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Recueil des arrêts de la Cour fédérale
Alliance de la fonction publique du Canada c. Bombardier Inc. (C.A.) [2001] 2 C.F. 429




Date : 20001220


Dossier : A-74-00


CORAM :      LE JUGE LINDEN

         LE JUGE McDONALD

         LE JUGE MALONE

ENTRE :

     L'ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA,

     demanderesse,

     - et -

     BOMBARDIER INC., BOMBARDIER SERVICES et

     FRONTEC CORPORATION,

     défenderesses.




Audience tenue à Regina (Saskatchewan), le jeudi 16 novembre 2000.

JUGEMENT prononcé à Ottawa (Ontario), le mercredi 20 décembre 2000.


MOTIFS DU JUGEMENT :      LE JUGE LINDEN

Y ONT SOUSCRIT :      LE JUGE McDONALD

     LE JUGE MALONE













Date : 20001220


Dossier : A-74-00

CORAM :      LE JUGE LINDEN

         LE JUGE McDONALD

         LE JUGE MALONE

ENTRE :

     L'ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA,

     demanderesse,

     - et -

     BOMBARDIER INC., BOMBARDIER SERVICES et

     FRONTEC CORPORATION,

     défenderesses.


     Motifs du jugement

le juge linden

Introduction

[1]      La présente demande de contrôle judiciaire vise une décision du Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil), datée du 14 janvier 2000, concernant les dispositions sur les droits du successeur du Code canadien du travail1. La décision du Conseil statue à l'égard de deux demandes présentées par la demanderesse, l'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), en vertu de l'alinéa 47.1c) de la partie I du Code. La première demande désignait Bombardier Inc. et Bombardier Services (Bombardier) comme intimées. La seconde demande désignait Frontec Corporation (Frontec) comme intimée. Par ses demandes, l'AFPC visait à obtenir l'accréditation comme agent négociateur des personnes employées par Bombardier et Frontec pour fournir certains services dans le cadre du programme de formation des pilotes de l'Aviation canadienne à la 15e Escadre BFC Moose Jaw (BFC Moose Jaw). Elle cherchait également à être accréditée comme agent négociateur d'un groupe potentiellement plus grand d'employés qui devaient être recrutés ultérieurement par Bombardier pour une nouvelle initiative appelée le programme de formation au vol des pilotes de l'OTAN au Canada (le NFTC).

Les droits du successeur selon le Code canadien du travail

[2]      Il s'agit de la première fois qu'un tribunal est amené à interpréter les articles 47 et 47.1 du Code canadien du travail1. Ces dispositions figurent sous l'intitulé « Droits et obligations du successeur » de la section III ( « Acquisition et extinction des droits de négociation » ) de la partie I ( « Relations du travail » ) du Code. Pour bien interpréter ces articles, il faut les comprendre dans leur contexte (on trouvera le texte complet de ces deux articles en annexe).

[3]      Les dispositions visées forment partie intégrante du cadre établi par le Code (aux articles 43 à 47.1) pour le maintien des droits de négociation collective acquis par les travailleurs. Ce cadre est conçu pour faire en sorte que les droits de négociation collective existants des travailleurs, qu'ils découlent d'une accréditation ou d'une convention collective en vigueur, ne soient pas affectés ou supprimés à la survenance de certains événements potentiellement déstabilisateurs. Ces événements comprennent 1) les fusions de syndicats (article 43), 2) la vente d'une entreprise ou les changements opérationnels (articles 44 à 46) et 3) la radiation ou la séparation d'un secteur de la fonction publique et sa constitution en personne morale ou en entreprise ou son intégration à une personne morale ou à une entreprise(articles 47 et 47.1).

[4]      Le Parlement a décidé de protéger les droits acquis de négociation collective en faisant appel à la notion de « droits du successeur » . L'introduction des droits du successeur modifie fondamentalement le principe de l'effet relatif du contrat en permettant que les droits de négociation collective existants subsistent malgré des changements importants aux relations juridiques, par exemple lors de la cession de la propriété d'une entreprise d'un employeur à un autre. Dans le contexte des affaires, les dispositions relatives au successeur visent un double objet : 1) protéger le droit de négociation du syndicat et 2) protéger toute convention existante contre l'extinction à la vente2.

[5]      Dans l'affaire Lester (W.W. ) (1978) Ltd. c. Association unie des compagnons et apprentis de l'industrie de la plomberie et de la tuyauterie, section locale 7403, Mme la juge McLachlin (maintenant juge en chef) a exposé en ces termes l'intention du législateur sous-tendant l'adoption des dispositions sur les droits du successeur :

Des dispositions sur l'obligation du successeur semblables à l'art._89 de la Loi existent dans toutes les lois provinciales sur le travail et dans le Code canadien du travail. Même si le libellé peut varier quelque peu, le but visé par ces dispositions est toujours le même. L'une des citations fréquemment reprises pour expliquer la raison qui sous-tend les dispositions sur l'obligation du successeur est extraite d'une décision de la Labour Relations Board de la Colombie-Britannique dans l'affaire Kelly Douglas & Co. and W.H. Malkin Ltd., [1974] 1 CLRBR 77, aux pp._81 et 82 :
[TRADUCTION] L'exercice par un employeur de son droit de disposer librement de son entreprise peut entraîner de graves conséquences pour la situation de ses employés. Il se peut que ceux-ci aient lutté pour s'organiser, pour négocier et pour obtenir une convention collective. Une fois cette convention signée, les employés s'attendent naturellement à ce qu'elle soit respectée dans l'exploitation de l'entreprise. Le problème, c'est que ces attentes pourraient être réduites à néant du seul fait d'un simple changement de propriétaire de la société. Les employées [sic] peuvent toujours travailler à la même usine, sur le même appareil, en vertu des mêmes conditions de travail, sous la même supervision, à faire exactement le même travail qu'avant, mais pour un employeur différent. Le résultat de la vente de l'entreprise, vente dont les employés ne sont peut-être même pas au courant, c'est que les droits de la convention collective des employés peuvent avoir disparu.
On ne peut s'attendre de façon réaliste que ces intérêts des employés et de leur syndicat figurent au premier rang des négociations commerciales que les employeurs sont libres d'engager. Par conséquent, le législateur a adopté une protection très simple. L'accréditation et les autres ordonnances prévues au Code suivent l'entreprise et lient le cessionnaire. Le législateur est même allé jusqu'à imposer la convention collective à une personne qui ne l'a pas signée. C'est à l'acquéreur éventuel qu'il incombe de s'enquérir des termes de l'entente négociée entre son prédécesseur et le syndicat et de s'assurer qu'il en est tenu compte dans le prix d'achat de la prise de contrôle avant que l'acquéreur ne se substitue à l'ancien employeur.
Dans ce contexte, il importe que la Commission donne une interprétation entière et libérale à la notion d'obligation du successeur. Plus précisément, on ne devrait accorder que peu d'importance à la forme juridique particulière que revêt une aliénation d'entreprise entre l'ancien employeur et son successeur. Du point de vue du droit en matière de conventions collectives, le facteur important en jeu est la relation entre le successeur, les employés et l'entreprise.

[6]      L'essentiel de l'activité législative sur les droits du successeur a porté sur la vente ou la réorganisation de l'entreprise. Ces deux situations sont régies par les articles 44 à 46 du Code. Quand intervient la cession ou la vente d'une entreprise ou d'une partie de l'entreprise, le paragraphe 44(2) s'applique d'office immédiatement, notamment en vue de protéger et de maintenir la qualité d'agent négociateur du syndicat qui représente les employés de l'entreprise et de lier le nouvel employeur aux conditions de toute convention collective applicable à ces employés4. Le Conseil n'intervient qu'en cas de différend au sujet de l'existence effective de la vente. De la même manière, le paragraphe 44(3) maintient les droits de négociation dans le cas où une entreprise provinciale, par l'effet d'un changement d'activité ou d'une vente, devient assujettie au régime fédéral des relations du travail.

