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Date : 20030930

Dossier : A-522-02

Référence : 2003 CAF 358

CORAM :       LE JUGE EN CHEF RICHARD

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NOËL

ENTRE :

                                                    ILLINOIS TOOL WORKS INC.,

                              ITW CANADA et ITW CANADA HOLDINGS COMPANY

                                                                                                                        appelantes/demanderesses

                                                                                   et

                         COBRA FIXATIONS CIE LTÉE/COBRA ANCHORS CO. LTD.

                                                                                                                                  intimée/défenderesse

                             Audience tenue à Montréal (Québec), les 29 et 30 septembre 2003

                        Jugement rendu à l'audience à Montréal (Québec), le 30 septembre 2003

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LE JUGE LÉTOURNEAU


Date : 20030930

Dossier : A-522-02

Référence : 2003 CAF 358

CORAM :       LE JUGE EN CHEF RICHARD

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NOËL

ENTRE :

                                                    ILLINOIS TOOL WORKS INC.,

                              ITW CANADA et ITW CANADA HOLDINGS COMPANY

                                                                                                                        appelantes/demanderesses

                                                                                   et

                         COBRA FIXATIONS CIE LTÉE/COBRA ANCHORS CO. LTD.

                                                                                                                                  intimée/défenderesse

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

                      (Prononcés à l'audience à Montréal (Québec), le 30 septembre 2003)

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]                 Nous souscrivons pour l'essentiel aux conclusions du juge de première instance dans la présente affaire, répertoriée sous l'intitulé Illinois Tool Works Inc. et al. c. Cobra Anchors Co. (2002), 221 F.T.R. 161.


[2]                 Le juge de première instance a conclu que les produits de l'intimée, à savoir des dispositifs d'ancrage portant les marques de commerce WallDriller et Picture Hook, ne contrefaisaient pas le brevet des appelantes. Il a estimé qu'il manquait à ces produits deux des caractéristiques qui, selon lui, constituaient des éléments essentiels de l'invention revendiquée par les appelantes, soit « une extrémité de perçage comportant un moyen de laisser passer une attache allongée à travers ladite extrémité de perçage et au-delà de celle-ci » et un moyen « d'amener ladite extrémité de perçage à s'écarter lors du déplacement vers l'avant de ladite attache à travers ledit corps » . Cette conclusion s'appuyait sur une preuve convaincante.

[3]                 Les appelantes ont soutenu avec insistance que le Walldriller de l'intimée (le dispositif d'ancrage Picture Hook fonctionne sans attache) permet d'obtenir les mêmes résultats que leur dispositif breveté. Quant à cette allégation, nous convenons avec le juge de première instance qu'un tel résultat ne peut se produire à moins de modifier le produit de l'intimée et d'en faire un usage abusif.

[4]                 Nous sommes d'avis que l'appel incident de l'intimée contestant la validité du brevet en litige ne peut être accueilli.

[5]                 Le juge de première instance n'a commis aucune erreur susceptible de révision en déclarant que les antériorités citées pendant l'instruction n'établissaient pas que l'invention est évidente ou qu'elle ne suppose pas une activité inventive.


[6]                 Le juge de première instance a eu raison de rejeter l'allégation suivant laquelle le brevet serait invalide en raison de revendications excessives. Plus particulièrement, la preuve présentée à l'instruction lui a permis de conclure qu'une personne versée dans l'art aurait compris que la séparation du perçage et du taraudage ne constituait pas un élément essentiel de l'invention.

[7]                 Toutefois, l'appel incident de l'intimée devrait être accueilli relativement à l'attribution des dépens en première instance. Nous sommes en effet d'avis que le juge de première instance n'a pas correctement exercé son pouvoir discrétionnaire en cette matière.

[8]                 Le juge de première instance a conclu que les parties ont connu un succès partagé et, sur cette base, il a refusé d'accorder des dépens à l'intimée. Il s'est exprimé comme suit au paragraphe 130 de sa décision :

L'allégation de contrefaçon est rejetée; la demande reconventionnelle alléguant l'invalidité est également rejetée. Les demanderesses ont droit à un jugement déclaratoire portant que leur brevet est valide et non périmé à l'égard de la défenderesse. La défenderesse, demanderesse reconventionnelle, a droit à un jugement déclaratoire portant que ses produits WallDriller et Picture Hook ne contrefont pas le brevet ITW. Comme chacune des parties a réussi à obtenir partiellement ce qu'elle demandait, il s'agit effectivement d'un cas où le succès est partagé. Pour ce motif, j'ordonne que chacune des parties assume ses propres dépens.

La conclusion du juge se fonde selon nous sur une appréciation erronée des faits et, par suite, des principes juridiques applicables en l'espèce.


[9]                 Il n'est pas contesté qu'un juge de première instance a le pouvoir discrétionnaire d'adjuger ou non des dépens. Toutefois, leur attribution doit obéir à des principes : Harris c. Canada, [2002] 2 C.F. 484, à la page 560. De fait, les règles 400 et suivantes énumèrent les principes et les facteurs que le juge doit prendre en compte dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[10]            Voici la chaîne d'événements qui ressort des faits de la cause. L'intimée a été poursuivie pour contrefaçon du brevet des demanderesses appelantes. La défense de l'intimée, comme c'est souvent le cas en semblables matières, comportait deux volets : d'abord, l'intimée a prétendu que ses produits ne contrefaisaient pas le brevet des appelantes et ensuite que leur brevet était, de toute manière, invalide. Il n'était pas nécessaire que la défense de l'intimée soit intégralement acceptée pour que l'action soit rejetée, il suffisait qu'un des deux moyens soit retenu, ce qui fut d'ailleurs le cas puisque, comme il l'a été précédemment mentionné, le juge de première instance a conclu que les produits de l'intimée ne contrefaisaient pas le brevet des appelantes. Par conséquent, l'action des appelantes a été rejetée.


