Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20180531


Dossiers : A-78-17 (dossier principal); A-217-16; A-218-16;

A-223-16; A-224-16; A-225-16; A-232-16;

A-68-17; A-74-17; A-75-17;

A-76-17; A-77-17; A-84-17; A-86-17

Référence : 2018 CAF 104

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

NATION TSLEIL-WAUTUTH, VILLE DE VANCOUVER, VILLE DE BURNABY, NATION SQUAMISH (également connue sous le nom de BANDE INDIENNE SQUAMISH), XÀLEK/SEKYÚ SIÝ AM, CHEF IAN CAMPBELL en son propre nom et au nom de tous les membres de la Nation Squamish, BANDE INDIENNE COLDWATER, CHEF LEE SPAHAN en qualité de chef de la Bande indienne Coldwater et au nom de tous les membres de la Bande indienne Coldwater, AITCHELITZ, SKOWKALE, VILLAGE DE SHXWHÁ:Y, SOOWAHLIE, PREMIÈRE NATION SQUIALA, TZEACHTEN, YAKWEAKWIOOSE, SKWAH, KWAW-KWAW-APILT, CHEF DAVID JIMMIE en son propre nom et au nom de tous les membres de la TRIBU TS’ELXWÉYEQW, BANDE UPPER NICOLA, CHEF RON IGNACE et CHEF FRED SEYMOUR en leur propre nom et au nom de tous les autres membres de STK’EMLUPSEMC TE SECWEPEMC de la NATION SECWEPEMC, RAINCOAST CONSERVATION FOUNDATION et LIVING OCEANS SOCIETY

demandeurs

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, OFFICE NATIONAL DE L’ÉNERGIE et

TRANS MOUNTAIN PIPELINE ULC

défendeurs

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DE L’ALBERTA ET PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

intervenants

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 31 mai 2018.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LA COUR


Date : 20180531


Dossiers : A-78-17 (dossier principal); A-217-16; A-218-16;

A-223-16; A-224-16; A-225-16; A-232-16;

A-68-17; A-74-17; A-75-17; A-76-17;

A-77-17; A-84-17; A-86-17

Référence : 2018 CAF 104

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

NATION TSLEIL-WAUTUTH, VILLE DE VANCOUVER, VILLE DE BURNABY, NATION SQUAMISH (également connue sous le nom de BANDE INDIENNE SQUAMISH), XÀLEK/SEKYÚ SIÝ AM, CHEF IAN CAMPBELL en son propre nom et au nom de tous les membres de la Nation Squamish, BANDE INDIENNE COLDWATER, CHEF LEE SPAHAN en qualité de chef de la Bande indienne Coldwater et au nom de tous les membres de la Bande indienne Coldwater, AITCHELITZ, SKOWKALE, VILLAGE DE SHXWHÁ:Y, SOOWAHLIE, PREMIÈRE NATION SQUIALA, TZEACHTEN, YAKWEAKWIOOSE, SKWAH, KWAW-KWAW-APILT, CHEF DAVID JIMMIE en son propre nom et au nom de tous les membres de la TRIBU TS’ELXWÉYEQW, BANDE UPPER NICOLA, CHEF RON IGNACE et CHEF FRED SEYMOUR en leur propre nom et au nom de tous les autres membres de STK’EMLUPSEMC TE SECWEPEMC de la NATION SECWEPEMC, RAINCOAST CONSERVATION FOUNDATION et LIVING OCEANS SOCIETY

demandeurs

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

OFFICE NATIONAL DE L’ÉNERGIE et

TRANS MOUNTAIN PIPELINE ULC

défendeurs

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DE L’ALBERTA ET PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

intervenants

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LA COUR

[1]  La Nation Tsleil-Waututh sollicite une ordonnance :

  1. pour rouvrir le dossier de la preuve afin d’inclure à titre de nouveaux éléments de preuve 15 documents que Tsleil-Waututh a obtenus sous forme expurgée du National Observer; et

  2. enjoignant le Canada, conformément à l’article 41 des Règles, de produire des copies non expurgées des 15 documents et un courrier électronique ainsi que d’autres documents énumérés à l’Annexe « A » de la requête de Tsleil-Waututh.

