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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date: 20131114

Dossier : T-2183-12

Référence : 2013 CF 1154

Ottawa (Ontario), le 14 novembre 2013

En présence de monsieur le juge Simon Noël 

ENTRE :

 

LA MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

ALBIN MARANGONI

 

 

 

défendeur

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

I.          Introduction

[1]               La ministre du Revenu national [la « demanderesse »] sollicite une ordonnance sous le régime des articles 466 et 467 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, [les « Règles »] déclarant M. Albin Marangoni [le « défendeur »] coupable d’outrage au tribunal.

 

[2]               La présente instance consiste en une audience visant à permettre au défendeur d’entendre la preuve de l’acte d’outrage au tribunal qui lui est reproché et qui est décrit dans les présentes et d’être prêt à présenter une défense à ces allégations.

II.        Les faits

[3]               Le 20 février 2012, la demanderesse a fait signifier au défendeur une demande péremptoire en vue d’obtenir la communication de renseignements et la production de documents concernant sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2009 [la « demande péremptoire »] en vertu du paragraphe 231.2(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC (1985), ch 1 (5e suppl) [la « LIR »]. Le défendeur disposait d’un délai de 30 jours pour transmettre les éléments suivants à la demanderesse :

 

1.           les relevés de tous les comptes bancaires utilisés à la fois aux fins d’affaires que personnels;

 

2.           les bordereaux et/ou les livres des dépôts;

 

3.           les contrats existants dont monsieur Marangoni est titulaire, voir : prêt(s) à court, moyen ou long terme, prêt(s) usuraire(s), prêt(s) automobile(s), prêt(s) hypothécaire(s), etc.;

 

4.           les documents relatifs à des polices d’assurance;

 

5.           une liste de tous les actifs et passifs pour les années 2007 à 2009 (1er janvier 2007 au 31 décembre 2009);

 

6.           une liste de toutes les acquisitions et dispositions pour les années 2007 à 2009 (1er janvier 2007 au 31 décembre 2009);

 

7.           l’intégralité des pièces justificatives concernant les dépenses d’entreprise.

 

[4]               Le défendeur a refusé de s’identifier au moment de la signification de la demande péremptoire.

 

[5]               Le défendeur n’a pas donné suite à la demande péremptoire et a été mis en demeure par la demanderesse le 18 juillet 2012.

 

[6]               Le défendeur a refusé de s’identifier au moment de la signification de la mise en demeure.

 

[7]               Le défendeur ne s’est pas conformé à la demande péremptoire à la suite de la mise en demeure et la demanderesse a préparé un dossier du demandeur en vertu de l’article 231.7 de la LIR. Le défendeur a reçu la signification du dossier dans sa boîte aux lettres le 13 décembre 2012.

 

[8]               Le 22 janvier 2013, en vertu de l’article 231.7 de la LIR, le juge Beaudry a prononcé une ordonnance [l’« ordonnance exécutoire »] exigeant d’Albin Marangoni qu’il se conforme à la demande péremptoire dans les 15 jours suivant la signification de l’ordonnance exécutoire, qui prévoyait ce qui suit :

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.    au défendeur de répondre à la demande péremptoire de             produire des renseignements et documents, datée du 23 janvier    2012 et émise en vertu du paragraphe 231.2 (1) de la LIR, en     fournissant les renseignements et documents suivants :

 

-      les relevés de tous les comptes bancaires utilisés à la

          fois aux fins d’affaires que personnels;

 

-      les bordereaux et/ou les livres des dépôts;

 

-      les contrats existants dont monsieur Marangoni est

       titulaire, voir : prêt(s) à court, moyen ou long terme, prêt(s)                    usuraire(s), prêt(s) automobile(s), prêt(s) hypothécaire(s),

       etc.;

 

-      les documents relatifs à des polices d’assurance;

 

-      une liste de tous les actifs et passifs pour les années 2007 à             2009 (1er janvier 2007 au 31 décembre 2009);

 

-      une liste de toutes les acquisitions et dispositions pour les   années 2007 à 2009 (1er janvier 2007 au 31 décembre   2009);

 

-      l’intégralité des pièces justificatives concernant les dépenses        d’entreprise;

 

2.        au défendeur de fournir lesdits renseignements et documents

       l’Agence du revenu du Canada, aux soins de monsieur Pierre-   Marc Fréchette, en les faisant parvenir à son bureau situé au        305 boulevard René-Lévesque Ouest, Montréal, H2Z 1A6,   dans un délai de quinze (15) jours suivant la signification de        la présente ordonnance;

 

3.    LE TOUT avec dépens contre le défendeur.

 

[9]               L’ordonnance exécutoire a été signifiée personnellement au défendeur le 30 janvier 2013.

