Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20180525


Dossier : A-158-17

Référence : 2018 CAF 98

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NEAR

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

GARY SAUVÉ

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

intimés

et

MONECO SOBECO

partie à l’instance

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 23 mai 2018.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 25 mai 2018.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY


Date : 20180525


Dossier : A-158-17

Référence : 2018 CAF 98

CORAM :

LE JUGE NEAR

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

GARY SAUVÉ

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

intimés

et

MONECO SOBECO

partie à l’instance

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NEAR

I.  Aperçu

[1]  L’appelant, Gary Sauvé, interjette appel d’une décision rendue par la juge Mactavish de la Cour fédérale le 5 mai 2017 (Sauvé c. Canada (Procureur général), 2017 CF 453). La Cour fédérale a rejeté les demandes de contrôle judiciaire présentées par l’appelant à l’encontre de quatre décisions liées à son congédiement de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

II.  Contexte

[2]  L’appelant est un ancien membre de la GRC. Il a été accusé de plusieurs infractions criminelles. Un commissaire adjoint de la GRC l’a suspendu sans salaire ni avantages sociaux. L’appelant a par la suite été accusé de deux chefs de harcèlement criminel et, à l’issue d’une instance distincte, le comité d’arbitrage disciplinaire de la GRC a ordonné son congédiement.

[3]  Le demandeur a déposé deux demandes de contrôle judiciaire de quatre décisions : 1) sa suspension par le commissaire adjoint sans salaire et avantages sociaux en 2005; 2) la lettre du commissaire adjoint, en 2013, avisant l’appelant qu’il ne pouvait déposer un grief à l’interne contre sa suspension sans salaire et avantages sociaux puisqu’il était hors délai; 3) la décision du comité d’arbitrage disciplinaire de la GRC, en 2010, ordonnant son congédiement; 4) le refus en 2014 de la part du surintendant de lui accorder une prorogation du délai pour interjeter appel de son congédiement.

III.  La décision de la Cour fédérale

[4]  La Cour fédérale a entendu les deux demandes conjointement. Elle les a rejetées, ne rédigeant qu’un jeu de motifs pour les deux. La Cour fédérale a déterminé que la demande de contrôle judiciaire de chacune des quatre décisions était prescrite. Appliquant le critère établi dans Canada (Procureur général) c. Hennelly, 1999 CanLII 8190, au paragraphe 3, (Hennelly), la Cour fédérale a refusé d’exercer sa compétence pour permettre une prorogation du délai. En ce qui concerne les décisions de suspendre son salaire et ses avantages sociaux et de le congédier, la Cour fédérale a aussi conclu que l’appelant n’avait pas épuisé les recours que lui offrait le processus de grief de la GRC.

IV.  Questions en litige

[5]  Je formulerais ainsi la question en litige soulevée par l’appel :

La Cour fédérale a-t-elle commis une erreur en rejetant les demandes de contrôle judiciaire?

V.  Norme de contrôle

[6]  La norme de contrôle applicable aux appels de contrôles judiciaires effectués par la Cour fédérale en matière de prescription et d’épuisement des processus des griefs internes est présentée dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 [Housen]. Suivant l’arrêt Housen, les questions mixtes de fait et de droit sont assujetties à la norme de l’erreur manifeste et dominante, caractérisée par un degré élevé de retenue.

[7]  Appelée à statuer en appel sur le fond des décisions rendues à l’issue de contrôles judiciaires par la Cour fédérale, notre Cour doit 1) décider si la Cour fédérale a appliqué la norme de contrôle appropriée, et 2) déterminer si la Cour fédérale a appliqué cette norme correctement (Agraira c. Canada, 2013 CSC 36, par. 45, [2013] 2 R.C.S. 559; Canada (Agence du revenu) c. Telfer, 2009 CAF 23, par. 18).

