Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20180704


Dossier : A-93-17

Référence : 2018 CAF 131

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LE JUGE LASKIN

 

 

ENTRE :

STURGEON LAKE CREE NATION

appelante

et

DARWIN HAMELIN, KEVIN HAMELIN ET WILMA GOODSWIMMER

intimés

Audience tenue à Edmonton (Alberta), le 13 juin 2018.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 4 juillet 2018.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LASKIN

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

 


Date : 20180704


Dossier : A-93-17

Référence : 2018 CAF 131

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LE JUGE LASKIN

 

 

ENTRE :

STURGEON LAKE CREE NATION

appelante

et

DARWIN HAMELIN, KEVIN HAMELIN ET WILMA GOODSWIMMER

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LASKIN

I.  Aperçu

[1]  Suivant le Customary Election Regulations (le Règlement électoral coutumier ou le Règlement) de la Sturgeon Lake Cree Nation (la SLCN), le comité d’appel en matière d’élections (le comité d’appel), constitué par le Règlement, peut connaître des appels portant sur les résultats des élections des conseillers et du chef. En l’espèce, la SLCN demande l’annulation de la décision par laquelle la juge McVeigh de la Cour fédérale (2017 CF 163) a accueilli, sous réserve de certaines conditions, la demande de contrôle judiciaire présentée par les trois intimés, Darwin Hamelin, Kevin Hamelin et Wilma Goodswimmer, qui contestent les décisions que le comité d’appel a rendues relativement à leurs appels des résultats de l’élection de mars 2016.

[2]  La juge de la Cour fédérale saisie de la demande de contrôle judiciaire (la juge de la Cour fédérale) a conclu que les décisions de rejeter leurs appels n’avaient pas été rendues par le comité d’appel dans son ensemble, mais unilatéralement par le président d’élection chargé par le conseil de la SLCN d’assurer la surveillance des élections et de veiller à leur bon déroulement. Elle a donc conclu à un manquement à l’équité procédurale et a ordonné l’examen des appels des intimés par le comité d’appel sans la participation du président d’élection actuel.

[3]  Selon la SLCN, la juge de la Cour fédérale a commis une erreur en arrivant à une telle conclusion et en rendant une telle décision. La SLCN fait notamment valoir que le Règlement ne prévoit pas de droit absolu à une audience devant le comité d’appel et donne au président d’élection le pouvoir d’écarter les appels injustifiés. Elle ajoute que le comité d’appel n’a pas compétence pour décider si un candidat éventuel à la charge de chef ou de conseiller doit de l’argent à la SLCN, un facteur qui, selon le Règlement, influe sur l’éligibilité. Par ailleurs, elle prétend que la juge de la Cour fédérale a eu tort, d’une part, de ne pas tenir compte de l’exigence réglementaire selon laquelle le président d’élection doit être membre et président du comité d’appel et, d’autre part, de privilégier la version des faits donnée par une membre du comité d’appel plutôt que celle du président d’élection sur la question de la manière dont les appels ont été tranchés et par qui ils l’ont été. Enfin, elle soutient qu’en déclarant dans son jugement que « les quatre appels déposés doivent être tranchés par le comité d’appel », la juge de la Cour fédérale a accordé à mauvais droit une réparation à Sophia Hamelin, qui n’avait pas demandé le contrôle judiciaire du rejet de son appel.

[4]  J’accueillerais l’appel en partie. Plus précisément, j’annulerais la condition interdisant la participation du président d’élection actuel, puisque j’estime que la juge de la Cour fédérale ne pouvait inclure cette condition, vu la disposition réglementaire prévoyant expressément que le président d’élection préside les réunions du comité d’appel et a un droit de vote dans ses décisions.

[5]  Je rejetterais l’appel par ailleurs. Je suis d’avis que la juge de la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle en ce qui concerne sa conclusion sur la question de la manière dont les appels ont été tranchés et par qui ils l’ont été. Elle n’a pas non plus conclu à tort que le Règlement ne donne pas au président d’élection le pouvoir d’écarter des appels, mais dispose que les décisions sur tous les appels sont rendues par le comité d’appel. Puisqu’il n’y a aucune indication claire de l’absence de fondement des appels des intimés, je juge nécessaire, par respect pour le rôle de décideur du comité d’appel, de lui renvoyer les appels pour qu’il les tranche en conformité avec le Règlement.

[6]  Enfin, il ressort d’une lecture attentive du jugement de la Cour fédérale que la juge n’a pas accordé une réparation à Sophia Hamelin, qui n’avait pas demandé le contrôle judiciaire du rejet de son appel. J’interpréterais plutôt sa mention des « quatre appels déposés » comme un renvoi aux deux volets de l’appel interjeté par Kevin Hamelin – son éligibilité ainsi que l’éligibilité d’autres candidats et d’autres présumées irrégularités – et à l’appel interjeté par chacun des deux autres intimés.

[7]  Dans l’optique de justifier ces conclusions, j’examinerai tout d’abord les parties pertinentes du Règlement. Je me pencherai ensuite sur les appels des intimés et la façon dont ils ont été traités avant d’analyser la décision de la Cour fédérale et les questions soulevées en l’espèce.

II.  Contexte juridique et factuel

A.  Règlement électoral

[8]  En 1995, a été rendue une ordonnance portant retrait de la SLCN du régime électoral établi par l’article 74 de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I-5. Depuis, les élections aux charges de chef et de conseillers de la SLCN sont régies par le Règlement, dont les extraits pertinents sont reproduits en annexe des présents motifs.

[9]  Le Règlement prévoit la création d’un conseil comprenant un chef et six conseillers élus pour une durée de trois ans. Les élections ont lieu en mars. Avant chaque élection, un président d’élection est nommé par résolution du conseil de bande. Le président d’élection ne peut, entre autres, être à l’emploi de la SLCN ou de sociétés appartenant à une Première Nation ni être membre de la SLCN ou d’une autre Première Nation. Robert Hall, un président d’élection expérimenté, a été nommé à ce poste pour l’élection de mars 2016.