 

[10]           Le défendeur n’a pas communiqué les renseignements et produit les documents exigés dans le délai imparti par le juge Beaudry dans son ordonnance exécutoire.

 

[11]           Le 8 mai 2013, à la demande de la demanderesse, le protonotaire Richard Morneau a rendu une ordonnance ex parte enjoignant au défendeur de comparaître devant la présente Cour pour entendre la preuve de l’acte d’outrage qui lui est reproché, c’est-à-dire le non-respect de l’ordonnance exécutoire du juge Beaudry, et d’être prêt à produire une défense à ces allégations [l’« ordonnance de justification »]. L’ordonnance de justification ordonnait ce qui suit :

LA COUR ORDONNE QUE :

 

1.    Albin Marangoni comparaisse devant un juge de cette Cour,     au 30, rue McGill, à Montréal, à une séance spéciale dont la       durée maximale sera d’une (1) heure et se tiendra en français;

 

       La date d’audition de la séance spéciale sera fixée par une         ordonnance ultérieure de l’administratrice judiciaire.

 

2.    Albin Marangoni soit alors prêt à entendre la preuve de l’acte    reproché, à savoir, d’avoir fait défaut de se conformer à             l’ordonnance de cette Cour du 22 janvier 2013, laquelle lui a      été personnellement signifiée le 30 janvier 2013;

 

3.    Albin Marangoni soit également prêt à présenter sa défense à    l’acte qui lui est reproché, soit d’avoir fait défaut de se           conformer à l’ordonnance du 22 janvier 2013;

 

4.    Le demandeur signifie personnellement à Albin Marangoni       les documents suivants :

 

       a)  une copie de la présente ordonnance et du dossier de            requête                   du demandeur; et

 

       b)  une liste des témoins que le demandeur propose d’appeler, à la date à être fixée sous le paragraphe 1 ci-haut, pour faire la preuve de l’acte reproché.

 

[12]           La demanderesse n’a pas été en mesure de signifier l’ordonnance et le dossier de requête au défendeur parce que ce dernier ne répondait pas à la porte et semblait fuir la signification.

 

[13]           Le 11 juin 2013, l’audience pour outrage au tribunal a été fixée au 4 novembre 2013 par l’administratrice judiciaire de la Cour, et la demanderesse a signifié le dossier du demandeur, la liste des témoins, l’ordonnance de justification et l’ordonnance fixant la date de l’audience dans la boîte aux lettres du défendeur.

 

 

III.       Question en litige

[14]           Le défendeur est-il coupable d’outrage au tribunal pour ne pas s’être conformé à l’ordonnance exécutoire du juge Beaudry et, le cas échéant, quelle est la peine applicable?

 

IV.       Dispositions législatives applicables

[15]           Les procédures d’outrage au tribunal devant la présente Cour sont régies par les articles 466 à 472 des Règles, et les dispositions législatives applicables en l’espèce sont reproduites dans l’Annexe A des présentes.

 

V.        La preuve présentée

[16]           Conformément au paragraphe 470(1) des Règles, les témoignages ont été livrés oralement à la Cour au moment de l’audience.

 

            A. La demanderesse

[17]           La demanderesse a interrogé M. Pierre-Marc Fréchette, vérificateur de l’Agence du revenu du Canada chargé de la vérification des petites et moyennes entreprises au pays. Il est également responsable du dossier du défendeur, et ce, depuis le 26 mai 2011, puisque le défendeur exploite, depuis 1995, une entreprise à propriétaire unique dans le domaine de l’alimentation. De plus, la demanderesse a produit en preuve, à l’appui de ses prétentions, diverses pièces, lesquelles renvoient aux différents faits en l’espèce et énoncés dans la section des présentes portant sur les faits.

