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Date : 19990831


Dossier : A-616-97

CORAM :      LE JUGE EN CHEF

         LE JUGE DÉCARY

         LE JUGE ROTHSTEIN

ENTRE :

     PERCY RICHARD WARD et BERT WARD,

     intimés (demandeurs),

     et


LA NATION CRIE DE SAMSON No 444 et LE CHEF ET

LE CONSEIL DE BANDE DE LA NATION CRIE DE SAMSON No 444,


appelants (défendeurs),


et


SA MAJESTÉ LA REINE, REPRÉSENTÉE PAR

LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET INUIT,


(défenderesse).



JUGEMENT


     L'appel est rejeté avec dépens.


Julius A. Isaac

Juge en chef


Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier





Date : 19990831


Dossier : A-616-97

CORAM :      LE JUGE EN CHEF

         LE JUGE DÉCARY

         LE JUGE ROTHSTEIN

ENTRE :

     PERCY RICHARD WARD et BERT WARD,

     intimés (demandeurs),

     et


LA NATION CRIE DE SAMSON No 444 et LE CHEF ET

LE CONSEIL DE BANDE DE LA NATION CRIE DE SAMSON No 444,


appelants (défendeurs),


et


SA MAJESTÉ LA REINE, REPRÉSENTÉE PAR

LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET INUIT,


(défenderesse).






Audience tenue à Edmonton (Alberta), le mercredi 2 juin 1999

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le mardi 31 août 1999



MOTIFS DU JUGEMENT PAR :      LE JUGE EN CHEF

MOTIFS CONCORDANTS QUANT AU RÉSULTAT :      LE JUGE DÉCARY

     LE JUGE ROTHSTEIN





Date : 19990831


Dossier : A-616-97

CORAM :      LE JUGE EN CHEF

         LE JUGE DÉCARY

         LE JUGE ROTHSTEIN

ENTRE :

     PERCY RICHARD WARD et BERT WARD,

     intimés (demandeurs),

     et


LA NATION CRIE DE SAMSON No 444 et LE CHEF ET

LE CONSEIL DE BANDE DE LA NATION CRIE DE SAMSON No 444,


appelants (défendeurs),


et


SA MAJESTÉ LA REINE, REPRÉSENTÉE PAR

LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET INUIT,


(défenderesse).



MOTIFS DE JUGEMENT

LE JUGE EN CHEF

[1]      Les appelants interjettent appel d'une ordonnance interlocutoire du juge des requêtes de la Section de première instance, rendue le 9 septembre 1997. Cette ordonnance accueillait la requête des intimés de déposer une déclaration amendée, dans une action qu'ils avaient intentée contre les appelants et le ministre des Affaires indiennes et inuit.

[2]      La requête était présentée en vertu de la règle 420 des Règles de la Cour1 en vigueur le 13 novembre 1996 (les anciennes Règles de la Cour fédérale), soit à la date du dépôt de la requête. Elle était accompagnée d'un affidavit de Bert Ward, un des intimés (demandeurs). Au paragraphe 5 de son affidavit, M. Ward déclare :

         [traduction]

         5. Sur la base des commentaires que m'ont faits mes avocats, je suis d'avis que la déclaration amendée n'a pas pour effet d'ajouter une ou plusieurs nouvelles causes d'action, mais qu'elle ne fait qu'exposer des détails additionnels à l'appui de la présente demande. De plus, même si les amendements à la déclaration ajoutent une ou plusieurs causes d'action, les faits qui les justifient ont toujours été connus de tous les défendeurs2.

[3]      Compte tenu du point de vue exprimé par l'avocat des intimés dans ses plaidoiries, je vais reproduire les amendements proposés à la déclaration :

