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Date : 20140630


Dossier : A-135-14

Référence : 2014 CAF 175

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

LARRY PETER KLIPPENSTEIN

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Requêtes jugées sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 30 juin 2014.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :

LA JUGE SHARLOW

 


Date : 20140630


Dossier : A-135-14

Référence : 2014 CAF 175

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

LARRY PETER KLIPPENSTEIN

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA JUGE SHARLOW

[1]                       L'appelant Larry Peter Klippenstein a présenté cinq requêtes lors de son appel visant l'ordonnance par laquelle le juge Boivin a confirmé une ordonnance antérieure ayant radié sa déclaration dans le dossier no T‑874‑13. Pour les motifs qui suivent, quatre des requêtes seront rejetées et la cinquième ne sera accueillie que partiellement. Aucuns dépens ne seront adjugés.

Les faits à l'origine du litige

[2]                       Monsieur Klippenstein a déposé sa déclaration dans le dossier no T‑874‑13 en 2013 afin de contester ce qu'il considérait comme une injustice liée aux exigences concernant un affidavit qu'il avait produit à l'appui d'une procédure antérieure devant la Cour fédérale (no T‑1744‑12), à savoir sa demande de contrôle judiciaire relative au rejet de sa plainte en matière de droits de la personne. M. Klippenstein a présenté un affidavit non fait sous serment à l'appui de sa demande, expliquant au personnel du greffe qu'il ne pouvait ni prêter serment pour attester la véracité de son affidavit sur la Bible fournie par la Cour parce que cette Bible était impure, ni faire une affirmation solennelle, car cela heurterait sa conscience étant donné qu'il était de confession mennonite. Le dossier dont je dispose ne précise pas les critères sur la base desquels M. Klippenstein conclurait que tel exemplaire ou telle édition de la Bible est pur.

[3]                       Le greffe a demandé des directives à un juge au sujet de l'affidavit non fait sous serment. La juge Gleason a ordonné à M. Klippenstein de se procurer une Bible pure et de prêter serment sur celle‑ci, ou de faire une affirmation solennelle pour attester la véracité de son affidavit. M. Klippenstein ne s'est pas plié à cette directive. En avril 2013, le juge en chef Crampton a délivré un avis d'examen de l'état de l'instance obligeant M. Klippenstein à expliquer pourquoi sa demande ne devrait pas être rejetée pour cause de retard. M. Klippenstein n'a déposé aucun document en réponse. Le 30 avril 2013, le juge Manson a rejeté la demande pour cause de retard.

[4]                       Monsieur Klippenstein a ensuite informé la Cour fédérale qu'il n'avait pas reçu l'avis d'examen de l'état de l'instance. Le juge Manson lui a demandé soit de présenter une requête pour faire infirmer l'ordonnance rendue le 30 avril 2013, soit de faire appel de l'ordonnance devant la Cour d'appel fédérale. M. Klippenstein n'a fait ni l'un ni l'autre, mais a plutôt déposé à la Cour suprême du Canada une demande d'autorisation d'appel à l'encontre du jugement par lequel sa demande de contrôle judiciaire a été rejetée (Cour suprême, dossier no 35436). Cette demande a été rejetée le 17 octobre 2013.

[5]                       Entre‑temps, le 16 mai 2013, M. Klippenstein a déposé une nouvelle déclaration en vue de poursuivre la Couronne. Il s'agit de l'action sous‑jacente au présent appel. Dans cette déclaration, M. Klippenstein demande notamment une ordonnance déclarant le greffe de Winnipeg coupable d'outrage au tribunal, ainsi qu'une ordonnance provisoire prévoyant un moyen d'attester sous serment ou par affirmation solennelle la véracité de son affidavit conformément à ses croyances religieuses et à sa conscience.

[6]                       Le 17 juin 2013, la Couronne a déposé une requête en radiation de la déclaration. Un protonotaire a accueilli la requête. Son ordonnance a été confirmée par le juge Boivin dans l'ordonnance visée par le présent appel. L'appel a suivi son cours jusqu'au dépôt d'une demande d'audience.

Les requêtes actuelles

[7]                       Je dois trancher les requêtes suivantes présentées par M. Klippenstein :

a)                  une requête déposée le 12 mai 2014 visant à obtenir une dispense provisoire de l'exigence de payer son loyer;

b)                  une requête déposée le 14 mai 2014 visant à contester une directive du juge Pelletier et visant à obtenir une ordonnance interdisant à ce dernier d'intervenir à nouveau dans l'instance;

c)                  une requête déposée le 14 mai 2014 visant à obtenir que ses requêtes fassent l'objet d'une audition;

d)                 une requête déposée le 16 mai 2014 visant à obtenir des directives sur la procédure à suivre pour déposer ses requêtes;

e)                  une requête déposée le 5 juin 2014 visant à obtenir une ordonnance radiant le mémoire des faits et du droit de la Couronne et interdisant à cette dernière de signifier à M. Klippenstein des documents d'une manière qui ne soit pas spécifiquement prévue dans les Règles des Cours fédérales.