 

[18]           La demanderesse a fait valoir que le défendeur avait connaissance de l’ordonnance exécutoire du juge Beaudry datée du 22 janvier 2013, car celle-ci lui a été signifiée en mains propres le 30 janvier 2013. Cette ordonnance accordait au défendeur un délai de 15 jours pour se conformer à la demande péremptoire, ce qu’il n’a pas fait. De plus, le défendeur a été mis en demeure de se conformer à la demande péremptoire, et on lui a signifié l’ordonnance de justification du 8 mai 2013 au même moment que l’ordonnance de l’administratrice judiciaire fixant la date d’audience.

 

[19]           Ainsi, selon la demanderesse, le défendeur avait connaissance de la demande péremptoire qui lui a été adressée, de la mise en demeure dont il faisait l’objet et de l’ordonnance exécutoire délivrée à son égard. En concluant, elle a affirmé qu’en dépit de ses efforts elle n’a toujours rien reçu de la part du défendeur et, par conséquent, que ce dernier ne s’était pas conformé à l’ordonnance exécutoire du juge Beaudry et s’était du même coup rendu coupable d’outrage au tribunal.

 

            B. Le défendeur

[20]           Pour sa part, le défendeur a affirmé lors de son témoignage avoir connu des soucis informatiques qui ont entraîné la perte des documents exigés par la demanderesse. Il a ajouté qu’en raison de son horaire chargé il n’a pas été en mesure de récupérer les documents recherchés avant maintenant. Questionné à ce sujet, le défendeur a déclaré tout simplement ne pas avoir pensé à communiquer avec la demanderesse pour obtenir un plus long délai afin de se conformer à la demande péremptoire. Toujours lors de son contre-interrogatoire, le défendeur a reconnu avoir reçu la signification en mains propres de l’ordonnance d’exécution du juge Beaudry et ne pas s’y être conformé dans le délai imparti.

 

[21]           De plus, le défendeur avait en sa possession, à l’audience, une série de documents qu’il a remis à la demanderesse. À son avis, ces documents répondent aux exigences de l’ordonnance exécutoire du juge Beaudry. La demanderesse a accepté les documents du défendeur, mais elle a affirmé qu’il lui faudra les vérifier avant de conclure qu’ils satisfont à l’ordonnance exécutoire.

 

VI.       Analyse

[22]           L’alinéa 466b) des Règles prévoit qu’une personne est coupable d’outrage au tribunal si elle désobéit à une ordonnance de la Cour. De plus, l’article 469 des Règles précise qu’une déclaration de culpabilité dans les cas d’outrage au tribunal doit s’appuyer sur une preuve hors de tout doute raisonnable. Ainsi, il revient à la demanderesse d’établir hors de tout doute raisonnable que le défendeur a commis un outrage au tribunal.

 

[23]           Afin de conclure à la culpabilité du défendeur, la Cour doit être convaincue que celui-ci a été avisé de l’ordonnance à laquelle il est accusé de ne pas s’être conformé et qu’il a bel et bien omis de respecter l’ordonnance en question.

 

[24]           En premier lieu, pour ce qui est de l’ordonnance exécutoire prononcée par le juge Beaudry, le rapport de signification de Marc Landreville, huissier de justice, indique que cette ordonnance a été signifiée en mains propres au défendeur le 30 janvier 2013. Ce dernier a donc été informé de l’ordonnance qu’il est accusé de ne pas avoir respectée.

 

[25]           Ensuite, un autre rapport de signification de Marc Landreville indique que le défendeur a tenté de signifier l’ordonnance de justification au défendeur le 27 mai 2013, mais que la signification n’a pu avoir lieu puisque celui-ci ne répondait pas et semblait fuir la signification. L’ordonnance de justification a toutefois été signifiée au défendeur le 24 juillet 2013, en laissant la documentation dans sa boîte aux lettres, lorsque la demanderesse lui a signifié le dossier du demandeur pour donner suite à l’ordonnance de l’administratrice judiciaire du 11 juin 2013 fixant la date d’audience.