[7]      L'article 45 s'applique à la vente de l'entreprise visée par l'article 44 dans le cas où elle entraîne l'intégration des employés de l'entreprise acquise à ceux de l'entreprise qui fait l'acquisition. L'article vise à compléter les dispositions de l'article 44 sur la succession d'office en autorisant l'employeur ou tout syndicat touché par une vente ou une cession au titre de l'article 44 de s'adresser au Conseil pour « décider si les employés en cause constituent une ou plusieurs unités habiles à négocier collectivement » . Dans ses décisions, le Conseil exerce les pouvoirs que lui confère l'article 18.1 du Code en matière de révision de la structure des unités de négociation.

[8]      L'article 46 complète les dispositions sur les droits du successeur concernant la vente ou la réorganisation d'une entreprise. Il réserve au Conseil le pouvoir de « trancher, pour l'application de l'article 44, toute question qui se pose, notamment quant à la survenance d'une vente d'entreprise, à l'existence des changements opérationnels et à l'identité de l'acquéreur. » . L'article 46 renforce la clause privative de l'article 22 du Code en conférant au Conseil une compétence très large pour décider des conditions d'exercice de ses pouvoirs dans les cas de vente d'entreprise.

[9]      La plus grande partie de la jurisprudence a été consacrée à l'interprétation des dispositions touchant la vente de l'entreprise. L'analyse a porté pour l'essentiel sur le caractère effectif ou fictif de la vente et, par conséquent, sur le maintien ou l'extinction des droits de négociation collective après l'opération. Sans entreprendre une revue exhaustive de la jurisprudence applicable, qui n'est pas à l'abri des contradictions ni des critiques de la doctrine5, il est important pour les besoins des présents motifs de signaler l'approche générale des décisions en matière de vente d'entreprise.

[10]      L'objectif de protéger la permanence des droits de négociation a conduit à donner une définition législative étendue du terme « vendre » et à imposer une interprétation libérale du terme « vente » 6. Il est crucial de donner à la vente une acception compréhensive, comprenant toute forme de disposition d'une entreprise, pour empêcher l'extinction indue des droits de négociation par l'effet de simples formalités de cession de propriété. Cependant, compte tenu du fait que les droits du successeur ne devaient jamais s'appliquer à certaines circonstances (notamment aux cas authentiques de sous-traitance, de la perte de clientèle aux mains d'un concurrent ou de dissolution d'une entreprise), la vente aux termes de l'article 44 prescrit un lien minimal entre l'employeur prédécesseur et l'employeur allégué comme successeur. Le Conseil a généralement adopté une approche en deux étapes dans son analyse visant à décider de l'existence de ce lien. Cette approche classique exposée dans Newfoundland Steamships Ltd.7 exige une continuité dans les activités accomplies par les employés et dans la finalité de l'entreprise. C'est le critère qui a été appliqué cas par cas par le Conseil pour tenir compte des circonstances particulières de chaque vente alléguée et pour assurer la mise en oeuvre des objectifs de politique de l'article 44.

[11]      Une jurisprudence plus récente du Conseil est venue réduire la portée de la continuation des droits de négociation. Dans l'affaire Société canadienne des postes et le Syndicat des postiers du Canada (pharmacie Nieman)8, le Conseil a reformulé le critère applicable à la vente visée à l'article 44 en ces termes :

Pour que les droits de successeur s'appliquent, il faut plus qu'un transfert d'avoirs ou de travail. Un tel transfert pourrait être un signe manifeste de vente d'entreprise au sens du Code, mais cela ne constitue pas pour autant une preuve concluante. Pour que les droits de successeur s'appliquent, l'entreprise doit en totalité ou en partie passer du vendeur à l'acquéreur. En ce qui concerne la vente en vertu du Code, une partie d'entreprise est une partie cohérente et dissociable de l'organisation économique d'une entreprise, un véhicule économique fonctionnel ou encore une entreprise active pouvant être exploitée d'une manière indépendante. Pour qu'il y ait vente d'entreprise, il ne suffit pas que les employés du nouvel employeur effectuent le travail qu'exécutaient autrefois les employés du prédécesseur. Il doit également exister une certaine continuité dans l'entreprise à l'égard de laquelle un syndicat possède des droits de négociation ainsi qu'une continuité dans la nature du travail exécuté. Les deux vont de pair.

[12]      Contrairement aux droits du successeur applicables aux cas des entreprises privées, le maintien des droits de négociation dans la fonction publique par l'effet des articles 47 et 47.1 n'a fait l'objet d'aucune analyse approfondie. Il est donc nécessaire d'expliquer le rôle des articles 47 et 47.1 dans le cadre plus large du Code. Les dispositions de l'article 47 exposent en ces termes le mécanisme de maintien d'office des droits dans la fonction publique :


47. (1) Where the name of any portion of the public service of Canada specified from time to time in Part I or II of Schedule I to the Public Service Staff Relations Act is deleted and that portion of the public service of Canada is established as or becomes a part of a corporation or business to which this Part applies, or where a portion of the public service of Canada included in a portion of the public service of Canada so specified in Part I or II of Schedule I to that Act is severed from the portion in which it was included and established as or becomes a part of such a corporation or business,

(a) a collective agreement or arbitral award that applies to any employees in that portion of the public service of Canada and that is in force at the time the portion of the public service of Canada is established as or becomes a part of such a corporation or business continues in force, subject to subsections (3) to (7), until its term expires; and

(b) the Public Service Staff Relations Act applies in all respects to the interpretation and application of the collective agreement or arbitral award.

47. (1) La convention collective ou la décision arbitrale applicable aux employés d'un secteur de l'administration publique fédérale qui, par radiation de son nom de la partie I ou II de l'annexe I de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ou par sa séparation d'un secteur mentionné à l'une ou l'autre de ces parties, devient régi par la présente partie en tant que personne morale ou qu'entreprise ou est intégré à une personne morale ou à une entreprise régie par la présente partie_:

a) continue d'avoir effet, sous réserve des paragraphes (3) à (7), jusqu'à la date d'expiration qui y est fixée;

b) reste totalement assujettie, quant à son interprétation et à son application, à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.


[13]      Ainsi, la règle générale prévoit que les droits de négociation sont maintenus et qu'un syndicat peut demander une accréditation dans l'un ou l'autre des deux cas suivants : 1) dans le cas d'une radiation du nom de tout secteur mentionné de l'administration publique fédérale qui devient régi par cette partie [du Code] en tant que personne morale ou qu'entreprise ou est intégré à une personne morale ou à une entreprise régie par cette partie [du Code]; 2) dans le cas d'une séparation d'un « secteur d'un secteur » mentionné de l'administration publique fédérale qui devient régi par cette partie [du Code] en tant que personne morale ou qu'entreprise ou est intégré à une personne morale ou à une entreprise régie par cette partie [du Code]. On voit rapidement que le but initial de l'article 47 était de protéger les droits de négociation dans le cas exceptionnel où un secteur de la fonction publique devenait une société d'État9. Cela explique l'emploi des mots « radiation » de « son nom de la partie I ou II de l'annexe I de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique » . L'annexe I de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique10 dresse la liste des ministères et autres secteurs de l'administration publique qui sont employés par le Conseil du trésor (partie I) ou par un employeur distinct (partie II). Par conséquent, la « radiation » de tout nom figurant sur cette liste représente, pour un ministère, son retrait ou sa « radiation » de la fonction publique du Canada.

[14]      Toutefois, dans la refonte générale de la partie I du Code, l'article 47 a été modifié pour étendre les droits du successeur à la privatisation de la fonction publique. Dans le cours du processus, il fallait envisager la privatisation de la fonction publique à la pièce, ne visant pas nécessairement la séparation de ministères au complet ou de grandes entités de la fonction publique11. L'article 47 prévoit désormais le maintien des droits de négociation lorsqu'un secteur de l'administration publique fédérale appartenant à un secteur de l'administration publique fédérale mentionné à l'annexe I de la LRTFP est séparé et intégré à une entreprise privée. En d'autres termes, les droits du successeur à l'égard des droits de négociation ne dépendent pas de la radiation en bloc d'une partie importante de la fonction publique; ils valent également pour la privatisation d'un secteur plus petit de la fonction publique.

