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Date : 20180404


Dossier : A-121-17

Référence : 2018 CAF 67

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NADON

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

AERONAUTIC DEVELOPMENT CORPORATION

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Montréal (Québec), le 4 décembre 2017.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 4 avril 2018.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GLEASON

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LE JUGE BOIVIN

 


Date : 20180404


Dossier : A-121-17

Référence : 2018 CAF 67

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NADON

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

AERONAUTIC DEVELOPMENT CORPORATION

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GLEASON

[1]  Le présent appel porte sur la façon d’évaluer le contrôle de fait pour l’application du paragraphe 256(5.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la LIR) et sur l’étendue de la capacité de la Cour canadienne de l’impôt d’examiner des questions juridiques que le ministre du Revenu national n’a pas invoquées avec précision dans la Réponse présentée à la Cour canadienne de l’impôt.

[2]  Ces questions se posent dans le cadre de l’appel interjeté par Aeronautic Development Corporation (ADC) à l’encontre du jugement rendu par la Cour canadienne de l’impôt (le juge Hogan) dans l’affaire Aeronautic Development Corporation c. La Reine, 2017 CCI 39, dans lequel la Cour canadienne de l’impôt a rejeté l’appel d’ADC concernant ses cotisations d’impôt sur le revenu de 2009, 2010 et 2011.

[3]  ADC avait demandé un crédit d’impôt à l’investissement remboursable pour des activités de recherche scientifique et de développement expérimental au taux de 35 % pour des dépenses qu’elle avait engagées dans chacune des années d’imposition en cause. Son droit aux crédits reposait sur la question de savoir si la société était une « société privée sous contrôle canadien » (SPCC), au sens du paragraphe 125(7) de la LIR, au cours des années en cause. Le ministre du Revenu national a conclu qu’ADC n’était pas une SPCC au cours des années en cause et a donc établi une cotisation à l’égard d’ADC en tenant pour acquis qu’elle n’avait pas droit aux crédits d’impôt à l’investissement remboursables. La Cour canadienne de l’impôt a convenu qu’ADC n’était pas une SPCC et a par conséquent rejeté l’appel interjeté par ADC à l’encontre des cotisations.

[4]  Même si je ne souscris pas au raisonnement de la Cour canadienne de l’impôt à certains égards, comme il est expliqué plus en détail ci-dessous, je suis d’avis qu’elle n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle en concluant qu’ADC n’était pas une SPCC. Je rejetterais donc l’appel, avec dépens.

I.  Le contexte

[5]  Afin de mettre ces questions en contexte, il convient de rappeler brièvement les faits à l’origine de l’appel d’ADC.

[6]  Le responsable d’ADC est M. Richard Silva, citoyen américain et, pendant toute la période pertinente, résident des États‑Unis. M. Silva est ingénieur et architecte, et il compte une vaste expérience dans le domaine de l’aéronautique. Il y a quelques années, il a investi dans une société canadienne qui espérait mettre au point et commercialiser un petit aéronef appelé le Seawind. La société a fait faillite, et M. Silva a acquis les droits de propriété intellectuelle sur le Seawind. Il souhaitait poursuivre la mise au point de l’aéronef et le faire certifier par les autorités de réglementation compétentes. M. Silva soutient qu’Investissement Québec et Industrie Canada ont communiqué avec lui afin de lui demander de procéder à la certification et à la fabrication ultérieure du Seawind au Québec et que les deux organismes l’ont informé qu’il serait admissible à des crédits d’impôt à l’investissement remboursables si le travail de mise au point était fait au Canada par une SPCC.

[7]  M. Silva a retenu les services d’un cabinet comptable renommé pour le conseiller quant à la création d’une structure de société qui serait admissible à des crédits d’impôt à l’investissement remboursables. Une société canadienne a été créée, Flight Dynamics Corporation (FDC), dont M. Silva était actionnaire minoritaire. FDC a entamé le travail de mise au point du Seawind, mais elle a eu, elle aussi, des difficultés financières et a déclaré faillite. En 2009, M. Silva a fait l’acquisition des éléments d’actif de FDC dans le but de poursuivre le travail de mise au point lié à l’obtention d’un certificat pour le Seawind.

[8]  Pour ce faire, en avril 2009, M. Silva a pris les dispositions nécessaires pour qu’ADC soit constituée en société sous le régime des lois de la Nouvelle-Écosse. Seawind Corp., une société américaine contrôlée par M. Silva, était au départ l’unique actionnaire d’ADC.