 

[26]           Une telle signification présente un problème, en ce sens que le paragraphe 467(4) des Règles prévoit que l’ordonnance de justification doit être signifiée à personne. Pour sa part, l’article 128 des Règles précise ce qui constitue une signification à personne :

 

128. (1) La signification à personne d’un document à une personne physique, autre qu’une personne qui n’a pas la capacité d’ester en justice, s’effectue selon l’un des modes suivants :

 

a) par remise du document à la personne;

 

b) par remise du document à une personne majeure qui réside au domicile de la personne et par envoi par la poste d’une copie du document à cette dernière à la même adresse;

 

c) lorsque la personne exploite une entreprise au Canada, autre qu’une société de personnes, sous un nom autre que son nom personnel, par remise du document à la personne qui semble diriger ou gérer tout établissement de l’entreprise situé au Canada;

 

d) par envoi par la poste du document à la dernière adresse connue de la personne, accompagnée d’une carte d’accusé de réception selon la formule 128, si la personne signe et retourne la carte d’accusé de réception;

 

e) par envoi par courrier recommandé du document à la dernière adresse connue de la personne si la personne signe le récépissé du bureau de poste;

 

f) le mode prévu par la loi fédérale applicable à l’instance.

 

[27]           Or, il appert du dossier que l’ordonnance de justification n’a pas été signifiée suivant les modalités prévues à l’article 128. En effet, l’huissier de justice a tenté de signifier l’ordonnance, mais il n’a pas été en mesure de le faire. Cette ordonnance de justification n’a été signifiée que plus tard, avec le dossier du demandeur, et le mode de signification utilisé – le dépôt du document dans la boîte aux lettres – ne correspond lui non plus à ces modalités. La demanderesse avait la possibilité de recourir à l’article 136 des Règles pour demander à la Cour de rendre une ordonnance autorisant une signification substitutive, mais tout porte à croire qu’elle ne s’est pas prévalue de cette option.

 

[28]           De plus, dans son rapport de signification du 24 juillet 2013, l’huissier de justice Marc Landreville indique que le mode de signification utilisé respecte l’alinéa 140(1)a) des Règles. Cependant, cette disposition ne vaut pas pour les documents dont la signification à personne est requise, comme l’ordonnance de justification.

 

[29]           Ainsi, au regard du dossier et contrairement à ce que dictent les Règles, le défendeur n’a pas reçu signification à personne de l’ordonnance de justification. Toutefois, les Règles contiennent un autre article qui permet à la Cour de déclarer valide une signification qui serait autrement non autorisée. Plus précisément, l’article 147 des Règles édicte ce qui suit :

 

147. Lorsqu’un document a été signifié d’une manière non autorisée par les présentes règles ou une ordonnance de la Cour, celle-ci peut considérer la signification comme valide si elle est convaincue que le destinataire en a pris connaissance ou qu’il en aurait pris connaissance s’il ne s’était pas soustrait à la signification.

[Non souligné dans l’original.]

 

[30]           En l’espèce, le défendeur s’est présenté à l’audience et y a livré un témoignage. Il m’est ainsi possible d’en conclure qu’il a pris connaissance de l’ordonnance de justification. Autrement, comment aurait-il su qu’il devait se présenter? Je considère donc, en vertu de l’article 147 des Règles, que la demanderesse a validement signifié l’ordonnance de justification au défendeur pour l’application de l’article 467 des Règles et, par conséquent, je me déclare convaincu hors de tout doute raisonnable que le défendeur a reçu la signification de l’ordonnance exécutoire et de l’ordonnance de justification.

 

[31]           Ensuite, la Cour doit examiner la question de savoir si le défendeur a bel et bien omis de respecter l’ordonnance exécutoire du juge Beaudry. La demanderesse prétend que le défendeur n’a pas communiqué les renseignements et produit les documents exigés au titre de la demande péremptoire. Pour sa part, le défendeur reconnaît ne pas avoir communiqué les documents à temps, mais affirme qu’il lui aurait été impossible de le faire dans un si court délai en raison de soucis informatiques et de son horaire chargé. Toutefois, le défendeur aurait pu contacter la demanderesse à tout moment au cours des procédures pour demander un plus long délai de production, mais il affirme ne pas y avoir pensé.

