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Date : 20130821

Dossier : T-1688-12

Référence : 2013 CF 887

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 août 2013

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

MARK BILALOV

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Dans la présente action, déposée en vertu de l’alinéa 18(1)b) de la Loi sur la Citoyenneté, LRC 1985, c C-29, le ministre sollicite un jugement déclaratoire portant que le défendeur a acquis sa citoyenneté canadienne par fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits pertinents parce que [traduction] « des déclarations de culpabilité et des ordonnances de probation [étaient] en vigueur lorsque [le défendeur] a eu une audience avec un juge de la citoyenneté et lorsque [le défendeur] a prêté le serment de citoyenneté ». Si le ministre a gain de cause dans l’action, alors, en vertu du paragraphe 10(1) de la Loi, il aura le droit de faire rapport au gouverneur en conseil, lequel, s’il est accepté, aura pour conséquence que le défendeur perdra sa citoyenneté canadienne. Étant donné le motif de la révocation, le défendeur risque d’être renvoyé du Canada.

 

[2]               Dans la présente requête, le ministre demande à la Cour de rendre le jugement déclaratoire demandé dans la présente action. Pour les motifs énoncés ci-après, la requête en jugement sommaire du ministre est accueillie sans dépens.

 

[3]               Les parties s’entendent sur les circonstances qui ont amené à l’obtention par monsieur Bilalov de la citoyenneté canadienne ou sur les faits sous-jacents à la prétention du ministre voulant qu’elle ait été acquise par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration. Ces faits, en plus d’être en grande partie acceptés par M. Bilalov dans sa défense, ont également été énoncés par le ministre dans sa demande de reconnaissance des faits. Comme M. Bilalov n’a pas répondu à cette demande, il est réputé, selon l’article 256 des Règles des Cours fédérales, reconnaître la véracité des faits qui en font l’objet.

 

[4]               Les faits acceptés sont les suivants :

                                          i.                           Le défendeur est devenu résident permanent du Canada le 7 octobre 1997.

 

                                        ii.                           Le 20 juillet 2000, le défendeur a présenté une demande de citoyenneté canadienne. Dans le formulaire de demande, il a confirmé que :

 

(i)                 Les renseignements étaient vrais, exacts et complets;

 

(ii)               Il a compris le contenu de la demande;

 

(iii)             Il a compris que s’il faisait une fausse déclaration, il pourrait perdre sa citoyenneté canadienne ou pourrait faire l’objet d’une accusation en vertu de la Loi sur la citoyenneté;

 

                                      iii.                           Le 17 avril 2001, le défendeur a été accusé par les services policiers de Toronto d’avoir commis un vol de moins de 5 000 $;

 

                                      iv.                           Le 3 août 2001, les accusations susmentionnées ont été retirées;

 

                                        v.                           Le 15 mars 2002, le défendeur a remis à Citoyenneté et Immigration (CIC) des documents judiciaires indiquant que toutes les accusations criminelles portées contre lui avaient été retirées;

 

                                      vi.                           Le 11 juin 2002, le défendeur a été accusé, par les services policiers de Toronto, de voies de fait, d’avoir proféré des menaces, de possession d'une arme dans un dessein dangereux pour la paix publique et de quatre chefs de défaut de se conformer à un engagement;

 

                                    vii.                           Le 19 juin 2002, le défendeur a été déclaré coupable de voies de fait, d’avoir proféré des menaces et de défaut de se conformer à un engagement. À la suite des déclarations de culpabilité, le demandeur [sic] est tombé sous le coup d’une ordonnance de probation;

 

                                  viii.                           Le 15 juillet 2002, une lettre de Citoyenneté et Immigration a été envoyée au défendeur afin de lui demander de fournir des empreintes digitales;

 

                                      ix.                           Le 22 juillet 2002, le défendeur a fourni des empreintes digitales au bureau de Citoyenneté de Toronto;

 

                                        x.                           Le 1er octobre 2002, le défendeur a été accusé par les services policiers de Toronto de possession d’une substance désignée, de deux chefs de possession de biens criminellement obtenus d’une valeur de plus de 5 000 $, de deux chefs de défaut de se conformer à un engagement et d’un chef de port d’une arme dissimulée;

 

                                      xi.                           Le 17 janvier 2003, le défendeur a pris part à une audience relative à la citoyenneté et a signé une attestation mentionnant ce qui suit : [traduction] « Les déclarations faites dans les présentes sont vraies et exactes et je confirme que je n’ai pas fait l’objet de procédures en matière d’immigration ou en matière pénale depuis que j’ai présenté ma demande de citoyenneté »;