[9]  Peu après sa constitution, pendant qu’elle était encore détenue à part entière par Seawind Corp., ADC a conclu une entente de mise au point avec Seawind Corp. en vue d’effectuer le prototypage et la certification du Seawind à prix coûtant majoré. M. Silva a fixé les modalités de l’entente, dont les éléments pertinents sont les suivants :

  • tous les droits de propriété intellectuelle liés aux travaux effectués par ADC devaient être la propriété de M. Silva et de Seawind Corp.;

  • toutes les dépenses de prototypage et de certification d’ADC (moins les crédits d’impôt à l’investissement remboursables reçus par elle) seraient remboursées par Seawind Corp.;

  • ADC verserait à Seawind Corp. le montant des crédits d’impôt à l’investissement remboursables qu’elle recevrait;

  • le matériel, l’équipement et les outils acquis par ADC et financés par Seawind Corp. devaient être remis à Seawind Corp. une fois les travaux de certification terminés;

  • ADC devait recevoir une marge bénéficiaire équivalant à 5 % de ses dépenses, qui devait servir à financer ses dépenses de certification. (Toutefois, suivant les directives de M. Silva, cette marge bénéficiaire n’a jamais été payée.)

[10]  La durée initiale de l’entente était de quinze mois. ADC n’a pas cherché à renégocier l’entente et les parties ont continué à exercer leurs activités conformément à la plupart de ses dispositions.

[11]  Environ quatre mois après la signature de l’entente de mise au point, ADC a émis des actions ordinaires supplémentaires à l’un de ses employés et à des sociétés canadiennes contrôlées par trois de ses employés, de sorte que Seawind Corp. ne détenait plus que 46 % des actions ordinaires émises auxquelles se rattachaient les droits de vote.

[12]  ADC menait ses activités dans un hangar, situé à l’aéroport de Saint-Jean-sur-Richelieu (Québec), qu’une autre société contrôlée par M. Silva lui louait. Cette société devait fabriquer le Seawind une fois le certificat obtenu. ADC n’a pas conclu de contrat de bail ni payé de loyer pour utiliser les locaux. De 2009 à 2011, l’unique client d’ADC était Seawind Corp. Au cours de la même période, M. Silva s’est rendu régulièrement au hangar pour superviser les travaux qu’ADC effectuait.

[13]  Plusieurs bulletins rédigés par M. Silva, qui ont été présentés à la Cour canadienne de l’impôt sur consentement, laissaient entendre que les activités liées à la mise au point du Seawind (y compris les activités d’ADC) étaient exécutées par une organisation intégrée détenue en propriété exclusive par M. Silva.

[14]  ADC avait un capital‑actions symbolique, et elle a consigné le montant total des crédits d’impôt à l’investissement remboursables dans son bilan concernant les années d’imposition en cause, sans toutefois démontrer son obligation compensatoire envers Seawind Corp. Le montant des crédits demandés était supérieur au montant des bénéfices non répartis d’ADC. Ses activités généraient donc des déficits. En outre, les notes accompagnant ses états financiers font ressortir le fait qu’ADC dépendait économiquement de Seawind Corp. En effet, lorsque Seawind Corp. a mis fin au financement, ADC a mis fin à ses activités.

[15]  Dans la réponse présentée à la Cour canadienne de l’impôt, le ministre a exposé les hypothèses de fait sur lesquelles il s’était fondé ainsi que les fondements juridiques invoqués à l’appui des cotisations. La plupart des faits précités étaient énoncés dans la réponse. En ce qui concerne les arguments juridiques, la réponse énumérait simplement les dispositions pertinentes de la LIR et présentait un résumé de la position du ministre. Plus précisément, la réponse soulignait que le ministre soutenait que M. Silva et Seawind Corp. avaient une influence directe ou indirecte dont l’exercice entraînerait le contrôle de fait d’ADC de sorte qu’ADC était contrôlée directement ou indirectement par eux et qu’elle n’était donc pas une SPCC, au sens des dispositions pertinentes de la LIR. Toutefois, le ministre n’a pas énoncé expressément l’argument selon lequel ADC avait un lien de dépendance avec M. Silva et Seawind Corp.

[16]  Cela étant dit, devant la Cour canadienne de l’impôt, l’avocat d’ADC a présenté des observations orales sur la question de savoir si ADC avait un lien de dépendance avec M. Silva et Seawind Corp. Ces observations ont en grande partie été formulées en réponse aux questions posées par le juge de la Cour canadienne de l’impôt. Dans la plaidoirie qu’il nous a présentée, l’avocat d’ADC a reconnu qu’il était conscient de la nécessité d’aborder cette question devant la Cour canadienne de l’impôt en raison des exigences des dispositions pertinentes de la LIR, qui, en l’espèce, rattachent la définition de contrôle à l’existence d’un lien de dépendance.

II.  Les dispositions législatives applicables

[17]  Il convient ensuite d’énoncer les dispositions de la LIR qui sont pertinentes dans le cadre du présent appel.

