplacer la désignation Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux par Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et que les dossiers des demanderesses et de la défenderesse Siemens Westinghouse Inc., de même que le marché portant le numéro W8483-6-EFAA/001/MC en date du 8 octobre 1999 soient tenus confidentiels et scellés, seuls la Cour et les avocats des parties y ayant accès.

     Les défendeurs ont droit aux dépens afférents à la présente requête.

    

                                         J.C.A.

Traduction certifié conforme


Claire Vallée, LL.B.



     Date : 19991217

     Dossier : A-710-99


OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 17 DÉCEMBRE 1999



C O R A M :      LE JUGE STRAYER



E N T R E :

     MIL SYSTEMS, division de Davie Industries Inc.

     et FLEETWAY INC.,

     demanderesses,

     " et "

     TRIBUNAL CANADIEN DU COMMERCE INTERNATIONAL,

     MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS ET

     DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX CANADA

     et SIEMENS WESTINGHOUSE INC.,

     défendeurs.


     O R D O N N A N C E

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1)      la requête présentée le 10 décembre 1999 pour l'obtention d'une injonction interlocutoire est rejetée avec dépens;
2)      l'audition de la demande de contrôle judiciaire aura lieu à Ottawa le 18 janvier 2000 et durera au plus une journée;
3)      l'intitulé de la cause est modifié, dès les présents motifs et ordonnance, en remplaçant le mot " ministère " par " ministre " et en supprimant le terme " Canada " dans la description des défendeurs;
4)      sous réserve d'une ordonnance ultérieure, les documents suivants sont considérés comme confidentiels et scellés, seuls la Cour et les avocats des parties y ayant accès :
     a)      les dossiers des demanderesses et de l'intimée Siemens Westinghouse Inc.;
     b)      le document intitulé " Marché " portant le numéro W8483-6-EFAA/001/MC en date du 8 octobre 1999, ainsi que la lettre portant la même date transmise par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada à Siemens Westinghouse Inc.


    

                                         J.C.A.



Traduction certifiée conforme


Claire Vallée, LL.B.

     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                      A-710-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Mil Systems et al. c. Tribunal canadien du commerce international et al.
LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :          13 décembre 1999

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR D'APPEL rendus par le juge Strayer en date du 17 décembre 1999.

ONT COMPARU :

Me J. Bruce Carr-Harris          pour les demanderesses

Me David Sherriff-Scott

Me Ronald D. Lunau              pour la défenderesse Siemens
Me Jennifer A. Ross              Westinghouse Inc.
Me Elizabeth Richards              pour le défendeur le ministre

Me Michael Roach

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Borden Elliot Scott & Aylen          pour les demanderesses

Ottawa (Ontario)

Gowling, Strathy & Henderson      pour la défenderesse Siemens
Ottawa (Ontario)                  Westinghouse Inc.
Me Morris Rosenberg              pour le défendeur le ministre

Sous-procureur général du Canada



__________________

1      L.C. 1985, ch. 47 (4e suppl).

2      Voir p. ex. RJR-MacDonald Inc. c. Procureur général du Canada et al., [1994] 1 R.C.S. 311, à la p. 338, ainsi que les arrêts de jurisprudence qui y sont cités.

3      L.R.C. (1985), ch. C-50.

4      L.R.C. (1985), ch. F-7, modifiée.

5      L.C. 1996, ch.17.

6      Voir p. ex. Wang Canada Limited c. Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux , [1999] 1 C.F. 3, à la p. 18 (C.F. 1re inst.).

7      Voir p. ex. Ipsco Inc. c. Sollac et al. [1999] J.C.F. 910, 25 mai 1999 (non publié).

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