 

                                    xii.                           Le 19 mars 2003, le défendeur a obtenu la citoyenneté canadienne;

 

                                  xiii.                           Le 1er avril 2003, le défendeur a pris part à sa cérémonie de citoyenneté et a signé son serment de citoyenneté attestant qu’il n’avait fait l’objet d’aucune procédure en matière d’immigration ou en matière pénale depuis qu’il avait déposé sa demande de citoyenneté;

 

                                  xiv.                           Le 1er avril 2003, le défendeur s’est vu délivrer le certificat de citoyenneté 7608116;

 

                                    xv.                           Le 26 mai 2003, le défendeur a été arrêté et a été accusé de vol qualifié, de violation de domicile et de séquestration relativement à un incident qui s’est produit le 7 mai 2003;

 

                                  xvi.                           Le 11 janvier 2005, le défendeur a été déclaré coupable de vol qualifié, de voies de fait graves, d’introduction par effraction et de vol;

 

                                xvii.                           Le 3 janvier 2006, le défendeur a été accusé par les services policiers de Toronto de deux chefs d’avoir fait une fausse déclaration dans sa demande de citoyenneté, une infraction prévue à l’alinéa 29(2)a) de la Loi sur la citoyenneté;

 

                              xviii.                           Le 19 mai 2006, le défendeur a plaidé coupable à un chef d’avoir fait une fausse déclaration dans sa demande de citoyenneté. Le défendeur a été condamné à une peine de 30 jours d’emprisonnement à purger concurremment avec d’autres sentences pénales qu’il purgeait également à l’époque;

 

                                  xix.                           Le 17 novembre 2010, le défendeur a soumis un formulaire de demande de passeport générale et il a reçu un passeport général;

 

                                    xx.                           Le 19 décembre 2011, le défendeur a reçu signification de l’avis de révocation de la citoyenneté.

 

 

 

[5]               La seule défense invoquée par M. Bilalov est énoncée de la manière suivante au paragraphe 12 de sa défense : [traduction] « la continuation de la procédure de révocation contre le défendeur dans ces circonstances particulières équivaut à un abus de procédure au regard des principes du droit administratif et une suspension de la procédure est la seule mesure convenable ». Le demandeur a candidement admis à l’audience qu’il [traduction] « n’aura[it] pas de meilleures défenses s’il y [avait] un sursis dans le procès ». Il invoque la décision rendue par la Cour dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Parekh, 2010 CF 692 [Parekh], où la juge Tremblay-Lamer a accordé une suspension d’une procédure de révocation parce que, au vu des faits dont elle était saisie, celle-ci équivalait à un abus de procédure.

 

[6]               Si M. Bilalov ne réussit pas à obtenir une suspension, le ministre a droit, compte tenu des admissions de M. Bilalov, à la déclaration demandée. Le motif pour lequel M. Bilalov demande une suspension est le [traduction] « délai inexplicable » imputable uniquement au ministre.  

 

[7]               Le défendeur, comme il a déjà été souligné, a un casier judiciaire. Après qu’il eut présenté une demande de citoyenneté, Citoyenneté et Immigration Canada, [CIC], le ministère du ministre, dans une lettre datée du 15 juillet 2002, a demandé au défendeur de fournir ses empreintes digitales à la GRC en déclarant ce qui suit : [traduction] « le Règlement sur la citoyenneté exige que nous vérifiions que la personne [qui demande la citoyenneté] ne fait l’objet d’aucune interdiction sur le plan de la sécurité ou sur le plan pénal ». Les empreintes digitales du défendeur ont été prises le 17 juillet 2002, et le 12 septembre 2002, CIC a reçu un rapport de la GRC indiquant que les accusations criminelles portées contre le défendeur en 1999 et en 2002 avaient été retirées.

 

[8]               Le rapport de la GRC ne mentionnait pas que, le 11 juin 2002, le défendeur avait été accusé par les services policiers de Toronto de voies de fait, d’avoir proféré des menaces, de possession d'une arme dans un dessein dangereux pour la paix publique et de quatre chefs de défaut de se conformer à un engagement. Il ne mentionnait pas non plus que le défendeur avait été déclaré coupable, le 19 juin 2002, de voies de fait, d’avoir proféré des menaces, et de défaut de se conformer à un engagement. En raison de ces déclarations de culpabilité, le défendeur a fait l’objet d’une ordonnance de probation.

