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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20131210


Dossier :

T-1921-12

 

Référence : 2013 CF 1236

Ottawa (Ontario), ce 10e jour de décembre 2013

En présence de monsieur le juge Roy

 

ENTRE :

Nathalie KRIVICKY

 

Partie demanderesse

Et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

Partie défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               CONSIDÉRANT une décision de Passeport Canada, rendue le 15 août 2012, par laquelle une demande de passeport faite au nom de la demanderesse et une demande de passeport faite au nom d’une certaine Cindy Bauwens ont été refusées et qu’en plus était imposée une période de refus de services de quatre ans, rétroactive au 5 octobre 2010, date à laquelle la demanderesse a tenté de se procurer un passeport sous de fausses représentations;

[2]               CONSIDÉRANT que ces refus l’ont été en vertu de l’article 9, alinéa a) du Décret sur les passeports canadiens, TR/81-86 (le Décret);

 

[3]               CONSIDÉRANT la demande de contrôle judiciaire présentée par la demanderesse qui ne vise qu’à faire lever la période de refus de services;

 

[4]               CONSIDÉRANT que la demande de contrôle judiciaire est présentée en vertu de l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7 et que la demanderesse allègue que la preuve a été appréciée d’une manière injuste et arbitraire, pour en venir à la conclusion qu’une période de refus de services de quatre ans est manifestement déraisonnable;

 

[5]               ATTENDU que la Cour a pris connaissance du dossier et a entendu les parties;

 

[6]               Pour les motifs tels qu’exposés ici après, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[7]               Tout ce qui est contesté devant cette Cour est la longueur de la période de refus de services de passeport. C’est l’article 10.2 du Décret qui en permet l’imposition. Son texte se lit de la façon suivante :

  10.2 Le pouvoir de prendre la décision de refuser la délivrance d’un passeport ou d’en révoquer un en vertu du présent décret, pour tout motif autre que celui prévu à l’alinéa 9g), comprend le pouvoir d’imposer une période de refus de services de passeport.

 

  10.2 The authority to make a decision to refuse to issue or to revoke a passport under this Order, except for the grounds set out in paragraph 9(g), includes the authority to impose a period of refusal of passport services.

 

 

[8]               Essentiellement, la demanderesse se réclame de concepts que l’on retrouve en matière de « sentencing » pour plaider que la période de quatre ans qui a été imposée, et qui expirera en octobre prochain, est déraisonnable. Ainsi, la demanderesse invoque que la durée n’est fondée que sur des principes de dissuasion et d’exemplarité ne tenant pas compte de la situation particulière de la partie demanderesse qui, nous dit-on, est appelée à voyager pour fins de travail. La demanderesse ajoute que les principes de proportionnalité et d’individualisation des peines devraient faire en sorte que la période de refus de services de passeport aurait dû être plus courte.

 

[9]               La norme de contrôle applicable en ces matières est la norme de la décision raisonnable. En effet, même si la demande de contrôle judiciaire est faite en vertu de la Loi sur les Cours fédérales, les principes de common law quant à la norme de contrôle trouvent application (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339). Cette norme dite de la raisonnabilité est empreinte de déférence à l’égard de la décision du tribunal administratif. Ainsi, dans Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, [Dunsmuir] la Cour décrit en quoi consiste cette raisonnabilité dans un passage maintenant célèbre :

[47]     … Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

 

 

[10]           C’est le fardeau de la demanderesse que de démontrer que la décision rendue n’était pas raisonnable. La Cour ne doit pas tenter de substituer ses propres vues à celles du décideur.

 

[11]           La demanderesse n’a pas démontré que la décision rendue tombe à l’extérieur des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Face à une décision qui mérite une haute déférence, il eut fallu davantage que d’invoquer des principes utilisés en droit criminel en matière de « sentencing » (Slaeman c Le Procureur général du Canada, 2012 CF 641).

 

[12]           La demanderesse note au passage que les accusations criminelles qui ont été portées contre elle ont fait l’objet d’un acquittement. Ces acquittements sont postérieurs à la décision qui a été rendue par Passeport Canada. Ils ne sont pas pertinents en l’espèce. Quoi qu’il en soit, je ne puis voir en quoi les acquittements ont quelque incidence sur la décision d’imposer une période de refus de services de passeport. À mon avis, les décisions de refuser d’émettre les passeports étaient pleinement justifiées; la preuve est suffisante pour conclure que la demanderesse a participé à une imposture relativement à l’émission d’un passeport. Les poursuites en vertu du droit criminel répondent à des règles et un fardeau qui sont bien différents de ceux qui s’appliquent en matière administrative.

 

[13]           Si la demanderesse devait avoir besoin d’un passeport dans les dix prochains mois, elle peut se prévaloir de la possibilité d’obtenir un passeport à durée limitée qui est émis pour des motifs d’ordre humanitaire et impérieux. La lettre de décision l’indique d’ailleurs de façon très claire.

 

[14]           J’ai demandé à l’audience en quoi la demanderesse pourrait avoir besoin d’un passeport aux fins de son emploi. Qu’il suffise de dire que la nécessité d’un passeport n’est pas pour l’emploi principal de la demanderesse. La décision dont contrôle judiciaire est demandé est tout à fait raisonnable au sens de Dunsmuir.

[15]           En conclusion, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. La défenderesse a requis le rejet de la demande avec dépens. Je considère qu’en l’espèce des dépens nominaux de l’ordre de deux cents dollars (200,00 $) devraient être imposés contre la demanderesse.

 

 

 

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. En l’espèce, des dépens nominaux de l’ordre de deux cents dollars (200,00 $) sont imposés à la demanderesse.

 

 

« Yvan Roy »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

T-1921-12

 

INTITULÉ :

Nathalie KRIVICKY c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 4 décembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

                                                            LE JUGE ROY

DATE DES MOTIFS :

                                                            LE 10 décembre 2013

COMPARUTIONS :

Me Meryam Haddad

 

Me Andréane Joanette-Laflamme

 

Pour lA PARTIE DEMANDERESSE

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Monterosso et associés

Montréal (Québec)

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

 

Pour LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

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