[10]  Sont énumérées à l’annexe A du Règlement les responsabilités du président d’élection, qui doit notamment assurer la surveillance des élections et veiller à leur déroulement en conformité avec le Règlement. Ces responsabilités peuvent certes être modifiées par résolution du conseil de bande, mais aucune résolution en ce sens ne figurait au dossier dont disposait la Cour fédérale.

[11]  Le Règlement établit ainsi les critères d’éligibilité à la charge de chef ou de conseiller :

 [TRADUCTION]

6.4  Personnes éligibles

a)  Sous réserve de l’alinéa 6.4b) et de l’article 16.3 du présent règlement [aucune de ces dispositions n’a d’incidence en l’espèce], l’électeur [soit toute personne dont le nom figure sur la liste des membres de la SLCN et qui est âgée d’au moins dix-huit ans avant l’assemblée de mise en candidature] qui remplit les conditions suivantes peut présenter sa candidature à la charge de chef ou de conseiller :

i)  il est âgé d’au moins dix-huit ans le jour de l’élection;

ii)  il a résidé dans la réserve de Sturgeon Lake pendant au moins douze mois avant la date de la mise en candidature;

iii)  s’il doit de l’argent à la bande, y compris tout loyer impayé, il a pris des dispositions pour rembourser la somme due au moins trois mois avant le jour de l’élection et a toujours effectué les paiements convenus.

[12]  Le Règlement expose en détail le processus d’appel en matière d’élection. L’article 12.1 établit en ces termes les moyens d’appel possibles :

[TRADUCTION]

12.1  Moyens d’appel

Dans un délai de quatorze jours à compter du jour du scrutin, […], tout électeur peut interjeter appel des résultats d’une élection […] s’il a des motifs raisonnables et probables de croire :

a)  qu’une erreur dans l’interprétation ou l’application du Règlement a eu une incidence importante et directe sur le déroulement et le résultat de […] l’élection […];

b)  qu’un candidat ne satisfait pas aux critères énoncés aux articles 6.4 et 6.6 [éligibilité];

c)  qu’un candidat s’est rendu coupable d’avoir encouragé ou facilité des manœuvres électorales frauduleuses, notamment la corruption […], la profération de menaces [ou] [l’]intimidation […];

d)  qu’une personne qui n’a pas le droit de vote a voté;

e)  qu’une autre circonstance ou un autre événement a eu une incidence importante et directe sur le déroulement et le résultat de […] l’élection […].

[13]  Aux termes de l’article 12.2, il peut être interjeté appel au moyen d’un avis d’appel transmis par écrit au président d’élection. Aux termes de l’article 12.3, [traduction] « [l]e président d’élection informe sans tarder tous les candidats touchés par l’avis d’appel ». Conformément à l’article 12.5, le président d’élection, dans les sept jours suivant la réception de l’avis d’appel, « convoque une réunion du comité [d’appel] en vue de l’audition de l’appel ».

[14]  L’article 12.4 prévoit la nomination d’un comité d’appel par le chef et le conseil immédiatement après l’assemblée de mise en candidature. Il doit se composer de deux aînés (membres de la SLCN âgés d’au moins cinquante-cinq ans), de deux électeurs âgés de trente à cinquante-quatre ans et de deux électeurs âgés de dix-huit à vingt-neuf ans. L’article 12.5 dispose que la réunion du comité d’appel [traduction] « est présidée par le président d’élection qui a également droit de vote ».

[15]  Aux termes de l’article 12.7, l’appelant, la personne visée par l’appel et les autres parties intéressées ont le droit, personnellement ou par l’intermédiaire de représentants, de présenter des observations écrites ou orales, ou les deux, au comité d’appel à la réunion.

[16]  L’article 12.8 dispose que le comité d’appel rend une décision sur l’appel dans les trois jours suivant la réunion. Il [traduction] « [r]ejette l’appel au motif que les éléments de preuve présentés n’ont pas étayé adéquatement le moyen d’appel applicable », [traduction] « [c]onfirme le moyen d’appel » mais maintient les résultats de l’élection au motif que l’infraction n’a pas eu une incidence importante ou directe sur le résultat de l’élection, ou fait droit à l’appel et déclenche de nouvelles élections.

[17]  Le Règlement peut être modifié selon les modalités prévues à l’article 17. Les modifications sont approuvées par résolution du conseil de bande ainsi que par une majorité d’électeurs étant présents et ayant exercé leur droit de vote à l’assemblée générale extraordinaire.

B.  Appels des intimés

[18]  Lors de l’assemblée de mise en candidature en prévision des élections de mars 2016, le président d’élection a refusé d’accepter la candidature de l’intimé Kevin Hamelin du fait que celui‑ci devait de l’argent à la SLCN. Le lendemain, M. Hamelin a écrit au président d’élection pour lui demander de revenir sur sa décision. Dans sa lettre de réponse, le président d’élection s’est exprimé ainsi : [traduction] : « [a]près avoir pris en compte vos observations, je maintiens ma décision de rejeter votre candidature pour cause d’inéligibilité ». Il y informait également M. Hamelin de la possibilité d’interjeter appel dans les quatorze jours suivant les élections, s’il le souhaitait.

[19]  Les élections ont eu lieu. Jeannine Calliou et Susan Wale figuraient au nombre des six candidats élus au conseil, et l’intimé Darwin Hamelin a récolté quatre votes de moins que le dernier candidat élu.