[18]  Le paragraphe 248(1) de la LIR prévoit qu’une SPCC s’entend au sens du paragraphe 125(7) de la LIR. Le passage pertinent de l’alinéa a) de la définition de SPCC prévue au paragraphe 125(7) de la LIR prévoit qu’une SPCC est une société privée à l’exception d’une « société contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par une ou plusieurs personnes non-résidentes […] ».

[19]  Les parties conviennent qu’avant août 2009, ADC était assujettie au contrôle de droit de Seawind Corp., puisque celle-ci détenait l’ensemble des actions émises et en circulation d’ADC. Il est également admis que, puisque Seawind Corp. n’était pas une société canadienne, ADC n’était pas une SPCC avant août 2009.

[20]  La notion de contrôle de fait est prévue au paragraphe 256(5.1) de la LIR. Pendant toute la période visée par le présent appel, ce paragraphe prévoyait ce qui suit :

256 (5.1) Pour l’application de la présente loi, lorsque l’expression « contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, » est utilisée, une société est considérée comme ainsi contrôlée par une autre société, une personne ou un groupe de personnes — appelé « entité dominante » au présent paragraphe — à un moment donné si, à ce moment, l’entité dominante a une influence directe ou indirecte dont l’exercice entraînerait le contrôle de fait de la société. Toutefois, si cette influence découle d’un contrat de concession, d’une licence, d’un bail, d’un contrat de commercialisation, d’approvisionnement ou de gestion ou d’une convention semblable — la société et l’entité dominante n’ayant entre elles aucun lien de dépendance — dont l’objet principal consiste à déterminer les liens qui unissent la société et l’entité dominante en ce qui concerne la façon de mener une entreprise exploitée par la société, celle-ci n’est pas considérée comme contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par l’entité dominante du seul fait qu’une telle convention existe.

256 (5.1) For the purposes of the Act, where the expression “controlled directly or indirectly in any manner whatever,” is used, a corporation shall be considered to be so controlled by another corporation, person or group of persons (in this subsection referred to as the “controller”) at any time where, at that time, the controller has any direct or indirect influence that, if exercised, would result in control in fact of the corporation, except that, where the corporation and the controller are dealing with each other at arm’s length and the influence is derived from a franchise, licence, lease, distribution, supply or management agreement or other similar agreement or arrangement, the main purpose of which is to govern the relationship between the corporation and the controller regarding the manner in which a business carried on by the corporation is to be conducted, the corporation shall not be considered to be controlled, directly or indirectly in any manner whatever, by the controller by reason only of that agreement or arrangement.

[21]  Cette disposition peut être résumée comme suit :

  1. Une société est considérée comme étant contrôlée de fait par une autre personne (l’entité dominante) si, au moment où le contrôle est censé avoir existé, l’entité dominante a une influence directe ou indirecte dont l’exercice entraînerait le contrôle de fait de la société;

  2. sauf s’il n’existe aucun lien de dépendance entre la société et l’entité dominante;

  3. et sauf si cette influence découle d’un contrat de concession, d’une licence, d’un bail, d’un contrat de commercialisation, d’approvisionnement ou de gestion ou d’une convention semblable, dont l’objet principal consiste à déterminer les liens qui unissent la société et l’entité dominante en ce qui concerne la façon de mener une entreprise exploitée par la société.

[22]  Comme il en est question de façon plus détaillée ci-dessous, dans le récent arrêt McGillivray Restaurant Ltd. c. Canada, 2016 CAF 99, 483 N.R. 23 (McGillivray), notre Cour a adopté une interprétation restrictive de l’expression « une influence directe ou indirecte dont l’exercice entraînerait le contrôle de fait de la société » et a affirmé qu’elle exigeait que l’influence requise ait un fondement juridique – plutôt qu’un simple fondement factuel. En réponse à cet arrêt, le Parlement a adopté le paragraphe 256(5.11) de la LIR, qui s’applique aux années d’imposition commençant après le 21 mars 2017. Ce nouveau paragraphe prévoit ce qui suit :

256 (5.11) Pour l’application de la présente loi, lorsqu’il s’agit de déterminer si un contribuable a, relativement à une société, une influence directe ou indirecte dont l’exercice entraînerait le contrôle de fait de la société :

256 (5.11) For the purposes of the Act, the determination of whether a taxpayer has, in respect of a corporation, any direct or indirect influence that, if exercised, would result in control in fact of the corporation, shall

a) il est tenu compte de la totalité des critères qui sont applicables dans les circonstances;

(a) take into consideration all factors that are relevant in the circumstances; and

b) il n’est pas tenu compte uniquement de la question — qui n’a pas à être l’un des critères applicables à la détermination — de savoir si le contribuable a un droit ayant force exécutoire, ou la capacité, de faire modifier le conseil d’administration de la société ou les pouvoirs de celui-ci ou d’exercer une influence sur l’actionnaire ou les actionnaires qui ont ce droit ou cette capacité.