 

[9]               Le ministre n’a pas expliqué pourquoi le rapport de la GRC ne faisait pas mention des condamnations pénales susmentionnées et de l’ordonnance de probation.

 

[10]           Le ministre a produit une [traduction] « déposition faite par John Warner » le 22 février 2006. Monsieur Warner est analyste à CIC. Dans sa déposition, M. Warner mentionne qu’il a été contacté le 27 mai 2003 par un agent d’exécution de CIC, qui, lui, avait été contacté par le sergent-détective Wilf Townkey de l’escouade des vols à main armée de la police de Toronto [traduction] « qui était en colère parce que M. Bilalov était devenu citoyen canadien en dépit du fait qu’il avait été déclaré coupable de nombreuses infractions et qu’il faisait l’objet d’un mandat d’arrestation ». Il déclare que le jour suivant un article faisant mention de ces inquiétudes de la part de la police a été publié dans le Toronto Sun.

 

[11]           En réponse, M. Warner déclare qu’il a assisté à une réunion, le 18 juin 2003, au quartier général de la GRC à Ottawa et qu’il a été [traduction] « confirmé » par la GRC [traduction] « que M. Bilalov avait été déclaré coupable d’infractions criminelles en juin 2002 […] et de plus […] que M. Bilalov avait été déclaré coupable d’une autre infraction criminelle en octobre 2002 ». M. Warner affirme que, un mois après cette réunion, le 14 juillet 2003, il a écrit à la GRC [traduction] « pour demander que M. Bilalov fasse l’objet d’une enquête afin de voir s’il ne pourrait pas être accusé d’avoir fait une fausse déclaration en vue d’acquérir la citoyenneté canadienne, une infraction prévue à l’article 29 de la Loi sur la citoyenneté ».

 

[12]           Comme il a été souligné, des accusations ont été déposées par les services policiers de Toronto le 3 janvier 2006 et le 19 mai 2006, le défendeur a plaidé coupable à un chef d’avoir fait une fausse déclaration dans sa demande de citoyenneté et a été condamné à une peine de 30 jours d’emprisonnement à purger concurremment avec d’autres sentences pénales qu’il était déjà en train de purger.

 

[13]           Ce n’est que le 29 juillet 2011 qu’une mesure a été prise par le ministre afin de révoquer la citoyenneté du défendeur alors que CIC a signifié au défendeur un avis de révocation de la citoyenneté. Le ministre n’explique pas pourquoi il a pris plus de cinq ans après le plaidoyer de culpabilité pour prendre cette mesure.

 

[14]           Le défendeur prétend, en invoquant Parekh, que le délai qui s’est écoulé avant que le ministre prenne une mesure constitue un abus de procédure, rendant ainsi la procédure inéquitable. Si un jugement sommaire est accordé, il prétend qu’il doit être accordé pour suspendre la mesure prise par le ministre.

 

[15]           En réponse, le ministre souligne que le défendeur n’a déposé aucun élément de preuve à l’appui de sa défense et prétend que, afin de conclure à l’abus de procédure, la Cour doit être convaincue que [traduction] « le délai est manifestement inacceptable et qu’il a causé un préjudice sérieux ».

 

[16]           Dans Blencoe c Colombie-Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44 [Blencoe], au paragraphe 120, la Cour suprême a importé dans le contexte des procédures administratives sa jurisprudence sur l’abus de procédure dans le contexte du droit pénal :

Pour conclure qu’il y a eu abus de procédure, la cour doit être convaincue que [traduction] « le préjudice qui serait causé à l’intérêt du public dans l’équité du processus administratif, si les procédures suivaient leur cours, excéderait celui qui serait causé à l’intérêt du public dans l’application de la loi, s’il était mis fin à ces procédures » (Brown et Evans, op. cit., à la p. 9-68). Le juge L’Heureux-Dubé affirme dans Power, précité, à la p. 616, que, d’après la jurisprudence, il y a « abus de procédure » lorsque la situation est à ce point viciée qu’elle constitue l’un des cas les plus manifestes.  À mon sens, cela s’appliquerait autant à l’abus de procédure en matière administrative. Pour reprendre les termes employés par le juge L’Heureux-Dubé, il y a abus de procédure lorsque les procédures sont « injustes au point qu’elles sont contraires à l’intérêt de la justice » (p. 616). « Les cas de cette nature seront toutefois extrêmement rares » (Power, précité, à la p. 616). Dans le contexte administratif, il peut y avoir abus de procédure lorsque la conduite est tout aussi oppressive.

