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Date : 20011031

Dossier : A-494-98

Référence neutre : 2001 CAF 332

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE EVANS

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                                    MAGICUTS INC.

                                                                                                                                                       appelante

                                                                              - et -

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                           intimée

                                     Audience tenue à Toronto (Ontario) le 31 octobre 2001.

                   Jugement prononcé à l'audience tenue à Toronto (Ontario) le 31 octobre 2001.

MOTIFS DE JUGEMENT DE LA COUR :                                                        LE JUGE ROTHSTEIN


                                                                                                                                           Date : 20011031

                                                                                                                                       Dossier : A-494-98

                                                                                                            Référence neutre : 2001 CAF 332

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE EVANS

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                                    MAGICUTS INC.

                                                                                                                                                       appelante

                                                                              - et -

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                           intimée

                                              MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

                                           (prononcés à l'audience tenue à Toronto (Ontario)

                                                            le mercredi 31 octobre 2001)

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]                 Le présent appel du jugement rendu le 6 août 1998 par la Cour canadienne de l'impôt soulève deux questions litigieuses :

(i)         L'appelante a-t-elle le droit de déduire de son revenu, pour l'année d'imposition 1989, la somme de 1 355 026 $ qui, selon ce qu'elle affirme, constitue une créance irrécouvrable de sa filiale américaine?


(ii)        L'appelante est-elle tenue d'effectuer, pour la même année d'imposition, la retenue de l'impôt exigible sur la somme de 183 555 $ qui, selon ce qu'affirme le ministre, est réputée avoir été payée à titre de dividende à la société mère non résidente de l'appelante?

[2]                 Pour ce qui est de la première question, le juge de la Cour de l'impôt a conclu que la somme de 1 355 026 $ en question était une dette d'exploitation contractée par la filiale américaine de l'appelante envers l'appelante et que cette dette n'avait pas été payée. Le juge a conclu que l'appelante avait acquis cette créance dans le cadre de ses activités lucratives. Il a également conclu que, comme cette somme n'avait pas été payée, l'appelante devait être autorisée à déduire cette somme à titre de créance irrécouvrable pour l'année au cours de laquelle elle était effectivement devenue irrécouvrable.


[3]                 Le juge de la Cour de l'impôt a toutefois fait remarquer que l'appelante et sa filiale américaine avaient effectivement converti la créance en question en capital de risque et que ce capital avait été investi dans la filiale américaine. De fait, aux termes du consentement écrit de l'unique administrateur de l'appelante en date du 14 novembre 1986, la somme de 720 302 $US (998 411 $CAN) a changé de nature : de « dette » , elle est devenue un « capital » qui devait être considéré comme un « surplus d'apport » . Dans les états financiers du 28 février 1989 de la filiale américaine, la somme de 283 408 $US (356 615 $CAN) est inscrite comme ayant fait l'objet d'une « remise de dette » de la part de l'appelante et comme ayant été ajoutée au surplus d'apport. Les sommes de 998 411 $ et de 356 615 $ correspondent à la somme de 1 355 026 $ qui est en litige. Le raisonnement du juge de la Cour de l'impôt sur ce point est succinct :

Lorsqu'une personne fait un apport à une société sous forme d'argent ou d'autres biens, elle investit dans la société, et il s'agit d'un investissement au titre du capital. La Magicuts détenait un actif, soit une créance, et en a fait l'apport à la USMagicuts en tant qu'investissement. Les états financiers de la Magicuts décrivent le surplus d'apport comme un investissement parce que c'est ce que c'était. Le fait que l'argent correspondant à cet apport soit provenu du compte de produits de la Magicuts n'importe pas. Une fois la somme investie dans la USMagicuts, la nature de l'opération a changé. Il y a eu un changement d'utilisation de l'argent : on est passé d'une dette d'exploitation à du capital. La USMagicuts n'était plus un débiteur, et la Magicuts n'était plus un créancier. Il y a eu un apport pour assurer la viabilité à long terme de la USMagicuts, et les principes énoncés dans les affaires Stewart & Morrison, H. Griffiths Company Limited et Morflot, précitées, s'appliquent. La perte de la Magicuts était une perte en capital.

Nous souscrivons à cette conclusion du juge de la Cour de l'impôt.

[4]                 L'appelante soutient que les inscriptions qui figurent dans les états financiers ne reflètent pas fidèlement la réalité et elle affirme qu'elle n'a pas été payée. Or, la réalité en l'espèce est que l'appelante et sa filiale ont conclu des opérations aux termes desquelles la créance de l'appelante a été convertie en capital. La conversion a eu pour effet d'éteindre la dette. Une fois la conversion effectuée, il n'y avait plus de créance impayée qui pouvait être considérée comme une créance irrécouvrable.


[5]                 Il existe une raison qui explique pourquoi la dette a été convertie en capital. Selon toute vraisemblance, la conversion était nécessaire pour soumettre un bilan plus positif aux autorités américaines de franchisage. Nous acceptons que les états financiers puissent viser des objectifs divers et que les résultats financiers sur le plan fiscal puissent être différents des résultats financiers notamment du point de vue réglementaire. Toutefois, en l'espèce, il y a eu des opérations concrètes de conversion d'une dette en capital. Il se peut qu'on ait voulu satisfaire aux exigences des organismes de réglementation des États-Unis mais, indépendamment du but visé, il n'en demeure pas moins que la dette a été convertie en capital et que, sur le plan fiscal, il n'existait plus de dette exigible qui pouvait être considérée comme une créance irrécouvrable à radier.

