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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20120229


Dossier : IMM-1394-11

Référence : 2012 CF 277

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 février 2012

En présence de monsieur le juge O'Keefe

 

ENTRE :

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

HUBERT LICHTENBERGER

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), en vue du contrôle judiciaire d’une décision rendue le 22 février 2011 et signée le 30 mars 2011 par la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) par laquelle celle-ci a infirmé la décision d’un agent des visas de rejeter la demande de résidence permanente présentée par le défendeur au motif qu’il ne s’était pas conformé à l’obligation de résidence prévue par l’article 28 de la Loi. La Commission en est arrivée à cette conclusion après avoir conclu que, selon la prépondérance des probabilités, le défendeur avait établi l’existence de motifs d’ordre humanitaire suffisants pour justifier la prise de mesures spéciales.

 

[2]               Les observations du demandeur indiquent généralement qu’il cherche à faire infirmer la décision de la Commission.

 

Le contexte

 

[3]               Le défendeur, un citoyen autrichien, n’est pas marié et ne vit pas en union de fait, et il n’a pas d’enfant. Sa famille immédiate (sa mère et ses deux sœurs) vit en Autriche et il n’a aucune famille au Canada.

 

[4]               Le défendeur a obtenu le statut de résident permanent au Canada au mois d’octobre 2000, et il a travaillé par intermittence comme mécanicien de camion avant de retourner chez lui en mars 2001 pour passer un examen d’accréditation de mécanicien de camion. L’année suivante, il est revenu au Canada et il y est resté pendant 14 mois avant de retourner en Autriche pour y subir une opération de la cataracte. Cette intervention chirurgicale ne lui a rien coûté dans son pays d’origine. Le défendeur est ensuite revenu au Canada, puis il a continué à faire la navette entre les deux pays. Il a présenté plusieurs demandes de documents de voyage et a obtenu de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) des conseils sur les conditions dont ceux‑ci sont assortis.

 

[5]               La preuve sur la durée du séjour du défendeur au Canada entre le 10 décembre 2004 et le 10 décembre 2009 est contradictoire. Elle permet néanmoins d’établir généralement que le défendeur est retourné en Autriche en 2005 pour y subir une deuxième intervention chirurgicale de la cataracte. En janvier 2007, il est revenu au Canada, où il est resté jusqu’en octobre 2007. L’année suivante, il a travaillé pendant quelque temps en Autriche. Il a séjourné également en Nouvelle‑Zélande et (ou) en Australie en 2006, 2008 et 2009. Cette année‑là, il est encore une fois retourné en Autriche, cette fois pour passer du temps avec son père, qui était âgé et malade, et pour soutenir sa mère après le décès de son père, survenu le 1er janvier 2010.

 

[6]               Le 10 décembre 2009, le défendeur a présenté à l’étranger sa demande de résidence permanente au Canada.

 

[7]               Le 18 janvier 2010, un agent des visas de l’ambassade du Canada en Autriche a rejeté la demande de résidence permanente du défendeur au motif que ce dernier ne s’était pas conformé à l’obligation de résidence prévue par l’article 28 de la Loi, à savoir qu’il n’avait pas séjourné au Canada pendant 730 jours au cours de la période quinquennale précédant la date de sa demande. L’agent des visas n’était pas convaincu non plus que les circonstances personnelles du défendeur dénotaient l’existence de motifs d’ordre humanitaire justifiant le maintien de son statut de résident permanent.

 

[8]               Le défendeur a interjeté appel de la décision de l’agent des visas à la Commission. Il n’a pas contesté la décision selon laquelle il ne s’était pas conformé à l’obligation de résidence de 730 jours au cours de la période quinquennale. Il a plutôt demandé à la Commission d’exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’alinéa 67(1)c) de la Loi en accordant une mesure spéciale fondée sur l’existence de motifs d’ordre humanitaire.

 

 

 

Le décision de la Commission

 

[9]               La Commission a entendu l’appel du défendeur le 22 février 2011. Elle a prononcé une décision de vive voix le même jour, puis rendu une décision écrite le 30 mars 2011.