[11]            Compte tenu des circonstances de l'espèce, nous ne pouvons comprendre comment et pourquoi le rejet de l'action des appelantes pourrait entraîner ou constituer un succès partagé. En toute déférence, le juge de première instance n'a pas correctement pris en compte le résultat de l'instance comme l'exige la règle 400(3)a). La Cour a formulé une conclusion similaire dans l'affaire Gorse c. Upwardor Corp (1992), 40 C.P.R. (3d) 479 (C.A.F.), où, relativement aux dépens, les faits et la question juridique en cause étaient analogues sinon identiques à ceux de la présente instance. Les extraits suivants, qui figurent aux pages 483-484 de cette décision, sont applicables en l'espèce :

Il va s'en dire que le pouvoir discrétionnaire doit être exercé de manière judiciaire. Le juge de première instance a énoncé des motifs de sa décision relativement aux débats de la manière suivante :

En conséquence, la Cour considère le présent litige comme futile. L'action des demandeurs et la demande reconventionnelle de la [défenderesse] sont toutes deux rejetées. Il est vrai - probablement - que la défenderesse n'aurait pas été amenée à présenter sa demande reconventionnelle si les demandeurs n'avaient pas au départ intenté leur action. Une bonne partie du litige découle de la demande reconventionnelle présentée par la défenderesse, puisqu'il aurait été possible à celle-ci d'avoir gain de cause en présentant un moyen de défense relativement simple à la plainte de contrefaçon des demandeurs. Dans ces circonstances, le fait de ne pas accorder de dépens à l'une ou l'autre des parties ne constitue pas un résultat inéquitable.

Il me semble qu'il est beaucoup plus facile pour un juge [à] la fin d'une instance après qu'il soit arrivé à sa décision, de décider des plaidoiries et des arguments les plus simples qu'une partie aurait pu présenter pour avoir gain de cause que pour l'avocat, qui est tenu de représenter cette partie au meilleur de ses capacités professionnelles, d'arriver d'avance à ces conclusions. Une contestation de la validité d'un brevet dont on a conclu de manière expresse qu'il « n'est pas fort » (p. 172), peut difficilement être qualifié[e] de frivole ou d'inutile relativement à la défense contre une action faisant valoir qu'il y a eu contrefaçon. Il existe de nombreuses raisons relativement à l'exercice judiciaire du pouvoir discrétionnaire de refuser les dépens à une partie qui a gain de cause mais, avec égards, le juge de première instance n'a démontré aucune de ces raisons et autrement aucune ne ressort en l'espèce. La simple prolongation d'une instance, sans plus, sur le fondement d'une défense qui n'a finalement pas gain de cause ne constitue pas une de ces raisons.

En conclusion, l'intimée, ayant obtenu gain de cause, avait droit aux dépens et le refus de les lui accorder n'était pas justifié dans les circonstances.


[12]            Pour ces motifs, l'appel sera rejeté avec dépens et l'appel incident de l'intimée sera accueilli partiellement en ce que la décision du juge de première instance quant aux dépens sera infirmée. L'appel incident sera rejeté avec dépens quant à toutes les autres questions qu'il soulève. Suivant la décision qui aurait dû être rendue par le juge de première instance, l'action des demanderesses sera rejetée, avec dépens.

                                                                                                                                  « _ Gilles Létourneau_ »         

                                                                                                                                                                 Juge                       

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION D'APPEL

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           A-522-02

(APPEL D'UNE ORDONNANCE DE LA COUR FÉDÉRALE DATÉE DU 29 JUILLET 2002, NO T-2313-96)

INTITULÉ :                                        ILLINOIS TOOL WORKS INC.

ITW CANADA et ITW CANADA HOLDINGS COMPANY c. COBRA FIXATIONS CIE LTÉE/

COBRA ANCHORS CO. LTD.

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :              LES 29 ET 30 SEPTEMBRE 2003

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR PAR :                         LES JUGES RICHARD, LÉTOURNEAU ET NOËL

PRONONCÉS À

L'AUDIENCE :                                   LE 30 SEPTEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

M. Robert H.C. MacFarlane

M. Andrew I. McIntosh

Mme. Brigitte Chan

POUR LES APPELANTES/

DEMANDERESSES

M. George Locke

M. Malcolm E. McLeod

M. Daniel Drapeau

Mme Madeleine Lamothe-Samson

POUR L'INTIMÉE/

DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bereskin & Parr

Toronto (Ontario)

POUR LES APPELANTES/

DEMANDERESSES

Ogilvy, Renault

Montréal (Québec)

POUR L'INTIMÉE/

DÉFENDERESSE


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION D'APPEL

Date : 20030930

Dossier : A-522-02

ENTRE :

ILLINOIS TOOL WORKS INC., ITW CANADA

et ITW CANADA HOLDINGS COMPANY

                                                        appelantes/demanderesses

et

COBRA FIXATIONS CIE LTÉE/COBRA ANCHORS CO. LTD.

                                                                 intimée/défenderesse

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MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

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