         12. En outre, ou subsidiairement, les demandeurs Percy et Bert Ward ont demandé, respectivement les 29 juillet 1985 et le 23 juin 1986, à être inscrits comme Indiens, aux termes des paragraphes 6 (1) et (2) de la Loi sur les Indiens.
         13. La défenderesse, Sa Majesté la Reine représentée par le ministre des Affaires indiennes et inuit, a avisé les demandeurs Percy et Bert Ward, respectivement le 29 avril 1986 et le 25 août 1987, que leurs demandes avaient été approuvées et qu'ils étaient inscrits au registre des Indiens. En outre, elle les a avisés qu'ils étaient inscrits comme membres de la Nation Crie de Samson no 444, aux termes de l'alinéa 11(2)b) de la Loi sur les Indiens.
         14. Le ou vers le 23 juin 1987, les défendeurs, la Nation crie de Samson no 444, son chef, et son conseil, ont effectivement avisé la défenderesse, Sa Majesté la Reine représentée par le ministre des Affaires indiennes et inuit, que, aux termes du paragraphe 10(6) de la Loi sur les Indiens, la Nation crie de Samson no 444 voulait désormais décider de l'appartenance à ses effectifs. La défenderesse, Sa Majesté la Reine représentée par le ministre des Affaires indiennes et inuit, n'a toujours pas avisé, tel que l'exige le paragraphe 10(7) de la Loi sur les Indiens, les défendeurs, la Nation crie de Samson no 444, son chef, et son conseil, que la bande décidait désormais de l'appartenance à ses effectifs.
         15. Les défendeurs, la Nation crie de Samson no 444, son chef, et son conseil, n'ont pas contesté, aux termes de la Loi sur les Indiens, l'inscription des demandeurs sur la liste de bande de la Nation crie de Samson.
         16. Malgré leur inscription et bonne et due forme sur la liste de bande de la Nation crie de Samson no 444, la Nation, son chef, et son conseil refusent toujours de reconnaître que les demandeurs appartiennent à la Nation crie de Samson no 444, et ce depuis au moins le 28 juillet 1987.
         18. . . .
         LES DEMANDEURS DEMANDENT DONC :
         . . .
         c)      Subsidiairement, un jugement déclarant que les demandeurs appartiennent à la Nation crie de Samson no 444, et ce depuis le 28 juillet 19873.
         . . .

[4]      Devant le juge des requêtes, les appelants ont soutenu que les amendements projetés ne devaient pas être admis, vu leur inopportunité, pour trois raisons. Premièrement, ils affirment que les amendements projetés visent à obtenir le contrôle judiciaire de la décision du Conseil de bande crie de Samson, et qu'un tel redressement ainsi que le jugement déclaratoire demandé ne peuvent être obtenus lors d'une demande d'amendement d'une déclaration. Deuxièmement, ils soutiennent que les amendements demandés sont inopportuns parce qu'ils contreviennent à la règle 427 des anciennes Règles de la Cour fédérale, en ajoutant une nouvelle cause d'action qui ne naît pas de faits qui sont les mêmes ou à peu près les mêmes que ceux sur lesquels se fonde la cause d'action initiale, qui était de toute façon prescrite. Enfin, ils soutiennent que les amendements demandés n'ont pas été présentés en temps utile et qu'ils leur causeraient donc préjudice.

[5]      S'appuyant sur la décision de cette Cour dans Francoeur c. Canada4, le juge des requêtes a accueilli la demande des intimés et autorisé le dépôt des amendements5.

[6]      En faisant droit à la requête, le juge des requêtes n'a pas traité de la première objection soulevée par l'appelant. Il a examiné l'affaire sur la base des deuxième et troisième objections.

Questions en litige :

[7]      Les appelants contestent l'ordonnance interlocutoire du juge des requêtes pour deux motifs. Premièrement, il déclare que le juge des requêtes a commis une erreur de droit en autorisant les amendements, puisqu'ils sont plutôt de nature d'un contrôle judiciaire que d'une cause d'action, et qu'ils sont hors délai, contrairement à la compétence de la Cour fédérale prévue dans la Loi sur la Cour fédérale6 et dans la Loi constitutionnelle de 18677. Deuxièmement, ils déclarent subsidiairement que le juge des requêtes a commis une erreur de droit en acceptant les amendements, puisqu'ils ajoutent une nouvelle cause d'action. Ils déclarent aussi que les intimés ont entendu neuf ans après la naissance de la nouvelle cause d'action avant d'intenter leur action, et donc que l'action est prescrite.

[8]      Quant à la première question en litige, les demandeurs soutiennent, au paragraphe 10 de leur mémoire des faits et du droit, que [traduction] " les amendements à la déclaration qui se trouvent aux paragraphes 12 à 16 et la demande de réparation du paragraphe c) sollicitent une réparation sous forme de déclaration annulant la décision (certiorari ) des chef et Conseil de la Nation crie de Samson en date du 24 juillet 1987, refusant aux demandeurs le statut de membres de la Nation crie de Samson, en plus de demander une déclaration que les demandeurs sont membres de la Nation crie de Samson (mandamus) ".

[9]      Au paragraphe 11 de leur mémoire, les demandeurs déclarent que [traduction] " cette déclaration est assimilable à un bref de certiorari et/ou de mandamus, visant l'annulation de la décision du Conseil de bande de la Nation crie de Samson, ou, subsidiairement, visant à obliger le Conseil de bande de la Nation crie de Samson à ajouter les demandeurs à la liste des membres de la Nation crie de Samson ".