[15]      En l'espèce, on ne trouve pas de radiation du nom d'un secteur de l'administration publique fédérale mentionné à l'annexe I de la LRTFP. Il s'agit plutôt de la séparation d'un secteur à l'intérieur d'un secteur de la fonction publique, soit le personnel de soutien de la BFC Moose Jaw. Quelles conditions doivent donc être réunies pour qu'il y ait « séparation » au sens de l'article 47 et qu'elle fasse naître les droits du successeur afférents? À mon avis, quatre éléments sont nécessaires.

     A) Constituer un secteur d'un secteur de la fonction publique

En premier lieu, un secteur d'un secteur de la fonction publique doit être visé. L'article 47 ne donne aucune définition de la taille d'un « secteur » . L'expression « fonction publique » est définie dans la LRTFP comme l' « [e]nsemble des postes qui sont compris dans les ministères ou autres secteurs de l'administration publique fédérale spécifiés à l'annexe I » . Selon cette définition, il est très clair que l'unité de mesure pour définir un secteur de la fonction publique est le terme « postes » . De plus, il doit y avoir au moins deux employés. En effet, l'alinéa 47(1)a) et le paragraphe 47(2) laissent entendre que les employés qui forment un secteur de la fonction publique doivent comprendre une ou plusieurs unités de négociation, ces unités devant être composées d'un groupe d'au moins deux employés12 » .

     B) Mentionné à la partie I ou II de l'annexe I de la LRTFP

Il s'agit là d'une condition de pure forme exigeant qu'on fasse référence à ce qu'on entend normalement par la « fonction publique du Canada » .

     C) La séparation

Il doit y avoir une « séparation » du secteur de la fonction publique. Ce terme doit s'entendre dans son acception ordinaire. L'Oxford English Dictionary, 2e édition, définit « sever » [séparer] comme [TRADUCTION] « mettre de côté, mettre à part, partager ou répartir en plaçant à divers endroits... disjoindre, dissocier, désunir » . L'exigence est minimale, soit la dissociation de certains employés d'un secteur de la fonction publique. Cette séparation peut intervenir de plusieurs façons, et consister notamment à se défaire d'employés de la fonction publique, à les renvoyer ou à les licencier. Il convient de noter que le mot « séparation » ( « severance » dans la version anglaise), ou la formulation de l'article 47, n'exigent en rien une « vente » , un « transfert » , une « location » ou une « autre forme de disposition » , comme c'est le cas pour les situations régies par l'article 44. Cela ne signifie pas, toutefois, que la vente d'un secteur de la fonction publique, le cas échéant, ne pourrait pas être assimilée à une séparation.

     D) Qui devient régi [en tant que personne morale ou qu'entreprise] ou est intégré à une personne morale ou à une entreprise régie par la présente partie [du Code]

Le secteur qui est séparé de la fonction publique doit être « régi en tant que » personne morale ou qu'entreprise ou être « intégré à » une personne morale ou à une entreprise régie par la partie I du Code. L'article 47 ne donne aucune instruction expresse sur ce que comporte cette étape, ne fournit aucune définition particulière des termes « régi en tant que » ou « intégré à » . Il est clair, cependant, que l'article 47 n'exige pas une vente, un transfert ou un texte législatif. Le secteur qui est séparé doit plutôt, d'une manière ou d'une autre, devenir simplement « intégré » à une entreprise ou à une personne morale de régime fédéral.

Si ces quatre conditions sont remplies, les droits de négociation existants des employés de l'ancien secteur de la fonction publique subsistent d'office après la séparation, conformément aux alinéas 47(1)a) et b). Ces droits subsistent, peut-on présumer, indépendamment des changements dans le nombre des employés et dans leurs fonctions, tout au moins jusqu'à ce que le Conseil en décide autrement.

[16]      Le droits du successeur qui viennent d'être décrits sont garantis sous réserve de modification par une décision du Conseil prise en regard d'une demande présentée en vertu du paragraphe 47(3) par le nouvel employeur ou par l'agent négociateur touché par le changement. La demande doit être présentée au moins 120 jours et au plus 150 jours après la date où le secteur séparé a été intégré à l'entreprise ou à la personne morale. Dans le cas où la demande est dûment présentée dans le délai imparti, le Conseil doit décider si les employés du secteur séparé constituent une ou plusieurs unités habiles à négocier collectivement, quel syndicat sera l'agent négociateur des employés de chacune de ces unités, et si chaque convention collective ou décision arbitrale subsistant par l'effet de l'alinéa 47(1)a) doit rester en vigueur et, dans l'affirmative, pour quel délai. Ce dernier pouvoir est nécessaire dans le contexte où plusieurs unités étant fusionnées par le Conseil, il faut fixer une date commune d'expiration des conventions collectives de sorte que la négociation collective puisse être engagée en même temps.

[17]      Le régime est légèrement différent dans le cas où un avis de négociation collective a été signifié avant la séparation visée par l'article 47. Dans ce cas, les dispositions du paragraphe 47.1 sont applicables. Le paragraphe 47.1 prévoit :

47.1 Where, before the deletion or severance referred to in subsection 47(1), notice to bargain collectively has been given in respect of a collective agreement or arbitral award binding on employees of a corporation or business who, immediately before the deletion or severance, were part of the public service of Canada,

(a) the terms and conditions of employment contained in a collective agreement or arbitral award that, by virtue of section 52 of the Public Service Staff Relations Act, are continued in force immediately before the date of the deletion or severance or that were last continued in force before that date, in respect of those employees shall continue or resume in force on and after that date and shall be observed by the corporation or business, as employer, the bargaining agent for those employees and those employees until the requirements of paragraphs 89(1)(a) to (d) have been met, unless the employer and the bargaining agent agree otherwise;

(b) the Public Service Staff Relations Act applies in all respects to the interpretation and application of any term or condition continued or resumed by paragraph (a);

(c) on application by the corporation or business, as employer, or the bargaining agent for those employees, made during the period beginning on the one hundred and twentieth day and ending on the one hundred and fiftieth day after the date of the deletion or severance, the Board shall make an order determining

(i) whether the employees of the corporation or business who are represented by the bargaining agent constitute one or more units appropriate for collective bargaining, and
(ii) which trade union shall be the bargaining agent for the employees in each such unit;

(d) where the Board makes the determinations under paragraph (c), the corporation or business, as employer, or the bargaining agent may, by notice, require the other to commence collective bargaining under this Act for the purpose of entering into a collective agreement; and

(e) this Part, other than section 80, applies in respect of a notice given under paragraph (d).

47.1 Si, avant la radiation ou la séparation visées au paragraphe 47(1), un avis de négociation collective avait été donné à l'égard d'une convention collective ou d'une sentence arbitrale liant les employés d'une personne morale ou d'une entreprise qui, immédiatement avant la radiation ou la séparation, faisait partie de l'administration publique fédérale_:

a) les conditions d'emploi figurant dans la convention collective ou la décision arbitrale maintenues en vigueur par l'effet de l'article 52 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique continuent de lier -- ou lient de nouveau si l'article 52 avait cessé d'avoir effet -- la personne morale ou l'entreprise, l'agent négociateur et les employés, sauf entente à l'effet contraire entre l'employeur et l'agent négociateur, tant que les conditions des alinéas 89(1)a) à d) n'ont pas été remplies;

b) les conditions d'emploi visées à l'alinéa a) restent totalement assujetties, quant à leur interprétation et à leur application, à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique;

c) sur demande de la personne morale ou de l'entreprise qui devient l'employeur, ou de l'agent négociateur touché par le changement, présentée au moins cent vingt jours et au plus cent cinquante jours après celui-ci, le Conseil décide par ordonnance_:

     (i) si les employés de la personne morale ou de l'entreprise qui sont représentés par l'agent négociateur constituent une ou plusieurs unités habiles à négocier collectivement,
     (ii) quel syndicat sera l'agent négociateur des employés de chacune de ces unités;

d) dans les cas où le Conseil rend une ordonnance dans le cadre de l'alinéa c), la personne morale ou l'entreprise qui devient l'employeur ou l'agent négociateur peut transmettre à l'autre partie un avis de négociation collective en vue de la conclusion d'une convention collective;

e) la présente partie, à l'exception de l'article 80, s'applique à l'avis prévu à l'alinéa d).