[2]  Tsleil-Waututh fait valoir que les documents établissent que le Canada n’a pas procédé à des consultations de manière honorable dans le cadre du projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain (le projet). Plus précisément, les documents établiraient que :

  1. les représentants du Canada n’ont pas été mandatés pour consulter : ils se sont plutôt vu confier un mandat restreint, se limitant à écouter et à consigner les préoccupations exprimées par les groupes autochtones à transmettre au Cabinet dans le rapport sur les consultations et les accommodements de la Couronne;

  2. le Canada a participé au processus de consultation avec un [traduction« esprit fermé » inacceptable ou une [traduction« idée déjà formée ».

[3]  La requête de Tsleil-Waututh est appuyée par les demandeurs suivants : la Nation Squamish, la bande indienne Coldwater, les demandeurs Stk’emlupsemc te Secwepemc, Stó: lō et la bande Upper Nicola. Le procureur général du Canada et Trans Mountain Pipeline ULC, défendeurs, s’opposent à la requête.

[4]  Pour les motifs qui suivent, nous avons conclu que le dossier de la preuve ne devrait pas être rouvert et que la requête de Tsleil-Waututh devait être rejetée avec dépens payables au procureur général et à Trans Mountain, quelle que soit l’issue de la cause.

I.  Les faits

[5]  Les faits ayant donné lieu à la requête peuvent être décrits brièvement.

[6]  Les 18, 24 et 27 avril 2018, trois articles ont été publiés en ligne par le National Observer. Les articles portaient sur le moment où le Canada avait décidé d’approuver le projet et sur ses consultations auprès des groupes autochtones, y compris Tsleil-Waututh. Au moment de la publication des articles, l’audition des demandes de contrôle judiciaire réunies sous-jacentes était terminée et les demandes étaient en délibéré dans l’attente du jugement de la Cour.

[7]  Le 27 avril 2018, l’auteur des trois articles a donné à Tsleil-Waututh accès à 15 documents obtenus par le National Observer à la suite d’une demande présentée en application de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1 (la Loi). Les documents, dont beaucoup sont expurgés ou fortement expurgés, sont annexés à l’affidavit de Miriam Bird déposé au soutien de la requête de Tsleil-Waututh. Sont également annexés à l’affidavit les trois articles publiés en ligne par le National Observer.

II.  Les principes juridiques applicables

[8]  Les avocats n’ont invoqué à la Cour aucune décision faisant autorité quant au critère à appliquer par notre Cour lorsqu’on lui demande de rouvrir une audience relative au contrôle judiciaire terminée dans le but de rouvrir le dossier de la preuve. Ils n’ont pas non plus présenté d’observations détaillées sur le critère à appliquer à la demande de Tsleil-Waututh enjoignant au Canada de produire des copies non expurgées des 15 documents produits en application de la Loi et des documents supplémentaires énumérés à l’Annexe A de la requête de Tsleil-Waututh.

[9]  Dans le cadre de la requête en réouverture du dossier de preuve, Tsleil-Waututh soutient que la principale préoccupation devrait être de préserver l’intégrité des demandes réunies afin que justice soit rendue. Tsleil-Waututh s’appuie sur la décision de la Cour fédérale Varco Canada Limited c. Pason Systems Corp., 2011 CF 467, 92 C.P.R. (4th) 399, (décision Varco no 1).

[10]  Dans la décision Varco no 1, la Cour fédérale a rouvert une action portant sur un brevet après la conclusion du procès et pendant que la Cour délibérait sur le jugement. Tsleil-Waututh soutient que la Cour fédérale a appliqué un critère à deux volets qui posait les questions suivantes :

  1. L’issue du procès aurait-elle vraisemblablement été différente si l’élément de preuve en cause avait été présenté?

  2. Aurait-il été possible d’obtenir l’élément de preuve avant le procès en faisant preuve de diligence raisonnable?

[11]  Le Canada a fait état de trois décisions où ont été examinées des demandes de réouverture des procédures une fois le procès terminé : 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., 2001 CSC 59, [2001] 2 R.C.S. 983, Varco no 1 et Mehedi v. 2057161 Ontario Inc., 2015 ONCA 670, 391 D.L.R. (4th) 374. Le Canada mentionne également une deuxième demande de réouverture présentée dans l’action de Varco, laquelle a été examinée dans la décision Varco Canada Limited c. Pason Systems Corp., 2011 CF 1140, [2011] A.C.F. no 1424 (décision Varco no 2).