[20]  Kevin Hamelin a interjeté appel : il a contesté, d’une part, son inéligibilité au titre du sous‑alinéa 6.4a)(iii) du Règlement découlant de sa dette envers la SLCN et, d’autre part, l’éligibilité de quatre candidats, dont Jeannine Calliou et Susan Wale qui, selon lui, n’avaient pas continuellement résidé sur la réserve pendant au moins douze mois avant la date de mise en candidature et, partant, ne satisfaisaient pas à l’exigence de résidence prévue au sous‑alinéa 6.4a)(ii).

[21]  Les intimés Darwin Hamelin et Wilma Goodswimmer ont eux aussi interjeté appel. Ils ont contesté l’éligibilité de Jeannine Calliou et de Susan Wale, qui, selon eux, ne satisfaisaient pas à l’exigence de résidence, et ont fait état d’un certain nombre d’irrégularités dans le vote.

C.  Décisions rendues sur les appels des intimés

[22]  Le jour où il a interjeté appel, Kevin Hamelin a reçu du président d’élection un avis, intitulé [traduction] « Avis de réponse à l’avis d’appel de Kevin Hamelin », l’informant qu’en l’absence de tout motif raisonnable et probable nécessaire selon le Règlement pour justifier la tenue d’une audience, son appel ne serait pas entendu par le comité d’appel. Quelques jours plus tard, au terme d’une téléconférence du comité d’appel à laquelle participait le président d’élection, ce dernier a fait parvenir à Kevin Hamelin une lettre rédigée en des termes très semblables.

[23]  Darwin Hamelin a été informé par le président d’élection que, pour les mêmes motifs, la plupart des moyens invoqués dans son avis d’appel ne donnaient pas ouverture à une audience, mais qu’il avait été décidé de procéder à l’audition de la partie de son appel portant sur l’éligibilité de Jeannine Calliou et de Susan Wale. L’intimée Wilma Goodswimmer a elle aussi été avisée par le président d’élection qu’il y aurait audition uniquement de la partie de son appel concernant l’éligibilité de Jeannine Calliou et de Susan Wale.

[24]  L’audience a eu lieu à Edmonton. Darwin Hamelin, Wilma Goodswimmer, Sophia Hamelin (qui avait également interjeté appel, mais n’a pas présenté de demande à la Cour fédérale), Jeannine Calliou et Susan Wale ont chacun disposé de quinze minutes pour présenter leurs observations. Plusieurs jours plus tard, les résultats des appels ont été affichés au bureau de la SLCN et communiqués aux intimés. Il ressort des motifs de la décision que les appels avaient été rejetés [traduction] « à la majorité ».

D.  Décision de la Cour fédérale

[25]  Au nombre des questions principales dont était saisie la Cour fédérale figurait une question de fait : qui du comité d’appel ou du président d’élection a tranché les appels? À cet égard, la juge disposait d’une preuve par affidavit du président d’élection et d’une membre du comité, Victoria Sunshine. Ni l’un ni l’autre n’a été contre-interrogé.

[26]  Selon le témoignage du président d’élection, le comité d’appel a décidé à l’unanimité quels appels seraient entendus. Il a ajouté que le comité d’appel tranchait les appels à la majorité des voix lors de la tenue d’un scrutin secret.

[27]  Le témoignage de Mme Sunshine était très différent. Selon ses dires, seul le président d’élection a décidé que les appels de Kevin Hamelin ne seraient pas entendus et lui seul a écarté des parties des autres appels. Elle a ajouté qu’il avait intimidé les membres du comité d’appel et tenté de les influencer pendant et après l’audition des autres appels.

[28]  De l’avis de la juge de la Cour fédérale, le témoignage de Mme Sunshine n’était nullement intéressé; elle a ajouté foi à sa version des faits et l’a privilégiée lorsque celle‑ci différait de celle du président d’élection. Elle a conclu (par. 35 de ses motifs) que seul le président d’élection, et non le comité d’appel, avait tranché les appels. À cet égard, elle a tenu compte, outre le témoignage de Mme Sunshine, de l’avis transmis par le président d’élection à Kevin Hamelin l’informant que son appel ne serait pas entendu, ainsi que des similitudes entre cet avis et la lettre transmise par le président d’élection après la téléconférence du comité d’appel.

[29]  La juge de la Cour fédérale a également rejeté (par. 37) l’argument pour le compte de la SLCN, selon lequel le Règlement donnait au président d’élection le pouvoir d’écarter des appels et de ne pas les soumettre à l’examen du comité d’appel, sur la foi de son évaluation de l’existence de motifs raisonnables et probables. De l’avis de la juge, il ressort de l’article 12.1 du Règlement (reproduit au paragraphe 12) que c’est l’appelant qui doit croire qu’il a des motifs raisonnables et probables. Elle a conclu (par. 38) à un manquement à l’équité procédurale attribuable au défaut de soumettre les appels à l’examen du comité d’appel dans son ensemble.

[30]  Ayant formulé cette conclusion, la juge de la Cour fédérale (par. 43) n’a pas estimé nécessaire de trancher l’argument supplémentaire de la crainte raisonnable de partialité découlant de la décision du président d’élection de statuer sur l’appel d’une de ses décisions. Bien qu’elle ait souligné qu’« il serait évident à tout observateur qu’un décideur ne devrait pas entendre un appel de sa propre décision », elle a ajouté que « [p]eut-être cette bande devrait-elle examiner son règlement électoral, car il permet au président d’élection de voter sur un appel, ce qui pourrait ouvrir la porte à des allégations de partialité éventuelles ».