 

[32]           La preuve présentée devant la Cour permet d’établir que le défendeur a été personnellement avisé de l’ordonnance exécutoire du juge Beaudry, qu’il ne s’y est pas conformé dans le délai imparti, et ce, malgré qu’il ait reçu la signification de l’ordonnance exécutoire et de l’ordonnance de justification. Il est vrai que le défendeur a remis une série de documents à la demanderesse lors de l’audience. Toutefois, comme l’a justement souligné cette dernière, le fait pour le défendeur de s’être possiblement conformé à l’ordonnance exécutoire (une vérification des documents remis à l’audience s’impose avant d’en arriver à une telle conclusion) n’enlève rien à la réalité qu’un outrage au tribunal a bel et bien été commis.

[33]           En conséquence, pour ces motifs et compte tenu de la preuve dont la Cour dispose, je suis convaincu hors de tout doute raisonnable que le défendeur est coupable d’outrage au tribunal.

 

VII.     Peine

[34]           Dans le cadre de la présente affaire, la demanderesse invite la Cour à imposer la peine suivante advenant une conclusion d’outrage au tribunal :

 

1.    Le défendeur devra payer une amende de 1 500 $, payable dans les dix (10) jours       de la présente ordonnance, le paiement devant être fait à l’ordre du Receveur        général du Canada;

 

2.    Le défendeur devra verser au demandeur des dépens adjugés sur une base avocat-      client d’un montant de 3 000 $, payable dans les dix (10) jours de la présente    ordonnance, le paiement devant être fait à l’ordre du Receveur général du        Canada;

 

3.    Le défendeur devra se conformer à l’ordonnance d’exécution du juge Beaudry           datée du 22 janvier 2013 dans les 30 jours de la présente ordonnance.

 

[35]           Fait à noter, cette peine diffère de celle énoncée dans les prétentions initiales de la demanderesse : la somme des dépens exigés est désormais plus élevée. À l’audience, l’avocate de la demanderesse a demandé de modifier sa demande initiale et a justifié cette hausse des dépens en invoquant une décision, Le Ministre du Revenu national c Bosnjak, 2013 CF 399, 108 WCB (2d) 621, qu’elle affirme avoir relevée au cours d’une récente recherche jurisprudentielle. Or, cette décision, qui date d’avril 2013, est antérieure au dépôt de ses prétentions initiales. La demanderesse avait donc le loisir de repérer cette jurisprudence avant de présenter sa demande initiale. La présente Cour a néanmoins accueilli la demande de modification de la partie demanderesse.

 

[36]           L’article 472 des Règles précise les peines susceptibles d’être ordonnées suivant une déclaration de culpabilité pour outrage au tribunal. Il importe toutefois d’examiner une série de facteurs ou de principes énoncés dans la jurisprudence relativement à la détermination de la peine. Le juge Kelen a résumé, dans la décision Canada (Ministre du Revenu national) c Marshall, 2006 CF 788, au para 16, [2006] ACF no 1008, les critères applicables à la détermination de la peine en cas d’outrage au tribunal lié à la LIR :

 

i.     Le but principal des sanctions imposées est d'assurer le respect des ordonnances du tribunal. La dissuasion, particulière et       générale, est importante afin de maintenir la confiance du            public envers l'administration de la justice soit maintenue;

 

ii.        La proportionnalité de la peine doit refléter un équilibre entre    l'application de la loi et ce que la Cour a qualifié de        « clémence de la justice »;

 

iii.   Les facteurs aggravants comprennent la gravité objective du     comportement constituant un outrage au tribunal, la gravité subjective de ce comportement (à savoir si le comportement      constitue un manquement technique ou si le contrevenant a agi        de façon flagrante en sachant bien que ses actions étaient          illégales), et, le cas échéant, le fait que le contrevenant ait            enfreint de façon répétitive des ordonnances de la Cour;

 

iv.   Les facteurs atténuants peuvent comprendre des tentatives de   bonne foi de se conformer à l'ordonnance (même après le       manquement à l'ordonnance), des excuses ou l'acceptation de      la responsabilité, ou le fait que le manquement constitue une        première infraction.