[12]  Trans Mountain adopte les arguments du Canada en ce qui concerne le critère relatif à la réouverture et ajoute des arguments plus détaillés sur la nécessité de traiter la jurisprudence susmentionnée avec prudence, car ces affaires ont toutes pris naissance dans le contexte de procès civils en dommages-intérêts. Trans Mountain soutient que, en l’espèce, notre Cour doit examiner en quoi les principes en matière de preuve régissant les demandes de contrôle judiciaire diffèrent de ceux régissant les procès. À cet égard, Trans Mountain mentionne notamment le paragraphe 18.4(1) de la Loi sur les Cours fédérales qui exige que les demandes de contrôle judiciaire soient entendues et jugées « à bref délai et selon une procédure sommaire »; l’article 3 des Règles des Cours fédérales qui exige que les Règles soient « interprétées et appliquées de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible » et l’ordonnance du 9 mars 2017 de notre Cour, rendue au tout début des requêtes réunies, qui prévoyait notamment que « celles-ci devraient être instruites rapidement; il faut donc réduire au minimum les retards dans l’instruction des présentes instances réunies ».

[13]  Nous commençons notre analyse par la décision de la Cour suprême dans l’arrêt Sagaz et la mise en garde de la Cour, au paragraphe 61 des motifs, selon laquelle le pouvoir discrétionnaire de rouvrir un procès doit être exercé [traduction« avec modération et la plus grande prudence » de façon à éviter « le recours abusif aux tribunaux ».

[14]  En ce qui concerne le critère relatif à la réouverture d’un procès, la Cour suprême a entériné l’utilisation par le juge de première instance du critère à deux volets énoncé dans la décision Scott v. Cook, [1970] 2 O.R. 769 (H.C.). Ce critère exige que le tribunal se pose les questions suivantes :

  1. L’issue du procès aurait-elle vraisemblablement été différente si l’élément de preuve en cause avait été présenté?

  2. Aurait-il été possible d’obtenir l’élément de preuve avant le procès en faisant preuve de diligence raisonnable?

[15]  Le premier volet du critère formulé dans la décision Scott est un critère plus rigoureux que celui préconisé par Tsleil-Waututh : la preuve aurait-elle une influence quelconque sur le résultat?

[16]  Nous convenons que, dans la décision Varco n° 1, au paragraphe 17, la Cour fédérale a formulé le premier élément du critère à deux volets de la manière suivante : « les éléments de preuve, s’ils avaient été présentés, auraient-ils pu influer sur l’issue de l’affaire? » (Voir aussi les motifs de la Cour fédérale au paragraphe 23). Cependant, en appliquant le critère, la Cour fédérale a déclaré que les nouveaux éléments de preuve proposés portaient « directement sur des questions en litige très importantes ». Les éléments de preuve, faisait-on valoir, étaient « [nécessaires] pour que le témoignage au procès soit complet » Ainsi, les éléments de preuve dépassaient largement le seuil des éléments de preuve qui « auraient » pu influer sur l’issue de l’affaire.

[17]  Toute incertitude quant au critère appliqué par la Cour fédérale a été, à notre avis, écartée dans la décision Varco no 2. La décision Varco no 2 portait sur une deuxième requête en réouverture du procès. Au paragraphe 7 de ses motifs, la Cour fédérale a énoncé que le critère juridique applicable est le suivant :

1.  L’issue du procès aurait-elle vraisemblablement été différente si l’élément de preuve en cause avait été présenté?

2.  Aurait-il été possible d’obtenir l’élément de preuve avant le procès en faisant preuve de diligence raisonnable?

[18]  En appliquant le critère et en rejetant la deuxième demande de réouverture du procès, la Cour fédérale a indiqué, au paragraphe 21 que pour « avoir une incidence sur le résultat, les éléments de preuve doi[vent] être tel[s] qu’il[s] pourrai[en]t probablement modifier le résultat ». Les nouveaux éléments de preuve proposés n’atteignaient pas ce seuil de référence.