 

La juge Tremblay-Lamer a appliqué ce critère dans la décision Parekh.

 

[17]           Les faits dans Parekh ressemblent, à de nombreux égards, aux faits en l’espèce. Le ministre a sollicité une déclaration portant que Devendra et Manish Parekh avaient acquis la citoyenneté par fraude, fausse déclaration ou dissimulation de faits essentiels. Il n’a pas été contesté qu’ils ont menti afin d’acquérir la citoyenneté. En novembre 2002, ils ont tous les deux plaidé coupables à l’infraction d’avoir fait de fausses déclarations dans leurs demandes de citoyenneté et ils ont tous les deux été condamnés à une amende de 700 $. 

 

[18]           En juin 2003, CIC a recommandé au ministre que la procédure de révocation soit engagée; toutefois, ce n’est qu’en décembre 2006 que le ministre a signé des avis de la révocation de la citoyenneté des Parekhs. Les Parekhs ont reçu signification des avis en janvier 2007, et ils ont ensuite demandé que ceux-ci soient renvoyés à la Cour fédérale. Contrairement à la présente affaire, certaines explications furent données quant au délai qui s’est écoulé avant de procéder à la révocation. La recommandation d'engager la procédure en révocation fut rédigée en juin 2003; cependant, elle ne fut pas présentée à la ministre de l'époque avant qu'elle ne soit remplacée en décembre 2004. Dans les deux années qui ont suivi [traduction] « le titulaire du poste de ministre a changé plusieurs fois, et ces changements ont été accompagnés de modifications dans les priorités du ministère ».

 

[19]           Dans la période qui s’est écoulée entre la déclaration de culpabilité (novembre 2002) et la réception de l’avis de révocation (décembre 2006), les Parekhs, en juin 2003, ont déposé une demande de résidence permanente en invoquant des considérations humanitaires (demande CH) au nom de leur fille née aux États-Unis, que les défendeurs ont demandé à parrainer. Cette demande CH était toujours en instance quand l’affaire a été entendue. La preuve indiquait également que les Parekhs avaient demandé des passeports canadiens dans cet intervalle. Leurs demandes de passeport ont été refusées; des passeports à durée limitée leur ont toutefois été délivrés en décembre 2003.

 

[20]           Les Parekhs ont prétendu que la procédure du ministre devrait être suspendue parce qu’elle constituait un abus de procédure. Ils ont prétendu qu’ils s’attendaient à ce que leur citoyenneté soit révoquée en 2002 et que, donc, le délai leur a causé un préjudice important parce qu’ils n’ont pas pu obtenir des passeports réguliers afin de pouvoir rendre visite à leurs proches vivant à l’étranger ou de pouvoir tenter de trouver un emploi, et ils n’ont pas pu faire traiter la demande de parrainage de leur fille née aux États-Unis. De plus, ils ont prétendu qu’ils ont été privés pendant des années des avantages de la citoyenneté et qu’il serait injuste, s’ils perdaient leur citoyenneté, qu’ils doivent attendre cinq ans avant de pouvoir demander la citoyenneté à nouveau.

 

[21]           La juge Tremblay-Lamer a suspendu la mesure du ministre après avoir examiné les trois principaux facteurs qui doivent être appréciés pour évaluer le caractère raisonnable d’un délai : (1) le délai écoulé par rapport au délai inhérent à l'affaire, (2) les causes de la prolongation du délai inhérent à l'affaire, et (3) l'incidence du délai.

 

[22]           J’adopte l’analyse faite et la conclusion tirée par la juge Temblay-Lamer aux paragraphes 30 à 35 de Parekh quant à la « longueur » du délai qui s’est écoulé avant que le ministre prenne une mesure parce que les faits en l’espèce ressemblent à ceux qu’elle a examinés. Dans cette affaire, il a été jugé que le délai de cinq ans n’était pas normal et ne s’expliquait pas non plus par les complexités inhérentes à l’affaire. En l’espèce, comme dans cette affaire, les faits nécessaires pour justifier une révocation de la citoyenneté ont été admis par le défendeur lorsqu’il a plaidé coupable à l’infraction d’avoir fait une fausse déclaration dans sa demande de citoyenneté. Il ne s’agissait pas d’une affaire complexe ni d’une affaire requérant un examen supplémentaire. Le premier facteur joue en faveur de la demande de suspension du défendeur.