 

[37]           Comme l’a indiqué la demanderesse, il s’agit du premier manquement du défendeur. Cependant, l’attitude de ce dernier à l’égard de ses obligations fiscales envers l’État constitue un facteur aggravant, puisqu’il a contrevenu à l’ordonnance exécutoire du juge Beaudry de façon flagrante, et ce, même après avoir été informé de l’illégalité de ses actions. De plus, le défendeur n’a jamais manifesté l’intention d’accepter sa responsabilité en plus de se conformer à l’exigence. Bien au contraire, il n’a pas voulu accepter la signification de l’ordonnance de justification. Qui plus est, il n’a jamais contacté la demanderesse pour obtenir plus de temps afin de se conformer à la demande péremptoire. En revanche, le défendeur était présent à l’audience, il s’y est expliqué, et il avait en sa possession des documents qu’il prétend être ceux recherchés par la demanderesse et il les lui a remis. Ces facteurs jouent en faveur d’une peine plus clémente.

 

[38]           C’est pourquoi je suis d’avis qu’il est approprié de modifier et de modaliser la peine suggérée par la demanderesse, notamment afin qu’elle permette la réalisation de l’objectif principal de la peine, c’est-à-dire d’assurer le respect de l’ordonnance du juge Beaudry.

 

[39]           Par conséquent, à la lumière du dossier, il convient d’ordonner au défendeur de verser une amende de 500 $ et de payer des dépens adjugés sur une base avocat-client d’un montant de 1 000 $, le tout devant être payé à l’ordre du Receveur général du Canada en 10 versements mensuels de 150 $. Le défendeur sera également tenu de se conformer, s’il y a lieu, dans les 30 jours de la présente ordonnance, à l’ordonnance exécutoire du juge Beaudry datée du 22 janvier 2013 en communiquant les renseignements et en produisant les documents demandés au titre de la demande péremptoire du 20 février 2012.


ORDONNANCE

 

            LA COUR :

 

            1.         DÉCLARE le défendeur coupable d’outrage à l’ordonnance exécutoire du juge Beaudry datée du 22 janvier 2013;

 

            2.         ORDONNE au défendeur de se conformer à l’ordonnance exécutoire du   juge Beaudry datée du 22 janvier 2013, s’il y a lieu, dans les 30 jours de la   présente ordonnance, en communiquant les renseignements et en produisant les    documents demandés au titre de la demande péremptoire du 20 février 2012;

 

            3.         CONDAMNE le défendeur à payer une amende de 500 $ et des dépens adjugés   sur une base avocat-client d’un montant de 1 000 $, payables en 10 versements   mensuels de 150 $, le premier versement devant être fait un mois après la présente       ordonnance et les paiements devant être faits à l’ordre du Receveur général du   Canada.

 

                                                                                                                  « Simon Noël »

Juge

 

 

                      


ANNEXE A – DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

 

 

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106

 

Ordonnances pour outrage

 

Outrage

 

466. Sous réserve de la règle 467, est coupable d’outrage au tribunal quiconque :

 

[…]

 

b) désobéit à un moyen de contrainte ou à une ordonnance de la Cour;

 

[…]

 

Droit à une audience

 

467. (1) Sous réserve de la règle 468, avant qu’une personne puisse être reconnue coupable d’outrage au tribunal, une ordonnance, rendue sur requête d’une personne ayant un intérêt dans l’instance ou sur l’initiative de la Cour, doit lui être signifiée. Cette ordonnance lui enjoint :

 

 

a) de comparaître devant un juge aux date, heure et lieu précisés;

 

b) d’être prête à entendre la preuve de l’acte qui lui est reproché, dont une description suffisamment détaillée est donnée pour lui permettre de connaître la nature des accusations portées contre elle;

 

c) d’être prête à présenter une défense.

 

 

Requête ex parte

 

(2) Une requête peut être présentée ex parte pour obtenir l’ordonnance visée au paragraphe (1).