(b) not be limited to, and the relevant factors need not include, whether the taxpayer has a legally enforceable right or ability to effect a change in the board of directors of the corporation, or its powers, or to exercise influence over the shareholder or shareholders who have that right or ability.

[23]  Enfin, le paragraphe 251(1) de la LIR énonce les circonstances dans lesquelles les parties sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance. La partie de la disposition qui est pertinente dans le contexte du présent appel est l’alinéa 251(1)c), qui prévoit que « la question de savoir si des personnes non liées entre elles n’ont aucun lien de dépendance à un moment donné est une question de fait ».

III.  La décision rendue par la Cour dans l’arrêt McGillivray

[24]  Pour trancher le présent appel et comprendre les motifs de la Cour canadienne de l’impôt, il est essentiel de bien comprendre la décision rendue dans l’arrêt McGillivray. Il est donc nécessaire de l’examiner de façon détaillée.

[25]  Dans l’arrêt McGillivray, le juge Ryer, au nom de la Cour, a commencé son analyse du paragraphe 256(5.1) de la LIR en faisant remarquer qu’avant l’ajout du paragraphe 256(5.1), pour déterminer qui contrôlait une société aux fins de l’impôt sur le revenu, le contrôle « était considéré comme le contrôle de droit » (au paragraphe 30). Il a ajouté que ce contrôle de droit a été défini par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Duha Printers (Western) Ltd. c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 795, 159 D.L.R. (4e) 457 comme « le pouvoir des détenteurs de la majorité des voix dans une société d’élire les administrateurs de la société et, par conséquent, d’exercer un contrôle réel sur la société » (au paragraphe 31).

[26]  La Cour a ensuite examiné les facteurs du contrôle de fait pour l’application du paragraphe 256(5.1) de la LIR. Elle a fait remarquer qu’il « existe un plus grand nombre de facteurs – en plus des droits de vote selon les actes constitutifs et le registre des actionnaires – qui doivent être pris en considération pour déterminer si les conditions du paragraphe 256(5.1) ont été remplies » (au paragraphe 33). La Cour s’est ensuite demandée si l’influence requise pour satisfaire à la définition du contrôle de fait prévue au paragraphe 256(5.1) de la LIR devait découler de conventions juridiquement contraignantes, ou si elle pouvait découler d’autres types d’influence, comme le contrôle de l’exploitation.

[27]  La Cour a conclu que le paragraphe 256(5.1) de la LIR exige que le contrôle de fait découle d’une ou de plusieurs conventions juridiquement contraignantes. À cet égard, le juge Ryer a écrit ce qui suit, aux paragraphes 48 et 50 :

[…] à mon avis, un facteur qui ne comprend par un droit et une capacité ayant force exécutoire de procéder à une modification du conseil d’administration ou de ses pouvoirs, ou d’influencer les actionnaires qui ont ce droit et cette capacité, ne devrait pas être considéré comme étant susceptible d’établir un contrôle de fait.

[…]

Une interprétation du paragraphe 256(5.1) qui englobe le contrôle « de l’exploitation » supposerait un degré de subjectivité dans l’analyse du contrôle de fait qui, à mon avis, nuirait à la prévisibilité au lieu de la maintenir, tel que le prévoit l’approche interprétative de l’arrêt Hypothèques Trustco.

IV.  Les motifs de la Cour canadienne de l’impôt

[28]  Avec ce contexte à l’esprit, il est maintenant possible d’examiner les motifs donnés par la Cour canadienne de l’impôt dans la présente affaire.

[29]  Après avoir énoncé les faits pertinents et les dispositions législatives applicables, la Cour canadienne de l’impôt a cité un extrait de l’arrêt McGillivray et a conclu que l’influence requise pour établir un contrôle de fait, au sens du paragraphe 256(5.1) de la LIR, pouvait découler d’ententes et d’arrangements de nature commerciale (sinon l’exception prévue au paragraphe 256(5.1) n’aurait aucun sens). La Cour a ajouté ce qui suit, au paragraphe 46 :

Pour que le juge puisse conclure que l’entité dominante exerce le contrôle de fait, je crois qu’il doit ressortir des preuves que cette entité a la capacité d’influencer l’intérêt économique des actionnaires ayant un droit de vote, et ce, d’une manière qui lui permet de leur imposer sa volonté, si elle décide de le faire. Les preuves doivent mettre le juge en mesure de déterminer s’il serait peu vraisemblable que les actionnaires exercent leurs droits de vote indépendamment des souhaits de l’entité dominante.

