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Date : 20130828

Dossier : IMM-9735-12

Référence : 2013 CF 912

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 28 août 2013

En présence de madame la juge Mactavish

 

 

ENTRE :

 

PATRICIA HENGUVA

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d’asile présentée par Mme Patricia Henguva, au motif que cette dernière avait à sa disposition une possibilité de refuge intérieur (PRI) en Namibie. Bien que la Commission ait reconnu le fait que Mme Henguva avait été agressée par un membre d’une puissante famille tribale dans sa ville d’origine, elle était néanmoins convaincue que Mme Henguva pourrait se prévaloir de la protection de l’État dans la ville de Walvis Bay.

 

[2]               À la fin de l’audience, j’ai avisé les parties que j’accueillais la demande de contrôle judiciaire, parce que la Commission n’avait pas appliqué le bon critère en matière de protection de l’État. Voici les motifs pour lesquels je suis parvenue à cette décision.

 

Analyse

[3]               La Commission a amorcé son analyse relative à la protection de l’État en faisant remarquer que les États n’ont seulement qu’à fournir une protection adéquate et qu’ils n’ont pas à assurer une protection parfaite. Il s’agit de la bonne formulation du critère : Carillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, [2008] ACF no 399.

 

[4]               Cependant, la Commission a ensuite reformulé en ses propres mots son interprétation du critère, en mentionnant ce qui suit : « En d’autres termes, [les États d’origine] doivent déployer de sérieux efforts pour protéger leurs citoyens, mais ils n’ont pas, de fait, à offrir une protection efficace ni à en garantir une ». [Non souligné dans l’original.]

 

[5]               Il s’agit des termes exacts que la Commission avait employés dans la décision Harinarain c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1519, [2012] ACF no 1637, pour décrire le critère applicable en ce qui concerne la protection de l’État. La Cour a conclu que la Commission avait commis une erreur et elle a fait remarquer que la Commission « avait eu tort de dire “[e]n d’autres termes” dans ce passage ». Elle a ensuite mentionné que la « protection adéquate » et les « sérieux efforts pour protéger [les] citoyens » sont deux choses différentes. La protection adéquate « concerne la question de savoir si la protection est effectivement assurée dans un pays donné, tandis que les [sérieux efforts] ne nous renseignent que sur celle de savoir si l’État a pris des mesures afin de garantir cette protection ». Toutes ces citations sont tirées du paragraphe 27 de la décision Harinarain.

 

[6]               Je conviens avec le défendeur que l’emploi de l’expression « sérieux efforts » dans le contexte d’une analyse relative à la protection de l’État ne fera pas automatiquement en sorte que la décision de la Commission sera annulée, et que la Cour devra tenir compte de la décision dans son ensemble pour trancher la question de savoir si la Commission a appliqué le bon critère ou non.

 

[7]               Cependant, l’emploi de l’expression « sérieux efforts » en l’espèce ne consiste pas simplement en un emploi non judicieux à un endroit dans le cadre d’une analyse par ailleurs adéquate. La Commission, qui n’avait pas énoncé correctement le critère, a ensuite mentionné que la seule question en litige dont elle était saisie « consist[ait] à savoir s’il serait raisonnable de s’attendre à ce que les autorités de la Namibie à Walvis Bay soient en mesure de faire de sérieux efforts pour assurer la protection […] ». [Non souligné dans l’original.]

 

[8]               La Commission, ayant incorrectement formulé la question en litige dont elle était saisie, a ensuite discuté de la question de savoir si Mme Henguva était exposée à un risque prospectif dans l’éventualité où elle devait retourner en Namibie et s’établir à Walvis Bay. Le commissaire a conclu son analyse avec la conclusion finale suivante, au paragraphe 21 : « [J]e ne suis pas convaincu que, selon la prépondérance des probabilités, les autorités namibiennes à Walvis Bay ne seraient pas raisonnablement en mesure de déployer de sérieux efforts pour assurer la protection de la demandeure d’asile ». [Non souligné dans l’original.]

 

[9]               Il ne fait donc aucun doute, à la lecture de la décision dans son ensemble, que la Commission n’a pas compris quel était le critère juridique ou qu’elle n’a pas appliqué le bon critère juridique pour apprécier la protection de l’État qui serait offerte à Mme Henguva en Namibie. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

 

[10]           Avant de conclure, je ferais remarquer que la Cour et la Cour d’appel fédérale ont énoncé à maintes reprises que la Commission commet une erreur lorsqu’elle porte son attention sur les efforts déployés par un gouvernement pour protéger ses citoyens et qu’elle ne tient pas compte de la question de savoir si ces efforts avaient, dans les faits, véritablement engendré une protection adéquate de l’État : voir, à titre d’exemple, E.B. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 111, [2001] ACF no 135, au paragraphe 9; J.B. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 210, [2011] ACF no 358, au paragraphe 47; Wisdom-Hall c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 685, [2008] ACF no 851, au paragraphe 8; Koky c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1407, [2011] ACF no (QL), au paragraphe 60; Tomlinson c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 822, [2012] ACF no 955, aux paragraphes 21 à 28; E.Y.M.V. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1364, [2011] ACF no 1663, au paragraphe 16; Carillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, [2008] ACF no 399. Compte tenu des directives judiciaires sans équivoque qui ont été fournies quant à cette question, il est préoccupant de voir que la Commission continue de commettre la même erreur.

 

Conclusion

[11]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie. Je conviens avec les parties que la présente affaire ne soulève pas de question à certifier.

 


JUGEMENT

 

            LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et que l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour nouvelle décision.

 

« Anne L. Mactavish »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-9735-12

 

INTITULÉ :                                      PATRICIA HENGUVA

                                                            c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 28 août 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            La juge Mactavish

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 28 août 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Matthew Tubie

 

POUR LA DEMANDERESSE

Norah Dorcine

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Matthew Tubie

Avocat

Concord (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

WILLIAM F. PENTNEY

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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