L'effet du paragraphe 47.1 est décrit par G.J. Clarke dans les termes suivants :

[TRADUCTION] Ce nouvel article gèle les conditions d'emploi en vigueur jusqu'à l'obtention du droit de grève ou de lock-out. La nouvelle disposition maintient en vigueur le gel qui se serait appliqué aux parties si elles étaient restées régies par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique13.

Par conséquent, le paragraphe 47.1 prévoit que l'avis de négociation signifié avant la séparation sauvegarde le statu quo obtenu par l'effet de l'article 52 de la LRTFP. En vertu du paragraphe 47.1, le pouvoir du Conseil se limite aux ordonnances statuant sur les unités qui sont habiles à négocier collectivement et sur les agents négociateurs. Ces ordonnances, comme c'est le cas en application de l'article 47, ne peuvent être prononcées qu'à la suite d'une demande de l'employeur ou du syndicat touché, présentée dans le délai compris entre le 120e jour et le 150e jour après la date de la séparation. Toutefois, on notera que contrairement à la situation visée au sous-alinéa 47(4)c)(ii), il n'est conféré aucun pouvoir spécifique au Conseil pour mettre fin à une convention collective en vigueur ou en limiter la durée, cela n'étant pas nécessaire puisque la convention collective arrive à expiration dans un délai maximal de trois mois. Par conséquent, sauf entente entre l'employeur et l'agent négociateur, les conditions de la convention collective en vigueur subsistent jusqu'à la conclusion d'une nouvelle convention collective ou jusqu'à l'obtention du droit de grève ou de lock-out légal et au-delà, conformément aux diverses dispositions des alinéas 89(1)a) à d) du Code.

Les faits

[18]      Au terme de cet exposé du fonctionnement des droits du successeur selon les articles 43 à 47 du Code, passons maintenant à un bref exposé des faits de l'affaire soumise à la Cour. L'AFPC avait été accréditée comme agent négociateur conformément à la LRTFP pour représenter environ 18 employés de la fonction publique du ministère de la Défense nationale (MDN) dont quelques civils affectés aux services de soutien dans un certain nombre d'unités de négociation à la BFC Moose Jaw. Le MDN exploitait la BFC Moose Jaw comme centre de formation des pilotes militaires canadiens, la formation y étant donnée par des instructeurs militaires canadiens aux pilotes canadiens sur des avions à réaction de type Tutor.

[19]      À la fin des années 80, il est devenu évident que la BFC Moose Jaw devrait fermer en raison de la réduction des effectifs des forces aériennes et de la hausse des coûts d'exploitation. En 1995, Bombardier a approché le MDN en lui proposant un programme visant à assurer, à la BFC Moose Jaw et à la BFC Cold Lake, par étapes successives, la formation des pilotes militaires canadiens, des pilotes des autres pays membres de l'OTAN et d'autres pays spécifiés. Ce programme allait s'appeler le programme de formation au vol des pilotes de l'OTAN au Canada (le NFTC). En novembre 1997, on a annoncé que le NFTC allait être mis en oeuvre et que la BFC Moose Jaw restait donc ouverte.

[20]      En 1998, une série de contrats ont été passés par Sa Majesté du chef du Canada (le Canada) avec Bombardier et par Bombardier avec Frontec. Ces contrats avaient notamment pour effet de sous-traiter à Bombardier et à Frontec les services de soutien sur place reliés à la formation des pilotes militaires, auparavant assurés par des employés représentés par l'AFPC à la BFC Moose Jaw. Ces services de soutien comprenaient des services de secrétariat, des services administratifs, des services techniques, l'entretien des pistes, terrains et immeubles et des services d'infrastructures à la BFC Moose Jaw. Ils ne comprenaient pas la formation des pilotes, l'entretien des aéronefs ni d'autres services assurés par du personnel professionnel et militaire. Conformément à deux contrats distincts14, Bombardier devait fournir les services de soutien pour la formation en cours sur les avions Tutor, qui était appelée à être progressivement éliminée au cours de 2000, et pour le programme NFTC dont le lancement était prévu pour l'automne de 2000. Bombardier a sous-traité à Frontec les fonctions suivantes de ces deux programmes de formation : la gestion des installations, l'entretien des pistes et la protection contre les incendies.

[21]      Un [TRADUCTION] « Accord de recrutement » conclu entre Bombardier et le Canada énonçait les obligations minimales de Bombardier et de ses sous-traitants à l'égard du recrutement des anciens fonctionnaires de la BFC Moose Jaw. Bombardier et ses sous-traitants s'y engageaient à ce que 70 % du personnel de soutien du site du NFTC soit composé de fonctionnaires travaillant à durée indéterminée à la BFC Moose Jaw. Les offres d'emploi devaient offrir une garantie d'emploi d'au moins deux ans et un salaire au moins égal à 85 % du salaire actuel de l'employé. Il était prévu que les employés à qui on offrait un emploi dans le cadre du programme NFTC seraient initialement recrutés pour le programme de formation en cours sur les avions Tutor avant leur entrée en fonction dans le cadre du NFTC.

[22]      Au total, Frontec a recruté pour l'exécution du travail de soutien sur place 56 anciens fonctionnaires, qui ont pour la plupart commencé à travailler en juillet et en août 1998. Seulement 18 d'entre eux ont reçu des offres pour continuer à travailler dans le cadre du programme NFTC, une fois terminé le travail de soutien sur place du programme Tutor. Bombardier envisageait de recruter 237 employés pour l'ensemble des travaux du contrat relié au programme NFTC. Compte tenu des autres employés recrutés par les sous-traitants, le nombre total s'élève à environ 350 employés (effectif de l'an 2000). Au moment de l'audience devant le Conseil, des 136 anciens fonctionnaires de la BFC Moose Jaw, 20 travaillaient pour Bombardier, 56 pour Frontec et 10 pour un sous-traitant de services d'alimentation, soit un nombre total de 86. De 10 à 20 personnes parmi les 50 anciens fonctionnaires n'ayant pas reçu d'offres d'emploi sont demeurées au MDN.

[23]      Le personnel civil du MDN à la BFC Moose Jaw visé par la présente instance appartenait à diverses unités de négociation représentées par l'AFPC, qui avaient passé des conventions collectives avec le Conseil du Trésor. Ces conventions collectives avaient expiré en 1991 mais avaient été prolongées jusqu'à 1997 par la Loi sur la rémunération du secteur public. Les conditions d'emploi avaient été gelées par l'avis de négociation donné le 22 avril 1997 aux termes de la LRTFP, et le gel était toujours en vigueur le 27 octobre 1998, date à laquelle l'AFPC a déposé ses demandes en vertu du paragraphe 47.1 du Code.

[24]      Ces demandes avaient pour but d'obtenir du Conseil les ordonnances suivantes :

     1) qu'en application de l'alinéa 47.1c), les employés travaillant pour Bombardier et Frontec aux termes du contrat de soutien sur place et, par la suite, du contrat relié au programme NFTC, constituent chez chaque employeur une unité de négociation unique;
     2) qu'il soit déclaré que la requérante est l'agent négociateur de chacune des deux unités de négociation susmentionnées;
     3) subsidiairement, qu'il soit déclaré que Bombardier et Frontec constituent un employeur unique en application de l'article 35.

La décision du Conseil

[25]      Le Conseil a conclu que l'AFPC avait présenté ses demandes au titre de l'alinéa 47.1c) dans le délai imparti. Le Conseil a décidé que la séparation des employés visés du MDN à la BFC Moose Jaw et le début de leur emploi avec leur nouvel employeur s'étaient étendus sur plusieurs mois, soit du 15 mai au 31 août 1998 dans le cas de l'employeur Frontec, et du 16 juin au 30 septembre 1998 dans le cas de l'employeur Bombardier. Le Conseil a semblé tenir le raisonnement que l'AFPC devait, aux termes de l'alinéa 47.1c), présenter ses demandes dans un délai se situant entre le 120e et le 150e jour après toute date tombant dans les intervalles mentionnés. Ses demandes ayant été présentées le 28 octobre 1998, l'AFPC a largement respecté le délai imparti.

