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                                                                                                                 A-785-95

 

 

CORAM :LE JUGE STRAYER

LE JUGE ROBERTSON

LE JUGE McDONALD

 

 

Entre :

 

 

                                                ROBERT E. KYTE,

 

                                                                                         appelant et contre-intimé

                                                                                                              (requérant),

 

 

                                                             - et -

 

 

                                          SA MAJESTÉ LA REINE,

 

                                                                                     intimée et contre-appelante

                                                                                                                 (intimée).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Vancouver (C.-B.), le lundi 2 décembre 1996.

 

 

Motifs prononcés à l'audience à Vancouver (C.-B.),

le lundi 2 décembre 1996.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LE JUGE ROBERTSON


 

 

 

 

                                                                                                                 A-785-95

 

 

CORAM :LE JUGE STRAYER

LE JUGE ROBERTSON

LE JUGE McDONALD

 

 

Entre :

 

 

                                                ROBERT E. KYTE,

 

                                                                                         appelant et contre-intimé

                                                                                                              (requérant),

 

 

                                                             - et -

 

 

                                          SA MAJESTÉ LA REINE,

 

                                                                                     intimée et contre-appelante

                                                                                                                 (intimée).

 

 

 

                                         MOTIFS DU JUGEMENT

                            (Prononcés à l'audience à Vancouver (C.-B.),

                                            le lundi 2 décembre 1996)

 

 

 

LE JUGE ROBERTSON

 

            Il s'agit d'un appel et d'un appel incident concernant une décision de la Section de première instance (le juge Rothstein) rendue sur mémoire spécial présenté en vertu de la règle 475 des Règles de la Cour fédérale.  La question était posée dans les termes suivants :

Le capital de 500 000 $ figurant dans le certificat délivré par le ministre le 12 novembre 1987 correspondait-il à «l'obligation de Hitec en vertu de la partie VIII de la Loi» comme l'exige l'alinéa 227.1(2)a) de la Loi [de l'impôt sur le revenu]?

 

            Le juge de première instance a statué que le certificat répondait aux conditions préalables en vertu desquelles l'administrateur d'une société peut être tenu «responsable pour le fait d'autrui» même si le certificat n'a pas été établi au montant exact.  [Il est à noter que l'utilisation de l'expression «responsabilité pour le fait d'autrui» n'est peut-être pas appropriée étant donné que l'administrateur peut se soustraire à cette responsabilité s'il a exercé une diligence raisonnable conformément au paragraphe 227.1(3) de la Loi.]  Le contribuable accepte la conclusion du juge de première instance selon laquelle une erreur s'est glissée dans le certificat, mais il en appelle de la conclusion du juge selon laquelle cette erreur n'a pas de conséquence du fait de l'application de l'article 166 de la Loi.  L'article 166 s'applique dans les cas où un contribuable cherche à faire annuler ou modifier une cotisation renfermant des erreurs.  De même, par voie d'appel incident, le ministre conteste la conclusion du juge de première instance selon laquelle le certificat est erroné mais il maintient que, pour ce qui a trait à la question soulevée dans l'appel, le juge de première instance a invoqué à bon droit l'article 166.

 

            Les faits essentiels de la présente action ne sont pas complexes et puisque la décision dont appel est maintenant publiée à 96 D.T.C. 6050 (C.F. 1re inst.), il n'est tout simplement pas nécessaire de répéter tous les faits et le contexte législatif déjà intégralement énoncés dans les motifs du juge de première instance.  Le 1er janvier 1985, Hitec a émis un billet à ordre relatif à de la recherche scientifique d'un million de dollars, et a désigné ce montant aux termes de la Loi.  Par conséquent, elle devait payer 500 000 $ au titre de l'impôt de la partie VIII au plus tard le 28 février 1985.  Le 25 octobre 1988, le ministre a établi une cotisation à l'égard du contribuable, administrateur de Hitec, pour un montant de 298 473,30 $, correspondant à l'impôt de la partie VIII pour l'année d'imposition 1985 non payé par Hitec (215 173,50 $), et majoré des intérêts.  Le montant de la cotisation établie à l'égard du contribuable tenait compte d'un remboursement de 284 826,50 $ obtenu pour cette année d'imposition, au titre de l'impôt de la partie VIII, autorisé par le ministre dans un avis de cotisation établi le 24 février 1988 à l'égard de Hitec.  Aux termes de l'alinéa 227.1(2)a) de la Loi, un administrateur n'est pas responsable de l'impôt impayé d'une société à moins que certaines conditions préalables ne soient réunies.  Tout d'abord, le ministre doit enregistrer un certificat «précisant la somme pour laquelle la société est responsable à la Cour fédérale».  [Cette condition préalable est assujettie à une double exigence : déposer un certificat et y inscrire le montant exact.]  Deuxièmement, il doit essayer de recouvrer le montant dû auprès de la société défaillante.  Bref, le ministre devait épuiser ses recours contre Hitec avant d'engager des poursuites contre le contribuable.