[8]                       Dans une lettre du 4 juin 2014 adressée à la Cour, l'avocat de la Couronne a indiqué qu'il ne prenait pas position sur les quatre premières requêtes. La Couronne n'a pas déposé de dossier de requête en réponse à la cinquième d'entre elles.

a) Dispense provisoire de l'exigence de payer son loyer

[9]                       Il ressort des documents déposés par M. Klippenstein qu'il est partie à un litige concernant son droit d'occuper une certaine résidence à Winnipeg. D'après le dossier, il a été informé qu'il devait continuer à payer son loyer pour poursuivre sa réclamation, mais il n'a pas les moyens de payer et demande à la Cour d'accorder un redressement.

[10]                   Après avoir examiné le dossier, je ne vois aucune raison de conclure raisonnablement que la Cour est compétente pour rendre l'ordonnance demandée par M. Klippenstein. Rien au dossier ne permet de croire qu'une quelconque loi fédérale puisse s'appliquer à l'affaire intéressant l'occupation ou l'utilisation par M. Klippenstein de la résidence en question. Il semblerait que le litige concernant son bail résidentiel relève des lois du Manitoba, et c'est à la cour ou au tribunal approprié de cette province qu'il appartient de le trancher.

[11]                   Je ferai également observer que le litige quant au bail résidentiel de M. Klippenstein est sans lien juridique avec le présent appel ni avec l'instance en Cour fédérale à laquelle celui‑ci se rapporte. Ce litige concerne peut-être la plainte en matière de droits de la personne qui a conduit M. Klippenstein à déposer sa première demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale, mais cette affaire est maintenant terminée. Et, d'après ce que les documents dont je dispose me permettent de conclure, il n'existe actuellement aucune instance devant la Cour fédérale à laquelle le litige relatif au bail résidentiel se rattache juridiquement. Par conséquent, cette requête sera rejetée.

b) La directive du juge Pelletier et sa participation future à la présente instance

[12]                   Les faits se rapportant à la requête sont les suivants. Par lettre adressée à la Cour le 1er avril 2014, M. Klippenstein a demandé qu'on lui donne des directives, étant donné que la Cour du Banc de la Reine du Manitoba l'avait déclaré incapable et que personne ne pouvait agir dans le présent appel à titre de tuteur à l'instance. Il n'a alors pas précisé, mais il l'affirme à l'appui de la présente requête, que le curateur ou le mandataire habilité à ester en justice en son nom a refusé de le faire en l'espèce, et qu'il n'a pas les moyens d'obtenir une autre assistance juridique. Le juge Pelletier a formulé la directive suivante le 14 avril 2014 :

[TRADUCTION]

M. Klippenstein demande des directives à la Cour, attendu que la Cour du Banc de la Reine du Manitoba a apparemment déclaré qu'il était atteint d'une invalidité. Cette décision n'est pas contraignante pour la Cour, quoiqu'il s'agisse d'un facteur à prendre en compte si les événements démontrent que M. Klippenstein n'a pas la capacité requise pour ester en justice.

Même si M. Klippenstein ne semble rien comprendre au fonctionnement du système judiciaire, cela ne prouve pas l'incapacité. Par ailleurs, les questions visées par le litige actuellement en instance devant la Cour ne sont pas de nature à justifier la nomination d'un tuteur à l'instance.

M. Klippenstein devra continuer du mieux qu'il peut dans les circonstances.

[13]                   Monsieur Klippenstein fait valoir que, contrairement à ce qu'a conclu le juge Pelletier, la Cour est liée par la décision de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba portant qu'il est frappé d'incapacité juridique. Il s'appuie à cet égard sur l'article 7.01 et le paragraphe 15.01(1) des Règles de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba, Règl. du Man. 553/88, sur le paragraphe 39(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, et sur l'article 121 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106.