[10]      Ces prétentions s'appuient d'abord sur l'alinéa 18(1)a) de la Loi sur la Cour fédérale, qui donne à la Section de première instance compétence exclusive, en première instance, pour décerner une injonction, ainsi que les brefs de certiorari, de mandamus, de prohibition ou de quo warranto, ou pour rendre un jugement déclaratoire contre tout office fédéral; deuxièmement, sur le paragraphe (3), qui prévoit que ces recours ne peuvent être exercés que par présentation d'une demande de contrôle judiciaire; et, troisièmement, sur le fait que le Conseil de la bande crie de Samson est un " office fédéral " lorsqu'il prend des décisions au sujet du statut de membre.

[11]      Pour appuyer ces arguments, l'avocate des appelants s'appuie fortement sur les motifs de jugement de cette Cour (les juges Stone, Robertson et McDonald) dans La bande indienne d'Ermineskin no 942 et le Conseil de la bande indienne d'Ermineskin c. Hodgsen et autres8. Je traiterai de ces motifs plus tard.

[12]      De leur côté, les intimés contestent l'appel pour plusieurs motifs. Premièrement, ils déclarent que l'appel est sans fondement et qu'il n'a qu'un seul objectif, celui de retarder les procédures. Je constate que cette action a été introduite en 1992 et qu'après sept ans, elle ne semble pas avoir progressé plus loin que la production d'une défense, suivie d'une requête pour amender la déclaration. Deuxièmement, ils soutiennent que l'ordonnance dont il est fait appel est discrétionnaire et qu'elle ne devrait pas être annulée à défaut d'une erreur patente de droit ou de principe. Ils ajoutent, en troisième lieu, que les appelants n'ont pas démontré l'existence d'une telle erreur. Quatrièmement, ils déclarent que les faits allégués aux paragraphes 12 à 16 de la déclaration amendée ne présentent pas une nouvelle cause d'action, mais plutôt qu'ils ajoutent des faits portant sur la prétention des intimés qu'ils sont membres de la Nation crie de Samson no 444.

Analyse

[13]      Avant d'analyser les questions en litige, il est utile d'exposer brièvement l'histoire de la procédure dans ce litige. À mon avis, ceci éclairera l'analyse.

[14]      Le 28 mai 1992, les intimés, qui déclarent être des Indiens inscrits résidant dans la province de l'Alberta, ont introduit une action devant la Section de première instance. Dans cette action, ils allèguent entre autres qu'ils sont devenus membres de la Nation crie de Samson no 444 (appelante) par suite d'une résolution du Conseil de bande en date du 16 novembre 1937; que c'est à tort que leurs noms ont été retranchés du registre; et que les appelants et leur co-défendeur, le ministre des Affaires indiennes et inuit (le ministre), ont violé leur obligation fiduciaire envers les appelants, par commission ou par omission, au sujet de l'ajout ou du retranchement du nom des appelants du registre de la bande, privant ainsi les appelants des avantages financiers auxquels ils auraient droit en tant que membres de la Nation crie de Samson no 444. En conséquence, les demandeurs recherchent une déclaration qu'ils ont droit au statut de membres de la Nation crie de Samson no 444 depuis leur naissance, ainsi que des déclarations qu'ils ont droit aux avantages, à une reddition de comptes et à des dommages généraux.

[15]      Le 2 juillet 1992, les appelants ont produit leur défense, rejetant les allégations contenues dans la déclaration et niant que cette Cour ait compétence pour accorder la réparation demandée.

[16]      Le ministre, co-défendeur, a déposé sa défense le 7 mars 1995.

[17]      Au paragraphe 2 de sa défense, le ministre admet que les intimés ont le statut d'Indiens inscrits. Il déclare que ce statut leur a été conféré en 1986 et 1987 par les dispositions du projet de loi C-31. Il déclare aussi que le projet de loi C-31 a été incorporé dans la Loi modifiant la Loi sur les Indiens , L.R.C. (1985), ch. 32 (1er suppl.). Finalement, il s'appuie spécifiquement sur la Loi sur les Indiens actuelle, L.R.C. (1985), ch. I-5.