 

            En l'espèce, le ministre a enregistré un certificat à l'encontre de Hitec au montant de 500 000 $ en capital le 12 novembre 1987, mais n'a pas réussi à recouvrer quelque montant que ce soit, le bref de fieri facias ayant été retourné nulla bona par le shérif le 28 mars 1988.  Toutefois, le certificat ne tenait pas compte du remboursement d'impôt qui, selon le juge de première instance, avait été payé le 28 février 1986, conformément au paragraphe 194(5) de la Loi.

 

            Pour que le contribuable ait gain de cause dans le présent appel, il doit établir que le montant en dollars indiqué dans le certificat était inexact et que cette erreur ne peut être excusée par l'application de l'article 166 de la Loi.  En supposant, sans se prononcer sur cette question, que le montant inscrit dans le certificat n'est pas exact, nous sommes d'avis que le ministre a à bon droit invoqué l'article 166.  L'avocat du contribuable présente deux arguments qui, à notre avis, ne sont pas convaincants.

 

            Le premier motif pour lequel le contribuable s'oppose à la décision du juge de première instance est que le ministre ne s'est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de prouver que l'article 166 s'applique.  Il soutient que le ministre devait démontrer qu'il n'a pas respecté l'alinéa 227.1(2)a) à cause d'une «irrégularité, [d'un] vice de forme, [d'une] omission ou [d'une] erreur».  Le contribuable prétend de plus que le ministre n'a pas déposé d'affidavit ou d'autres éléments de preuve pour appuyer l'argument selon lequel l'erreur commise dans l'inscription du montant dans le certificat était visée à l'article 166.

 

            Les parties reconnaissent que l'article 166 n'a pas été plaidé et qu'elles-mêmes, ainsi que le juge de première instance, ont agi en prenant pour acquis qu'il fallait répondre, partiellement, à la question certifiée (qui est loin d'être un modèle de clarté) en faisant référence à l'applicabilité de cette disposition.  L'instance devant le tribunal inférieur s'appuyait également sur un exposé conjoint des faits présumé exhaustif pour les fins du mémoire spécial.  Cet exposé ne fait aucune référence aux éléments de preuve ayant trait au fardeau de la preuve.  Dans les circonstances, nous sommes d'avis qu'il était loisible au juge de première instance de conclure qu'aucun élément de preuve ne permettait de croire que l'erreur commise par le ministre n'était pas visée à l'article 166.  C'est‑à‑dire qu'il n'y avait pas d'éléments de preuve pouvant sous-entendre qu'il y avait eu mauvaise foi, ou injustice de la part du ministre, ou qu'un préjudice avait été causé à Hitec ou au contribuable.  On ne peut pas s'attendre à ce que le ministre produise les éléments de preuve nécessaires pour établir un point qui est soulevé et débattu après qu'un exposé conjoint des faits a été accepté et empêche les parties de fournir d'autres éléments de preuve.

 

            La deuxième objection à la décision du juge de première instance se rapporte à la conclusion de ce dernier selon laquelle, même si les exigences ayant trait au dépôt du certificat et aux tentatives de recouvrement des sommes dues sont manifestement des dispositions impératives, l'exigence prévoyant que le certificat précise «la somme pour laquelle la société est responsable» est simplement directrice.  Le contribuable est d'avis que le certificat doit indiquer le «montant exact» et que si tel n'est pas le cas alors la responsabilité du paiement ne peut revenir à un administrateur, étant donné qu'il s'agit d'une condition impérative.  Cela étant, l'article 166 n'est pas applicable étant donné qu'il est manifestement limité à des erreurs qui ont trait au respect de dispositions simplement directrices.

