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Date : 19991217

Dossier : A-197-98

CORAM :        LE JUGE ISAAC

LE JUGE McDONALD

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

                                                           ASTRID SOLLBACH

                                                                                                                                  demanderesse

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                               intimée

Audience tenue à Calgary (Alberta), le jeudi 16 décembre 1999

Jugement prononcé à Calgary (Alberta), le vendredi 17 décembre 1999

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                    LE JUGE McDONALD


Date : 19991217

Dossier : A-197-98

CORAM :        LE JUGE ISAAC

LE JUGE McDONALD

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

                                                           ASTRID SOLLBACH

                                                                                                                                  demanderesse

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                               intimée

                                                        MOTIFS DE JUGEMENT

                                                                             

                                     (Prononcés à l'audience à Calgary (Alberta),

                                                 le vendredi 17 décembre 1999)

LE JUGE McDONALD

[1]                Cette demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, porte sur la décision C.U.B. no 40494 du juge-arbitre de l'assurance-chômage, par laquelle il concluait que l'article 11 de la Loi sur l'assurance-chômage n'enfreint pas l'article 15 de la Charte.

[2]                La demanderesse a quitté son emploi à Toronto pour accompagner son mari qui avait trouvé un emploi à Calgary. Elle avait droit à 27 semaines de prestations régulières, mais après 18 semaines ses prestations ont été transformées à sa demande en prestations de maternité suite à sa grossesse. Elle a alors reçu des prestations de maternité pendant 12 semaines. Après lui avoir versé 18 semaines de prestations régulières et 12 semaines de prestations de maternité, la Commission a mis fin à ses prestations.

[3]                Mme Sollbach a fait appel de cette décision au conseil arbitral, soutenant qu'elle avait droit à 27 semaines de prestations régulières, 15 semaines de prestations de maternité et 10 semaines de prestations parentales, pour un total de 52 semaines de prestations. Elle prétend que comme sa période de prestations a été limitée à 30 semaines, plutôt qu'à 52 semaines, en vertu de l'article 11 de la Loi, cet article enfreint l'article 15 de la Charte. Le conseil arbitral n'a pas tranché la question de savoir si l'article 11 enfreignait l'article 15 de la Charte, puisqu'il a conclu qu'il n'avait pas compétence pour accueillir un recours en vertu de la Charte.


[4]                En définitive, le juge-arbitre a conclu que l'article 11 n'enfreignait pas l'article 15 de la Charte. C'est cette décision qui fait l'objet du présent appel. Nous sommes du même avis que le juge-arbitre. À notre avis, le paragraphe 11(6) ne crée pas de distinction entre les femmes enceintes et les autres. Un père célibataire qui reçoit des prestations parce qu'il s'occupe de ses enfants est soumis à la même limite de 30 semaines qui s'applique aux femmes enceintes. Un célibataire qui subit une blessure alors qu'il reçoit des prestations régulières est aussi soumis à la limite de 30 semaines. En fait, tous les récipiendaires de prestations spéciales sont soumis à la limite de 30 semaines. On pourrait citer beaucoup d'autres exemples permettant d'établir que le paragraphe en cause s'applique également aux deux sexes.

[5]                L'avocat de la demanderesse soutient que même s'il semble neutre à première vue, l'article 16 enfreint les droits de la demanderesse protégés par le paragraphe 15(1) de la Charte, du fait qu'elle fait partie d'un groupe de personnes qui sont touchées de façon disproportionnée par son application. Il soutient donc qu'il s'agit d'une affaire de discrimination indirecte.

[6]                 La demanderesse soutient aussi que les 27 semaines de prestations régulières étaient prévues pour une recherche d'emploi. Pour sa part, l'intimée soutient que l'objectif de la loi est de compenser la perte d'un revenu d'emploi. Il cite le Guide de la détermination de l'admissibilité. Les principes d'admissibilité publiés par la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada prévoient que : « l'objectif premier de l'assurance-emploi consiste à indemniser les travailleurs en cas de chômage involontaire » . L'avocat de l'intimée souligne que la disposition prévoyant le versement de prestations aux femmes enceintes fait exception à ce concept.

[7]                Commentant les dispositions prévoyant ces prestations, le même texte énonce ceci :

La raison d'être de ces prestations était, et cela demeure aujourd'hui, de protéger la mère contre les interruptions de gains attribuables à son incapacité physique de travailler ou de chercher du travail dans les semaines entourant la naissance.

[8]                Nous nous rangeons à l'avis exprimé par l'intimée.

[9]                Nous concluons que la demanderesse n'a pas démontré que la législation en cause crée une discrimination à l'égard du groupe des femmes enceintes. Les femmes enceintes sont traitées exactement de la même façon que les hommes et les femmes en congé parental, et que les hommes et les femmes qui son atteints d'une incapacité. Tous sont soumis à la limite de 30 semaines de prestations.

[10]            De plus, nous sommes informés que par le passé aucune prestation n'était versée aux femmes enceintes qui avaient quitté leur emploi volontairement. Par conséquent, les prestations prévues par l'article 16 ont pour objet une amélioration.