[19]  Ce que nous retenons de l’application par la Cour fédérale du critère à deux volets dans la décision Varco no 1, et de la reformulation du critère par la Cour fédérale dans la décision Varco no 2, c’est que la jurisprudence de la Cour fédérale indique que la question à poser au premier stade est à savoir si l’issue du procès aurait vraisemblablement été différente si l’élément de preuve en cause avait été présenté? Cela est conforme au critère formulé dans la décision Scott et avalisé par la Cour suprême dans l’arrêt Sagaz.

[20]  Nous avons également examiné, et accepté, l’argument selon lequel la jurisprudence découlant du déroulement des procès ne devrait pas être appliquée à l’aveuglette dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Il existe une jurisprudence abondante qui indique que, conformément au paragraphe 18.4(1) de la Loi sur les Cours fédérales, les demandes de contrôle judiciaire doivent être entendues et tranchées à bref délai. C’est pour cette raison, par exemple, que la Cour est réticente à instruire des requêtes préliminaires dans des demandes de contrôle judiciaire.

[21]  Le besoin d’entendre des demandes de contrôle judiciaire et de statuer sur celles-ci à bref délai et selon une procédure sommaire signifie que le pouvoir discrétionnaire de rouvrir une demande de contrôle judiciaire dont l’audition est terminée doit être exercé avec beaucoup de prudence, en tenant compte de la nécessité de ne pas retarder indûment le règlement des questions importantes, lesquelles sont souvent des questions d’intérêt public importantes. Les parties reconnaissent que les demandes réunies soulèvent des questions d’intérêt public importantes. Ainsi, nous ajouterions un troisième volet au critère relatif à la réouverture : la réouverture du dossier de la preuve serait-elle dans l’intérêt public?

[22]  En ce qui concerne l’assignation demandée en application de l’article 41 des Règles, pour qu’une partie à une procédure de contrôle judiciaire obtienne une assignation exigeant la production d’un document, la partie doit établir que l’élément de preuve à produire est nécessaire, qu’il n’y a pas d’autre moyen d’obtenir l’élément de preuve, que la partie ne se livre pas à une recherche à l’aveuglette et que le document visé par l’assignation est susceptible de contenir l’élément de preuve pertinent : Tsleil-Waututh Nation c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 128, [2017] A.C.F. no 601, au paragraphe 103.

III.  Application du critère relatif à la réouverture aux faits de l’espèce

[23]  Nous commençons notre analyse en examinant ce que les 15 documents obtenus en application de la Loi établissent.

[24]  Tsleil-Waututh affirme que les documents :

  1. établissent que le sous-ministre de Ressources naturelles Canada a eu une conversation téléphonique avec le chef de la direction de Kinder Morgan Canada en janvier 2016 pour discuter des échéanciers de l’examen réglementaire du projet;

  2. confirment que le sous-ministre adjoint de l’époque a convoqué une réunion le 27 octobre 2016 avec de hauts fonctionnaires fédéraux pour discuter du projet. Une copie des notes manuscrites de cette réunion du 27 octobre 2016 indique que le Canada a pris sa décision d’approuver le projet et que les représentants fédéraux devraient [traduction« exprimer avec fidélité ce qu’ils ont [ce que le gouvernement fédéral a] choisi de faire ». Lors d’une réunion d’engagement plus tôt dans la journée avec Tsleil-Waututh, le sous-ministre adjoint de l’époque a déclaré à Tsleil-Waututh qu’une décision d’approuver le projet n’avait pas encore été prise;

  3. confirment qu’après la réunion du 27 octobre 2016, le sous-ministre adjoint de l’époque [traduction] « a commencé à distribuer aux hauts fonctionnaires un certain nombre de notes de service destinées au sous-ministre. Ces hauts fonctionnaires ont ensuite tenu de nombreuses téléconférences, toutes liées à la décision du Canada d’approuver le projet sous le couvert du nom “ Critical Path for Pipelines and Related Announcements ”([TRADUCTION] Le parcours crucial des pipelines et autres annonces à ce sujet)».

