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Date : 20120302


Dossier : IMM-3454-11

Référence : 2012 CF 287

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 2 mars 2012

En présence de monsieur le juge Mosley

 

 

ENTRE :

 

SURJIT KAUR GILL

(SURJIT KAUR CHEEMA)

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION ET

défendeur

 

 

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse, Surjit Kaur Gill, sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue le 27 avril 2011 par laquelle la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’Immigration et du statut de réfugié a rejeté son appel à l’encontre d’une décision de lui refuser sa demande en vue de parrainer son mari aux fins de l’obtention de la résidence permanente au Canada.

 

[2]               La présente demande est présentée au titre de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27. Pour les motifs exposés ci-après, la demande est rejetée.

 

 

CONTEXTE

 

[3]               Mme Gill, originaire de l’Inde, a été parrainée par sa fille et est devenue résidente permanente en 2000. Elle souhaite parrainer M. Brar, un citoyen de l’Inde.

 

[4]               Le divorce de la demanderesse d’avec son second époux, qu’elle avait parrainé, a été prononcé en octobre 2007. Elle a par la suite rencontré M. Brar en Inde en janvier 2008. Ils ont été présentés par un ami de la demanderesse qui était également le cousin de M. Brar. Elle l’a rencontré une fois au cours de cette visite, mais ils s’étaient connus apparemment durant leur jeunesse. L’ami a encouragé Mme Gill à envisager M. Brar comme époux potentiel. Elle s’est rendue de nouveau en Inde en juillet 2008 et a rencontré M. Brar une deuxième fois. Elle était indécise quant au mariage lorsqu’elle a quitté l’Inde en août 2008. En novembre, elle a décidé de l’épouser et est retournée en Inde en décembre pour le mariage.

 

[5]               En août 2009, Mme Gill a présenté une demande en vue de parrainer son mari et son fils aux fins de l’obtention de la résidence permanente au Canada. Elle est retournée en Inde durant deux mois à l’automne 2009. En décembre 2009, le couple, accompagné du fils de M. Brar, a été interrogé par une agente d’immigration à New Delhi. L’entrevue s’est déroulée en panjabi, la langue parlée par le couple, sans interprète.

 

[6]               L’agente d’immigration a rejeté la demande de parrainage au motif que le mariage n’était pas authentique. Lorsqu’elle a rejeté la demande, l’agente a estimé que le remariage d’une veuve de l’âge de Mme Gill (60) n’était pas commun dans la tradition sikhe, qu’il était inhabituel qu’une femme de son âge, mère et grand-mère, se remarie, que le mariage n’avait pas été célébré à la résidence de M. Brar, que le mariage avait été organisé à la hâte, que peu de gens y avait assisté, que les enfants de Mme Gill et de M. Brar n’avaient pas été présents à la cérémonie, que le couple n’a pas cohabité après le mariage, que le mari connaissait peu de choses au sujet de la famille de Mme Gill et que le passeport de M. Brar indiquait encore le nom de son ex-épouse.

 

[7]               Le défendeur a porté la décision de l’agent en appel devant la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, ci-après « la Commission ».

 

DÉCISION FAISANT L’OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE JUDICIAIRE

 

[8]               La Commission a estimé qu’il n’était pas nécessaire qu’elle détermine si les modifications de 2010 apportées à l’article 4 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (ci-après le Règlement) s’appliquaient puisqu’elle était convaincue que le mariage n’était pas authentique et qu’il visait principalement l’acquisition d’un statut au Canada.

 

[9]               La Commission a souligné que la similitude d’âge des époux et le fait qu’ils partageaient une religion et culture communes appuyaient la demande. La Commission a également indiqué que les relevés téléphoniques, les cartes de souhaits, les photos et les affidavits à l’appui présentés par le couple appuyaient la demande.

 

[10]           Cependant, la Commission a relevé plusieurs incohérences dans la preuve qui ont été jugées fatales quant à l’issue de l’appel. Le couple a donné deux différentes versions sur le moment où ils ont décidé de se marier (novembre 2008 pour Mme Gill et août 2008 pour M. Brar). Le couple s’est contredit sur le nombre d’occasions où ils ont parlé au téléphone (2 ensuite 1 fois pour Mme Gill, aucune pour M. Brar). Le mariage a été célébré à la hâte avec peu d’interaction.  Les notes de l’entrevue menée par l’agente contiennent un grand nombre de références au manque de connaissances de M. Brar au sujet de sa nouvelle épouse et de sa famille.