[30]  La Cour canadienne de l’impôt a ainsi établi ce qui est essentiellement un critère de contrôle de l’exploitation. Elle a ensuite appliqué ce critère et conclu que M. Silva et Seawind Corp. avaient exercé un contrôle de fait sur ADC d’août 2009 au 31 décembre 2011 compte tenu des faits, dont ceux qui suivent :

  • ADC avait un capital-actions nominal;

  • ADC dépendait des liquidités que lui procurait Seawind Corp. selon l’entente de mise au point;

  • les conditions de l’entente de mise au point étaient dictées par M. Silva et favorisaient Seawind Corp.;

  • ADC a accusé un déficit pendant les années d’imposition en cause;

  • lorsque Seawind Corp. a mis fin au financement, ADC a suspendu ses activités;

  • ADC ne détenait pas de droits de propriété intellectuelle découlant de son travail de mise au point et de certification;

  • si l’aéronef Seawind était certifié, il devait être fabriqué par une autre société contrôlée par M. Silva;

  • ADC n’a pas été capable d’obtenir un financement auprès de tiers et n’offrait aucun potentiel de croissance quant aux revenus qui justifierait que les employés investissent dans la société;

  • ADC n’était pas propriétaire du hangar d’où elle menait ses activités, et tous les droits de propriété intellectuelle appartenaient à Seawind Corp. ou à M. Silva;

  • certains des états financiers d’ADC faisaient ressortir le fait qu’elle dépendait économiquement de Seawind Corp.;

  • les employés d’ADC qui ont investi dans la société avaient mainmise sur la santé financière d’ADC, et compte tenu de la mainmise que M. Silva et Seawind Corp. avaient pour ainsi dire sur ADC, les autres actionnaires auraient pu être influencés par M. Silva, si ce dernier l’avait voulu;

  • certains bulletins rédigés par M. Silva laissaient entendre que les activités menées relativement à la mise au point du Seawind (y compris les activités d’ADC) étaient exécutées par une organisation intégrée détenue en propriété exclusive par M. Silva (motifs aux paragraphes 49 à 60).

[31]  Compte tenu de tout ce qui précède, la Cour canadienne de l’impôt a conclu que Seawind Corp. et M. Silva avaient une influence directe ou indirecte dont l’exercice entraînerait le contrôle de fait d’ADC de sorte qu’ADC était contrôlée directement ou indirectement par eux au sens du paragraphe 256(5.1) de la LIR.

[32]  La Cour canadienne de l’impôt s’est ensuite penchée sur ce qu’elle a appelé le « dernier moyen de défense » d’ADC, à savoir l’argument voulant que le seul fondement possible du contrôle de fait était l’entente de mise au point qui, selon ADC, était visée par l’exception énoncée au paragraphe 256(5.1) de la LIR. La Cour canadienne de l’impôt a conclu que cette exception ne s’appliquait pas pour plusieurs raisons.

[33]  Premièrement, elle a fait remarquer que lorsque l’entente de mise au point a été conclue, Seawind Corp. et ADC étaient des personnes liées selon le sous-alinéa 251(2)b)(ii) de la LIR, qui prévoit qu’une société et « une personne qui est membre d’un groupe lié qui contrôle la société » sont des personnes liées. Par conséquent, ADC et Seawind Corp. étaient réputées avoir un lien de dépendance selon l’alinéa 251(1)a) de la LIR, qui prévoit que des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance.

[34]  Deuxièmement, la Cour de l’impôt a conclu que les faits indiquaient l’existence d’un lien de dépendance entre ADC, Seawind Corp. et M. Silva. À cet égard, la Cour canadienne de l’impôt a fait ressortir les éléments suivants :

  • le rôle joué par M. Silva dans la définition des modalités de l’entente de mise au point;

  • le fait qu’ADC n’a pas cherché à renégocier l’entente de mise au point à l’expiration de la durée initiale, même si elle accusait un déficit;

  • la décision prise unilatéralement par M. Silva de ne pas payer à ADC la marge bénéficiaire de 5 % prévue par l’entente de mise au point;

  • le fait qu’ADC exerçait ses activités dans un hangar loué par une autre société appartenant à M. Silva, mais n’a signé aucun bail et n’a payé aucun loyer.

[35]  La Cour canadienne de l’impôt a ensuite ajouté :

68.  […] J’ai le sentiment que M. Silva n’a pas exigé que l’appelante conclue un contrat de bail proprement dit, parce que l’appelante dépendait économiquement de Seawind Corp., une société en propriété exclusive de M. Silva. Il aurait fallu que Seawind Corp. finance les paiements de location conformément aux modalités de l’entente de mise au point, ce qui aurait été l’équivalent d’une situation où M. Silva payait le loyer lui-même.

69.  Il ressort cependant de l’absence d’un contrat de bail, que les parties envisageaient que l’appelante n’exercerait pas ses activités indépendamment de Seawind Corp. et de M. Silva. Si l’appelante s’attendait à conclure un contrat de bail, elle aurait insisté pour l’obtenir afin d’éviter qu’elle soit expulsée de son lieu d’affaires si on lui confiait d’autres activités. J’ai le sentiment que M. Silva aurait également insisté pour que le contrat soit fondé sur des conditions commerciales ordinaires. Autrement, les actionnaires résidents canadiens auraient bénéficié de l’entente de location gratuite si l’appelante trouvait de nouveaux clients. L’absence d’un contrat de bail donne à penser que les parties avaient un lien de dépendance.