[26]      Le Conseil s'est ensuite penché sur la question de savoir si, dans les circonstances, une séparation aux termes de l'article 47 était intervenue à l'égard de Bombardier et Frontec. Bombardier et Frontec ont convenu toutes les deux qu'elle étaient des personnes morales régies par la partie I du Code. Le Conseil a alors examiné la partie I de l'annexe I de la LRTFP et conclu que le MDF y figurait du fait qu'il était inclus à l'annexe I de la Loi sur les gestion des finances publiques. Il s'ensuivait que les anciens employés du MDN constituaient un « secteur » de la fonction publique au sens du paragraphe 47(1). Il restait alors au Conseil à décider si ces employés étaient « régi[s] ... en tant que personne morale ou qu'entreprise ou ... intégré[s] à » Frontec et à Bombardier.

[27]      Le Conseil a conclu que le rôle de sous-traitant de Bombardier joué par Frontec n'avait aucunement l'effet de suspendre ou de modifier d'une autre manière l'application des droits du successeur prévus à l'article 47. _Le Conseil a même noté que le paragraphe 47(1) ne posait pas de restriction en ce qui concerne la façon dont un secteur de l'administration publique fédérale peut devenir régi en tant que personne morale ou qu'entreprise ou être intégré à une personne morale ou une entreprise en vertu de la partie I du Code. Selon son raisonnement, « [s]'il tirait une conclusion différente, le Conseil irait à l'encontre du but visé par ladite disposition du fait qu'il permettrait de soustraire de l'application du paragraphe 47(1) les tâches cédées qui sont confiées en sous-traitance à un ou plusieurs sous-traitants au lieu d'être exécutées par l'entrepreneur principal. » En conclusion, le Conseil a statué que Frontec et Bombardier étaient assujetties au paragraphe 47(1) « en ce qui concerne les tâches exécutées en vertu du contrat de soutien sur place [pour la période de transition]. »

[28]      Le Conseil a conclu que l'AFPC avait donné un avis de négociation collective suivant l'alinéa 47.1a). Plus particulièrement, il a décidé :

Une fois réunies les conditions énoncées au paragraphe 47(1) et à l'alinéa 47.1a), celles-ci s'appliquent d'office lorsqu' « un avis de négociation collective [a] été donné à l'égard d'une convention collective » , ce qui est le cas en l'espèce15.

[29]      Le Conseil a statué que la qualité de l'AFPC comme agent négociateur subsistait à l'égard des travaux associés au Contrat de soutien sur place de 1998-2000. Toutefois, le Conseil a estimé nécessaire d'entreprendre l'analyse de la nature du programme NFTC en vue de déterminer les tâches auxquelles la décision s'appliquerait. Il a considéré qu'une telle analyse était nécessaire bien que l'AFPC ait modifié ses demandes pendant les audiences de façon à supprimer toute mention des tâches devant être exécutées dans le cadre du programme NFTC16. Le Conseil a jugé que, contrairement aux travaux de soutien reliés au programme de formation sur avions Tutor, le programme NFTC constituait une « nouvelle entreprise » : on ne pouvait

dire qu'il y a eu « séparation » d'une activité antérieure du MDN où le MDN était propriétaire du terrain, des installations, de l'équipement de formation et des aéronefs et qu'il était uniquement et entièrement responsable du programme de cours et de la formation de pilotes militaires canadiens par des instructeurs militaires canadiens, le tout étant financé par l'État17.

[30]      Le Conseil a adopté l'approche établie dans l'affaire Logistec Corporation et al.18 pour décider s'il s'agissait d'une vente d'entreprise aux termes de l'article 44 du Code. En se fondant sur cette approche, le Conseil a conclu que le seul fait que d'anciens employés civils du MDF continueraient de travailler dans le cadre du programme NFTC une fois terminés les travaux afférents au Contrat de soutien sur place, ne créait pas une situation de droits du successeur. Le Conseil a plutôt examiné si les éléments les plus significatifs du programme de formation sur avions Tutor géré par le Canada se retrouvaient en substance dans le programme subséquent administré par Bombardier et Frontec. La composante la plus significative du programme initial de formation sur avions à réaction Tutor était la formation assurée par du personnel militaire qui n'avait jamais été représenté par l'AFPC. Par conséquent, ces employés ne pouvaient pas être considérés comme un « secteur » de la fonction publique qui aurait été « séparé » aux termes de l'article 47. Selon le Conseil, les anciens employés civils du MDN qui exécutaient les services de soutien dans le cadre du programme sur avions à réaction Tutor, n'étant qu'une partie accessoire du fonctionnement du programme de formation initial, ne pouvaient être pris en compte dans l'analyse.

[31]      Le Conseil a jugé qu'une considération encore plus fondamentale faisait obstacle au maintien des droits de négociation dans le programme NFTC. Bien que certaines des tâches exécutées dans le cadre du programme NFTC soient comparables à certaines des tâches exécutées avant la création du programme NFTC, le Conseil a jugé qu' « elles ne proviennent pas de la même source. Dans le premier cas, il s'agit d'un ministère fédéral et, dans l'autre, d'une entreprise en grande partie financée par le secteur privé et, partant, d'une entité nouvelle et très différente19. » Par conséquent, le Conseil a décidé que le contrat NFTC ne constituait pas une séparation d'un secteur de l'administration publique fédérale aux termes de l'article 47 et des articles suivants du Code. Pour ce motif, il a jugé que les demandes d'accréditation de l'AFPC n'englobaient pas le programme NFTC et se terminaient à l'expiration du Contrat de soutien sur place 1998-2000 relatif au programme de formation sur avions Tutor.

Analyse

     La norme de contrôle

[32]      Les parties ont toutes présenté des observations au sujet de la norme de contrôle qui devait s'appliquer à la décision du Conseil. Le Conseil est protégé par une clause privative étendue à l'article 22 du Code. Cet article prévoit que les décisions du Conseil ne peuvent faire l'objet de révision que pour les motifs visés aux alinéas 18.1(4)a), b) ou e) de la Loi sur la Cour fédérale20. L'alinéa 18.1(4)a) est d'un intérêt particulier en l'espèce, car il habilite la Cour fédérale à exercer son pouvoir de contrôle pour accorder les réparations indiquées dans le cas où le Conseil a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer. S'agissant d'erreurs de compétence de cette nature, il est admis que les décisions du Conseil peuvent faire l'objet de révision selon la norme de la décision correcte21.

[33]      Par contre, il a été décidé que, dans le cas d'une décision rendue par le Conseil dans les limites de sa compétence, la Cour ne doit intervenir que si la décision est manifestement déraisonnable. Cette position a été affirmée à de nombreuses reprises, notamment dans des décisions récentes de la Cour. Ces décisions ont adopté une approche pragmatique et fonctionnelle pour fixer la norme de contrôle appropriée, selon ce qui est demandé dans la jurisprudence de la Cour suprême du Canada. Dans l'affaire Offshore Logistics Inc. c. Halifax Longshoreman's Association22, la Cour a établi l'approche à privilégier pour fixer la norme de contrôle appropriée dans les demandes de révision des décisions du Conseil. Aux paragraphes13 et 14 de sa décision, le juge Rothstein a écrit :

[13] Il est maintenant bien établi que la norme de contrôle doit être fixée selon une approche pragmatique et fonctionnelle. Le critère à appliquer est celui de savoir si la question soulevée par la disposition en cause appartient à celles que le législateur avait l'intention de confier à la compétence exclusive du Conseil, sous réserve de l'exercice du pouvoir de contrôle judiciaire uniquement selon le critère du caractère manifestement déraisonnable. Voir Pasiechnyk c. Saskatchewan (Workers' Compensation Board) , [1997] 2 R.C.S. 890, au paragraphe 18, et Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, aux paragraphes 26 à 28. Les facteurs à prendre en compte dans une approche pragmatique et fonctionnelle sont notamment la présence ou l'absence d'une clause privative, l'expertise du tribunal, l'objet de la loi dans son ensemble et de la disposition en cause, ainsi que la nature du problème, c'est-à-dire s'il s'agit d'une question de fait ou de droit, et la généralité de la disposition examinée. (Voir Pushpanathan, précité, aux paragraphes 29 à 38.)
[14] Il va maintenant sans dire, en droit, que les tribunaux doivent faire preuve d'une grande retenue envers les décisions du Conseil canadien des relations du travail et l'organisme qui lui a succédé, le Conseil canadien des relations industrielles, dans les affaires qui sont au coeur de leur expertise. (Voir Société Radio-Canada c. Canada (Conseil des relations du travail) , [1995] 1 R.C.S. 157, Canada (Procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada., [1993] 1 R.C.S. 941, aux pages 962 à 963. La Cour suprême a aussi averti les tribunaux d'éviter de qualifier trop rapidement un point de question de compétence, et ainsi de l'assujettir à un examen judiciaire plus étendu, lorsqu'il existe un doute à cet égard. (Voir Syndicat international des débardeurs et magasiniers, Ship ad Dock Foremen, section locale 514 c. Prince Rupert Grain Limited, [1996] 2 R.C.S. 432, aux pages 445 et 446).

