A-23-96
CORAM :LE JUGE DESJARDINS
LE JUGE LINDEN
LE JUGE ROBERTSON
E N T R E :
PROFEKTA INTERNATIONAL INC.,
appelante (demanderesse),
-et-
THERESA LEE,
faisant affaire sous la dénomination
FORTUNE BOOK & GIFT STORE,
intimée (défenderesse).
AUDIENCE tenue à Toronto (Ontario), le mercredi 30 avril 1997.
JUGEMENT prononcé à l'audience à Toronto (Ontario), le mercredi 30 avril 1997.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE LINDEN
A-23-96
CORAM :LE JUGE DESJARDINS
LE JUGE LINDEN
LE JUGE ROBERTSON
E N T R E :
PROFEKTA INTERNATIONAL INC.,
appelante (demanderesse),
-et-
THERESA LEE,
faisant affaire sous la dénomination
FORTUNE BOOK & GIFT STORE,
intimée (défenderesse).
MOTIFS DU JUGEMENT
(Prononcés à l'audience à Toronto (Ontario),
le mercredi 30 avril 1997.)
LE JUGE LINDEN
Il s'agit en l'espèce de déterminer si le juge des requêtes a commis une erreur dans son évaluation des dommages-intérêts à la suite d'une contrefaçon de droits d'auteur. L'appelante, Profekta International Inc., copie et distribue sur vidéocassettes des émissions de télévision en langues asiatiques. Elle possède des droits d'auteur sur ces émissions en vertu de son association avec Television Broadcasts Limited de Hong Kong (« TVB »), station de télévision qui fournit ces émissions au marché canadien. L'intimée, Theresa Lee, exploite le magasin Fortune Book and Gift Store. Même si elle était titulaire d'une licence l'autorisant à louer les émissions en langues asiatiques de la concurrente principale de TVB, une station de télévision appelée ATV, elle n'a jamais reçu de licence de Profekta lui permettant de louer les vidéocassettes de TVB. Dans le cadre d'un règlement intervenu en 1988, elle a plaidé coupable à un chef d'accusation de contrefaçon de droits d'auteur et a été condamnée à une amende de 50 $. En 1993, Profekta lui a demandé par lettre de cesser et de s'abstenir d'agir ainsi, mais l'intimée n'a fait aucun cas de la lettre. Par la suite, il y a eu une visite à son magasin où certaines conversations ont eu lieu. En mars 1994, l'exécution d'une ordonnance de type Anton Piller a permis de saisir au magasin de l'intimée 326 cassettes de TVB contenant 104 émissions. Après avoir conclu que l'intimée avait illégalement copié et loué les cassettes de TVB au cours d'une période de huit mois, le juge des requêtes a accordé à l'appelante des dommages-intérêts généraux de 9 500 $ et des dépens de 2 500 $, mais il n'a pas accordé de dommages-intérêts punitifs. L'appelante conteste à la fois le montant des dommages-intérêts généraux et le refus d'accorder des dommages-intérêts punitifs.
Dans Woelk c. Halvorson, [1980] 2 R.C.S. 430, p. 435; (1980), 114 D.L.R. (3d) 385, aux pages 388 et 389, la Cour suprême du Canada a statué que, pour justifier le contrôle en appel de l'évaluation de dommages-intérêts, il faut qu'il y ait des éléments de preuve indiquant notamment qu'un principe juridique erroné a été appliqué ou que la décision est « tout à fait erronée ». Cette norme est applicable, même lorsqu'aucune preuve orale n'a été présentée, afin de respecter l'« autonomie et l'intégrité du procès », (voir Schwartz c. Canada, [1996] 1 R.C.S. 254, aux pages 278 et 279, le juge Cory). L'évaluation des dommages-intérêts en matière de contrefaçon de brevet se fonde sur le principe que l'auteur de la contrefaçon devrait être tenu de payer ce qu'il aurait payé s'il avait conclu une entente légitime de licence avec le titulaire du brevet (voir General Tire & Rubber Co. v. Firestone Tyre & Rubber Co. Ltd., [1975] 2 All E.R. 173, lord Wilberforce). Ce principe a été adopté et appliqué par la Cour (voir Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd. (1983), 74 C.P.R. (2d) 199, le juge Heald).