[31]  La juge de la Cour fédérale a également statué sur trois autres moyens invoqués devant elle, mais notre Cour n’était saisie d’aucune des questions s’y rapportant. Elle a jugé (par. 47 et 48) raisonnable la décision du comité d’appel d’entendre l’appel à Edmonton malgré la distance (350 km) de la SLCN. Elle a également conclu (par. 49) que la réunion d’appel s’est tenue dans le respect de l’équité procédurale. Enfin, elle a choisi (par. 51) de ne pas traiter du caractère raisonnable de la décision rendue par le comité d’appel quant au respect de l’exigence de résidence, étant donné que les appels feraient l’objet d’un réexamen en raison de sa conclusion selon laquelle il y a eu manquement à l’équité procédurale du fait du défaut de soumettre les appels à l’examen du comité d’appel dans son ensemble.

[32]  En conclusion, la juge de la Cour fédérale a déclaré (par. 56) que M. Hall « ne devrait pas être le président d’élection président [sic] et votant au comité d’appel, car il se retrouverait à entendre un appel de ses propres décisions ». Elle a laissé au comité d’appel la tâche de décider du processus à suivre pour examiner à nouveau les appels et a souligné que « [l]e chef et le conseil peuvent nommer un nouveau président électoral, ou pas ». Elle s’est exprimée ainsi au paragraphe 1 de son jugement :

La demande de contrôle judiciaire est accueillie; les quatre appels déposés doivent être tranchés par le comité d’appel. Les appels devront être entendus sans la participation du président d’élection, Robert Hall.

III.  Questions en litige

[33]  À mon avis, notre Cour doit décider en l’espèce si la juge de la Cour fédérale a commis une erreur susceptible de contrôle en :

a)  concluant que le président d’élection, pas le comité d’appel, avait tranché unilatéralement les appels des intimés;

b)  concluant que le Règlement ne donne pas au président d’élection le pouvoir d’écarter un appel qui, à son avis, n’est fondé sur aucun motif raisonnable et probable;

c)  ordonnant que les appels des intimés soient entendus et tranchés sans la participation de M. Hall, le président d’élection actuel;

d)  accordant une réparation à Sophia Hamelin, qui n’avait pas demandé le contrôle judiciaire.

[34]  Notre Cour doit se pencher sur la norme de contrôle à appliquer à l’examen de la décision rendue par la juge de la Cour fédérale à l’égard de plusieurs de ces questions.

[35]  Je ne compte pas examiner une autre question soulevée devant nous, soit celle de savoir si le Règlement donne au comité d’appel le pouvoir de décider si un candidat éventuel à la charge de chef ou de conseiller doit de l’argent à la SLCN. Le comité d’appel n’a pas examiné cette question parce qu’il n’a pas été saisi de l’appel de Kevin Hamelin. Dans le dispositif que je propose, le comité d’appel aura l’occasion de trancher cette question s’il le juge opportun. Il appartient au comité d’appel, plutôt qu’à notre Cour, étant donné son rôle et son mandat, de trancher cette question en première instance.

IV.  Résolution des questions en litige

A.  La juge de la Cour fédérale a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle en concluant que le président d’élection, pas le comité d’appel, avait tranché unilatéralement les appels des intimés?

[36]  À cet égard, il y a lieu d’examiner la norme de contrôle à appliquer en appel. Selon l’état actuel du droit établi par la Cour suprême du Canada, dans le cas de l’appel d’une décision rendue par un juge de première instance dans le contexte d’une demande de contrôle judiciaire, le tribunal d’appel doit décider si le juge saisi de la demande a choisi la bonne norme de contrôle et l’a appliquée correctement. En pratique, le tribunal d’appel doit se mettre à la place du juge saisi de la demande et se concentrer sur la décision administrative plutôt que sur la décision faisant l’objet de l’appel : Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559 (Agraira), par. 45 à 47.

[37]  Cette norme de révision en appel ne s’applique toutefois pas nécessairement à l’égard de toutes les questions tranchées dans le contexte d’une demande de contrôle judiciaire. D’autres tribunaux d’appel, dont notre Cour, ont reconnu que, dans le cas où un juge saisi d’une demande tire des conclusions de fait ou de fait et de droit en s’appuyant sur les éléments de preuve présentés en première instance plutôt que sur un examen de la décision administrative, ces conclusions sont susceptibles de contrôle selon la norme de l’erreur manifeste et dominante, conformément à l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 (Housen) : voir, par exemple, les arrêts Austria c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 191, [2015] 3 R.C.F. 346, aux paragraphes 54 à 56; Canada (Procureur général) c. Rapiscan Systems, Inc., 2015 CAF 96, au paragraphe 21; Prudential Steel Ltd. c. Bell Supply Company, 2016 CAF 282, [2017] 3 R.C.F. 165, au paragraphe 11; Northern Regional Health Authority c. Manitoba Human Rights Commission et al., 2017 MBCA 98, aux paragraphes 37 à 39; Buterman c. St. Albert Roman Catholic Separate School District No. 734, 2017 ABCA 196, aux paragraphes 23 et 24.

[38]  La norme de l’erreur manifeste et dominante est une norme de contrôle exigeante qui commande une grande retenue : Benhaim c. St-Germain, 2016 CSC 48, [2016] 2 R.C.S. 352, par. 38 et 39. Au paragraphe 46 de l’arrêt Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, le juge Stratas s’est exprimé en ces termes :

Par erreur « manifeste », on entend une erreur évidente, et par erreur « dominante », une erreur qui touche directement à l’issue de l’affaire. Lorsque l’on invoque une erreur manifeste et dominante, on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l’arbre debout. On doit faire tomber l’arbre tout entier.

[39]  L’application de cette norme déférente aux conclusions de fait initiales tirées par un juge saisi d’une demande de contrôle judiciaire est justifiée parce qu’en tirant des conclusions de ce genre, [traduction] « les cours de révision exercent les mêmes fonctions que les tribunaux de première instance et, à leur instar, elles sont mieux placées pour tirer ces conclusions que les tribunaux d’appel » : John M. Evans, « The Role of Appellate Courts in Administrative Law » (2007), 20 R.C.D.A.P. 1, p. 30 et 31.

