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Date : 20130729


 

Dossier : IMM-6111-12

 

Référence : 2013 CF 829

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 juillet 2013

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

Entre :

NIKOLETT STARK

 

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Le présent contrôle judiciaire concerne une jeune rom hongroise dont la demande d'asile a été rejetée par un commissaire (le commissaire) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) en raison d'un manque de persécution et de l'existence de la protection de l'État.

 


II.        LE CONTEXTE

[2]               La demanderesse est une rom hongroise de 20 ans. Elle a été battue en 2009 et en 2010. En 2011, elle s'est réveillée et a trouvé une croix gammée peinte sur le mur extérieur de la maison de sa famille, avec les mots [traduction] « gitans, vous allez mourir ».

 

[3]               Elle a quitté le pays avec six membres de sa famille. Sa demande d'asile a été séparée de celle de sa famille.

 

[4]               Le commissaire a conclu que les questions déterminantes étaient (1) la discrimination par rapport à la persécution et (2) la disponibilité de la protection de l'État.

 

[5]               Pour la question de la discrimination par rapport à la persécution, le commissaire s'est fondé sur le fait qu'en 2008, un rapport soutenait qu'il n'y avait eu que 12 attaques violentes contre des membres de groupes nationaux, ethniques, raciaux ou religieux. Par conséquent, le commissaire a conclu que cela ne donnait pas à penser que la violence raciale était soutenue ou systémique, et que la seule question à trancher était la disponibilité de la protection de l'État.

 

[6]               Quant à la question de la protection de l'État, le commissaire note que le défaut de la demanderesse de mentionner les incidents aux policiers était expliqué par le fait qu'elle était une mineure et qu'elle avait suivi les conseils de son frère (un policier rom) selon lequel faire rapport à la police serait inutile. Le commissaire a reconnu que, comme elle était mineure, la demanderesse n'était pas en position de réfuter la présomption de la disponibilité de la protection de l'État.

 

[7]               Le commissaire a conclu que la demanderesse ne s'est jamais vue refuser des droits de la personne tels que l'hébergement, l'éducation, les soins de santé ou les services sociaux. Le commissaire a ensuite examiné d'autres structures politiques et administratives an Hongrie, la structure de l'organisation policière et d'autres organisations gouvernementales. Par conséquent, le commissaire a conclu que les roms peuvent se prévaloir de la protection de l'État.

 

III.       ANALYSE

[8]               La norme de contrôle pour ce type de décision est la raisonnabilité (Salinas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2013 CF 558, 2013 CarswellNat 1692).

 

[9]               Il y a un certain nombre de problèmes dans l'analyse de la protection de l'État, y compris des incohérences au sujet du fait que le commissaire a reconnu qu'à titre de mineure, la demanderesse n'était pas tenue de se présenter aux policiers et que cela prouvait l'absence de la protection de l'État, puis qu'il a retiré cette conclusion (au paragraphe 61 de la décision du commissaire).

 

[10]           Le problème plus important dans la décision est le défaut d'examiner le caractère adéquat ou efficace de la protection de l'État. Cet examen est particulièrement important parce qu'il existe d'importantes preuves selon lesquelles la Hongrie avait de la difficulté à mettre en œuvre les protections qu'elle devait offrir aux roms. Le commissaire n'a examiné ni les problèmes de mise en œuvre de la protection ni les réactions défavorables que ces mesures ont eues contre les roms.

 

[11]           Comme le juge Hughes l'a conclu dans la décision Hercegi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2012 CF 250, 211 ACWS (3d) 946, la question essentielle est celle de savoir quelle protection de l'État est réellement offerte, plutôt que de savoir s'il existe des efforts sérieux et réels pour régler les problèmes de protection pour les roms.

 

[12]           Dans la décision Olah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2013 FC 106, 2013 CarswellNat 146, j'ai exprimé l'avis selon laquelle l'efficacité était un élément essentiel de l'analyse de la protection de l'État.

 

[13]           L'analyse du commissaire ne dépasse pas l'examen des structures établies par le gouvernement hongrois. De plus, le commissaire n'a pas effectué une analyse personnalisée au sujet de la demanderesse et n'a pas examiné si elle pouvait se prévaloir d'une protection de l'État efficace.

 

[14]           Dans plusieurs décisions, la Cour a exprimé ses préoccupations au sujet du fait que l'analyse de la protection de l'État par la Commission est incomplète. La question est bien résumée dans la décision Rezmuves c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2012 CF 334, 9 Imm LR (4th) 329, au paragraphe 11 :

L’analyse de la Commission sur la protection offerte par l’État pose également problème. La Commission examine la preuve concernant la détention arbitraire en Hongrie, la structure des forces policières hongroises, la corruption policière, l’association des agents de police roms qui voit à la protection des Roms qui sont policiers et militaires, d’autres associations connexes en Hongrie et en Europe visant les policiers et les militaires roms, l’expert indépendant et l’organisme chargé de surveiller la mise en application des mesures législatives visant à enrayer la discrimination. Toutefois, la Commission ne s’est pas penchée sur la question pertinente : la protection offerte aux Roms par l’État est-elle suffisante en Hongrie?

 

[15]           Par conséquent, la décision n'est pas raisonnable.


IV.       DISPOSITIF

[16]           La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la Commission est annulée et l'affaire est renvoyée pour nouvel examen par un autre commissaire.

 

[17]           Il n’y a pas de question à certifier.

 

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie, la décision de la Commission annulée et l'affaire renvoyée pour nouvel examen par un autre commissaire.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice-conseil

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :                                         IMM-6111-12

 

 

 

INTITULÉ :

NIKOLETT STARK c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 3 JUILLET 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :          LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT :
         LE 29 JUILLET 2013

COMPARUTIONS :

Maureen Silcoff

 

    POUR LA DEMANDERESSE

 

Ildiko Erdei

 

    POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Silcoff, Shacter

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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