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Date : 20131204

Dossiers : T-1537-12

T-1538-12

 

Référence : 2013 CF 1215

 

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), le 4 décembre 2013

 

En présence de Monsieur le juge Harrington

 

Dossier : T-1537-12

 

ENTRE :

GURKINDER SINGH SANDHU

 

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

Dossier : T-1538-12

 

Et entre :

MANINDER DEEP SANDHU

 

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]               Gurkinder Singh Sandhu et Maninder Deep Sandhu, citoyens indiens, ont été adoptés en Colombie‑Britannique par deux Canadiens, Baljinder Kaur Sandhu et son mari, Dangal Singh Sandhu, lequel est apparenté aux adoptés. Gurkinder avait 19 ans et Maninder, 18, au moment de l’adoption.

 

[2]               La déléguée du ministre a refusé d’accorder la citoyenneté canadienne à Gurkinder et Maninder parce qu’il n’existait pas de véritable lien affectif parent‑enfant entre les adoptants et eux avant qu’ils n’atteignent 18 ans. Le contrôle judiciaire porte sur ces deux décisions.

 

[3]               Le droit à la citoyenneté des non‑Canadiens résidant hors du Québec adoptés par des Canadiens est à présent régi par les paragraphes 5.1(1) et 5.1(2) de la Loi sur la Citoyenneté, dont voici le texte :

5.1 (1) Sous réserve du paragraphe (3), le ministre attribue, sur demande, la citoyenneté à la personne adoptée par un citoyen le 1er janvier 1947 ou subséquemment lorsqu’elle était un enfant mineur. L’adoption doit par ailleurs satisfaire aux conditions suivantes :

 

a) elle a été faite dans l’intérêt supérieur de l’enfant;

 

b) elle a créé un véritable lien affectif parent-enfant entre l’adoptant et l’adopté;

 

c) elle a été faite conformément au droit du lieu de l’adoption et du pays de résidence de l’adoptant;

 

 

 

d) elle ne visait pas principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège relatifs à l’immigration ou à la citoyenneté.

 

(2) Sous réserve du paragraphe (3), le ministre attribue, sur demande, la citoyenneté à la personne adoptée par un citoyen le 1er janvier 1947 ou subséquemment lorsqu’elle était âgée de dix-huit ans ou plus, si les conditions suivantes sont remplies :

 

a) il existait un véritable lien affectif parent-enfant entre l’adoptant et l’adopté avant que celui-ci n’atteigne l’âge de dix-huit ans et au moment de l’adoption;

 

 

b) l’adoption satisfait aux conditions prévues aux alinéas (1)c) et d).

5.1 (1) Subject to subsection (3), the Minister shall on application grant citizenship to a person who was adopted by a citizen on or after January 1, 1947 while the person was a minor child if the adoption

 

 

 

 

 

(a) was in the best interests of the child;

 

(b) created a genuine relationship of parent and child;

 

(c) was in accordance with the laws of the place where the adoption took place and the laws of the country of residence of the adopting citizen; and

 

(d) was not entered into primarily for the purpose of acquiring a status or privilege in relation to immigration or citizenship.

 

(2) Subject to subsection (3), the Minister shall on application grant citizenship to a person who was adopted by a citizen on or after January 1, 1947 while the person was at least 18 years of age if

 

 

 

(a) there was a genuine relationship of parent and child between the person and the adoptive parent before the person attained the age of 18 years and at the time of the adoption; and

 

(b) the adoption meets the requirements set out in paragraphs (1)(c) and (d).

 

[4]               L’agente de la citoyenneté a estimé qu’au moment de l’adoption il existait un véritable lien affectif parent‑enfant, mais que ce lien ne s’est développé que lorsque les demandeurs sont venus au Canada en possession d’un permis d’études. Ayant conclu que le lien ne s’était pas formé avant que les demandeurs atteignent l’âge de 18 ans, elle n’a pas examiné si l’adoption ne visait pas principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège relatifs à la citoyenneté.

 

I. Les questions en cause

 

[5]               Les demandeurs soutiennent que l’audience a été entachée d’inéquité procédurale et que, de toute manière, elle était déraisonnable. Le Ministre affirme que ce que les demandeurs qualifient d’équité procédurale devrait plutôt être appelé conclusions en matière de crédibilité et que, de plus, la décision était raisonnable.

 

[6]               Aucune déférence n’est due à un office fédéral à l’égard des questions de justice naturelle et, notamment, d’équité procédurale. La règle générale veut que, lorsque le processus est entaché d’inéquité, la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et l’affaire, renvoyée à un autre décideur pour nouvel examen (Cardinal c Directeur de l’Établissement Kent, [1985] 2 RCS 643, [1985] ACS no 78 (QL)).

 

[7]               Autrement, la décision se contrôle suivant la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, [2008] ACS no 9 (QL), au para 47). Même si la décision n’a pas été motivée aussi exhaustivement qu’on l’aurait souhaité, la Cour peut examiner si la conclusion est justifiée au regard du dossier du tribunal (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, [2011] ACS no 62 (QL)).