[40]  En l’espèce, lorsqu’elle s’est prononcée sur la question de savoir par qui avaient été prises les décisions portant sur les appels en matière d’élection, la juge de la Cour fédérale a tiré une conclusion de fait initiale sur la foi des éléments de preuve présentés par les parties sur la question de l’équité procédurale au terme du processus du comité d’appel. Par conséquent, j’estime que cette conclusion est susceptible de contrôle en appel selon la norme de l’erreur manifeste et dominante.

[41]  En appliquant cette norme, je ne constate aucune erreur manifeste et dominante pouvant justifier l’annulation de la conclusion de la juge de la Cour fédérale. La norme de l’erreur manifeste et dominante est la même que les conclusions soient tirées à partir d’une preuve par affidavit ou d’un témoignage de vive voix : Housen, par. 25; Wakefield Realty Corp. c. Cushman & Wakefield, Inc., 2004 CAF 415, par. 12. D’après les documents dont elle disposait et vu les autres considérations qu’elle a prises en compte dans sa conclusion, la juge de la Cour fédérale avait le droit de préférer le témoignage de Mme Sunshine et de conclure que le président d’élection avait tranché les appels.

[42]  Il s’ensuit qu’à moins que le Règlement ne donne au président d’élection le pouvoir de trancher unilatéralement les appels, la façon dont les appels des intimés ont été tranchés était contraire au Règlement. La SLCN prétend que le Règlement donne ce pouvoir au président d’élection, à tout le moins dans la mesure où il autorise le président d’élection à décider si un appel est fondé sur des motifs raisonnables et probables et, s’il décide que ce n’est pas le cas, à l’écarter et à refuser de le soumettre à l’examen du comité d’appel. J’examinerai maintenant la question de savoir si la juge de la Cour fédérale a commis une erreur en concluant que le Règlement ne donne pas ce pouvoir au président d’élection.

B.  La juge de la Cour fédérale a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle en concluant que le Règlement ne donne pas au président d’élection le pouvoir d’écarter un appel qui, à son avis, n’est fondé sur aucun motif raisonnable et probable?

[43]  La norme de contrôle applicable à cette question est selon moi la norme Agraira exposée au paragraphe 36. S’agissant de cette question, nous devons examiner l’évaluation que la juge de la Cour fédérale a effectuée de l’interprétation par le président d’élection des pouvoirs que lui confère le Règlement – une interprétation que la SLCN a fait sienne dans ses observations en l’espèce. Dans l’exercice de sa compétence en matière de contrôle judiciaire, la Cour fédérale est régulièrement appelée à se pencher sur l’interprétation qui a été faite de dispositions réglementaires. Ainsi, il serait d’ordinaire nécessaire, selon la norme Agraira, que notre Cour décide 1) si la juge de la Cour fédérale a choisi la norme de contrôle appropriée – la décision raisonnable ou la décision correcte – et 2) si elle l’a appliquée correctement.

[44]  Notre Cour a jugé que la norme de la décision raisonnable s’applique à l’interprétation par une Première Nation de son règlement électoral : Johnny c. Bande indienne d’Adams Lake, 2017 CAF 147, par. 14. Or la juge de la Cour fédérale semble avoir appliqué la norme de la décision correcte (voir les paragraphes 30 et 36 de ses motifs), peut-être parce qu’elle estimait que la question de l’interprétation était étroitement liée au présumé manquement à l’équité procédurale soulevé par les intimés.

[45]  En l’espèce, il n’est toutefois pas nécessaire de trancher la question de savoir si la juge de la Cour fédérale a choisi la norme de contrôle appropriée, car, à mon avis, il n’existe qu’une seule interprétation raisonnable du Règlement : Kinsel c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 126, [2016] 1 R.C.F. 146, par. 33 et 34. Il s’agit de l’interprétation adoptée par la juge de la Cour fédérale : le Règlement ne donne pas au président d’élection le pouvoir d’écarter un appel en raison de l’absence de motifs raisonnables et probables.

[46]  Comme la juge de la Cour fédérale l’a fait observer (par. 30), aucune disposition du Règlement n’accorde expressément ce pouvoir au président d’élection. Il n’en est pas question à l’annexe A du Règlement où sont énumérées les responsabilités du président d’élection.

[47]  Au contraire, à mon avis, il ressort manifestement du processus d’appel prévu par le Règlement que le président d’élection n’a pas ce pouvoir. Comme il est indiqué au paragraphe 13, l’article 12.3 du Règlement dispose que le président d’élection doit informer sans tarder les candidats touchés du dépôt d’un avis d’appel. Aux termes de l’article 12.5, le président d’élection convoque une réunion du comité d’appel dans les sept jours [traduction] « en vue de l’audition de l’appel ». L’article 12.7 autorise la présentation d’observations orales. L’article 12.8 précise que le comité d’appel tranche l’appel après la réunion et énumère les décisions que peut rendre le comité d’appel. Il est vrai que le président d’élection préside la réunion et peut voter, mais il ressort du Règlement que le comité d’appel dans son ensemble, et non le président d’élection unilatéralement, examine les appels au fond. Rien dans le Règlement ne donne à entendre que les appels peuvent être écartés par le président d’élection et ne pas être soumis à l’examen du comité d’appel pour décision.

[48]  L’exigence des [traduction] « motifs raisonnables et probables » prévue à l’article 12.1 n’appelle pas la conclusion contraire. D’ailleurs, comme l’a conclu la juge de la Cour fédérale, c’est l’électeur qui interjette appel qui doit croire qu’il a des motifs raisonnables et probables. La juge a également fait remarquer (par. 36) qu’en conférant le pouvoir exclusif de décision au comité d’appel, le Règlement tient compte de l’importance du rôle du comité d’appel dans la gouvernance de la Première Nation, et notamment de la volonté de ses membres, du fait de leur connaissance de leur communauté, d’agir dans son intérêt.