[36]  Par conséquent, la Cour canadienne de l’impôt a conclu qu’ADC n’était pas une SPCC pendant les années d’imposition en cause et a rejeté l’appel d’ADC.

V.  Les questions en litige

[37]  Lors de l’audition devant notre Cour, ADC présente plusieurs arguments.

[38]  Premièrement, elle soutient que la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en n’appliquant pas l’arrêt McGillivray et en concluant que le contrôle de l’exploitation était suffisant pour établir le contrôle de fait au sens du paragraphe 256(5.1) de la LIR.

[39]  Deuxièmement, elle affirme que le seul fondement sur lequel la Cour canadienne de l’impôt aurait pu conclure au contrôle de fait était l’entente de mise au point, car il s’agit du seul fondement juridique – et non factuel – permettant de conclure que l’influence requise était suffisante pour satisfaire aux exigences du paragraphe 256(5.1) de la LIR.

[40]  Troisièmement, elle affirme que l’entente de mise au point constitue un contrat d’approvisionnement, comme le ministre l’aurait, selon elle, reconnu par l’entremise du témoignage du vérificateur. ADC affirme donc que l’entente de mise au point satisfait à la première partie de l’exception énoncée au paragraphe 256(5.1) de la LIR.

[41]  Quatrièmement, elle soutient que la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en concluant que la deuxième exigence de l’exception énoncée au paragraphe 256(5.1) de la LIR – à savoir l’absence de lien de dépendance – n’était pas respectée. ADC invoque plusieurs raisons à l’appui de sa prétention selon laquelle la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en concluant qu’il y avait un lien de dépendance entre ADC, Seawind Corp. et M. Silva.

[42]  Premièrement, elle affirme qu’il n’était pas loisible à la Cour canadienne de l’impôt de se pencher sur cette question, car celle-ci n’avait pas été plaidée par le ministre.

[43]  Deuxièmement, elle affirme que la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en examinant la question de savoir si ADC et Seawind Corp. étaient des sociétés liées au moment où l’entente de mise au point a été conclue, puisque l’entente a été signée avant la période pertinente. Plus précisément, ADC fait valoir que le paragraphe 256(5.1) de la LIR exige que les faits sur le fondement desquels un contrôle de fait est invoqué doivent exister au moment où ce contrôle est censé avoir existé, en l’espèce après août 2009. ADC affirme donc que le statut d’ADC et de Seawind Corp. plusieurs mois avant cette date est sans importance.

[44]  Troisièmement, ADC soutient que la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en concluant que le rôle joué par M. Silva dans la définition des modalités de l’entente de mise au point était pertinent dans le contexte de la question de savoir s’il existait un lien de dépendance. Elle affirme que cette conclusion [traduction« signifierait que chaque fois qu’un client signe un contrat dont les modalités sont définies par l’une des parties, il y aurait automatiquement un lien de dépendance aux fins de l’impôt, [ce qui] serait incorrect sur le plan juridique et […] illusoire » (mémoire des faits et du droit d’ADC, au paragraphe 69).

[45]  Enfin, ADC soutient que les motifs exposés par la Cour canadienne de l’impôt aux paragraphes 68 et 69, cités ci-dessus, relèvent de la pure conjecture et ne peuvent donc pas servir de fondement à la conclusion de la Cour canadienne de l’impôt.

VI.  Analyse

[46]  Pour évaluer ces arguments, il convient avant tout de déterminer si les erreurs alléguées sont des erreurs sur une question de droit, de fait ou mixte de fait et de droit, étant donné que la norme de contrôle que la Cour doit appliquer est celle énoncée dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 (Housen). Cette norme prévoit que les erreurs sur une question de droit sont contrôlées selon la norme de la décision correcte, alors que les erreurs sur une question de fait ou une question mixte de fait et de droit de laquelle on ne peut isoler une question de droit sont contrôlées selon la norme plus exigeante de l’erreur manifeste et dominante : Housen, aux paragraphes 8, 27 et 28; Truong c. Canada, 2018 CAF 6, au paragraphe 9.

[47]  Parmi les divers arguments soulevés par ADC, seuls deux portent sur des questions de droit. Plus précisément, l’affirmation selon laquelle la Cour canadienne de l’impôt a mal interprété l’arrêt McGillivray et conclu à l’existence d’un contrôle de fait sur le fondement d’un contrôle de l’exploitation soulève une question de droit. De même, l’argument d’ADC au sujet des limites temporelles prévues au paragraphe 256(5.1) de la LIR soulève, lui aussi, une question de droit. Tous les autres arguments d’ADC qu’il convient de prendre en compte concernent soit des questions de fait, soit des questions mixtes de fait et de droit desquelles on ne peut isoler une question de droit.