Par conséquent, compte tenu de l'avertissement de la Cour suprême sur l'empressement à qualifier un point de question de compétence, il est clair que la norme de contrôle sera le caractère correct pour une question de compétence, et le caractère manifestement déraisonnable pour une question relevant de l'expertise reconnue au Conseil.

     L'interprétation des articles 47 et 47.1 par le Conseil

[34]      Que l'interprétation du Conseil des articles 47 et 47.1 du Code soit ou non considérée dans les limites de sa compétence ou de son expertise fondamentale, je suis d'avis que sa décision limitant les droits du successeur au Contrat de soutien sur place doit être annulée.

[35]      En premier lieu, j'estime que la décision du Conseil de mettre fin aux droits de négociation des anciens employés du MDN dans ces unités de négociation à l'expiration du Contrat de soutien sur place est entachée d'un défaut de compétence et doit être annulée. L'AFPC a présenté ses demandes en vertu du paragraphe 47.1 du Code, disposition qui s'applique dans le cas où un avis de négociation a été donné au sujet d'une convention collective en vigueur avant la séparation visée à l'article 47. Cet avis ne peut être signifié que dans les trois derniers mois de la convention collective. Les sous-alinéas 47.1c)(i) et (ii) ne confèrent au Conseil de compétence que pour décider si les employés représentés par l'agent négociateur constituent une ou plusieurs unités habiles à négocier collectivement et quel syndicat sera l'agent négociateur des employés de chaque unité. Contrairement à la situation visée par la demande en vertu du paragraphe 47(3), le Conseil n'est pas expressément habilité à mettre fin à une convention collective en vigueur avant la séparation ou à limiter sa durée. Dans ces cas, il n'existe aucune raison de permettre au Conseil de réduire la durée de la convention collective puisqu'elle arrive bientôt à expiration de toute façon. Lorsque l'avis est donné, les conventions collectives entre les parties restent en vigueur jusqu'à la conclusion d'une nouvelle convention ou jusqu'à l'obtention du droit de grève ou de lock-out légal conformément à l'article 89 du Code. Bien que le Conseil n'ait pas explicitement mis fin aux conventions collectives liant les anciens employés du MDN, sa décision a nécessairement eu pour effet de mettre fin à ces droits à l'expiration du Contrat de soutien sur place en 2000, ce pour quoi il n'avait pas compétence. Une ordonnance de cette nature aurait pour effet de révoquer l'accréditation de l'agent négociateur, ce qui est tout à fait contraire à l'objet des articles 47 et 47.1.

[36]      En deuxième lieu, il existe une autre raison d'annuler la décision du Conseil. Nonobstant la grande réserve dont il convient de faire preuve à son égard sur les questions juridiques, le Conseil a commis une erreur de droit manifestement irrationnelle. Lorsque le Conseil a décidé d'examiner la nature de l'entreprise nouvelle que constituerait le programme NFTC, après avoir conclu avec raison que les anciens employés du MDF des unités en question avaient fait l'objet d'une séparation et que leurs droits de négociation subsistaient à l'égard des services de soutien sur place du programme de formation sur avions Tutor, le Conseil a commis une erreur de droit manifestement déraisonnable. Pour qu'il y ait une séparation au sens de l'article 47, le Code exige que les employés de la fonction publique deviennent régis en tant que personne morale ou intégrés à une personne morale, en l'occurrence Bombardier et Frontec. Lorsque les anciens employés du MDF ont commencé à travailler pour Bombardier et Frontec, ils ont été intégrés à ces personnes morales et la séparation aux termes de l'article 47 a été achevée. Les droits de négociation de leur syndicat ont été maintenus pour cette période au moins. Que certains de ces employés aient pu continuer à travailler ou cesser de travailler pour ces sociétés au terme du programme de formation sur avions à réaction Tutor en 2000 n'est pas pertinent dans l'analyse d'une séparation ultérieure, les employés ayant déjà été séparés de la fonction publique et intégrés à Bombardier et Frontec. La situation en 2000 devait être traitée ultérieurement dans le cadre d'une demande distincte, éventuellement par la voie d'une demande de révocation d'accréditation ou, selon l'article 44, au titre d'une disposition d'une personne morale à une autre.

[37]      De plus, en décidant si le programme NFTC constituait ou ne constituait pas une séparation, le Conseil s'est montré manifestement irrationnel en ne tenant aucun compte du sens littéral de l'article 47 et en utilisant à tort les termes et la jurisprudence qui s'appliquent à la vente d'entreprise selon l'article 44 du Code. Cette erreur est curieuse car le Conseil avait explicitement reconnu précédemment dans sa décision que « [le] paragraphe 47(1) ne pose pas de restriction en ce qui concerne la façon dont un "secteur de l'administration publique fédérale" peut devenir régi en tant que personne morale ou qu'entreprise ou être intégré à une personne morale ou une entreprise... » . Néanmoins, le Conseil n'a pas tenu compte de ce principe correct et il a conclu que le programme NFTC était une nouvelle entreprise qui ne pouvait pas être réputée constituer une séparation de l'activité antérieure du MDF liée au programme de formation sur avions Tutor. Aux termes de l'article 47, sauf dans ses délibérations sur l'unité de négociation et l'agent négociateur appropriés, le Conseil ne doit pas prendre en considération le changement dans la nature de l'entreprise comme critère de séparation. Il tombe sous le sens que toute nouvelle entité sera nécessairement quelque peu différente de celle qui l'a précédée. Cela n'importe pas dans la mesure où il y a une séparation d'un secteur de la fonction publique et son intégration à une entreprise.

[38]      La séparation prévue à l'article 47 n'est pas la vente d'une entreprise. Le Conseil a manifestement commis une erreur en recourant, à l'égard d'une demande présentée en vertu de l'article 47, aux observations de l'affaire Société canadienne des postes, précitée, « les droits de négociation sont liés à l'entreprise et non aux employés particuliers en place... » . Au contraire, l'article 47 parle d'un « secteur de l'administration publique » (non d'une partie d'une entreprise), qui est défini comme l' « [e]nsemble des postes qui sont compris dans les ministères ou autres secteurs de l'administration publique... » Aussi étrange que cela puisse sembler aux intimées, les droits de négociation sont effectivement liés aux postes des employés en place dans la séparation visée à l'article 47, vu l'absence d'une entreprise à laquelle ils pourraient être liés. J'estime que les erreurs de droit flagrantes du Conseil confèrent à sa décision un caractère manifestement déraisonnable.

[39]      L'avocat de la société Bombardier s'est montré quelque peu préoccupé par le fait que l'application de l'article 47 sur les droits du successeur en matière de négociation pouvait porter atteinte à la liberté des employés d'adhérer au syndicat de leur choix et d'être représentés par le syndicat de leur choix, prévue à l'article 8. Il considérait « abusif » pour de nouveaux employés d'être inclus, peut-être contre leur gré, dans une unité de négociation à laquelle ils n'avaient pas librement adhéré. Il y a là en effet matière à réflexion. Il ne fait pas de doute que les dispositions sur les droits du successeur peuvent, dans une certaine mesure, déroger parfois au principe de la liberté des employés d'être représentés par un syndicat de leur choix. Cependant, les dispositions sur les droits du successeur sont destinées à être temporaires, visant seulement à protéger la stabilité et le statu quo au cours d'une période de transition. En temps opportun, si les employés ne sont pas satisfaits de leur agent négociateur et souhaitent être représentés par un syndicat différent ou ne pas être représentés par un syndicat, le Code prévoit des mécanismes leur permettant éventuellement de modifier la situation transitoire résultant de l'application de l'article 47.