[49]  La juge de la Cour fédérale n’a donc commis aucune erreur susceptible de contrôle en concluant que le Règlement ne donne pas au président d’élection le pouvoir d’écarter des appels. Dans sa décision, la juge a parlé de manquement à l’équité procédurale; or, ce qui s’est produit peut tout aussi bien être qualifié de violation du Règlement. Les conséquences sont les mêmes dans un cas comme dans l’autre.

[50]  Étant donné mes conclusions sur cette question et sur la question précédente, j’estime que la juge de la Cour fédérale n’avait pas d’autre choix que d’ordonner le réexamen des appels par le comité d’appel. Si les appels étaient manifestement dénués de fondement, auquel cas il n’aurait servi à rien de les renvoyer au comité d’appel, elle aurait pu exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas prendre cette mesure de réparation : Maple Lodge Farms Ltd. c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2017 CAF 45, par. 51 et 52. Au vu du dossier dont nous sommes saisis, je ne peux conclure à l’absence de fondement des appels. Je n’en dirai pas plus sur le fondement des appels; s’il est donné suite au dispositif que je propose, le comité d’appel en sera saisi.

C.  La juge de la Cour fédérale a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle en ordonnant que les appels des intimés soient entendus et tranchés sans la participation de M. Hall, le président d’élection actuel?

[51]  Les ordonnances réparatrices rendues par un tribunal de première instance dans le cadre d’un contrôle judiciaire peuvent également être portées en appel selon les normes établies dans l’arrêt Housen. Comme notre Cour l’a affirmé aux paragraphes 88 et 89 de Canada c. Première nation de Long Plain, 2015 CAF 177, ces jugements ne portent pas sur ce que le tribunal administratif a décidé, mais plutôt sur ce que le tribunal judiciaire doit faire, après avoir conclu que le tribunal administratif avait tort d’agir comme il l’a fait. Toute décision portant sur la réparation à accorder soulève habituellement des questions mixtes de fait et de droit à l’égard desquelles la décision du tribunal de première instance est susceptible de contrôle en cas d’erreur manifeste et dominante seulement. Toutefois, dans le cas où il en découle une question de droit isolable, le tribunal d’appel doit décider si le tribunal de première instance a rendu à cet égard une décision correcte.

[52]  À mon avis, la juge de la Cour fédérale a commis une erreur relativement à une question de droit isolable lorsqu’elle a accordé une réparation pour des raisons d’équité procédurale ayant pour effet d’empêcher le président d’élection de participer aux décisions du comité d’appel portant sur les appels des intimés. Le droit des intimés à l’équité procédurale était subordonné au Règlement. En tant que texte législatif adopté par l’organe directeur de la SLCN, le Règlement l’emporte sur l’équité procédurale en common law. Le Règlement prévoit expressément la participation du président d’élection à l’audition des appels et à leur règlement.

[53]  La Cour suprême du Canada a énoncé le principe applicable aux paragraphes 21 à 24 de Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie-Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), 2001 CSC 52, [2001] 2 R.C.S. 781. Dans cet arrêt, la Cour suprême a fait remarquer que, si une loi est muette ou ambiguë à l’égard des droits procéduraux des parties concernées, les tribunaux doivent l’interpréter d’une manière conforme aux principes de justice naturelle. Toutefois, les principes de justice naturelle (ou d’équité procédurale) peuvent être écartés par les termes exprès de la loi à appliquer à moins de preuve de son invalidité constitutionnelle.

[54]  Ce principe reflète ce que notre Cour a appelé la « hiérarchie des sources » dans l’arrêt Tsleil-Waututh Nation c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 128, [2017] A.C.F. no 601 (QL), au paragraphe 82. Selon cette hiérarchie des sources, une disposition législative l’emporte sur une loi subordonnée et sur la common law. Toute indication expresse de l’intention du législateur en matière de procédure lie la cour de révision : Canada (Procureur général) c. Herrera-Morales, 2017 CAF 163, par. 66.

[55]  En l’espèce, selon le principe applicable, le Règlement que la SLCN a adopté pour régir la conduite des élections aux charges de chef et de conseiller l’emporte sur le devoir d’équité procédurale en common law sur lequel était fondée l’ordonnance réparatrice rendue par la juge de la Cour fédérale. La disposition du Règlement conférant au président d’élection le droit de participer aux appels découle d’une décision de l’organe directeur de la SLCN concernant la procédure à suivre pour le traitement des appels en matière d’élection. Par conséquent, l’ordonnance réparatrice ne peut être maintenue du fait de son incompatibilité avec le Règlement.

[56]  J’annulerais donc la partie du paragraphe 1 de la décision de la Cour fédérale qui est libellée ainsi : « Les appels devront être entendus sans la participation du président d’élection Robert Hall. » Si M. Hall est le président d’élection au moment de l’audition des appels, il peut présider la réunion du comité d’appel et voter. Il en sera ainsi pour toute autre personne qui pourrait occuper le poste de président d’élection au moment opportun.

D.  La juge de la Cour fédérale a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle en accordant une réparation à Sophia Hamelin, qui n’avait pas demandé le contrôle judiciaire?

[57]  Je répondrais à cette question par la négative. Lorsque j’interprète le jugement en corrélation avec les motifs et le dossier, je conclus que la juge de la Cour fédérale n’y aborde pas l’appel de Sophia Hamelin.