 

            L'avocat du contribuable fait valoir que le libellé de l'alinéa 227.1(2)a) est clair et non équivoque et que, par conséquent, le contribuable doit être libéré de toute responsabilité même si l'erreur dans le montant du certificat n'est que de 1 $.  En outre, il prétend que même si l'interprétation avancée peut mener à ce qui peut être considéré comme un résultat absurde, ce fait est sans conséquence étant donné que l'interprétation donnée à l'alinéa 227.1(2)a) est celle qui découle du sens ordinaire des mots.  À l'appui de sa position, le contribuable cite la décision de la Cour suprême du Canada dans R. c. McIntosh, [1985] 1 R.C.S. 686, à la page 704, une cause de droit criminel dans laquelle la Cour a statué que lorsqu'un texte législatif emploie des termes clairs et non équivoques, le fait que son application aboutit à des résultats absurdes ne justifie pas la Cour de s'éloigner du sens ordinaire des mots.  En fait, le contribuable prétend que même si la cotisation a été correctement établie en argent, il ne peut encourir aucune responsabilisé à cause d'une erreur dans le certificat qui a été délivré à Hitec dans les circonstances où aucune des parties ni le contribuable n'a subi de préjudice du fait de cette erreur.  Nous ne pouvons accepter cet argument du contribuable.

 

            Tout d'abord, il convient de noter que l'alinéa 227.1(2)a) ne précise pas que le certificat doit indiquer la somme «exacte» et, par conséquent, il y a suffisamment d'ambiguïté pour justifier un examen plus approfondi de l'intention du législateur, aussi difficile que soit cette tâche.  De toute façon, la décision dans l'arrêt McIntosh ne s'applique pas au cas en l'espèce.  C'est plutôt la décision Colombie-Britannique (Procureur général) c. La Reine [1994] 2 R.C.S. 41, aux pages 122 à 124 (discutée dans la décision Ginsberg [ci-après]) qui est pertinente.  Dans cette affaire, la Cour suprême analysait un terme clair et non équivoque, soit l'indicatif présent («shall» en anglais), dans le contexte du débat maintenant réglé entre les termes directif et impératif.  Deuxièmement, en corollaire au premier argument, il nous faut examiner le libellé de l'article 166 qui nous oblige expressément à déterminer si l'alinéa 227.1(2)a) est une «disposition simplement directrice».  L'article 166 est rédigé dans les termes suivants :

                166.  Une cotisation ne peut être annulée ni modifiée lors d'un appel uniquement par suite d'irrégularité, de vice de forme, d'omission ou d'erreur de la part de qui que ce soit dans l'observation d'une disposition simplement directrice de la présente loi.

 

[non souligné dans l'original]

 

            Il nous faut donc examiner si l'erreur commise en l'espèce concernait une disposition directrice de la Loi, c'est-à-dire la référence à l'indication du montant de l'obligation fiscale de la société dans le certificat.  Dans la mesure où la décision de savoir si une disposition de la Loi est impérative ou directrice exige le recours à un critère de pondération, comme celui énoncé dans l'arrêt Ginsberg c. La Reine 96 D.T.C. 6372 (C.A.F.), nous sommes d'avis que ce critère a été respecté.  Comme le montant dû dans bon nombre de cas peut être fluide (c'est particulièrement vrai dans les cas portant sur la détermination d'un remboursement) et dans les cas comme celui en l'espèce où l'erreur dans le certificat ne causera aucun préjudice à un contribuable, il nous semble que la conclusion du juge de première instance, c'est-à-dire que l'exigence selon laquelle il faut indiquer le montant de l'obligation fiscale de la société dans le certificat est une exigence directrice plutôt qu'impérative, est conforme au droit.


            L'appel est rejeté avec dépens et l'appel incident est rejeté sans examen de son bien-fondé et sans dépens.

 

 

(signature) «Joseph T. Robertson»

 

Juge

 

 

 

 

 

le 2 décembre 1996

Vancouver (C.-B.)

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                          

 

François Blais, LL.L.


             AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :ROBERT E. KYTE

 

- et -

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

N° DU GREFFE :A-785-95

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Vancouver (C.-B.)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :le 2 décembre 1996

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT prononcés

à l'audience à Vancouver (C.-B.)

le lundi 2 décembre 1996

 

 

APPEL D'UN JUGEMENT DE LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

en date du 20 novembre 1995.  N° de greffe T-1093-91

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

            M. Joel Nitikman                                  pour l'appelant et contre-intimé

                                                                                                             (requérant)

 

 

            Paul Plourde, c.r.                              pour l'intimée et contre-appelante

                                                                                                                  (intimée)

 

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

            Fraser Beatty                                        pour l'appelant et contre-intimé

            Vancouver (C.-B.)                                                                  (requérant)

 

 

            George Thomson                              pour l'intimée et contre-appelante

            Sous-procureur général                                                              (intimée)

              du Canada

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