 

[11]           Le couple a également indiqué qu’un interprète qui l’accompagnait a été renvoyé par l’agente et qu’il n’arrivait pas à bien la comprendre parce qu’elle parlait un mélange de panjabi et d’hindi. La Commission a fait observer que les notes de l’agente versées dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (« le STIDI ») indiquaient que le couple l’avait comprise et qu’aucun incident ne s’était produit durant l’entrevue.

 

[12]           La Commission a examiné les éléments de preuve négatifs et positifs et est arrivée à la conclusion, selon la prépondérance de la preuve, que le mariage n’était pas authentique et qu’il visait l’obtention d’un statut.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[13]           Dans ses observations écrites, la demanderesse prétend que l’agente a agi contrairement à la Loi sur les langues officielles, LRC, 1985, ch. 31 (4e suppl.) en menant une entrevue en panjabi plutôt qu’en français ou en anglais. On n’a pas insisté sur cet argument à l’audience. Je suis de toute façon convaincu que l’argument est sans fondement. Bien que le public au Canada ait le droit de recevoir des services en français ou en anglais du gouvernement fédéral, la Loi sur les langues officielles n’empêche pas la conduite des activités gouvernementales dans d’autres langues, surtout dans le cadre de dossiers d’immigration où l’agent parle la langue maternelle du demandeur : Abbasi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 288, par. 12-17.

 

[14]           Les questions en litige sont les suivantes :

1. L’agente des visas a-t-elle manqué à son obligation d’équité procédurale?

2. La décision de la Commission était-elle raisonnable et fondée sur l’ensemble de la preuve?

3. Les motifs de la Commission étaient-ils suffisants?

 

ANALYSE

           

Norme de contrôle

 

[15]           Lorsque l’équité procédurale est en cause, comme dans le cas qui nous occupe, la Cour doit se demander si les exigences relatives à la justice naturelle dans les circonstances de l’espèce ont été respectées : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, par. 43; SCFP c Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, par. 100; Velasquez Perez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1336, par 28.

 

[16]           La deuxième question est une question mixte de fait et de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable : Mendoza Perez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1, par. 11; et Gao c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 368, par. 5. La présente Cour doit faire preuve de retenue envers les décisions de la Commission en ce qui concerne l’appréciation de la preuve : Khatoon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1016, par 17.

 

[17]           Lorsque des motifs ont été fournis, comme l’a fait la Commission en l’espèce, leur caractère suffisant doit également être examiné selon la norme de la décision raisonnable : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, par. 21-22.

 

 

[18]           Lorsque la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, la Cour n’interviendra que si la décision manque de justification, de transparence et d’intelligibilité ou si la décision n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, par. 47.

 

L’agente des visas a-t-elle manqué à son obligation d’équité procédurale?

 

[19]           La demanderesse allègue que l’agente a manqué à l’équité procédurale en menant l’entrevue dans un mélange de panjabi et d’hindi qu’elle et son mari ne pouvaient pas bien comprendre. La Commission a déraisonnablement écarté ce point et n’a pas accepté la preuve soumise par la demanderesse, un reçu pour les services d’interprète. Selon la demanderesse, le fait que l’agente ait agi à la fois comme interviewer et interprète la plaçait en conflit d’intérêts.

 

[20]           La Commission a retenu la preuve figurant dans les notes de l’agente prises au moment de l’entrevue et versées dans le STIDI immédiatement après l’entrevue de la demanderesse et de M. Brar à cet égard. Les notes figurant dans le STIDI n’appuient pas la version des faits de la demanderesse. Concernant le reçu de l’interprète que la demanderesse aurait apporté à l’entrevue, la Commission a indiqué que le morceau de papier ne prouvait pas la présence de l’interprète et qu’il aurait été facile d’obtenir une déclaration de celui-ci selon laquelle il aurait accompagné la demanderesse à l’entrevue, mais qu’il n’aurait pas été autorisé à y assister. Il était raisonnablement loisible à la Commission de tirer ces conclusions de fait selon les témoignages qu’elle a vus et entendus.