 

[10]           La Commission en est arrivée à la conclusion que le défendeur s’était largement conformé à l’obligation de résidence, mais qu’il avait été loin de s’y conformer complètement. Elle a tenu compte des séjours de plus en plus longs du défendeur au Canada, qui sont passés de 50 à 67 jours, puis à 90 jours et enfin à 294 jours, et a conclu que cette tendance dénotait la volonté accrue du défendeur de s’établir au Canada. De plus, la Commission a conclu qu’au cours de son séjour le plus récent et le plus long au Canada, le défendeur avait établi une relation continue du fait de son emploi.

 

[11]           La Commission a examiné soigneusement les raisons pour lesquelles le défendeur est retourné en Autriche, plus particulièrement les séjours qu’il y a effectués pour y subir des interventions chirurgicales à la cataracte. Elle a déclaré explicitement que la décision du défendeur de se faire opérer en Autriche n’était pas un facteur qui jouait en sa faveur, mais qu’elle était néanmoins étrange étant donné qu’elle tranchait avec d’autres dossiers de résidence permanente dans lesquels les personnes concernées avaient cherché à profiter des services de soins de santé gratuits au Canada, alourdissant ainsi le fardeau des contribuables canadiens.

 

[12]           La Commission a conclu en outre que le retour du défendeur en Autriche pour passer du temps avec son père malade et pour soutenir sa mère émotionnellement jouait fortement en sa faveur.

 

[13]           La Commission a reconnu ensuite ce qui suit concernant le défendeur :

            1.         Abstraction faite de certains collègues, il n’a aucun lien manifeste avec le Canada;

            2.         Il n’est propriétaire d’aucun bien immobilier et il n’a aucun membre de sa famille au Canada;

            3.         Aucun membre de sa famille ne subira de difficultés s’il perd son statut de résident permanent;

            4.         En restant en Autriche, il n’éprouve aucune difficulté;

            5.         L’intérêt supérieur d’aucun enfant n’est touché.

 

[14]           La Commission a déclaré qu’elle ne conclurait probablement pas en faveur du défendeur, si ce n’est relativement au fait qu’il s’était largement conformé à son obligation et qu’elle disposait d’une preuve établissant que le défendeur avait entrepris et organisé diverses mesures pour se qualifier à titre de mécanicien accrédité (il avait notamment pris connaissance des exigences spécifiques pour approfondir sa formation et de l’endroit pour le faire).

 

[15]           En résumé, bien que la Commission ait reconnu que la balance ne penchait que légèrement en faveur du défendeur, elle a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, le défendeur avait établi l’existence de motifs d’ordre humanitaire suffisants pour justifier la prise d’une mesure spéciale dans la présente affaire. En conséquence, il a été fait droit à l’appel, et le défendeur a conservé son statut de résident permanent.

 

Les questions en litige

 

[16]           Le demandeur soutient qu’il a démontré l’existence de questions de fait et de droit susceptibles d’être débattues relativement à la décision pour les motifs suivants :

            1.         La Commission a contrevenu à son obligation d’équité en prononçant des motifs insuffisants;

            2.         la Commission a omis de soupeser et d’analyser plusieurs facteurs pertinents;

            3.         la Commission a commis une erreur factuelle importante;

            4.         la Commission a fondé sa décision sur des conclusions qui étaient intrinsèquement incohérentes et(ou) qui n’étaient pas étayées par la preuve;

            5.         la Commission a accordé un traitement préférentiel indu au facteur de l’intention.

 

[17]           Je formulerais les questions en litige dans les termes suivants :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

            2.         La Commission a-t-elle commis une erreur dans son appréciation des facteurs pertinents dans sa décision fondée sur des motifs d’ordre humanitaire?

 

Les observations écrites du demandeur

 

[18]           Le demandeur soutient que la norme de contrôle applicable à l’égard des questions qu’il soulève est la suivante : équité procédurale – norme de la décision correcte; questions mixtes de fait et de droit – caractère raisonnable de la décision; et questions de fait – caractère raisonnable de la décision.