[18]      Les paragraphes 6 à 8 de la défense sont particulièrement éclairant et je vais donc les reproduire en entier :

         [traduction]

         6.      Au sujet du paragraphe 6 de la déclaration, il admet que James Ward est devenu membre de la bande de Samson en 1937 en vertu des dispositions de la Loi sur les Indiens. Sa femme et ses enfants célibataires ont donc été automatiquement ajoutés à liste des membres de la bande de Samson. Il rejette les autres allégations contenues dans ce paragraphe.
         7.      Au sujet du paragraphe 7 de la déclaration, il admet que le 7 janvier 1944, le ministre des Mines et des Ressources a rendu une décision portant que James Ward, sa femme et ses enfants, y compris les demandeurs, n'étaient pas des Indiens et qu'ils n'avaient donc pas droit à une part des biens et des annuités d'une bande indienne. Il nie toutefois que cette décision était erronée et déclare qu'elle a été prise conformément à la législation en vigueur à ce moment-là. Il ajoute que la décision du ministre des Mines et des Ressources a été prise valablement, de bonne foi, et qu'elle détermine l'issue de l'affaire.
         8.      Quant aux paragraphes 8 et 9 de la déclaration, il admet qu'en 1944 et 1945, le chef et le Conseil de la bande de Samson se sont opposés à la décision du ministre des Mines et des Ressources. Il déclare que le 9 novembre 1944, le ministre des Mines et des Ressources a délivré une ordonnance en vertu de l'article 34 de la Loi sur les Indiens, L.R.C. (1927), ch. 98, autorisant James et Mary Ward a résider leur vie durant sur la réserve indienne de Samson et autorisant leurs cinq enfants, y compris les demandeurs, à résider sur cette réserve jusqu'à l'âge de 21 ans. Un bail portant sur 160 acres a été accordé à James Ward en 1945, pour la somme de 1,00 $ par an et " au bon plaisir du ministre ". Il nie toutes les allégations additionnelles contenues aux paragraphes 8 et 9 de la déclaration9.

[19]      De même, je vais reproduire les paragraphes 11 à 17 de la défense du ministre :

         [traduction]

         11.      Il nie clairement les allégations contenues au paragraphe 12 de la déclaration. Il ajoute que les demandeurs ont été inscrits sur la liste de la bande de Samson en 1987, en conformité des dispositions de la Loi sur les indiens en vigueur.
         12.      En réponse à la déclaration dans son ensemble, il déclare que les demandeurs n'ont aucune cause d'action contre le ministre dans les circonstances de la présente affaire. Il s'appuie plus particulièrement sur l'article 22 de la Loi modifiant la Loi sur les Indiens, précitée.
         13.      Il ajoute de plus que, depuis le 4 avril 1988, la bande de Samson n'a pas autorisé Sa Majesté à faire de distribution du capital de la bande à ses membres.
         14.      Il ajoute que la bande de Samson a été autorisée, conformément à la Loi sur les Indiens, à contrôler et gérer ses revenus depuis 1973 à tout le moins.
         15.      Il déclare que toute distribution de capital faite après le 4 avril 1988 l'a été par la bande de Samson à même ses revenus, Sa Majesté n'étant ni impliquée ni responsable de telles distributions.
         16.      Il nie clairement que les demandeurs auraient droit au redressement demandé ou à tout autre. Subsidiairement, il nie que les demandeurs aient subi les pertes ou dommages qu'ils réclament, ou toute autre perte ou dommage, et demande que ces derniers en fassent la preuve. De plus, et toujours subsidiairement, il déclare que les dommages réclamés par le défendeur sont excessifs et n'ont aucun lien avec les circonstances de l'affaire.
         17.      Il déclare de plus que si des sommes sont dues aux demandeurs, ou à l'un d'entre eux, ce qu'il n'admet pas, au contraire, elles doivent être payées par la bande de Samson à même ses fonds et non à même les fonds de la Couronne10.

[20]      Au paragraphe 18, le ministre soutient que l'action des intimés est prescrite, dans la mesure où elle se rapporte à des questions qui sont antérieures au 28 juillet 1986. Au paragraphe 19, il s'appuie sur la défense en équité de fin de non recevoir pour retard indu.

[21]      Je note ici que le ministre n'a pas présenté de mémoire dans cet appel. Il était représenté à l'audience de l'appel par un avocat, mais ce dernier n'a présenté aucune plaidoirie.

[22]      Voici où en était l'instance au 26 novembre 1996, lorsque les intimés ont présenté leur requête pour amender leur déclaration.