 

Fardeau de preuve

 

(3) La Cour peut rendre l’ordonnance visée au paragraphe (1) si elle est d’avis qu’il existe une preuve prima facie de l’outrage reproché.

 

Signification de l’ordonnance

 

(4) Sauf ordonnance contraire de la Cour, l’ordonnance visée au paragraphe (1) et les documents à l’appui sont signifiés à personne.

 

[…]

 

Fardeau de preuve

 

469. La déclaration de culpabilité dans le cas d’outrage au tribunal est fondée sur une preuve hors de tout doute raisonnable.

 

Témoignages oraux

 

470. (1) Sauf directives contraires de la Cour, les témoignages dans le cadre d’une requête pour une ordonnance d’outrage au tribunal, sauf celle visée au paragraphe 467(1), sont donnés oralement.

 

Témoignage facultatif

 

(2) La personne à qui l’outrage au tribunal est reproché ne peut être contrainte à témoigner.

 

[…]

 

Peine

 

472. Lorsqu’une personne est reconnue coupable d’outrage au tribunal, le juge peut ordonner :

 

a) qu’elle soit incarcérée pour une période de moins de cinq ans ou jusqu’à ce qu’elle se conforme à l’ordonnance;

 

b) qu’elle soit incarcérée pour une période de moins de cinq ans si elle ne se conforme pas à l’ordonnance;

 

c) qu’elle paie une amende;

 

d) qu’elle accomplisse un acte ou s’abstienne de l’accomplir;

 

e) que les biens de la personne soient mis sous séquestre, dans le cas visé à la règle 429;

 

 

f) qu’elle soit condamnée aux dépens.

Federal Court Rules, SOR/98-106

 

Contempt Orders

 

Contempt

 

466. Subject to rule 467, a person is guilty of contempt of Court who

 

[…]

 

(b) disobeys a process or order of the Court;

 

 

[…]

 

Right to a hearing

 

467. (1) Subject to rule 468, before a person may be found in contempt of Court, the person alleged to be in contempt shall be served with an order, made on the motion of a person who has an interest in the proceeding or at the Court's own initiative, requiring the person alleged to be in contempt

 

(a) to appear before a judge at a time and place stipulated in the order;

 

(b) to be prepared to hear proof of the act with which the person is charged, which shall be described in the order with sufficient particularity to enable the person to know the nature of the case against the person; and

 

(c) to be prepared to present any defence that the person may have.

 

Ex parte motion

 

(2) A motion for an order under subsection (1) may be made ex parte.

 

 

Burden of proof

 

(3) An order may be made under subsection (1) if the Court is satisfied that there is a prima facie case that contempt has been committed.

 

Service of contempt order

 

(4) An order under subsection (1) shall be personally served, together with any supporting documents, unless otherwise ordered by the Court.

 

[…]

 

Burden of proof

 

469. A finding of contempt shall be based on proof beyond a reasonable doubt.

 

 

 

Evidence to be oral

 

470. (1) Unless the Court directs otherwise, evidence on a motion for a contempt order, other than an order under subsection 467(1), shall be oral.

 

 

 

 

Testimony not compellable

 

(2) A person alleged to be in contempt may not be compelled to testify.

 

[…]

 

Penalty

 

472. Where a person is found to be in contempt, a judge may order that

 

(a) the person be imprisoned for a period of less than five years or until the person complies with the order;

 

(b) the person be imprisoned for a period of less than five years if the person fails to comply with the order;

 

(c) the person pay a fine;

 

(d) the person do or refrain from doing any act;

 

(e) in respect of a person referred to in rule 429, the person's property be sequestered; and

 

(f) the person pay costs.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-2183-12

 

INTITULÉ :                                      LA MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                            c ALBIN MARANGONI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 4 novembre 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LE JUGE SIMON NOËL

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 14 novembre 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Julie Mousseau

POUR LA DEMANDERESSE

 

Albin Marangoni

POUR LE DÉFENDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Julie Mousseau

Avocate

Montréal (Québec)

POUR LA DEMANDERESSE

 

 Albin Marangoni

POUR LE DÉFENDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

 

 

 

 

 

 

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