Date : 20000628
A-346-97
CORAM : LE JUGE LÉTOURNEAU
LE JUGE EVANS
LE JUGE SHARLOW
E n t r e :
MERCK & CO., INC., MERCK FROSST CANADA INC.,
ZENECA LIMITED et ZENECA PHARMA INC.
appelantes
(demanderesses)
- et -
APOTEX INC.
intimée
(défenderesse)
Audience tenue à Toronto (Ontario) le mercredi 28 juin 2000
Jugement prononcé à l'audience à Toronto (Ontario) le mercredi 28 juin 2000
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE EVANS
[1] La Cour est saisie d'un appel interjeté d'une ordonnance en date du 21 avril 1997 par laquelle le juge des requêtes a radié un paragraphe des actes de procédure des demanderesses (les appelantes), et a ordonné à celles-ci de modifier un autre paragraphe au motif que, tels qu'ils étaient libellés, ces paragraphes ne révélaient aucune cause d'action valable.
[2] La requête s'inscrivait dans le cadre d'une action en contrefaçon de brevet introduite contre l'intimée (Apotex) par les appelantes, le titulaire du brevet et les licenciés d'un médicament, le lisinopril, qui fait l'objet du brevet canadien no 1 275 350 (le brevet 350). Le brevet expirera en 2007.
[3] Un avis de conformité a été délivré à Apotex en 1996 à l'égard du lisinopril, en raison du fait qu'elle avait importé ses stocks avant la délivrance du brevet 350 en 1990 et que, l'article 56 de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, dans sa rédaction en vigueur à l'époque, disposait que la délivrance de cet avis de conformité était assujettie à la condition que l'utilisation des stocks en question ne contrevienne pas au brevet.
[4] Dans l'arrêt Zeneca Pharma Inc. c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), (1996), 69 C.P.R. (3d) 451 (C.A.F.), notre Cour a statué que le fait que les stocks acquis avant la délivrance du brevet pouvaient s'épuiser pendant la durée du brevet ne faisait pas obstacle à la délivrance d'un avis de conformité à Apotex pour le lisinopril. La Cour a déclaré, à la page 453 :
Il faut présumer que cette partie respectera les limites du droit que lui confère l'article 56 de vendre exclusivement les stocks acquis avant la délivrance du brevet. |
[5] Voici le texte des paragraphes des actes de procédure dont le juge des requêtes a ordonné la radiation dans l'action en contrefaçon de brevet que les appelants ont introduite peu de temps après la délivrance de l'avis de conformité :
[TRADUCTION] |
19. Apotex a demandé que son APO-LISINOPRIL soit désigné à titre de produit médicamenteux énuméré au sens de la Loi sur le régime de médicaments gratuits de l'Ontario, L.R.O. C-O.10, 1990, modifiée. À l'appui de sa demande, Apotex a, conformément aux règlements applicables, soumis des éléments de preuve pour démontrer qu'elle était en mesure de fournir de l'APO-LISINOPRIL en quantité suffisante pour répondre à la demande prévue du produit. |
20. Apotex continuera à offrir en vente et à vendre du Lisinopril et de l'APO-LISINOPRIL au Canada en réponse à la demande. |
[6] Le juge des requêtes a radié le paragraphe 20 précité au motif qu'il visait de vagues événements à venir et que, comme une déclaration déposée dans le cadre d'une action en contrefaçon de brevet peut viser tant une contrefaçon passée qu'une contrefaçon à venir ([TRADUCTION] « et peut-être, d'une façon préventive, une contrefaçon dans un avenir rapproché » ), elle ne devrait pas permettre aux demanderesses, au stade de l'enquête préalable, de poser des questions au sujet d'une [TRADUCTION] « contrefaçon qui pourrait survenir à un moment indéterminé à venir » . Il a permis aux appelantes de modifier le paragraphe 20 pour y alléguer que la défenderesse continue à offrir en vente et à vendre le médicament en question. Le juge des requêtes a conclu que le paragraphe 19 ne donnait pas ouverture à la demande d'ordonnance préventive formulée par les demanderesses dans leur action.
[7] Les appelantes allèguent que le juge des requêtes a commis une erreur en ce qu'il n'a pas compris que les conclusions qu'elles avaient articulées dans cette partie de leurs actes de procédure donnaient effectivement ouverture à une injonction préventive, c'est-à-dire à une injonction visant à empêcher une contrefaçon qui ne s'est pas encore produite, mais qui est sur le point de se produire. Pour obtenir une pareille injonction, le demandeur doit articuler des faits qui tendent notamment à démontrer que le défendeur avait l'intention de contrefaire le brevet en question et qui établissent qu'il existe une forte probabilité que, si l'injonction demandée n'est pas prononcée, une contrefaçon se produira de façon imminente ou dans un avenir rapproché (voir Robert J. Sharpe, Injunctions and Specific Performance, 3e éd., Canada Law Book Inc., 1999, Aurora).