 

[23]           Contrairement à Parekh, le ministre n’a offert aucune explication quant au délai dans le traitement de la révocation. Étant donné que CIC a éveillé l’attention de la GRC quant à possibilité que le défendeur ait acquis la citoyenneté en faisant une fausse déclaration, et étant donné que CIC était au courant de l’accusation et de la déclaration de culpabilité, il est révoltant qu’autant de temps se soit écoulé avant qu’un avis de révocation soit remis au défendeur. Il est très inquiétant de voir que le ministre n’a pas expliqué à la Cour la cause de ce délai. Ce facteur milite également en faveur de la demande de suspension du défendeur.

 

[24]           Le troisième et dernier facteur est l’incidence du délai. La preuve doit établir que le délai doit avoir « directement causé un préjudice important pour constituer un abus de procédure. Il doit s'agir d'un délai qui, dans les circonstances de l'affaire, déconsidérerait le régime de protection des droits de la personne » : Blencoe, au paragraphe 115 [non souligné dans l’original]. Les défendeurs dans Parekh soutiennent « que le délai afférent à la procédure d'annulation a été source d'incertitudes et de désarroi, qu'il les a privés de leur liberté de voyager, ce qui a eu des conséquences négatives tant sur leur vie familiale que sur les perspectives d'emploi de M. Parekh, et qu'il a fait en sorte que le traitement de la demande CH de leur fille a été suspendu ». En l’espèce, le défendeur n’a soumis aucun élément de preuve démontrant l’incidence que le délai a eue sur lui.

 

[25]           Dans sa défense, le défendeur plaide que la période de temps qui s’est écoulée entre le moment où le ministre a appris qu’il avait plaidé coupable et le moment où l’avis de révocation a été délivré, il [traduction] « a entrepris une relation conjugale à long terme avec une demandeure d’asile au Canada, il a eu un enfant au cours de leur mariage et l’avis du début de la présente instance en décembre 2011 a eu pour effet que son épouse s’est enfuie avec leur enfant ». Cette allégation, si elle est véridique, pourrait fort bien étayer une conclusion selon laquelle le délai qui s’est écoulé avant que le ministre prenne une mesure a une incidence importante sur le défendeur.

 

[26]           Dans son mémoire déposé en réponse à la présente requête, le défendeur [traduction] « répète et invoque l’exposé des faits et du droit figurant dans sa défense datée du 16 octobre 2012 ». Toutefois, l’article 214 des Règles des Cours fédérales prévoit expressément que cela est insuffisant :

Une réponse à une requête en jugement sommaire ne peut être fondée sur un élément qui pourrait être produit ultérieurement en preuve dans l'instance; elle doit plutôt énoncer les faits précis et produire les éléments de preuve démontrant l'existence d'une véritable question litigieuse. [Non souligné dans l’original.]

 

[27]           Par conséquent, en l’espèce, bien que dans sa défense le défendeur prétend avoir subi un préjudice, la Cour ne dispose d’aucun élément de preuve démontrant que le délai écoulé avant que la procédure en révocation soit engagée a eu une incidence sur le défendeur. 

 

[28]           En l’espèce, étant donné l’absence d’éléments de preuve démontrant que le délai a eu une incidence sur le défendeur, je ne peux pas conclure que le « préjudice qui serait causé à l’intérêt du public dans l’équité du processus administratif, si les procédures suivaient leur cours, excéderait celui qui serait causé à l’intérêt du public dans l’application de la loi ». Par conséquent, en dépit du délai exceptionnel, pour lequel aucune explication n’a été donnée, qui s’est écoulé avant que le ministre prenne une mesure, je ne peux pas être d’accord avec le défendeur pour affirmer que la mesure doit être suspendue. La requête du ministre est accueillie, mais aucuns dépens ne lui sont accordés étant donné le délai complètement  inexpliqué qui s’est écoulé avant qu’il engage la procédure.

 


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         La requête du ministre en jugement sommaire est accueillie, sans dépens;

2.         La Cour déclare Mark Bilalov a acquis la citoyenneté canadienne par fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits pertinents.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1688-12

 

 

INTITULÉ :                                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION c MARK BILALOV

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 24 juin 2013

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LE JUGE ZINN

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :           Le 21 août 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jocelyn Espejo Clarke          

 

 

                       POUR LE DEMANDEUR

Marshall E. Drukarsh 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

WILLIAM F. PENTNEY

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

                     POUR LE DEMANDEUR

MARSHALL E. DRUKARSH

Avocat           

Toronto (Ontario)

 

                         POUR LE DÉFENDEUR

 

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