 

[19]           Le demandeur soutient que les motifs de la Commission étaient inadéquats parce qu’ils prêtaient à confusion à certains endroits et parce que l’on pouvait difficilement y saisir le raisonnement de la Commission. D’après le demandeur, les motifs n’ont pas satisfait aux exigences énoncées dans la jurisprudence, à savoir qu’ils doivent être clairs, précis et intelligibles et, à cette fin, porter sur les principaux points en litige, énoncer le raisonnement de l’auteur de la décision et témoigner du fait que les principaux facteurs pertinents ont été pris en considération. À l’appui, le demandeur souligne les sections suivantes de la décision :

            1.         Langage imprécis. La Commission a déclaré de manière imprécise que le défendeur s’était « largement conformé à l’obligation de résidence », mais qu’il avait aussi été « loin de s’y conformer complètement »;

            2.         Absence de motifs sur les faits contraires. La Commission n’a pas formulé des motifs suffisants ou adéquats sur la manière dont elle a apprécié les conclusions factuelles qui jouaient contre une conclusion fondée sur des motifs d’ordre humanitaire;

            3.         Analyse sans pertinence. La longue analyse de la Commission sur ce qu’elle a jugé « étrange » et son renvoi à l’intérêt supérieur des enfants alors qu’aucun enfant n’était en cause ont embrouillé son processus décisionnel.

 

[20]           Le demandeur soutient qu’en raison de ces erreurs, la Commission a manqué à son devoir d’équité.

 

[21]           Le demandeur soutient également que la Commission a commis une erreur en analysant insuffisamment la preuve et en fondant plutôt sa décision sur des conclusions déraisonnables et en accordant indûment préférence au facteur de l’intention. Le demandeur reconnaît que la Commission a cerné les facteurs pertinents, mais il ajoute qu’elle ne s’est pas prononcée explicitement sur ceux qui jouaient contre le défendeur, et donc, qu’elle n’a pas tenu compte de leur importance dans son analyse du poids à leur accorder.

 

[22]           En outre, le demandeur soutient que les deux facteurs suivants, auxquels la Commission a accordé le plus de poids, reposaient sur des conclusions déraisonnables :

            1.         Largement conforme. Cette conclusion reposait sur le fait que le défendeur avait passé 501 jours au Canada (sur les 730 jours requis) au cours de la période quinquennale précédant sa demande. Ce même chiffre figure également sur la note que le défendeur a présentée à la Commission. Il inclut deux séjours effectués en 2004, avant la période quinquennale, qui s’élevaient au total à 117 jours. Abstraction faite des jours exclus, le nombre maximal de jours accumulés au cours de la période quinquennale aurait dû s’élever à 384 jours. En même temps, le demandeur soutient que la conclusion de la Commission selon laquelle le défendeur « s’[était] conformé en grande partie à son obligation de résidence; néanmoins, il ne s’y [était] pas conformé totalement », est viciée par son manque d’intelligibilité.

            2.         Processus d’accréditation comme mécanicien de camion. Le demandeur soutient que la Commission ne disposait d’aucune preuve lui permettant de conclure que le défendeur avait franchi les étapes requises pour obtenir une accréditation comme mécanicien de camion au Canada.

 

[23]           Enfin, le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en permettant que l’intention du défendeur de suivre une formation pour obtenir une accréditation à son retour au Canada domine son appréciation des facteurs d’ordre humanitaire. Il s’agissait d’une erreur de droit ou, à tout le moins, d’une erreur mixte de fait et de droit.

 

Les observations écrites du défendeur

 

[24]           Le défendeur n’a présenté aucune observation écrite.

 

L’analyse et la décision

 

[25]           Première question

            Quelle est la norme de contrôle applicable?

            Lorsque la norme de contrôle applicable à une question dont la Cour est saisie a été établie dans des décisions antérieures, la cour de révision peut adopter cette norme (voir Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, paragraphe 57).

 

[26]           Il est établi en droit que l’examen des conclusions tirées dans le cadre des demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire soulève des questions mixtes de fait et de droit qui peuvent être révisées selon la norme du caractère raisonnable (voir Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, paragraphe 62; et Rafieyan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 727, [2007] ACF no 974, paragraphe 15).