[14]                   En toute déférence, je ne suis pas d'accord avec M. Klippenstein. À mon avis, la directive du juge Pelletier ne repose pas sur une erreur de droit ni sur une mauvaise compréhension des effets juridiques de la déclaration de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba. Avant qu'elle puisse accorder le moindre redressement au regard de l'incapacité juridique d'une partie à un litige, la Cour doit être convaincue, compte tenu de la preuve, que celui‑ci est justifié. En l'espèce, le fait que la Cour du Banc de la Reine du Manitoba ait déclaré que M. Klippenstein était frappé d'incapacité juridique n'autorise ni n'oblige en soi la Cour à prendre des mesures particulières pour lui assurer une représentation juridique dans le présent appel. Par conséquent, cette requête est rejetée.

c) Audition des requêtes

[15]                   Devant la Cour, les requêtes sont normalement instruites sur le fondement de l'article 369 des Règles des Cours fédérales, à savoir sur la base de documents figurant aux dossiers de requête produits par les parties. Les requêtes font rarement l'objet d'une audition et celle‑ci n'est autorisée que lorsque le juge croit que des observations orales seraient utiles à la Cour en raison de la complexité inhabituelle de l'affaire ou d'autres circonstances spéciales. En l'espèce, je n'ai aucune raison de conclure que les requêtes de M. Klippenstein requièrent la tenue d'une audition. Par conséquent, cette requête sera rejetée.

d) Procédure de dépôt des requêtes

[16]                   Monsieur Klippenstein a déposé cette requête parce que, malgré tous ses efforts pour comprendre les dispositions pertinentes des Règles des Cours fédérales, il lui semble que la procédure appliquée quant à la réception et au dépôt de ses requêtes, et le défaut de fixer une date en vue de leur audition, sont incompatibles avec les Règles des Cours fédérales. Il se plaint aussi de ne pas avoir été dûment informé des frais associés au dépôt d'une requête.

[17]                   Il me semble que cette requête présente trois difficultés. La première vient de ce que le greffe a reçu les dossiers de requête de M. Klippenstein, mais ne les a pas formellement déposés le jour même, et que M. Klippenstein ne comprend pas pourquoi. La réponse est que le greffe a demandé à un juge (en l'occurrence moi‑même) de déterminer si les dossiers de requête devaient être déposés. Le greffe a le pouvoir discrétionnaire de demander de telles directives dans un certain nombre de situations, mais en l'espèce, il semble qu'il l'ait fait parce que dans ses dossiers de requête, M. Klippenstein sollicitait un redressement inhabituel. J'ai donné comme directive que les dossiers de requête soient déposés le 3 juin 2014, et c'est à cette date qu'ils l'ont été.

[18]                   Le deuxième problème tient à ce que M. Klippenstein ignorait qu'en principe, l'audition des requêtes par la Cour est l'exception et non la règle, comme nous l'avons expliqué plus haut.

[19]                   Le troisième problème vient de ce que M. Klippenstein ne connaît pas le tarif des frais prévu par les Règles des Cours fédérales. La plupart des requêtes n'entraînent aucuns frais de dépôt. Cependant, des frais sont exigibles à l'égard de certaines requêtes (par exemple, les requêtes en prorogation de délai pour intenter une procédure, les requêtes en autorisation d'introduire une instance, une requête en jugement ou procès sommaire), mais aucune de celles de M. Klippenstein ne nécessitait le paiement de droit de dépôt.

[20]                   Cette explication ayant été fournie, il semble qu'aucune directive ne soit requise en ce qui concerne le dépôt des requêtes de M. Klippenstein. Par conséquent, cette requête sera rejetée.

e) Requête visant à faire radier le mémoire des faits et du droit de la Couronne et prescrivant le mode de signification des documents à M. Klippenstein

[21]                   Cette requête repose sur le fait que la Couronne a signifié son mémoire des faits et du droit à M. Klippenstein en le glissant sous sa porte, alors qu'elle savait ou aurait dû savoir que cette manière de signifier le document le perturberait.

[22]                   Je n'ai aucune raison de ne pas croire M. Klippenstein lorsqu'il affirme que la manière dont la Couronne lui a signifié le mémoire des faits et du droit l'a perturbé. Cependant, les règles de signification autrement qu'à personne permettent la livraison du document « à [l']adresse [de la partie] aux fins de signification », ce qui à première vue permet de le glisser sous la porte, à l'adresse fournie par la partie aux fins de signification. Comme M. Klippenstein a reçu le mémoire des faits et du droit de la Couronne, il n'existe à mon avis aucune raison de le radier.

[23]                   Cela étant dit, compte tenu de la situation personnelle de M. Klippenstein, il n'y a pas de raison que la Couronne ne tâche pas de le ménager à l'avenir en évitant de recourir à un mode de signification que le perturbe, pour autant qu'il ne soit pas établi qu'il cherche à se soustraire à la signification. Je rendrai une ordonnance à cet effet. Cette requête est rejetée à tous autres égards.

« K. Sharlow »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-135-14

 

 

INTITULÉ :

LARRY PETER KLIPPENSTEIN c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

RequêteS jugéeS sur dossier sans comparution des parties

Ottawa (Ontario)

 

motifs de l'ordonnance :

la juge SHARLOW

 

date des motifs :

le 30 juin 2014

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

S.O.

L'APPELANT

POUR SON PROPRE COMPTE

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

POUR L'INTIMÉE

 

 

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