[58]  De toute évidence, la juge de la Cour fédérale savait bel et bien que Sophia Hamelin avait interjeté appel, qu’elle ne figurait pas au nombre des parties et qu’elle n’avait pas demandé le contrôle judiciaire. Au paragraphe 10 de ses motifs, la juge fait mention, après avoir décrit les intimés, d’un appel supplémentaire d’« une autre personne non pertinente à l’espèce ». Au paragraphe 15, elle fait mention des observations présentées lors de l’audience tenue par le comité d’appel par deux des intimés et « un tiers ». Il ne peut s’agir que d’allusions à Sophia Hamelin et à son appel.

[59]  En ce qui concerne la déclaration dans le jugement selon laquelle « les quatre appels déposés » devraient être tranchés par le comité d’appel, la conclusion logique est que la juge de la Cour fédérale parlait des appels déposés par Darwin Hamelin et Wilma Goodswimmer et de l’appel déposé par Kevin Hamelin. La juge a indiqué au paragraphe 9 de sa décision que l’appel de Kevin Hamelin s’articulait en deux volets : il traitait de sa propre éligibilité et de celles d’autres candidats, entre autres questions. Comme la juge de la Cour fédérale l’avait précédemment soulevé (par. 6), Kevin Hamelin avait également fait part de son intention d’interjeter appel à l’issue de l’assemblée de mise en candidature et il en avait avisé le président d’élection par écrit. Il a par la suite déposé un avis d’appel distinct.

[60]  Cela étant, lorsqu’elle a fait mention « des quatre appels », la juge faisait sans doute allusion aux quatre appels interjetés par les intimés. À mon avis, la juge de la Cour fédérale n’a pas accordé une réparation à Sophia Hamelin et n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle à cet égard.

V.  Dispositif proposé

[61]  Pour les motifs qui précèdent, j’accueillerais l’appel en partie, soit en vue d’annuler la partie du paragraphe 1 du jugement de la Cour fédérale qui est ainsi libellée : « Les appels devront être entendus sans la participation du président d’élection Robert Hall. » Je rejetterais par ailleurs l’appel. Comme les intimés ont obtenu gain de cause en grande partie, je leur adjugerais les dépens.

« J.B. Laskin »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

David Stratas, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Wyman W. Webb, j.c.a. »


ANNEXE

[traduction française]

RÈGLEMENT ÉLECTORAL COUTUMIER

DE LA STURGEON LAKE CREE NATION

[…]

5.  PRÉSIDENT D’ÉLECTION

5.1  Nomination

a)  Le président d’élection est nommé par résolution du conseil de bande au moins trente-six jours avant la date prévue de l’élection.

b)  La résolution du conseil de bande prévoit également la nomination d’un remplaçant.

5.2  Éligibilité

Le président d’élection doit remplir les conditions suivantes :

a)  avoir plus de trente ans;

b)  ne pas être à l’emploi de la Sturgeon Lake Cree Nation, de sociétés appartenant à une Première Nation ou du Western Cree Tribal Council;

c)  ne pas être membre de la Sturgeon Lake Cree Nation ou de toute autre Première Nation;

d)  pouvoir fournir les résultats de la vérification de son casier judiciaire et de la vérification de ses antécédents auprès des autorités de protection de l’enfance;

e)  signer une entente de confidentialité;

f)  comprendre le présent règlement et être en mesure de l’appliquer.

5.3  Mandat

a)  Le président d’élection demeure en fonction de la date prévue dans la résolution du conseil de bande jusqu’à six mois après l’expiration de la période d’appel prévue à l’article 12 du présent règlement;

b)  À moins d’une résolution contraire du conseil de bande, le président d’élection agit à ce titre lors de tout scrutin de ballottage découlant de l’élection des conseillers ou du chef.

5.4  Rémunération

a)  Le conseil de bande précise dans la résolution de nomination du président d’élection la rémunération, conforme à l’alinéa 5.4b) du présent règlement, qu’il a décidé de lui verser.

b)  La rémunération est juste et raisonnable.

5.5  Responsabilités

Les responsabilités et les obligations générales du président d’élection sont énumérées à l’annexe A du présent règlement et peuvent être redéfinies de temps à autre par résolution du conseil de bande.

[…]

6.4  Personnes éligibles

a)  Sous réserve de l’alinéa 6.4b) et de l’article 16.3 du présent règlement, l’électeur qui remplit les conditions suivantes peut présenter sa candidature à la charge de chef ou de conseiller :

i)  il est âgé d’au moins dix-huit ans le jour de l’élection;

ii)  il a résidé dans la réserve de Sturgeon Lake pendant au moins douze mois avant la date de la mise en candidature;

iii)  s’il doit de l’argent à la bande, y compris tout loyer impayé, il a pris des dispositions pour rembourser la somme due au moins trois mois avant le jour de l’élection et a toujours fait les paiements convenus.

b)  Nul ne peut être candidat aux deux charges, soit à celle de chef et à celle de conseiller.

[…]

12  APPELS EN MATIÈRE D’ÉLECTION

12.1  Moyens d’appel

Dans un délai de quatorze jours à compter du jour du scrutin ou, dans le cas de l’élection par acclamation d’un conseiller ou du chef, dans un délai de quatorze jours à compter du jour de l’assemblée de mise en candidature, tout électeur peut interjeter appel des résultats d’une élection, d’une élection partielle ou d’un scrutin de ballottage s’il a des motifs raisonnables et probables de croire :

a)  qu’une erreur dans l’interprétation ou l’application du Règlement a eu une incidence importante et directe sur le déroulement et le résultat de l’assemblée de mise en candidature, de l’élection, de l’élection partielle ou du scrutin de ballottage;

b)  qu’un candidat ne satisfait pas aux critères énoncés aux articles 6.4 et 6.6 du règlement;

c)  qu’un candidat s’est rendu coupable d’avoir encouragé ou facilité des manœuvres frauduleuses, notamment la corruption de candidats, d’électeurs, du président d’élection ou de greffiers du scrutin, la profération de menaces à leur endroit ou la prise de mesures visant leur intimidation;

d)  qu’une personne qui n’a pas le droit de vote a voté;

e)  qu’une autre circonstance ou un autre événement a eu une incidence importante et directe sur le déroulement et le résultat de l’assemblée de mise en candidature, de l’élection, de l’élection partielle ou du scrutin de ballottage.