 

[27]           Lorsqu’elle examine la décision de la Commission sous l’angle de la norme du caractère raisonnable, la Cour ne devrait intervenir que si la Commission en est arrivée à une conclusion qui n’est pas transparente, justifiable et intelligible et qui n’appartient pas aux issues acceptables compte tenu de la preuve dont elle est saisie (voir Dunsmuir, précitée, paragraphe 47, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] ACS no 12, paragraphe 59). Ainsi que la Cour suprême l’a statué dans l’arrêt Khosa, précité, il n’appartient pas à la cour de révision de substituer sa propre opinion d’une issue préférable à celle qui a été retenue, ni n’entre‑t‑il dans ses attributions d’apprécier à nouveau les éléments de preuve (aux paragraphes 59 et 61).

 

[28]           La deuxième question en litige

            La Commission a-t-elle commis une erreur dans son appréciation des facteurs pertinents dans sa décision fondée sur les motifs d’ordre humanitaire?

            Dans la présente affaire, le défendeur a interjeté appel de la décision, prise à l’étranger par un agent des visas, de rejeter sa demande de résidence permanente au motif qu’il ne s’était pas conformé aux obligations de résidence prévues dans la loi. Selon l’alinéa 67(1)c) de la Loi, la Commission peut accueillir un appel si elle est convaincue que des motifs d’ordre humanitaire suffisants justifient la prise d’une mesure spéciale compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire.

 

[29]           Le guide de CIC sur le traitement des demandes à l’étranger, intitulé OP 10 – Détermination du statut de résident permanent (Guide OP10), énonce des directives quant aux décisions fondées sur des motifs d’ordre humanitaire relativement au maintien du statut de résident permanent lorsqu’il n’a pas été satisfait aux obligations de résidence (section 5.4). Il incombe au demandeur de décrire les difficultés – inhabituelles, injustifiées ou excessives compte tenu des circonstances personnelles – que la perte du statut de résident pourrait lui causer.

 

[30]           Dans la présente affaire, la Commission a pris en considération les facteurs suivants dans son évaluation des motifs d’ordre humanitaire :

            1.         Facteurs favorisant le rejet de l’appel :

                        a.         le défendeur n’avait pas de liens manifestes, d’immeubles et de membres de sa famille au Canada;

                        b.         ni le défendeur ni les membres de sa famille ne subiraient de difficultés excessives s’il perdait son statut de résident permanent et qu’il demeurait en Autriche;

                        c.         aucun argument n’a été soulevé quant à la question de l’intérêt supérieur des enfants.

            2.         Facteurs favorisant l’accueil de l’appel :

                        a.         le défendeur s’est largement conformé à l’obligation de résidence (501 sur 730 jours au cours de la période quinquennale précédente);

                        b.         les séjours de plus en plus longs au Canada (de février 2004 à octobre 2007);

                        c.         la relation continue que son dernier emploi lui a permis d’établir au Canada;

                        d.         les raisons de ses retours en Autriche (pour y subir des opérations de la cataracte et pour prendre soin de ses parents);

                        e.         le défendeur se préparait à obtenir son permis de mécanicien au Canada.

 

[31]           La Commission a soupesé ces facteurs et elle a fait droit à l’appel du défendeur.

 

[32]           La section 14 du Guide OP10 offre des directives sur certains facteurs à prendre en considération dans l’analyse des motifs d’ordre humanitaire. Les décideurs doivent examiner les circonstances et les événements qui, dans la dernière période quinquennale, ont amené la personne à manquer à ses obligations de résidence (OP10, page 26). Bien que les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire doivent être examinées au cas par cas, le Guide OP10 dresse une liste d’exemples de facteurs à apprécier dans l’analyse des motifs d’ordre humanitaire. Ils incluent l’étendue de la non‑conformité, les circonstances indépendantes de la volonté de la personne, l’établissement à l’extérieur du Canada, et la présence et le degré des difficultés consécutives.

 

[33]           Bien que ces facteurs ne soient que des exemples de ce que la Commission devrait apprécier, la liste offre une certaine orientation aux fins de la présente demande.