[40]      En conclusion, la décision du Conseil de limiter l'accréditation au Contrat de soutien sur place de 1998-2000 est entachée d'un défaut de compétence. Subsidiairement, la décision du Conseil que le programme NFTC ne constituait pas une séparation n'aurait pas dû être rendue et, en tout état de cause, ne tenait aucunement compte des termes de l'article 47, était fondée sur une jurisprudence non pertinente et constituait donc une erreur de droit manifestement déraisonnable.

Dispositif

[41]      La demande est accueillie et l'affaire est renvoyée au Conseil canadien des relations industrielles pour un réexamen effectué en conformité avec les articles 47 et 47.1 du Code canadien du travail, selon l'interprétation donnée dans les présents motifs et avec directive donnée au Conseil de modifier ses ordonnances d'accréditation comme suit :

     1) tous les employés de Bombardier Inc. affectés au soutien et à l'administration des programmes de formation de pilotes militaires à la 15e Escadre BFC Moose Jaw, Saskatchewan, à l'exclusion du chef du site et du conseiller principal en ressources humaines;
     2) tous les employés de Frontec Corporation affectés aux services de soutien des programmes de formation des pilotes militaires à la 15e Escadre BFC Moose Jaw, à l'exclusion du chef des opérations, gestionnaire de projet, du chef des finances et de l'administration, du superviseur des ressources humaines et de la comptabilité, du commis à l'administration des systèmes et du réceptionniste/commis aux travaux.

Les dépens sont adjugés à la demanderesse en totalité.

    

     J.C.A.

Je souscris à ces motifs.

F.J. McDonald, J.C.A.

Je souscris à ces motifs.

B. Malone, J.C.A.



Traduction certifiée conforme

__________________________

Richard Jacques, LL. L.


ANNEXE : LÉGISLATION

Les articles 44 à 47.1 du Code prévoient :


44. (1) In this section and sections 45 to 47.1,

"business" means any federal work, undertaking or business and any part thereof;

"provincial business" means a work, undertaking or business, or any part of a work, undertaking or business, the labour relations of which are subject to the laws of a province;

"sell", in relation to a business, includes the transfer or other disposition of the business and, for the purposes of this definition, leasing a business is deemed to be selling it.

Sale of business

(2) Where an employer sells a business,

(a) a trade union that is the bargaining agent for the employees employed in the business continues to be their bargaining agent;

(b) a trade union that made application for certification in respect of any employees employed in the business before the date on which the business is sold may, subject to this Part, be certified by the Board as their bargaining agent;

(c) the person to whom the business is sold is bound by any collective agreement that is, on the date on which the business is sold, applicable to the employees employed in the business; and

(d) the person to whom the business is sold becomes a party to any proceeding taken under this Part that is pending on the date on which the business was sold and that affects the employees employed in the business or their bargaining agent.

...

45. In the case of a sale or change of activity referred to in section 44, the Board may, on application by the employer or any trade union affected, determine whether the employees affected constitute one or more units appropriate for

collective bargaining.

46. The Board shall determine any question that arises under section 44, including a question as to whether or not a business has been sold or there has been a change of activity of a business, or as to the identity of the purchaser of a business.

47. (1) Where the name of any portion of the public service of Canada specified from time to time in Part I or II of Schedule I to the Public Service Staff Relations Act is deleted and that portion of the public service of Canada is established as or becomes a part of a corporation or business to which this Part applies, or where a portion of the public service of Canada included in a portion of the public service of Canada so specified in Part I or II of Schedule I to that Act is severed from the portion in which it was included and established as or becomes a part of such a corporation or business,

(a) a collective agreement or arbitral award that applies to any employees in that portion of the public service of Canada and that is in force at the time the portion of the public service of Canada is established as or becomes a part of such a corporation or business continues in force, subject to subsections (3) to (7), until its term expires; and

(b) the Public Service Staff Relations Act applies in all respects to the interpretation and application of the collective agreement or arbitral award.

(2) A trade union may apply to the Board for certification as the bargaining agent for the employees affected by a collective agreement or arbitral award referred to in subsection (1), but may so apply only during a period in which an application for certification of a trade union is authorized to be made under section 24.

Application for order

(3) Where the employees in a portion of the public service of Canada that is established as or becomes a part of a corporation or business to which this Part applies are bound by a collective agreement or arbitral award, the corporation or business, as employer of the employees, or any bargaining agent affected by the change in employment, may, during the period beginning on the one hundred and twentieth day and ending on the one hundred and fiftieth day after the date on which the portion of the public service of Canada is established as or becomes a part of the corporation or business, apply to the Board for an order determining the matters referred to in subsection (4).

Determination of Board

(4) Where an application is made under subsection (3) by a corporation or business or bargaining agent, the Board, by order, shall

(a) determine whether the employees of the corporation or business who are bound by any collective agreement or arbitral award constitute one or more units appropriate for collective bargaining;

(b) determine which trade union shall be the bargaining agent for the employees in each such unit; and

(c) in respect of each collective agreement or arbitral award that applies to employees of the corporation or business,

(i) determine whether the collective agreement or arbitral award shall remain in force, and

(ii) if the collective agreement or arbitral award is to remain in force, determine whether it shall remain in force until the expiration of its term or expire on such earlier date as the Board may fix.

...

47.1 Where, before the deletion or severance referred to in subsection 47(1), notice to bargain collectively has been given in respect of a collective agreement or arbitral award binding on employees of a corporation or business who, immediately before the deletion or severance, were part of the public service of Canada,

(a) the terms and conditions of employment contained in a collective agreement or arbitral award that, by virtue of section 52 of the Public Service Staff Relations Act, are continued in force immediately before the date of the deletion or severance or that were last continued in force before that date, in respect of those employees shall continue or resume in force on and after that date and shall be observed by the corporation or business, as employer, the bargaining agent for those employees and those employees until the requirements of paragraphs 89(1)(a) to (d) have been met, unless the employer and the bargaining agent agree otherwise;

(b) the Public Service Staff Relations Act applies in all respects to the interpretation and application of any term or condition continued or resumed by paragraph (a);

(c) on application by the corporation or business, as employer, or the bargaining agent for those employees, made during the period beginning on the one hundred and twentieth day and ending on the one hundred and fiftieth day after the date of the deletion or severance, the Board shall make an order determining

(i) whether the employees of the corporation or business who are represented by the bargaining agent constitute one or more units appropriate for collective bargaining, and

(ii) which trade union shall be the bargaining agent for the employees in each such unit;

(d) where the Board makes the determinations under paragraph (c), the corporation or business, as employer, or the bargaining agent may, by notice, require the other to commence collective bargaining under this Act for the purpose of entering into a collective agreement; and

(e) this Part, other than section 80, applies in respect of a notice given under paragraph (d).

44. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et aux articles 45 à 47.1.


« entreprise » Entreprise fédérale, y compris toute partie de celle-ci.

« _entreprise provinciale_ » Installations, ouvrages, entreprises -- ou parties d'installations, d'ouvrages ou d'entreprises -- dont les relations de travail sont régies par les lois d'une province.

« _vente_ » S'entend notamment, relativement à une entreprise, du transfert et de toute autre forme de disposition de celle-ci, la location étant, pour l'application de la présente définition, assimilée à une vente.

(2) Les dispositions suivantes s'appliquent dans les cas où l'employeur vend son entreprise_:

a) l'agent négociateur des employés travaillant dans l'entreprise reste le même;

b) le syndicat qui, avant la date de la vente, avait présenté une demande d'accréditation pour des employés travaillant dans l'entreprise peut, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être accrédité par le Conseil à titre d'agent négociateur de ceux-ci;

c) toute convention collective applicable, à la date de la vente, aux employés travaillant dans l'entreprise lie l'acquéreur;

d) l'acquéreur devient partie à toute procédure engagée dans le cadre de la présente partie et en cours à la date de la vente, et touchant les employés travaillant dans l'entreprise ou leur agent négociateur.

...

45. Dans les cas de vente ou de changements opérationnels visés à l'article 44, le Conseil peut, sur demande de l'employeur ou de tout syndicat touché décider si les employés en cause constituent une ou plusieurs unités habiles à négocier collectivement.