[23]      L'affaire avançait à petit pas, rythme favorisé par les Règles de la Cour fédérale de l'époque. Ce n'est donc pas surprenant que le juge des requêtes ait fait la remarque suivante dans ses motifs :

         Comme je l'ai mentionné à l'audience, je suis disposé à tenir une conférence téléphonique après que les parties auront examiné les présents motifs, pour favoriser le règlement rapide de l'affaire . . . .

[24]      Le 26 novembre 1996, les intimés ont produit un avis de requête en vertu de l'ancienne règle 420 des Règles de la Cour fédérale, demandant l'autorisation d'amender leur déclaration. Le juge des requêtes a accueilli leur requête et c'est son ordonnance qui fait l'objet de l'appel.

[25]      Même si la requête n'a été présentée qu'en vertu de l'ancienne règle 420, le juge des requêtes a considéré que l'ancienne règle 427 était pertinente dans le contexte du litige.

[26]      Je reproduis ces règles, en partie, pour faciliter l'analyse :11

     420. (1) The Court may, on such terms, if any, as seem just, at any stage of an action, allow a party to amend his pleadings, and all such amendments shall be made as may be necessary for the purpose of determining the real question or questions in controversy between the parties.

     (2) No amendment shall be allowed under this Rule


     (a) except upon terms designated to protect all parties so far as discovery and preparation for trial are concerned; and

     427. An amendment may be allowed under Rule 424 notwithstanding that the effect of the amendment will be to add or substitute a new cause of action if the new cause of actions arises out of the same facts or substantially the same facts as a cause of action in respect of which relief has already been claimed in the action by the party applying for leave to make the amendment.

     Règle 420. (1) La Cour pourra, aux conditions qui semblent justes le cas échéant, à tout stade d'une action, permettre à une partie d'amender ses plaidoiries, et tous les amendements nécessaires seront faits aux fins de déterminer la ou les véritables questions en litige entre les parties.

     (2) Aucun amendement ne doit être permis en vertu de la présente règle

     a) sauf à des conditions destinées à protéger toutes les parties quant à la communication, l'interrogatoire préalable et la préparation de l'instruction; et

    

427. Un amendement peut être permis en vertu de la règle 424 même si l'amendement aura pour effet d'ajouter une nouvelle cause d'action ou de remplacer une ancienne cause d'action par une nouvelle, si la nouvelle cause d'action naît de faits qui sont les mêmes ou à peu près les mêmes que ceux sur lesquels se fonde une cause d'action qui a déjà fait l'objet, dans l'action, d'une demande de redressement présentée par la partie qui demande la permission de faire l'amendement.

[27]      Il importe que je traite d'abord des deuxième et troisième objections des appelants à l'ordonnance du juge des requêtes, et que j'en dispose. À mon avis, les faits présentés par les intimés aux paragraphes 12 et 16 de leur déclaration ne constituent pas une nouvelle cause d'action, mais sont plutôt des faits qui appuient leur réclamation de statut de membre de la Nation crie de Samson no 444. Dans la déclaration que les intimés ont produite le 28 mai 1992 (la déclaration originelle), ils soutenaient qu'ils étaient membres de la Nation crie de Samson no 444, qu'ils avaient été privés de leur statut de membre par le ministre, et que le Conseil de bande semblait avoir acquiescé à leur exclusion. En conséquence, ils alléguaient avoir été privés des avantages du statut de membre par commission ou omission du ministre et de la Nation crie de Samson no 444, en violation des obligations fiduciaires de ces derniers à leur égard. Ils déclaraient ensuite avoir droit à des dommages et à une reddition de comptes, en plus de solliciter certaines déclarations.

[28]      Aux paragraphes 12 à 16 de leur déclaration amendée, les intimés s'appuient sur les modifications à la Loi sur les Indiens, proclamées par le projet de loi C-31, qui fournissent une base légale à leur réclamation du statut de membre, ainsi que sur les circonstances entourant leur tentative de se faire accorder ce statut. Dans leur demande de réparation amendée, ils recherchent une déclaration portant que, subsidiairement, ils sont membres de la Nation crie de Samson no 444 depuis le 28 juillet 1987 et qu'ils le demeurent.

[29]      Il est bien connu que le projet de loi C-31 avait pour objectif de permettre la réintégration de certains Indiens qui avaient été privés de leur statut de membre dans des bandes indiennes, ainsi que des avantages qui en découlent.