[48]  En me penchant dans un premier temps sur les erreurs de droit alléguées, je suis d’accord avec ADC pour dire que la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur dans son interprétation du paragraphe 256(5.1) de la LIR des deux façons avancées par ADC.

[49]  Comme cela fut déjà mentionné, dans l’arrêt McGillivray, qui est l’arrêt le plus récent sur la question, la Cour a conclu que le contrôle de l’exploitation n’est pas suffisant pour établir le contrôle de fait au sens du paragraphe 256(5.1) de la LIR et que le contrôle de fait doit plutôt découler d’une ou de plusieurs conventions juridiquement contraignantes. Il ne fait aucun doute que l’entente de mise au point constitue une telle convention.

[50]  Toutefois, en l’espèce, la Cour canadienne de l’impôt est allée bien au-delà des modalités de l’entente de mise au point lorsqu’elle a examiné les circonstances qui ont donné lieu au contrôle de fait. Elle a examiné des questions comme la situation financière d’ADC, la dépendance des autres actionnaires à l’égard de la viabilité d’ADC et les observations faites par M. Silva dans les bulletins portant sur l’intégration d’ADC à ses autres sociétés. Bien que ces facteurs révèlent l’existence d’un contrôle de l’exploitation, ils ne découlent pas d’une convention juridique contraignante. J’en conclus donc que la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en basant sa décision liée au contrôle de fait en partie sur des facteurs qui ont été jugés non pertinents pour l’application du paragraphe 256(5.1) de la LIR dans l’arrêt McGillivray.

[51]  Je conviens également avec ADC que la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en considérant le fait qu’ADC et Seawind Corp. étaient des sociétés liées avant août 2009 comme un facteur pertinent pour déterminer si elles avaient un lien de dépendance, aux termes du paragraphe 256(5.1) de la LIR, après cette date. Cette disposition indique clairement qu’il faut déterminer s’il existe ou non un lien de dépendance au moment où le contrôle de fait est censé avoir existé. La partie pertinente du paragraphe 256(5.1) est ainsi libellée :

[…] une société est considérée comme ainsi contrôlée par une autre société, une personne ou un groupe de personnes — appelé « entité dominante » au présent paragraphe — à un moment donné si, à ce moment, l’entité dominante a une influence directe ou indirecte dont l’exercice entraînerait le contrôle de fait de la société. Toutefois, si cette influence découle d’un contrat de concession […] la société et l’entité dominante n’ayant entre elles aucun lien de dépendance […]. [non souligné dans l’original]

[…] a corporation shall be considered to be so controlled by another corporation, person or group of persons (in this subsection referred to as the “controller”) at any time where, at that time, the controller has any direct or indirect influence that, if exercised, would result in control in fact of the corporation, except that, where the corporation and the controller are dealing with each other at arm’s length […]. [emphasis added]

Par conséquent, la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en prenant en compte le fait que les deux sociétés étaient liées et avaient un lien de dépendance avant la période durant laquelle le contrôle de fait est censé avoir existé.

[52]  Malgré ces deux erreurs, je ne vois aucune raison de modifier la décision rendue par la Cour canadienne de l’impôt, car ces erreurs sont sans conséquence en ce qui concerne le résultat. Comme on l’a déjà mentionné, et comme ADC l’a reconnu, l’entente de mise au point constitue une convention juridiquement contraignante permettant d’établir un contrôle de fait aux termes du paragraphe 256(5.1) de la LIR dans les circonstances de l’espèce. Je partage également l’avis d’ADC que l’entente de mise au point constitue un contrat d’approvisionnement au sens du paragraphe 256(5.1).

[53]  La question devient donc celle de savoir si l’exception énoncée au paragraphe s’applique. Contrairement à ce qu’a affirmé ADC, je suis d’avis qu’il était loisible à la Cour canadienne de l’impôt d’examiner la question de savoir si ADC avait un lien de dépendance avec Seawind Corp. et M. Silva à l’époque pertinente. En effet, le fait qu’ADC a invoqué l’exception énoncée au paragraphe 256(5.1) de la LIR a mis en jeu la question du lien de dépendance.

[54]  ADC n’a pas été prise au dépourvu par la question du lien de dépendance; son avocat avait prévu qu’elle serait abordée. De plus, l’avocat d’ADC n’a jamais fait valoir que la question allait au-delà de celles sur lesquelles la Cour canadienne de l’impôt pouvait légitimement se pencher vu la nature de la réponse du ministre. Il a plutôt formulé des observations sur la question du lien de dépendance en réponse aux questions posées par la Cour canadienne de l’impôt. Par conséquent, même s’il y avait eu des raisons de s’opposer au fait que cette question avait été soulevée par la Cour canadienne de l’impôt, l’avocat y a renoncé dès qu’il a formulé des observations à ce propos.