 

[21]           À mon avis, l’agente n’a pas joué le rôle d’interprète. Elle a simplement communiqué en panjabi avec le couple pour faciliter l’entrevue. Comme l’a indiqué le juge Pinard dans Toma c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 779, par. 32-33, il serait étrange –et j’ajouterais inefficace – qu’un agent recoure à un interprète lorsqu’il ou elle peut parler la langue du demandeur. Je conclus que ni l’agente ni la Commission n’ont manqué à l’équité procédurale.

 

La décision de la Commission était-elle raisonnable et fondée sur l’ensemble de la preuve?

 

[22]                       La demanderesse allègue que la Commission a déraisonnablement laissé de côté et rejeté des parties de la preuve qu’elle a présentées. Selon l’examen que j’ai fait du dossier certifié du tribunal et des motifs donnés par la Commission pour justifier sa décision, rien n’appuie ces arguments.

 

[23]           La Commission est présumée avoir examiné l’ensemble de la preuve dont elle disposait et elle n’est pas tenue de mentionner chacun des éléments de preuve dans ses motifs : Ramos Villegas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 699, par. 16; et Florea c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1993] ACF no 598 (CA).

 

[24]           Néanmoins, la Commission a bel et bien procédé en l’espèce à un examen exhaustif de la preuve et l’a qualifiée de preuve en faveur de l’appel et de preuve en défaveur de l’appel de la demanderesse. La Commission a ensuite passé en revue les éléments de preuve défavorables en détail pour expliquer pourquoi elle estimait que ces éléments de preuve affaiblissaient grandement l’allégation de la demanderesse.

 

[25]           La demanderesse prétend qu’elle souffre d’un problème médical qui lui a fait perdre la mémoire durant l’entrevue et l’audience de la Commission. Cependant, aucune preuve n’a été soumise pour permettre d’établir que cet argument aurait eu une incidence importante sur l’issue de l’appel.

 

[26]           En appliquant la norme de la décision raisonnable, la Cour doit faire preuve de retenue à l’égard des conclusions de fait de la Commission : Ma c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 509, par. 31-32. Dans la présente affaire, je ne peux conclure que les conclusions de la Commission appartenaient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

Les motifs de la Commission étaient-ils suffisants?

 

[27]           La demanderesse soutient que les motifs de la Commission sont insuffisants pour expliquer de façon raisonnable pourquoi elle est arrivée à la conclusion que le mariage ne respectait pas l’article 4 du Règlement. Selon la demanderesse, les motifs n’étaient pas suffisamment clairs, précis et intelligibles pour qu’elle comprenne pourquoi son appel avait été rejeté.

 

[28]           Dans Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), précité, par. 11, la Cour suprême du Canada a confirmé qu’en appliquant la norme de la décision raisonnable, le tribunal de contrôle doit porter [traduction] « une attention respectueuse aux motifs donnés ou qui pourraient être donnés à l’appui d’une décision » (voir aussi le par.18).

 

[29]           Dans l’affaire qui nous occupe, la Commission a examiné l’ensemble de la preuve et expliqué clairement pourquoi elle a conclu que la preuve révélait que le mariage n’était pas authentique et qu’il visait l’acquisition d’un statut au Canada. Les motifs fournis par la Commission démontraient de façon suffisante la justification, la transparence et l’intelligibilité requises du processus décisionnel. La décision était claire et bien expliquée. Je conclus donc que les motifs de la Commission étaient suffisants.

 

[30]           Aucune question grave de portée générale n’a été proposée aux fins de certification.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                             


JUGEMENT

 

LA COUR REJETTE la demande. Aucune question ne sera certifiée.

 

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3454-11

 

INTITULÉ :                                      SURJIT KAUR GILL

                                                            (SURJIT KAUR CHEEMA)

 

                                                            et

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 1er février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 2 mars 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Baldev Sandhu

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Philippe Alma

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

BALDEV SANDHU

Barrister & Solicitor

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

                                                                                   

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