 

[34]           En ce qui concerne l’étendue de la non‑conformité, il faut souligner que la Commission a pris en compte un nombre de jours inexact. Le défendeur a été présent au Canada pendant 384 jours, et non 501 jours, sur les 730 jours requis au cours de la période quinquennale précédant la demande. Cela n’est que très légèrement supérieur à la moitié du temps requis. Le Guide OP10 donne à penser également que les raisons d’ordre médical ayant motivé les absences du défendeur sont pertinentes relativement à la mesure de la non‑conformité. Toutefois, au cours de la période quinquennale pertinente (du 10 décembre 2004 au 10 décembre 2009), le défendeur n’est pas retourné en Autriche uniquement pour des raisons d’ordre médical (une intervention chirurgicale en 2005 et pour prendre soin de ses parents malades en 2009), mais il a quitté le Canada également pour travailler temporairement en Autriche (en 2006) et en Nouvelle‑Zélande et (ou) en Autriche (en 2006, 2008 et 2009).

 

[35]           En ce qui concerne les circonstances indépendantes de la volonté du défendeur, l’on peut dire des raisons d’ordre médical qui ont mené à son absence qu’elles sont impérieuses. Toutefois, ainsi qu’il a déjà été mentionné, les questions d’ordre médical ne sont pas les seules raisons pour lesquelles le défendeur a quitté le Canada, et ce dernier n’a pas fourni davantage d’explications sur les circonstances de son emploi en Autriche, en Nouvelle‑Zélande et en Australie au cours de la période quinquennale pertinente. La Commission a conclu que le défendeur tentait de revenir au Canada le plus rapidement possible, et la transcription de l’audience indique effectivement qu’il cherche avec empressement un moyen de revenir ici. Bien que le demandeur ait à juste titre déclaré que l’intention n’est pas un facteur déterminant dans l’analyse, le Guide OP10 reconnaît qu’elle demeure pertinente :

Même si « l’intention » n’est plus un facteur déterminant comme c’était le cas sous l’ancienne Loi sur l’immigration, le gestionnaire tient tout de même compte de l’intention du demandeur lorsqu’il évalue les motifs d’ordre humanitaire. (page 11).

 

 

[36]           Le troisième exemple soulevé dans le Guide OP10 est le degré d’établissement du défendeur au Canada. Ainsi que l’a admis la Commission, il est clair que le défendeur n’a pas un tel établissement. Les seuls liens qu’il a maintenus au Canada sont des relations qu’il a tissées dans son lieu de travail en 2007. Le dernier exemple tiré du Guide OP10, à savoir la présence et le degré de difficultés consécutives, est lui aussi clairement absent dans la présente affaire.

 

[37]           Ainsi qu’il a déjà été mentionné, la norme de contrôle applicable à l’égard d’une décision de la Commission portant sur la question des motifs d’ordre humanitaire est celle du caractère raisonnable, et la Cour devrait par conséquent faire preuve de retenue à l’égard de la décision de la Commission. Cette retenue consiste notamment à ne pas apprécier à nouveau les éléments de preuve (voir Khosa, précité, paragraphe 59). Toutefois, dans sa décision, la Commission a reconnu que l’évaluation des motifs d’ordre humanitaire ne faisait pencher la balance que légèrement en faveur du défendeur. Le fait que la Commission a pris en compte le nombre inexact de jours au Canada (501 jours plutôt que 384 jours) et qu’elle n’a pas pris en compte le temps que le défendeur a passé à l’étranger pour des raisons d’ordre autre que médical (c.‑à‑d.. son emploi en Autriche, en Nouvelle‑Zélande et en Australie) donne à penser que la Commission n’a pas apprécié tous les éléments de preuve pertinents qui se rapportent à la période quinquennale en question. Cette preuve, jumelée à l’absence complète d’un établissement au Canada et à l’absence de difficultés que le défendeur ou sa famille éprouveraient, donne à penser que, dans les circonstances de la présente affaire, la décision de la Commission n’était pas raisonnable, et qu’elle doit être infirmée.

 

[38]           Je suis donc d’avis d’accueillir la demande de contrôle judiciaire et d’infirmer la décision rendue par la Section d’appel de l’immigration.

 

[39]           Aucune demande de certification d’une question grave ou de portée générale n’a été présentée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie, que la décision de la Commission est infirmée et que l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 


ANNEXE

 

Les dispositions législatives pertinentes

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

 

25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui est interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

 

 

 

. . .