[25]  Nous ne sommes pas d’accord.

[26]  Nous avons lu attentivement chacun des 15 documents produits en application de la Loi et avons conclu qu’ils étaient bien loin d’établir l’une quelconque des trois affirmations avancées par Tsleil-Waututh.

[27]  Par exemple, le seul document qui porte sur l’appel téléphonique de janvier 2016 avec le chef de la direction de Kinder Morgan Canada est la pièce F de l’affidavit de Miriam Bird, une note de service adressée au sous-ministre de Ressources naturelles Canada. La note de service explique que le chef de direction a demandé à avoir un appel avec le sous-ministre et indique que le chef de direction :

[traduction] [...] voudra peut-être discuter : de l’état actuel de l’examen du projet par l’Office national de l’énergie (ONÉ); de l’approche adoptée par le gouvernement pour examiner le processus d’évaluation environnementale et les mesures de transition éventuelles qui pourraient s’appliquer au [projet d’agrandissement de Trans Mountain]; l’engagement du gouvernement à renouer ses relations avec les peuples autochtones; et les nouveaux enjeux potentiels dans les plans de la société liés au projet.

[28]  La note de service donnait alors une mise à jour sur l’état du processus d’examen du projet. Le document ne dit rien sur l’échéancier du processus d’examen du projet et il n’y a aucune mention voulant que le Canada accélère le processus d’examen. Nous acceptons l’affirmation de Trans Mountain selon laquelle le contenu de cette note de service n’indique pas si le Canada s’est acquitté de son obligation de consulter Tsleil-Waututh ou tout autre groupe autochtone.

[29]  Les documents indiquent que le sous-ministre de l’époque a convoqué une réunion le 27 octobre 2016 avec de hauts fonctionnaires fédéraux pour discuter du projet. Cependant, contrairement à ce que soutient Tsleil-Waututh, les notes manuscrites (pièce J de l’affidavit de Miriam Bird) ne prouvent pas que le Canada avait déjà pris sa décision d’approuver le projet. Tsleil-Waututh se fie particulièrement au passage suivant des notes manuscrites :

[traduction] Risques : le gouvernement a indiqué sa décision sur le processus tel quel

Ne pas changer le processus

Tout est juridiquement valable selon l’arrêt Gitxaala

Transmet fidèlement ce qu’ils ont choisi de faire

[30]  À notre avis, comme l’a fait valoir Stk’emlupsemc te Secwepemc, ce passage montre que le Canada a décidé de ne pas modifier le cadre du processus d’examen de projet. Le Canada continuerait de s’appuyer, dans la mesure du possible, sur le processus de l’Office national de l’énergie et continuerait de fonctionner dans le cadre du processus de consultation en quatre phases. Un processus similaire de consultation en plusieurs phases a été suivi en ce qui concerne le projet Northern Gateway et, dans l’arrêt Nation Gitxaala c. Canada, 2016 CAF 187, [2016] 4 R.C.F. 418, notre Cour a conclu que le cadre de consultation était raisonnable. Ainsi, le passage renvoie au processus comme étant « juridiquement valable » selon l’arrêt Nation Gitxaala.

[31]  Rien dans ce passage ni dans le reste de la note manuscrite ne démontre que le Canada avait déjà pris la décision d’approuver le projet.

[32]  Les documents postérieurs à la réunion du 27 octobre 2016 ne corroborent pas l’affirmation de Tsleil-Waututh selon laquelle, à cette date, le Canada avait décidé d’approuver le projet et que, par la suite, les hauts fonctionnaires tenaient des téléconférences [traduction« le tout en liaison avec la décision du Canada d’approuver le projet sous le couvert du titre “ Critical Path for Pipelines and Related Announcements ”».

[33]  Ainsi, une note de service adressée au sous-ministre avant la téléconférence du 3 novembre 2016 sur le déploiement et la mise en œuvre du plan de protection des océans, pièce M de l’affidavit de Miriam Bird, décrit une stratégie de communication pour le plan de protection des océans [traduction« si le [projet d’expansion de Trans Mountain] est approuvé, en vue d’annoncer à nouveau et de fournir des détails supplémentaires sur les initiatives renforçant le système de sécurité maritime global dans la zone du projet. Les fonctionnaires de RNCan travailleront avec Transports Canada pour se préparer à une telle approche au cas où le projet serait approuvé ». [Non souligné dans l’original.]