En l'espèce, le juge des requêtes a correctement établi le montant des dommages-intérêts généraux ou compensatoires à l'égard de l'intimée en tenant compte des droits versés par le seul titulaire de licence légitime de l'appelante à Windsor et de la preuve concernant la période pendant laquelle l'intimée a eu des cassettes de TVB. Le juge a également examiné l'effet des renseignements donnés à l'intimée par un employé de Profekta au sujet des droits qu'elle devrait payer pour obtenir une licence. L'appelante a soulevé plusieurs objections à propos de la manière dont le juge des requêtes a interprété la preuve par affidavit. Elle a notamment contesté le fait que le juge des requêtes a évalué les dommages-intérêts en tenant compte d'une période de huit mois plutôt que de deux périodes de licence annuelle, ainsi que le fait que les droits versés par le seul autre titulaire de licence légitime de TVB dans la région étaient considérablement plus élevés. Toutefois, à notre avis, chacune des conclusions du juge des requêtes est conforme à la bonne méthode à suivre pour attribuer des dommages-intérêts en matière de contrefaçon de brevet et elles sont toutes étayées par des éléments de preuve contenus dans les affidavits de l'appelante elle-même. Par conséquent, il n'y a aucun motif de modifier le montant accordé à titre de dommages-intérêts généraux.
Quant à la question des dommages-intérêts punitifs, la Cour suprême du Canada a statué dans l'arrêt Hill c. Église de scientologie de Toronto et Manning, [1995] 2 R.C.S. 1130, aux pages 1208 et 1209 (le juge Cory), que de tels dommages-intérêts ne devraient être accordés que dans les situations « où les dommages-intérêts généraux et majorés réunis ne permettent pas d'atteindre l'objectif qui consiste à punir et à dissuader ». Cette approche a été récemment suivie par la Cour (voir Lubrizol Corp. et al. c. Imperial Oil Ltd. et al. (1996), 197 N.R. 241). Suivant le juge Cory dans l'arrêt Hill, la question que la Cour doit se poser, en examinant le refus du juge des requêtes d'accorder des dommages-intérêts punitifs, est la suivante : « la mauvaise conduite du défendeur était-elle si outrageante qu'il était rationnellement nécessaire d'accorder des dommages-intérêts punitifs dans un but de dissuasion? »
Il ne ressort pas des motifs que le juge des requêtes a examiné cette question; elle a simplement indiqué que, puisque l'intimée avait respecté l'injonction, elle n'accorderait pas de dommages-intérêts punitifs.
Même si les juridictions d'appel interviennent rarement dans de telles décisions, nous estimons que nous devons le faire en l'espèce pour diverses raisons. D'abord, il était flagrant que l'intimée avait continué à porter atteinte aux droits d'auteur avant le prononcé de l'injonction vu qu'elle avait été condamnée auparavant, que Profekta lui avait donné un avertissement et qu'elle a adoptée une attitude irresponsable dont font foi les déclarations qu'elle a faites à M. Cheung selon lesquelles elle préférerait dépenser 5 000 $ en honoraires d'avocat pour se battre contre Profekta plutôt que de respecter le droit d'auteur et de conclure une entente de licence. Ensuite, les dommages-intérêts compensatoires accordés, sans être si bas qu'ils devraient être modifiés par la Cour, étaient modestes si on considère les avantages financiers que retirait l'intimée en violant le droit d'auteur. Enfin, il ne faut pas laisser de côté le profit additionnel qu'a réalisé l'intimée en ne payant aucun droit de licence. Ainsi, à notre avis, il convenait d'accorder des dommages-intérêts punitifs en plus des dommages-intérêts compensatoires afin de punir l'intimée pour sa conduite et de dissuader celle‑ci et d'autres personnes d'adopter un comportement similaire à l'avenir.
Compte tenu des montants accordés dans des situations semblables, des dommages-intérêts punitifs de 10 000 $ devraient être accordés.
L'appel est accueilli en partie. Le jugement est modifié pour ajouter des dommages-intérêts punitifs de 10 000 $ au montant accordé au titre des dommages-intérêts compensatoires. Cependant, en raison du succès partagé, il n'y aura pas d'adjudication de dépens.
« Allen M. Linden »
J.A.
Traduction certifiée conforme
Suzanne Bolduc, LL.B.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
No du greffe : A-23-96
ENTRE :
PROFEKTA INTERNATIONAL INC.,
appelante,
- et -
THERESA LEE ET AL.,
intimée.
MOTIFS DU JUGEMENT
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE :A-23-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :PROFEKTA INTERNATIONAL INC.,
- et -
THERESA LEE ET AL.
DATE DE L'AUDIENCE :30 AVRIL 1997
LIEU DE L'AUDIENCE :TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS à l'audience par le juge Linden à Toronto (Ontario), le mercredi 30 avril 1997
ONT COMPARU :
Gary J. McCallumpour l'appelante
John Weisdorf, c.r.pour l'intimée
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Gary J. McCallum
Avocat
160, chemin Torbay
Markham (Ontario)
L3R 1G6pour l'appelante
John Weisdorf, c.r.
Avocat
Bureau 810-65, rue Queen ouest
Toronto (Ontario)
M5H 2M5pour l'intimée