 

(1.3) Le ministre, dans l’étude de la demande d’un étranger se trouvant au Canada, ne tient compte d’aucun des facteurs servant à établir la qualité de réfugié — au sens de la Convention — aux termes de l’article 96 ou de personne à protéger au titre du paragraphe 97(1); il tient compte, toutefois, des difficultés auxquelles l’étranger fait face.

 

28. (1) L’obligation de résidence est applicable à chaque période quinquennale.

 

 

(2) Les dispositions suivantes régissent l’obligation de résidence :

 

a) le résident permanent se conforme à l’obligation dès lors que, pour au moins 730 jours pendant une période quinquennale, selon le cas :

 

(i) il est effectivement présent au Canada,

 

(ii) il accompagne, hors du Canada, un citoyen canadien qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents,

 

(iii) il travaille, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale,

 

(iv) il accompagne, hors du Canada, un résident permanent qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents, et qui travaille à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale,

 

(v) il se conforme au mode d’exécution prévu par règlement;

 

b) il suffit au résident permanent de prouver, lors du contrôle, qu’il se conformera à l’obligation pour la période quinquennale suivant l’acquisition de son statut, s’il est résident permanent depuis moins de cinq ans, et, dans le cas contraire, qu’il s’y est conformé pour la période quinquennale précédant le contrôle;

 

 

 

 

 

 

 

c) le constat par l’agent que des circonstances d’ordre humanitaire relatives au résident permanent — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — justifient le maintien du statut rend inopposable l’inobservation de l’obligation précédant le contrôle.

 

 

 

. . .

 

63. (4) Le résident permanent peut interjeter appel de la décision rendue hors du Canada sur l’obligation de résidence.

 

 

67. (1) Il est fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé :

 

 

a) la décision attaquée est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait;

 

b) il y a eu manquement à un principe de justice naturelle;

 

c) sauf dans le cas de l’appel du ministre, il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

 

 

72. (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

 

25. (1) The Minister must, on request of a foreign national in Canada who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

 

. . .

 

(1.3) In examining the request of a foreign national in Canada, the Minister may not consider the factors that are taken into account in the determination of whether a person is a Convention refugee under section 96 or a person in need of protection under subsection 97(1) but must consider elements related to the hardships that affect the foreign national.

 

28. (1) A permanent resident must comply with a residency obligation with respect to every five-year period.

 

(2) The following provisions govern the residency obligation under subsection (1):

 

(a) a permanent resident complies with the residency obligation with respect to a five-year period if, on each of a total of at least 730 days in that five-year period, they are

 

(i) physically present in Canada,

 

(ii) outside Canada accompanying a Canadian citizen who is their spouse or common-law partner or, in the case of a child, their parent,

 

(iii) outside Canada employed on a full-time basis by a Canadian business or in the federal public administration or the public service of a province,

 

(iv) outside Canada accompanying a permanent resident who is their spouse or common-law partner or, in the case of a child, their parent and who is employed on a full-time basis by a Canadian business or in the federal public administration or the public service of a province, or

 

(v) referred to in regulations providing for other means of compliance;

 

(b) it is sufficient for a permanent resident to demonstrate at examination

 

(i) if they have been a permanent resident for less than five years, that they will be able to meet the residency obligation in respect of the five-year period immediately after they became a permanent resident;

 

(ii) if they have been a permanent resident for five years or more, that they have met the residency obligation in respect of the five-year period immediately before the examination; and

 

(c) a determination by an officer that humanitarian and compassionate considerations relating to a permanent resident, taking into account the best interests of a child directly affected by the determination, justify the retention of permanent resident status overcomes any breach of the residency obligation prior to the determination.

 

. . .

 

63. (4) A permanent resident may appeal to the Immigration Appeal Division against a decision made outside of Canada on the residency obligation under section 28.

 

67. (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

 

(a) the decision appealed is wrong in law or fact or mixed law and fact;

 

(b) a principle of natural justice has not been observed; or

 

(c) other than in the case of an appeal by the Minister, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

 

72. (1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1394-11

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

                                                            c

 

                                                            HUBERT LICHTENBERGER

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 5 octobre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET

JUGEMENT :                                   LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 29 février 2012

 

 

 

COMPARUTIONS

 

Nalini Reddy

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Personne n’a comparu

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DEMANDEUR

Personne n’a comparu

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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