[8] Nous ne sommes pas convaincus que le juge des requêtes s'est mépris sur la nature des actes de procédures ou sur les règles de droit applicables. À notre avis, les assertions contenues aux paragraphes 19 et 20 ne révèlent pas l'existence des faits normalement nécessaires pour obtenir une injonction préventive, c'est-à-dire une forte probabilité qu'à défaut par le tribunal de prononcer l'injonction, il y aura contrefaçon du brevet et que cette contrefaçon est imminente. Le juge des requêtes aurait en conséquence permis aux appelantes de laisser le paragraphe 20 dans leur déclaration à la condition qu'elles formulent leurs conclusions différemment de manière à alléguer une contrefaçon passée ou à venir.
[9] On ne saurait inférer qu'Apotex avait de toute évidence l'intention de contrefaire plus tard le brevet en vendant du lisinopril après l'épuisement des stocks qu'elle avait acquis avant la délivrance du brevet du fait qu'elle n'avait pas suffisamment de stocks pour pouvoir répondre à la demande jusqu'à l'expiration du brevet 350. On ne peut non plus inférer cette intention du refus d'Apotex de répondre à la lettre dans laquelle les appelantes lui demandaient de s'engager à renoncer à son avis de conformité une fois qu'elle aurait épuisé les stocks acquis avant la délivrance du brevet. En conséquence, comme elles n'ont allégué à cet égard aucun autre fait, force est de constater que, dans les faits articulés aux paragraphes 19 et 20 et dans les éclaircissements qu'elles ont fournis à leur appui, les appelantes n'ont pas allégué que la contrefaçon du brevet 350 était assez probable pour justifier le prononcé d'une injonction préventive.
[10] Toutefois, en confirmant l'ordonnance du juge des requêtes, nous n'avons pas l'intention d'empêcher les appelantes d'invoquer la désignation de l'Apo-lisinopril à titre de produit médicamenteux énuméré au sens de la Loi sur le régime de médicaments gratuits de l'Ontario pour établir une contrefaçon passée ou à venir. Nous n'avons pas non plus l'intention de refuser aux appelantes la possibilité de modifier leurs actes de procédure en ce qui concerne l'injonction préventive si les faits le justifient.
[11] Par ces motifs, l'appel sera rejeté avec dépens.
« John M. Evans »
J.C.A.
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL. L.
_. COUR FÉDÉRALE DU CANADA |
Avocats et procureurs inscrits au dossier
No DU GREFFE : A-346-97 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : MERCK & CO., INC., MERCK FROSST CANADA INC., ZENECA LIMITED et ZENECA PHARMA INC. |
appelantes
(demanderesses)
- et - |
APOTEX INC. |
intimée
(défenderesse)
DATE DE L'AUDIENCE : le mercredi 28 juin 2000
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario) |
MOTIFS DU JUGEMENT
DE LA COUR : LE JUGE EVANS |
prononcés à Toronto (Ontario) le mercredi 28 juin 2000
ONT COMPARU : M e J. Nelson Landry
pour les appelantes (demanderesses) |
Merck & Co., Inc. et Merck Frosst Canada Inc. |
M e Sheldon Hamilton |
pour les appelantes (demanderesses) |
Zeneca Limited et Zeneca Pharma Inc. |
M e D. M. Scrimger |
pour l'intimée (défenderesse) |
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Ogilvy Renault
Avocats et procureurs
1981, avenue McGill College, bureau 1100
Montréal (Québec) |
H3A 3C1
pour les appelantes (demanderesses) |
Merck & Co., Inc. et Merck Frosst Canada Inc. |
Smart & Biggar |
Avocats et procureurs |
438, avenue University, bureau 1500 |
Toronto (Ontario) |
M5G 2K8 |
pour les appelantes (demanderesses) |
Zeneca Limited et Zeneca Pharma Inc. |
Goodman, Philis & Vineberg |
Avocats et procureurs |
250, rue Yonge, bureau 2400 |
Toronto (Ontario) |
M5B 2M6 |
pour l'intimée (défenderesse) |
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
Date : 20000628
A-346-97
E n t r e :
MERCK & CO., INC., MERCK FROSST CANADA INC., ZENECA LIMITED et ZENECA PHARMA INC. |
appelantes
(demanderesses)
- et - |
APOTEX INC. |
intimée
(défenderesse)
MOTIFS DU JUGEMENT |
DE LA COUR |
_. |
Date : 20000628
A-346-98
TORONTO (ONTARIO), LE MERCREDI 28 JUIN 2000
CORAM : LE JUGE LÉTOURNEAU
LE JUGE EVANS
LE JUGE SHARLOW
E n t r e :
MERCK & CO., INC., MERCK FROSST CANADA INC.,
ZENECA LIMITED et ZENECA PHARMA INC.
appelantes
(demanderesses)
- et -
APOTEX INC.
intimée
(défenderesse)
JUGEMENT
L'appel est rejeté avec dépens. |
« Gilles Létourneau »
J.C.A.
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL. L.