[6]                 Comme nous l'avons déjà signalé, le juge de la Cour de l'impôt a conclu que la somme en question était à l'origine une dette d'exploitation et qu'elle avait tacitement été incluse dans le revenu de l'appelante sur le plan fiscal. Il n'est pas nécessaire de modifier cette conclusion du juge de la Cour de l'impôt. Nous tenons toutefois à faire remarquer qu'il est loin d'être évident à nos yeux, au vu des pièces versées au dossier, que la somme en question a effectivement été incluse dans le revenu de l'appelante pour le calcul de son impôt. Les états financiers ne sont pas utiles et il est loin d'être évident que l'appelante a traité les sommes en question comme un revenu.


[7]                 En ce qui concerne la seconde question en litige, celle des retenues d'impôt, la question à laquelle il faut répondre est celle de savoir s'il était loisible à l'appelante de calculer sur une base nette les sommes dues entre elle et sa société mère. Dans l'affirmative, en date du 29 février 1989, l'appelante devait la somme de 48 926 $ à sa société mère et il n'y avait aucun montant dû par la société mère non résidente, aucun dividende réputé et aucune obligation de payer des retenues d'impôt. En revanche, s'il n'est pas possible d'opérer compensation entre les dettes respectives, la société mère devait au moins 183 555 $ à l'appelante et, à première vue, un dividende était réputé avoir été versé et l'appelante était tenue de payer les retenues d'impôt.

[8]                 Le juge de la Cour de l'impôt a reconnu que si l'on opérait compensation entre les créances de l'appelante et celles de sa société mère, c'était l'appelante qui devait de l'argent à la société mère. Le juge a toutefois déclaré qu'il n'était pas convaincu que la preuve était suffisante pour établir l'existence d'une volonté des parties de procéder à une telle compensation ou d'une entente de compensation. Il a cité plusieurs décisions illustrant le principe que, pour établir l'existence d'une compensation, il doit y avoir certains éléments de preuve tendant à démontrer une volonté des parties d'opérer compensation ou une entente à cet effet entre elles.


[9]                 En l'espèce, le bilan de l'appelante au 28 février 1989 fait état d'une compensation. On n'y trouve aucune somme que la société mère devrait à l'appelante. On a plutôt opéré compensation entre les dettes de l'appelante et celles de sa société mère et la somme de 48 926 $ a été inscrite à titre de somme due par l'appelante à sa société mère. Sur le bilan de la société mère, un montant net équivalent est inscrit à titre de [TRADUCTION] « somme due par filiale » . Il semble qu'au cours des années précédentes, l'appelante et sa société mère n'aient jamais eu l'occasion d'opérer compensation entre leurs dettes respectives. Toutefois, au cours des années subséquentes, une compensation semblable à celle de 1989 a eu lieu. À notre humble avis, les inscriptions figurant au bilan constituent un commencement de preuve de la volonté de l'appelante et de sa société mère et de leur entente en vue d'opérer compensation entre leurs créances respectives et cette preuve est suffisante pour valider la thèse défendue par l'appelante sur ce point. En conséquence, en date du 28 février 1989, il n'y avait aucune somme due par la société mère non résidente à l'appelante, aucun dividende réputé et, partant, aucune obligation de payer de retenues d'impôt.

[10]            Nous sommes d'avis d'accueillir l'appel en ce qui concerne la question des retenues d'impôt et de renvoyer l'affaire au ministre du Revenu national pour qu'il procède à une nouvelle cotisation en conformité avec les présents motifs. Nous sommes d'avis de rejeter l'appel à tous autres égards. Comme chacune des parties obtient en partie gain de cause, il n'y a pas d'adjudication de dépens.

                                                                                « Marshall Rothstein »                  

Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


Date : 20011031

Dossier : A-494-98

Toronto (Ontario), le 31 octobre 2001

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE EVANS

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                          MAGICUTS INC.

                                                                                                  appellante

                                                    - et -

                                  SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                       intimée

                                              JUGEMENT

             (prononcé à l'audience tenue à Toronto (Ontario)

                                le mercredi 31 octobre 2001)

L'appel est accueilli en ce qui concerne la question des retenues d'impôt et l'affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu'il procède à une nouvelle cotisation en conformité avec les présents motifs. L'appel est rejeté à tous autres égards. Il n'y a pas d'adjudication de dépens.

                                                                                « Marshall Rothstein »                  

Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                       COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                             A-494-98

INTITULÉ :                                            MAGICUTS INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 31 octobre 2001

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR (les juges Rothstein, Evans et Malone)

PRONONCÉS À L'AUDIENCE par le juge Rothstein

COMPARUTIONS :

Sheldon Silver, c.r.                                                                         POUR L'APPELANTE

Glenn Ernst

Shatru Ghan                                                                                    POUR L'INTIMÉE

James Rhodes

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Goodmans LLP                                                                             POUR L'APPELANTE

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                                           POUR L'INTIMÉE

Sous-procureur général du Canada

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