12.2  Avis d’appel

a)  Il peut être interjeté appel au moyen d’un avis d’appel, énumérant les moyens d’appel, transmis par écrit au président d’élection au bureau de la Première Nation.

b)  Le bureau de la Première Nation doit recevoir l’avis d’appel dans les quatorze jours suivant le jour de l’élection ou, dans le cas d’une élection par acclamation, dans les quatorze jours suivant l’assemblée de mise en candidature à l’origine de l’appel.

12.3  Avis aux candidats

Le président d’élection informe sans tarder tous les candidats touchés par l’avis d’appel.

12.4  Comité d’appel

a)  Le comité d’appel en matière d’élections est composé de :

i)  deux aînés de la Première Nation;

ii)  deux électeurs âgés de trente à cinquante-quatre ans;

iii)  deux électeurs âgés de dix-huit à vingt-neuf ans.

b)  Aucun membre du comité d’appel ne peut appartenir à la famille immédiate du candidat visé par l’appel ou de l’appelant ni se trouver en conflit d’intérêts, selon la décision des autres membres du comité.

c)  Les membres qui demeurent habiles à siéger doivent s’occuper de remplacer les membres exclus par application l’alinéa 12.4b).

d)  Il est représenté par un avocat.

e)  Il est constitué par le chef et le conseil à l’issue de l’assemblée de mise en candidature.

f)  La rémunération de ses membres est établie par le chef et le conseil.

12.5  Réunion du comité d’appel

Sous réserve de l’article 12.6, le président d’élection convoque une réunion du comité d’appel en vue de l’audition de l’appel dans les sept jours suivant la réception d’un avis d’appel. La réunion est présidée par le président d’élection, qui a également droit de vote.

12.6  Avis de réunion du comité d’appel

L’avis de réunion est affiché aux endroits où ont été affichés les avis d’élection au moins trois jours avant la date fixée pour sa tenue.

12.7  Observations

Les personnes qui suivent, ou leurs représentants respectifs, peuvent présenter des observations écrites ou orales, ou les deux, au comité d’appel à la réunion :

a)  l’appelant;

b)  la personne visée par l’appel;

c)  les autres parties intéressées.

12.8  Décision

Dans les trois jours suivant la réunion, le comité d’appel rend sans tarder l’une des décisions suivantes :

a)  il rejette l’appel au motif que les éléments de preuve présentés n’ont pas étayé adéquatement le moyen d’appel applicable;

b)  il confirme le moyen d’appel, mais maintient les résultats de l’élection au motif que l’infraction n’a pas eu une incidence importante ou directe sur le résultat de l’élection;

c)  il fait droit à l’appel et :

i)  il tient une nouvelle assemblée de mise en candidature, élection ou élection partielle ou organise un scrutin de ballottage;

ii)  il tient une nouvelle assemblée de mise en candidature, élection ou élection partielle ou organise un scrutin de ballottage uniquement pour les charges directement concernées;

iii)  il organise un scrutin de ballottage.

12.9  Avis

Le président d’élection informe par écrit et sans tarder les parties intéressées de la décision du comité d’appel.

[…]

ANNEXE A

RÈGLEMENT ÉLECTORAL COUTUMIER
DE STURGEON LAKE CREE NATION

RESPONSABILITÉS DU PRÉSIDENT D’ÉLECTION

Il incombe au président d’élection :

1.  de dresser la liste des électeurs;

2.  de créer pour chaque élection un dossier d’élection comprenant des copies de l’ensemble de la correspondance, des notes de service et des autres renseignements utiles à la tenue de chaque élection, élection partielle ou scrutin de ballottage;

3.  d’organiser les activités ou de s’acquitter des obligations nécessaires aux mises en candidature en conformité avec le présent règlement;

4.  d’assurer la surveillance des élections, des élections partielles ou des scrutins de ballottage et de veiller à leur déroulement en conformité avec le Règlement et les modalités énoncées aux présentes et de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller au bon déroulement des élections, des élections partielles ou des scrutins de ballottage;

5.  au moins sept jours avant le jour d’élection, de nommer les greffiers de scrutin et les interprètes qu’il juge nécessaires au bon déroulement de l’élection, de l’élection partielle ou du scrutin de ballottage; les greffiers de scrutin ne doivent pas être des électeurs, les interprètes, qui ne doivent pas être membres de la Sturgeon Lake Cree Nation, doivent parler couramment la langue crie;

6.  d’organiser la disposition des isoloirs nécessaires de façon à assurer le secret et la confidentialité du vote;

7.  de s’acquitter des autres responsabilités que lui confie de temps à autre le conseil et qui se rapportent au déroulement des élections, des élections partielles ou des scrutins de ballottage.

[…]


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-93-17

(APPEL D’UN JUGEMENT DE LA JUGE McVEIGH DATÉ DU 9 FÉVRIER 2017, DOSSIER T-615-16)

INTITULÉ :

STURGEON LAKE CREE NATION c. DARWIN HAMELIN, KEVIN HAMELIN ET WILMA GOODSWIMMER

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

EDMONTON (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 JUIN 2018

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LASKIN

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

 

DATE DES MOTIFS :

LE 4 JUILLET 2018

 

COMPARUTIONS :

Me Mark Freeman

 

Pour l’appelante

 

Me Priscilla Kennedy

 

Pour les intimés

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rath & Company

Priddis (Alberta)

 

Pour l’appelante

 

DLA Piper (Canada) LLP

Edmonton (Alberta)

 

Pour les intimés

 

 

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