 

II. Équité procédurale

 

[8]               Divers points ont été soulevés, mais aucun n’atteint selon moi le niveau d’un manquement à l’équité. Les demandeurs et leurs parents adoptifs ont été questionnés séparément. L’exclusion des témoins est fréquente dans la procédure judiciaire, et elle n’est certainement pas inéquitable.

 

[9]               Un ami de la famille, qui a déjà été agent d’immigration, s’est présenté aux entrevues avec la famille mais n’a pas obtenu le droit d’être entendu. Rien n’indique toutefois qu’il s’agissait d’un consultant en immigration autorisé.

 

[10]           Les demandeurs et leurs parents adoptifs font valoir qu’ils ont présenté de nouveaux documents à l’agente, laquelle n’en a pas fait de copie. En contre‑interrogatoire, l’agente a déclaré qu’elle avait examiné les documents, ce que les demandeurs ont confirmé, mais a jugé qu’ils n’apportaient rien de nouveau. Elle a pris copie de quelques documents, bien que le débat subsiste au sujet de ce qui a effectivement été copié.

 

[11]           Lorsqu’il est question d’équité procédurale, peuvent être soumis à la Cour les documents qui auraient dû être présentés au décideur (Tremblay c Canada (Procureur général), 2005 CF 339, [2005] ACF no 421 (QL)). Maninder signale qu’il y avait des photos. On ne peut rien fonder sur des photos. Rien n’a été soumis qui puisse contredire l’évaluation de l’agente.

 

[12]           Les entrevues n’ont pas été enregistrées. L’agente a pris des notes à la main, lesquelles n’ont été transcrites que quelques semaines plus tard. L’enregistrement n’était pas obligatoire et, bien qu’il eût été préférable de transcrire les notes plus tôt, rien ne laisse présumer que les notes originales n’étaient pas exactes.

 

[13]           Je conviens avec le Ministre que la question qui se pose est véritablement celle de la crédibilité. Il a fait valoir qu’il faut privilégier les souvenirs de l’agente à cause de l’intérêt personnel que les autres témoins ont à l’égard du résultat. J’estime qu’aucune présomption de ce type ne s’applique. Tous les demandeurs en matière d’immigration et de citoyenneté ont un intérêt personnel dans l’issue de leur demande, mais sont néanmoins présumés dire la vérité (Maldonado c MEI, [1980] 2 CF 302 (CA)).

 

[14]           L’agente et les demandeurs ont été contre‑interrogés sur les affidavits qu’ils avaient souscrits. Leurs souvenirs diffèrent certainement mais, au sujet des questions centrales, ceux de l’agente semblent nets.

III. La décision était raisonnable

 

[15]           Les entrevues étaient loin d’être parfaites. L’agente n’a pas demandé qui subvenait financièrement aux besoins des enfants lorsqu’ils étaient en Inde, alors qu’elle aurait dû le faire. La preuve établit qu’au moins pendant quelques années le père adoptif a subvenu à leurs besoins. En contre‑interrogatoire, l’agente a déclaré qu’elle n’a pas posé la question parce qu’ils vivaient avec leurs parents. Ce point demeure quelque peu obscur puisque les enfants étaient en pension loin de chez eux, que les parents adoptifs avaient une maison en Inde à 70 kilomètres de l’endroit où ils étaient pensionnaires et que les enfants leur rendaient visite le week‑end.

 

[16]           Toutefois, l’élément fondamental est que, selon l’agente, les parents adoptifs ont déclaré que le véritable lien affectif parent-enfant ne s’est développé que lorsque les jeunes hommes sont venus au Canada et qu’alors, ils étaient adultes et avaient atteint l’âge de 18 ans. L’agente pouvait donc statuer comme elle l’a fait. Je ne suis pas habilité, dans l’application du critère de la décision raisonnable, à substituer mon opinion à celle du décideur mais, le pourrais‑je, que la preuve ne me permettrait pas de tirer d’autre conclusion que celle qu’en Inde, les parents adoptifs ne faisaient qu’aider des membres de leur famille.

 

[17]           Il n’y a pas eu jonction des demandes, mais celles‑ci ont été entendues ensemble. Les questions et faits essentiels sont les mêmes. Les deux demandes seront rejetées. Aucuns dépens ne seront adjugés. Une copie des motifs sera versée dans chaque dossier.

 


ORDONNANCE

 

POUR LES MOTIFS PRÉCÉDEMMENT EXPOSÉS,

LA COUR ORDONNE :

1.                  que la demande de contrôle judiciaire T-1537-12 soit rejetée;

2.                  que la demande de contrôle judiciaire T-1538-12 soit rejetée;

3.                  qu’aucuns dépens ne soient adjugés;

4.                  qu’une copie des motifs soit versée dans chacun des dossiers.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

T-1537-12

 

INTITULÉ :

GURKINDER SINGH SANDHU c MCI

 

ET DOSSIER :

T-1538-12

 

INTITULÉ :

MANINDER DEEP SANDHU c MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 27 novembre 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LE JUGE HARRINGTON

DATE DES MOTIFS :                     Le 4 décembre 2013

 

COMPARUTIONS :

Milan Uzelac

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Helen Park

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Uzelac Milan Law Offices

Vancouver (Colombie-Britanique)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britanique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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