[30]      On peut raisonnablement présumer que ces amendements à la déclaration et l'ajout de la demande de réparation à l'alinéa 18c) de la déclaration ont été le résultat de la défense produite par le ministre. Lorsque la déclaration originelle a été produite le 28 mai 1992, les intimés auraient pu s'appuyer sur les modifications à la Loi sur les Indiens à titre de réclamation subsidiaire, puisque ces modifications étaient en vigueur depuis un bon moment. Ils ne l'ont pas fait. Les faits additionnels ajoutés dans leur déclaration amendée ne servent qu'à renforcer leur réclamation du statut de membre de la Nation crie de Samson no 444, ainsi que leur prétention d'avoir été privés à tort de ce statut avec les pertes d'avantages qui s'ensuivent. À mon avis, les faits additionnels qu'on trouve dans la déclaration amendée n'ajoutent pas une nouvelle cause d'action. Je suis donc d'accord avec le juge des requêtes lorsqu'il déclare dans ses motifs :

La prétention des demandeurs, selon laquelle les défendeurs connaissent les faits que décrivent les amendements projetés, n'a pas été contestée par ces derniers. Enfin, les amendements ne modifient pas la nature de l'action des demandeurs, dans laquelle la Cour doit déterminer si ces derniers appartiennent à la Nation crie de Samson no 444, si les défendeurs ont violé l'obligation fiduciaire qu'ils ont envers eux, et s'ils ont droit à des dommages-intérêts. En conséquence, je n'estime pas que les amendements ajoutent une nouvelle cause d'action12.


[31]      Compte tenu de ma conclusion, il n'est pas nécessaire que je traite des questions de prescription ou de retard.

[32]      Plus tôt dans ses motifs, le juge des requêtes avait énoncé de façon correcte les principes établis par cette Cour pour déterminer si les amendements doivent être acceptés. Il a exercé son pouvoir discrétionnaire conformément à ces principes et il a accepté les amendements proposés. Dans les circonstances, je dois conclure que les appelants n'ont par réussi à démontrer une erreur de droit ou de principe qui justifierait qu'on intervienne au titre des deuxième ou troisième motifs de contestation.

[33]      Comme je l'ai mentionné plus tôt, le premier motif de contestation de l'ordonnance qui fait l'objet de l'appel allégué par les appelants est que les intimés cherchaient à obtenir par la voie d'une action une réparation qu'ils ne peuvent obtenir que par une demande de contrôle judiciaire. À l'appui de cette prétention, les appelants ont cité et se sont fortement appuyés sur la décision de cette Cour dans La bande indienne d'Ermineskin no 942, et autres , précitée.

[34]      Je ne peux accepter ce point de vue pour les motifs suivants. Premièrement, les prétentions des appelants énoncées aux paragraphes 10 à 17 de leur mémoire s'appuient sur la présomption que cette Cour n'aurait compétence pour octroyer un jugement déclaratoire qu'en vertu de l'alinéa 18(1)a) de la Loi sur la Cour fédérale. À partir du fait que les intimés ont demandé une déclaration à l'alinéa 18c) de leur déclaration modifiée, les appelants présument, à mon avis à tort, que les intimés ont demandé une " réparation sous forme de déclaration annulant la décision (certiorari) des chef et Conseil de la Nation crie de Samson en date du 28 juilllet 1987, refusant aux demandeurs le statut de membres de la Nation crie de Samson, en plus de demander une déclaration que les demandeurs sont membres de la Nation crie de Samson (mandamus) ".

[35]      Cette présomption est, bien sûr, erronée. Ce que les intimés demandent dans leur déclaration amendée, y compris à l'alinéa 18c), ce sont des déclarations de droit. Les actions demandant des déclarations de droit existent dans notre droit depuis bien longtemps avant que l'on invente le concept du contrôle judiciaire des décisions administratives. Prétendre, comme le font les appelants, qu'une partie qui demande une déclaration vise un contrôle judiciaire équivaut à limiter la compétence de cette Cour de façon non seulement inacceptable, mais erronée en droit.

[36]      La règle 64 des Règles de la Cour fédérale de 1998 fait clairement état de la compétence de cette Cour d'accorder une déclaration de droit simpliciter. Cette règle est rédigée ainsi :13

64. No proceeding is subject to challenge on the ground that only a declaratory order is sought, and the Court may make a binding declaration of right in a proceeding whether or not any consequential relief is or can be claimed.

Il ne peut être fait opposition à une instance au motif qu'elle ne vise que l'obtention d'un jugement déclaratoire, et la Cour peut faire des déclarations de droit qui lient les parties à l'instance, qu'une réparation soit ou puisse être demandée ou non en conséquence.