[34]  Dans le même sens, une note de service préparée à l’intention du ministre et intitulée [traduction« Le point sur les consultations auprès des autochtones pour le projet d’expansion de Trans Mountain » (pour information le 4 novembre 2016 au plus tard) conseille au ministre :

[traductionAvant que le gouvernement rende sa décision, les fonctionnaires de l’État prépareront un rapport sur la consultation et l’accommodement afin d’informer le gouvernement sur le caractère adéquat de la consultation auprès des peuples autochtones fondée sur l’examen des répercussions potentielles sur les droits ancestraux revendiqués, ainsi que sur l’établissement des droits issus de traités et des mesures proposées pour faire face à ces répercussions, sur chaque groupe autochtone potentiellement touché. Le Bureau de gestion des grands projets (BGGP) et le Bureau des évaluations environnementales (EAO) de la Colombie-Britannique élaborent conjointement ce rapport à l’intention des décideurs.

[Non souligné dans l’original.]

[35]  Tsleil-Waututh n’a pas démontré que les 15 documents établissent les faits qu’elle a allégués ni que les documents auraient probablement une influence sur l’issue de ces demandes réunies. Tsleil-Waututh n’a pas non plus démontré que des copies non expurgées des documents auraient probablement une influence sur l’issue des présentes instances.

[36]  Sur ce point, bon nombre des expurgations ont trait à des questions manifestement hors de propos quant aux allégations de Tsleil-Waututh (par exemple, des expurgations des noms de fonctionnaires individuels et des numéros d’identité de conférence utilisés pour des téléconférences). D’autres suppressions ont été faites en raison de revendications du privilège du secret professionnel de l’avocat ou de confidences du Conseil privé de la Reine pour le Canada. Les renseignements relevant de ces revendications ne seraient pas assujettis à la production dans ces demandes réunies.

[37]  En ce qui concerne les documents supplémentaires énumérés à l’Annexe A de la requête de Tsleil-Waututh, il n’existe aucune preuve nous permettant de conclure que ces documents auraient probablement une influence sur l’issue de ces demandes réunies, s’ils étaient produits.

[38]  Les conclusions selon lesquelles Tsleil-Waututh n’a pas démontré qu’un document quelconque en question modifierait probablement l’issue de l’audience, s’il était produit, tranchent intégralement la requête de Tsleil-Waututh. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner les questions de diligence raisonnable et de déterminer si la réouverture du dossier de preuve serait dans l’intérêt public, et nous ne nous pencherons pas sur ces questions.

[39]  Il y a cependant un dernier point. En plus de s’appuyer sur le contenu des 15 documents qui lui ont été fournis par le National Observer, Tsleil-Waututh s’appuie sur le contenu des articles publiés dans le National Observer et sur des déclarations de dénonciateurs attribuées à des personnes inconnues. Ces déclarations rapportées dans des articles de presse constituent du ouï-dire et rien ne permet de conclure que ces déclarations sont suffisamment fiables pour y accorder une quelconque importance. En conséquence, nous n’avons pas accordé d’importance à ces déclarations.

[40]  Pour ces raisons, la requête de Tsleil-Waututh sera rejetée avec dépens payables au procureur général et à Trans Mountain, quelle que soit l’issue de la cause.

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

« Yves de Montigny »

j.c.a.