[11]            La décision la plus récente de la Cour suprême du Canada portant sur l'article 15 de la Charte est Law c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [1999] 1 R.C.S. 497, qui n'était pas rendue au moment où le juge-arbitre a pris sa décision.

[12]            Après avoir examiné la jurisprudence de la Cour suprême quant à l'objet de l'article 15, le juge Iacobucci exprime ainsi la décision unanime de la Cour :


On pourrait affirmer que le par. 15(1) a pour objet d'empêcher toute atteinte à la dignité et à la liberté humaines essentielles par l'imposition de désavantages, de stéréotypes et de préjugés politiques ou sociaux, et de favoriser l'existence d'une société où tous sont reconnus par la loi comme des êtres humains égaux ou comme des membres égaux de la société canadienne, tous aussi capables, et méritant le même intérêt, le même respect, et la même considération. Une disposition législative qui produit une différence de traitement entre des personnes ou des groupes est contraire à cet objectif fondamental si ceux qui font l'objet de la différence de traitement sont visés par un ou plusieurs des motifs énumérés ou des motifs analogues et si la différence de traitement traduit une application stéréotypée de présumées caractéristiques personnelles ou de groupe ou que, par ailleurs, elle perpétue ou favorise l'opinion que l'individu concerné est moins capable, ou moins digne d'être reconnu ou valorisé en tant qu'être humain ou que membre de la société canadienne. Subsidiairement, une différence de traitement ne constituera vraisemblablement pas de la discrimination au sens du par. 15(1) si elle ne viole pas la dignité humaine ou la liberté d'une personne ou d'un groupe de cette façon, surtout si la différence de traitement contribue à l'amélioration de la situation des défavorisés au sein de la société canadienne.

...

La garantie d'égalité prévue au par. 15(1) de la Charte doit être comprise et appliquée à la lumière de l'interprétation susmentionnée de son objet. Tous les éléments de l'analyse relative à la discrimination sont imprégnés de la volonté supérieure de préserver et de promouvoir la dignité humaine, au sens susmentionné (Law, précité, par. 51 et 52).

[13]            Le juge Iacobucci déclare aussi que la question de savoir si une loi est discriminatoire ou non est liée à deux perspectives : la perspective subjective du demandeur qui prétend avoir souffert d'une discrimination, et la perspective d'une personne raisonnable qui envisage la question objectivement.


[14]            Par conséquent, nous sommes d'avis que dans le contexte « la personne raisonnable, objective et bien informée des circonstances, dotée d'attributs semblables et se trouvant dans une situation semblable à celle du demandeur » n'arriverait pas à la conclusion que le paragraphe 11(6) porte atteinte à la dignité de la demanderesse. À notre avis, cette personne raisonnable tiendrait compte du fait concret que Mme Sollbach a reçu trois semaines supplémentaires de prestations par rapport à ce à quoi elle avait droit en prestations régulières d'assurance-chômage. Une personne raisonnable tiendrait aussi compte du fait que le paragraphe 11(6) de la Loi ne crée des distinctions que sur la base du droit à des prestations d'assurance-chômage ordinaires, ce qui n'est pas une caractéristique personnelle étroitement liée à la dignité humaine. Une personne raisonnable tiendrait compte du fait qu'il s'agit ici d'une législation qui a pour objet une amélioration. On pourrait difficilement dire que cette législation porte atteinte à la dignité humaine d'une personne, non plus qu'elle est nécessairement discriminatoire.

[15]            Au paragraphe 103 de l'arrêt Law, le juge Iacobucci a conclu que lorsque les dispositions législatives contestées avaient pour objet une amélioration, ce fait renforçait le point de vue qu'elle ne portait pas atteinte à la dignité humaine. Par conséquent, elles n'enfreignaient pas le paragraphe 15(1) de la Charte. On peut dire la même chose des dispositions en cause en l'instance.

[16]            En définitive, nous ne pouvons conclure, au vu des faits en l'instance, que l'article 11 enfreint l'article 15 de la Charte


[17]            L'appel est rejeté.

        F. Joseph McDonald

Juge

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier


                                                                                                           

                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               

Date : 19991217

Dossier : A-197-98

ENTRE :

                             ASTRID SOLLBACH

                                                                        demanderesse

                                               et

                          SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                    intimée

                                                                                                                      

                          MOTIFS DE JUGEMENT

                                                                                                                      


                                           COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                       SECTION D'APPEL

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                        A-197-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      ASTRID SOLLBACH c. LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :          CALGARY (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :         le jeudi 16 décembre 1999

MOTIFS DE JUGEMENT DU JUGE McDONALD

EN DATE DU :                           17 décembre 1999

ONT COMPARU

M. David Tupper                                                                                pour la demanderesse

M. Louis A. T. Williams                                                                                  pour l'intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Blake, Cassels & Graydon

Calgary (Alberta)                                                                       pour la demanderesse

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                                                                        pour l'intimée

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