[37]      La règle 64 remplace l'ancienne règle 1723, qui précisait clairement le droit de la Cour d'accorder des déclarations dans une action. Cette règle était rédigée comme suit :14

1723. No action shall be open to objection on the ground that a merely declaratory judgment or order is sought thereby, and the Court may make binding declarations of right whether or not any consequential relief is or could be claimed. [emphasis added].

Il ne peut être fait opposition à une action pour le motif que cette action ne vise qu'à l'obtention d"un jugement ou d'une ordonnance purement déclaratoires; et la Cour pourra faire des déclarations de droit obligatoires, qu'un redressement soit ou puisse être demandé ou non en conséquence. [Les italiques ne figurent pas dans l'original.]

[38]      L'utilisation du terme " instance " dans la règle 64 des Règles de la Cour fédérale ne limite pas la réparation à une procédure de contrôle judiciaire. En vertu des Règles actuelles, le terme " instance " comprend des actions introduites par voie de déclaration15.

[39]      Comme je l'ai déclaré plus tôt, les appelants ont cherché à fonder leur point de vue sur la décision de cette Cour dans La bande d'Ermineskin no 942, et autres, précitée. À mon avis, cette affaire n'est d'aucun secours aux appelants ou à cette Cour pour divers motifs, mais surtout parce qu'on peut la distinguer au niveau des faits. Dans cette affaire, les appelants prétendaient que les amendements demandés à la déclaration visaient à ce " que l'on contrôle et infirme les décisions du Conseil de bande du 15 mai 1991 " :

     La règle 3 des règles portant sur l'appartenance à l'effectif de la bande précise quelles personnes font partie d'une des catégories prévues dans les règles et, de ce fait, ont le droit d'être inscrites sur la liste. C'est le Conseil de bande qui a compétence pour accepter ou rejeter une demande d'obtenir le statut de membre. La règle 12 donne à un candidat rejeté le droit d'en appeler aux électeurs de la bande [traduction] " en envoyant un avis écrit au Conseil de bande ... dans les 15 jours après avoir reçu la décision du Conseil de bande ".16


[40]      Cet appel a donc été décidé au vu du fait que la Cour considérait que les intimés recherchaient, comme le prétendaient les appelants, à faire infirmer la décision de refuser aux appelants le statut de membre dans la bande Ermineskin. Cette décision avait été prise par le Conseil de bande en vertu de nouvelles règles portant sur l'effectif de la bande, adoptées en vertu des pouvoirs octroyés au Conseil de bande par la modification de 1985 à la Loi sur les Indiens portant sur la confection des listes de bande.

[41]      En l'instance, la Nation crie de Samson no 444 n'avait pas aux époques en cause le contrôle de la liste de bande. Il n'est pas non plus allégué que, suite aux modifications apportées en 1985 à la Loi sur les Indiens, le Conseil appelant ait fait quelque règle que ce soit au sujet de l'appartenance à l'effectif de la Nation crie de Samson no 444.

[42]      On ne peut donc dire dans cet appel, comme on l'a fait dans Bande d'Ermineskin no 942, précité, que les intimés recherchent l'annulation d'une décision que les appelants qui constituent certainement un office fédéral, ont prise. Ce que les appelants demandent dans leur déclaration d'origine ou amendée, c'est qu'on reconnaisse leur statut de membre de la Nation crie de Samson no 444, en droit comme en fait, et qu'on leur accorde les avantages rattachés à ce statut, deux choses dont ils déclarent avoir été privés sans droit par les appelants et le ministre et dont ils continueraient à être privés.

[43]      Même si le juge des requêtes n'a pas traité de cette objection dans ses motifs, il n'a fait aucune erreur de droit ou de principe ce faisant. Par conséquent, les appelants n'ont pas démontré non plus une raison suffisante justifiant une intervention pour ce motif.

[44]      J'accueille l'appel avec dépens.

[45]      Comme ils l'ont demandé dans leur demande subsidiaire de réparation, les appelants devront produire et faire signifier leur défense amendée à leurs frais dans les 20 jours de la date du jugement dans cet appel. Si nécessaire, les appelants devront assurer à leurs frais la communication et les interrogatoires préalables, ainsi que l'examen de tout document relatif aux amendements dans les 60 jours de la date du jugement dans cet appel.

[46]      Toutes les parties à cette affaire devront coopérer pour assurer un règlement rapide des questions en litige, par la poursuite du procès ou autrement.