46. Il appartient au Conseil de trancher, pour l'application de l'article 44, toute question qui se pose, notamment quant à la survenance d'une vente d'entreprise, à l'existence des changements opérationnels et à l'identité de l'acquéreur.

47. (1) La convention collective ou la décision arbitrale applicable aux employés d'un secteur de l'administration publique fédérale qui, par radiation de son nom de la partie I ou II de l'annexe I de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ou par sa séparation d'un secteur mentionné à l'une ou l'autre de ces parties, devient régi par la présente partie en tant que personne morale ou qu'entreprise ou est intégré à une personne morale ou à une entreprise régie par la présente partie_:

a) continue d'avoir effet, sous réserve des paragraphes (3) à (7), jusqu'à la date d'expiration qui y est fixée;

b) reste totalement assujettie, quant à son interprétation et à son application, à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

(2) Un syndicat peut demander au Conseil son accréditation à titre d'agent négociateur des employés régis par la convention collective ou la décision arbitrale mentionnée au paragraphe (1); il ne peut toutefois le faire qu'au cours de la période pendant laquelle il est permis, aux termes de l'article 24, de solliciter l'accréditation.

(3) Dans les cas de transfert visés au paragraphe (1) où les employés sont régis par une convention collective ou une décision arbitrale, la personne morale ou l'entreprise qui devient l'employeur, ou tout agent négociateur touché par ce changement, peut, au moins cent vingt jours et au plus cent cinquante jours après celui-ci, demander au Conseil de statuer par ordonnance sur les questions mentionnées au paragraphe (4).

(4) Saisi de la demande visée au paragraphe (3), le Conseil doit rendre une ordonnance par laquelle il décide_:

a) si les employés de la personne morale ou de l'entreprise qui sont liés par la convention collective ou la décision arbitrale constituent une ou plusieurs unités habiles à négocier collectivement;

b) quel syndicat sera l'agent négociateur des employés de chacune de ces unités;

c) si chaque convention collective ou décision arbitrale qui s'applique à ces employés_:

     (i) restera en vigueur,

    

     (ii) si oui, le restera jusqu'à la date d'expiration qui y est stipulée ou jusqu'à la date antérieure qu'il fixe.



47.1 Si, avant la radiation ou la séparation visées au paragraphe 47(1), un avis de négociation collective avait été donné à l'égard d'une convention collective ou d'une sentence arbitrale liant les employés d'une personne morale ou d'une entreprise qui, immédiatement avant la radiation ou la séparation, faisait partie de l'administration publique fédérale_:

a) les conditions d'emploi figurant dans la convention collective ou la décision arbitrale maintenues en vigueur par l'effet de l'article 52 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique continuent de lier -- ou lient de nouveau si l'article 52 avait cessé d'avoir effet -- la personne morale ou l'entreprise, l'agent négociateur et les employés, sauf entente à l'effet contraire entre l'employeur et l'agent négociateur, tant que les conditions des alinéas 89(1)a) à d) n'ont pas été remplies;

b) les conditions d'emploi visées à l'alinéa a) restent totalement assujetties, quant à leur interprétation et à leur application, à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique;

c) sur demande de la personne morale ou de l'entreprise qui devient l'employeur, ou de l'agent négociateur touché par le changement, présentée au moins cent vingt jours et au plus cent cinquante jours après celui-ci, le Conseil décide par ordonnance_:

     (i) si les employés de la personne morale ou de l'entreprise qui sont représentés par l'agent négociateur constituent une ou plusieurs unités habiles à négocier collectivement,

     (ii) quel syndicat sera l'agent négociateur des employés de chacune de ces unités;

d) dans les cas où le Conseil rend une ordonnance dans le cadre de l'alinéa c), la personne morale ou l'entreprise qui devient l'employeur ou l'agent négociateur peut transmettre à l'autre partie un avis de négociation collective en vue de la conclusion d'une convention collective;

e) la présente partie, à l'exception de l'article 80, s'applique à l'avis prévu à l'alinéa d).

     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU DOSSIER :                  A-74-00
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Alliance de la fonction publique du Canada c. Bombardier Inc. et al.
LIEU DE L'AUDIENCE :              Regina (Saskatchewan)
DATE DE L'AUDIENCE :              16 novembre 2000

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE LINDEN

AUXQUELS ONT SOUSCRIT LE JUGE McDONALD

ET LE JUGE MALONE

EN DATE DU :                  20 novembre 2000

ONT COMPARU :

Andrew Raven                  POUR LA DEMANDERESSE
Dennis Ball                      POUR LA DÉFENDERESSE BOMBARDIER
Susan Barber                      POUR LA DÉFENDERESSE FRONTEC
Diane Magus                      POUR LE CONSEIL

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raven, Allen, Cameron & Ballantyne      POUR LA DEMANDERESSE
MacPherson Leslie & Tyerman          POUR LA DÉFENDERESSE BOMBARDIER

Regina (Saskatchewan)

McDougall, Ready                  POUR LA DÉFENDERESSE FRONTEC

Regina (Saskatchewan)

Conseil canadien des relations industrielles

Ottawa (Ontario)                  POUR LE CONSEIL
__________________

     L.R.C. (1985), ch. L-2, modifiée [le Code ].

1 La Cour a rejeté une demande d'annulation d'une décision du Conseil concernant une séparation visée à l'article 47 dans l'affaire Alliance de la fonction publique du Canada c. la Ville de Saskatoon (1998), 229 N.R. 207 (C.A.F.); toutefois, la Cour n'a pas fait l'analyse de cet article.

2 G.W. Adams, Canadian Labour Law , 2e éd. (Aurora: Canada Law Book, 2000) au paragraphe 8.10.

3 [1990] 3 R.C.S. 644 aux p. 673 et 674.

4 Alinéas 44(1)a) et c).

5 Voir par exemple G.J. Clarke, Clarke's Canada Industrial Relations Board (Aurora : Canada Law Book, 2000), à I 11-10.

6 Au paragraphe 44(1), « vendre » s'entend notamment du « transfert » , de la « location » ou de « toute autre forme de disposition » . Voir aussi Terminus Maritime Inc. (1983), 50 di 178, 83 C.L.L.C. 16,029 (CCRT décision n º 402).

7 (1981), 2 C.L.R.B.R. (N.S.) 40 (Can.) aux p. 59 et 60.

8 (1989), 77 di 181, 4 C.L.R.B.R. (2d) 161 (CCRT décision n º 742) aux p. 174 et 175.

9 G.J. Clarke, supra, note 6, I 11-25, Développement des ressources humaines Canada, Les faits saillants de l'évolution de la législation du travail, 1995-1996 aux p. 13 et 14.

10 L.R.C. (1985), ch. P-35, modifiée [ci-après LRTFP ].

11 Groupe de travail Sims, Vers l'équilibre : Examen de la partie I du Code canadien du travail (février 1996).

12 Voir l'article 3 du Code .

13 G.J. Clarke, supra, note 6, I 11-27.

14 Le [TRADUCTION] « Contrat de soutien sur place » portait sur les services de soutien de la période de transition (du 1er juin 1998 au 31 mai 2000) au cours de laquelle la formation sur les avions Tutor serait progressivement remplacée par le programme de formation NFTC. Le contrat du NFTC visait le programme NFTC une fois mis en place et comportait un certain nombre d'accords touchant les droits et les obligations des parties dans les divers aspects du programme.

15 Décision du Conseil datée du 14 janvier 2000, paragraphe 102.

16 Décision du Conseil datée du 14 janvier 2000, paragraphe 103.

17 Ibid ., paragraphe 106.

18 (1986) di 120, 87 C.L.L.C. 16,008 (CCRT, décision n º 593).

19 Souligné dans l'original.

20 L.R.C. (1985), ch. F-7, modifiée.

21 Voir par exemple Canada Safeway Ltd. c. Syndicat des détaillants, grossistes et magasins à rayons, section locale 454 (1998), 226 N.R. 319 (C.S.C.) à la p. 330, Dynamex Canada Inc. c. Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, [1999] 3 C.F. 349 (C.A.) aux pages 359 et s.

22 [2000] A.C.F. n º 1155.

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