[55]  Les règles régissant la nature des arguments que le ministre doit inclure dans sa réponse en matière d’impôt sur le revenu reposent sur des considérations liées à l’équité pour s’assurer que le contribuable n’est pas injustement pris au dépourvu. La Cour l’a souligné dans les affaires où elle a jugé que le juge de la Cour canadienne de l’impôt ne pouvait pas légitimement soulever de nouvelles questions. Par exemple, la Cour a conclu qu’un juge de la Cour canadienne de l’impôt qui, pour confirmer la cotisation établie par le ministre, s’était fondé sur une disposition de la loi qui n’avait pas été invoquée par la Couronne et qui ne faisait pas partie de sa thèse, avait violé les règles de l’équité procédurale : voir par exemple Heron Bay Investments Ltd. c. Canada, 2010 CAF 203, au paragraphe 39, 405 N.R. 73; Pedwell c. Canada, [2000] 4 C.F. 616, aux paragraphes 16 et 17, 257 N.R. 148.

[56]  La présente affaire ne soulève pas de doutes semblables, car ADC était bien consciente de la nécessité d’aborder la question du lien de dépendance, qui constituait un élément de sa défense contre l’argument de la Couronne selon lequel il existait un contrôle de fait. ADC a également présenté des observations à cet égard, sans objection. Par conséquent, contrairement à ce qu’affirme ADC, il était loisible à la Cour canadienne de l’impôt d’examiner la question de savoir si ADC, M. Silva et Seawind Corp. avaient ou non un lien de dépendance.

[57]  Je me penche maintenant sur la dernière question, soit celle de savoir si la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur susceptible de contrôle en concluant qu’ADC, M. Silva et Seawind Corp. avaient un lien de dépendance pendant la période pertinente. Je suis d’avis que la Cour canadienne de l’impôt n’a pas commis une telle erreur, étant donné que les divers facteurs sur lesquels la Cour canadienne de l’impôt s’est appuyée (à l’exception du statut des deux sociétés avant août 2009) permettaient amplement de justifier la conclusion selon laquelle il n’y avait pas de lien de dépendance.

[58]  Contrairement à ce qu’affirme ADC, je ne pense pas qu’il y ait de règle stricte selon laquelle une personne ne peut tenir compte du rôle joué par une entité dominante présumée dans la définition des modalités d’un contrat d’approvisionnement au moment d’examiner la relation de dépendance. Aux termes de l’alinéa 251(1)c) de la LIR, l’examen nécessaire est entièrement factuel, et la capacité de définir les modalités du contrat d’approvisionnement doit donc être examinée en contexte. En l’espèce, compte tenu de la dépendance économique quasi totale d’ADC vis-à-vis de Seawind Corp., le fait que le propriétaire de cette dernière ait dicté (et ait été en mesure de dicter) les modalités de la relation entre les deux sociétés constitue un facteur très pertinent pour déterminer si les trois avaient un lien de dépendance. La capacité de M. Silva à amener les deux sociétés à ne pas tenir compte des modalités de l’entente de mise au point – comme il a décidé de le faire lorsqu’il a unilatéralement pris la décision que la marge bénéficiaire de 5 % ne serait pas payée à ADC – est encore plus révélatrice.

[59]  En ce qui concerne les autres faits sur lesquels la Cour canadienne de l’impôt s’est appuyée, il serait difficile d’imaginer un meilleur indicateur d’un lien de dépendance que le fait que la société soit autorisée à exercer ses activités dans une installation appartenant à l’autre gratuitement et sans conclure de contrat de bail. Contrairement à ce qu’affirme ADC, les commentaires formulés par la Cour canadienne de l’impôt aux paragraphes 68 et 69 de ses motifs ne relèvent pas de la pure conjecture; ils éclaircissent plutôt simplement les conséquences d’une telle entente de location gratuite.

[60]  Par conséquent, même si je ne souscris pas à l’ensemble du raisonnement de la Cour canadienne de l’impôt, je suis d’avis qu’elle n’a pas commis d’erreur en concluant qu’ADC n’était pas une SPCC pendant les années d’imposition en cause. En conséquence, il n’y a aucune raison de modifier sa décision et je rejetterais donc le présent appel, avec dépens.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Marc Nadon j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Richard Boivin j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-121-17

 

 

INTITULÉ :

AERONAUTIC DEVELOPMENT CORPORATION c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 4 DÉCEMBRE 2017

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GLEASON

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 4 AVRIL 2018

 

COMPARUTIONS :

Dominic C. Belley

 

POUR L’APPELANTE

 

Ian Demers

 

POUR L’INTIMÉE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Norton Rose Fulbright Canada LLP

 

POUR L’APPELANTE

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

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