VI.  Analyse

[8]  L’appelant n’a pas démontré que la Cour fédérale avait commis une erreur manifeste et dominante en refusant d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour entendre les demandes après l’expiration du délai de prescription de 30 jours. Aux termes du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, le demandeur doit présenter une demande de contrôle judiciaire dans les 30 jours qui suivent la communication de la décision par le décideur administratif. Un juge est habilité à proroger le délai de prescription si le demandeur démontre 1) une intention constante de poursuivre sa demande; 2) que la demande est bien fondée; 3) que le défendeur ne subit pas de préjudice en raison de la prorogation du délai; 4) qu’il existe une explication raisonnable justifiant la prorogation du délai (Hennelly, par. 3). En l’espèce, la Cour fédérale a soigneusement examiné chacun des facteurs présentés dans l’arrêt Hennelly et refusé d’exercer sa compétence pour proroger le délai à l’égard de chacune des quatre décisions. À mon avis, la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur manifeste et dominante en exerçant son pouvoir discrétionnaire de cette façon.

[9]  De même, la Cour fédérale n’a pas conclu à tort que l’appelant n’avait pas épuisé les recours que lui offrait le processus de grief de la GRC pour contester la suspension de son salaire et de ses avantages sociaux ainsi que son congédiement de la GRC. En ce qui a trait à la décision de suspendre le salaire et les avantages sociaux, la Cour fédérale a expliqué que : « [l]e dépôt même d’un grief de la décision du commissaire adjoint au premier palier du processus de grief de la GRC par M. Sauvé est peut-être contesté, mais le fait que ce grief n’a pas été porté au second palier du processus de grief ne l’est pas » et que « M. Sauvé n’a pas donné d’explication satisfaisante de sa décision de ne pas porter le grief plus loin » (motifs, par. 10). En ce qui a trait à la décision de congédier l’appelant, la Cour fédérale a expliqué que l’article 45.11 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10 (Loi sur la GRC) prévoit qu’il est possible de faire appel de la décision devant le commissaire de la GRC et conclu que l’appelant n’avait pas donné d’explication satisfaisante de son abandon du processus de grief (motifs, par. 29 et 30). À mon avis, la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur manifeste et dominante en concluant que l’appelant n’avait pas épuisé tous ses recours à l’interne. Manifestement, l’appelant ne croit pas que la GRC lui assurera une audience convenable. Ce manque de confiance n’excuse toutefois pas l’appelant de ne pas s’être prévalu des recours à sa disposition à l’interne.

[10]  L’appelant fait également valoir que la Cour fédérale a commis une erreur en ne traitant pas directement son argument voulant que le paragraphe 43(8) (maintenant le paragraphe 41(2)) de la Loi sur la GRC dispose qu’une audience ne peut être convoquée plus d’un an après que la contravention au code de déontologie et l’identité du membre ont été portées à la connaissance de l’officier concerné. Le dossier soumis à notre Cour n’indique pas précisément le moment où la GRC a convoqué l’audience ni où l’officier concerné a été informé de la contravention possible au code de déontologie et de l’identité de l’appelant. Par ailleurs, le paragraphe 43(8) de la Loi sur la GRC exige uniquement que la GRC convoque une audience dans l’année suivant le moment où la contravention et l’identité du membre ont été portées à la connaissance de l’officier – il n’exige pas que l’audience soit effectivement tenue durant cette année. À mon avis, la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur en n’examinant pas directement l’argument de l’appelant sur ce point, compte tenu de l’absence d’élément de preuve au dossier.

[11]  La Cour fédérale a retenu à bon droit la norme de la décision raisonnable à l’égard des décisions du commissaire adjoint et du surintendant de ne pas proroger le délai (motifs, par. 49), et, à mon avis, l’a correctement appliquée.

VII.  Conclusion

[12]  Je rejetterais l’appel, avec entiers dépens fixés à 750 $.

« David G. Near »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Richard Boivin j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Yves de Montigny j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Marie-Luc Simoneau, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL D’UNE DÉCISION DE MADAME LA JUGE ANNE MCTAVISH DATÉE DU 5 MAI 2017, DOSSIERS No T-1103-13 ET T-145-15.

DOSSIER :

A-158-17

 

 

INTITULÉ :

GARY SAUVÉ c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, LA REINE ET MONECO SOBECO

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 mai 2018

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :

Le 25 mai 2018

 

COMPARUTIONS :

Gary Sauvé

Pour l’appelant

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Abigail Martinez

 

Pour les intimés

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureur général du Canada

 

Pour les intimés

 

 

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