     (Julius A. Isaac)

     Juge en chef





Traduction certifiée conforme



Bernard Olivier






Date : 19990831


Dossier : A-616-97

CORAM :      LE JUGE EN CHEF

         LE JUGE DÉCARY

         LE JUGE ROTHSTEIN

ENTRE :

     PERCY RICHARD WARD et BERT WARD,

     intimés (demandeurs),

     et


LA NATION CRIE DE SAMSON No 444 et LE CHEF ET

LE CONSEIL DE BANDE DE LA NATION CRIE DE SAMSON No 444,


appelants (défendeurs),


et


SA MAJESTÉ LA REINE, REPRÉSENTÉE PAR

LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET INUIT,


(défenderesse).




MOTIFS DE JUGEMENT



LES JUGES DÉCARY et ROTHSTEIN


[1]      Nous sommes généralement d'accord avec les motifs de jugement du juge en chef, à l'exception des paragraphes 34 à 42.

[2]      Dans les circonstances de cette affaire, nous ne jugeons pas nécessaire de décider si un jugement déclaratoire peut être obtenu d'une autre façon que par une procédure de contrôle judiciaire. Nous sommes particulièrement réticents à l'idée que semble suggérer le juge en chef, savoir que les Règles de la Cour peuvent être invoquées pour contrer une exigence imposée, du moins prima facie, par le paragraphe 18(3) de la Loi sur la Cour fédérale (la Loi).

[3]      À notre avis, même si la réparation demandée est de nature déclaratoire et qu'on ne peut l'obtenir que par l'entremise d'une procédure de contrôle judiciaire, la Cour a compétence expresse, en vertu du paragraphe 18.4(2) de la Loi, pour ordonner qu'une demande de contrôle judiciaire soit instruite comme s'il s'agissait d'une action. Dans les affaires comme la présente instance, il serait futile d'insister qu'une des réparations recherchées le soit dans une procédure de contrôle judiciaire, alors que les autres le seraient dans une action menée en parallèle. À notre avis, il est clair que si le juge des requêtes avait été saisi de cette possibilité, il aurait ordonné que ce qu'on appelle ici une réparation de nature déclaratoire soit traitée comme une action. Puisque l'alinéa 52h)(i) donne compétence à la Cour d'appel pour substituer son jugement à celui de la Section de première instance, nous sommes disposés ici à permettre que la partie de la déclaration qui porte sur un jugement déclaratoire soit continuée comme une action.

[4]      Nous sommes d'avis de régler l'appel de la façon proposée par le juge en chef.



     Robert Décary

     Juge



     Marshall E. Rothstein

     Juge

Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier

COUR FÉDÉRALE DU CANADA


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :                          A-616-97

APPEL D'UNE ORDONNANCE DE LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE EN DATE DU 9 SEPTEMBRE 1997, DOSSIER DE PREMIÈRE INSTANCE : T-1244-92

INTITULÉ DE LA CAUSE :                  Percy Richard Ward et autres c.

                                 Nation crie de Samson et autres

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Edmonton (Alberta)


DATE DE L'AUDIENCE :                      Le 2 juin 1999


MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR DE M. LE      juge en chef

MOTIFS CONCORDANTS :                  juge Décary

                                 juge Rothstein

EN DATE DU :                          31 août 1999

ONT COMPARU :

Mme Priscilla Kennedy                      pour les appelants

M. Ronald E. Johnson                      pour les intimés

M. James Baird                          pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Parlee McLaws                          pour les appelants

Edmonton (Alberta)

Roddick Peck & Johnson                      pour les intimés

Edmonton (Alberta)

M. Morris Rosenberg              pour la défenderesse

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

__________________

1      C.R.C. 1978, ch. 663, tel que modifié.

2      Dossier d'appel, p. 19.

3      Ibid., aux pp. 23, 24 et 26 (souligné dans l'original).

4      [1992] 2 C.F. 333, aux pp. 337-338.

5      Dossier d'appel, p. 34.

6      L.R.C. (1985), ch. F-7, telle que mofidiée.

7      L.R.C. (1985), volume XII , appendice II, no 5.

8      Non publiée, no du greffe A-635-97, le 16 avril 1998.

9      Dossier d'appel, p. 11.

10      Ibid., p. 12.

11      Anciennes Règles de la Cour fédérale , précitées, note 1.

12      Dossier d'appel, p. 34.

13      DOSR/98-106.

14      Anciennes Règles des la Cour fédérale , précitées, note 1.

15      Voir la définition du terme " action " à l'article 2 et à la partie 4 des Règles de la Cour fédérale de 1998 , précitées, note 14. Voir aussi la définition du terme " réparation " au paragraphe 2(1) de la Loi sur la Cour fédérale.

16      Motifs du juge Stone, à la p. 5.

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