« J. Woods »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

A-78-17 (dossier principal); A-217-16; A-218-16; A-223-16; A-224-16;

A-225-16; A-232-16; A-68-17;

A-74-17; A-75-17; A-76-17;

A-77-17; A-84-17; A-86-17

 

 

INTITULÉ :

NATION TSLEIL-WAUTUTH ET AUTRES c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET AUTRES

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LES JUGES DAWSON, DE MONTIGNY ET WOODS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 31 MAI 2018

 

OBSERVATIONS :

Scott A. Smith

Paul Seaman

 

POUR LA DEMANDERESSE

NATION TSLEIL-WAUTUTH

F. Matthew Kirchner

 

POUR LES DEMANDEURS

NATION SQUAMISH (également connue sous le nom de BANDE INDIENNE SQUAMISH), XÀLEK/SEKYÚ SIÝ AM, CHEF IAN CAMPBELL en son propre nom et au nom de tous les membres de la Nation Squamish, BANDE INDIENNE COLDWATER ET CHEF LEE SPAHAN en sa qualité de chef de la bande Coldwater au nom de tous les membres de la bande Coldwater

 

Crystal Reeves

 

POUR LA DEMANDERESSE

BANDE UPPER NICOLA

Jana McLean

POUR LES DEMANDEURS, AITCHELITZ, SKOWKALE, VILLAGE de SHXWHÁ:Y, SOOWAHLIE, PREMIÈRE NATION SQUIALA, TZEACHTEN, YAKWEAKWIOOSE, SKWAH, KWAW-KWAW-APILT, CHEF DAVID JIMMIE en son propre nom et au nom de tous les membres de la TRIBU TS’ELXWÉYEQW

 

Sarah D. Hansen

POUR LES DEMANDEURS

CHEF RON IGNACE et CHEF FRED SEYMOUR en leur propre nom et au nom de tous les autres membres de STK’EMLUPSEMC TE SECWEPEMC de la NATION SECWEPEMC

 

Jan Brongers

 

Pour le défendeur

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

Maureen Killoran, c.r.

 

POUR LA DÉFENDERESSE

TRANS MOUNTAIN PIPELINE ULC

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LA DEMANDERESSE

NATION TSLEIL-WAUTUTH

 

Hunter Litigation Chambers Law Corporation

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LA DEMANDERESSE

VILLE DE VANCOUVER

 

Ratcliff & Company LLP

Vancouver Nord (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

VILLE DE BURNABY

Ratcliff & Company LLP

Vancouver Nord (Colombie-Britannique)

POUR LES DEMANDEURS

NATION SQUAMISH (également connue sous le nom de BANDE INDIENNE SQUAMISH), XÀLEK/SEKYÚ SIÝ AM, CHEF IAN CAMPBELL en son propre nom et au nom de tous les membres de la Nation Squamish, BANDE INDIENNE COLDWATER ET CHEF LEE SPAHAN en sa qualité de chef de la bande Coldwater au nom de tous les membres de la bande Coldwater

 

Mandell Pinder LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LA DEMANDERESSE

BANDE UPPER NICOLA

 

Miller Titerle + Company LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LES DEMANDEURS

AITCHELITZ, SKOWKALE, VILLAGE DE SHXWHÁ:Y, SOOWAHLIE, PREMIÈRE NATION SQUIALA, TZEACHTEN, YAKWEAKWIOOSE, SKWAH, KWAW-KWAW-APILT, CHEF DAVID JIMMIE en son propre nom et au nom de tous les membres de la TRIBU TS’ELXWÉYEQW

 

Miller Thomson S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LES DEMANDEURS

CHEF RON IGNACE et CHEF FRED SEYMOUR en leur propre nom et au nom de tous les autres membres de STK’EMLUPSEMC TE SECWEPEMC de la NATION SECWEPEMC

 

Ecojustice

Calgary (Alberta)

POUR LES DEMANDERESSES RAINCOAST CONSERVATION FOUNDATION et LIVING OCEANS SOCIETY

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour le défendeur

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

Services juridiques de l’Office national de l’énergie

Calgary (Alberta)

POUR LA DÉFENDERESSE

OFFICE NATIONAL DE L’ÉNERGIE

Osler, Hoskin & Harcourt LLP

Calgary (Alberta)

POUR LA DÉFENDERESSE

TRANS MOUNTAIN PIPELINE ULC

 

Ministre de la Justice et Solliciteur général de l’Alberta

Edmonton (Alberta)

POUR L’INTERVENANT

PROCUREUR GÉNÉRAL DE L’ALBERTA

 

Ministère de la Justice

Victoria (Colombie-Britannique)

POUR L’INTERVENANT

PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.