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Date : 20130718

Dossier : T-887-12

Référence : 2013 CF 797

Ottawa (Ontario), ce 18 juillet 2013

En présence de l’honorable juge Roy

 

ENTRE :

DAVID LAROCHE

 

Demandeur

 

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, ch F-7, d’une agente d’appel du Tribunal de santé et sécurité au travail Canada (le tribunal), en date du 4 avril 2012, concernant un refus de travail en cas de danger déposé par le demandeur en vertu de l’article 128 du Code canadien du travail, LRC 1985, ch L-2 (le Code). Il s’agit de la seconde demande de contrôle judiciaire émanant du même refus de travail.

 

Historique

[2]               Un court historique des procédures judiciaires à ce jour s’avère nécessaire.

 

[3]               Invité le 13 mars 2009 à participer à une perquisition devant être menée par le Service de police de la ville de Montréal, le demandeur, qui est un employé de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC), refusait, ayant été avisé qu’il ne pourrait porter ses « outils défensifs » (matraque, menottes, gaz poivré et arme à feu). Le même jour, le demandeur déposait un refus de travail, invoquant l’article 128 du Code. Le paragraphe pertinent de cet article se lit ainsi :

  128. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l’employé au travail peut refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche s’il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

 

a) l’utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;

 

b) il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;

 

 

c) l’accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

 

  128. (1) Subject to this section, an employee may refuse to use or operate a machine or thing, to work in a place or to perform an activity, if the employee while at work has reasonable cause to believe that

 

 

 

(a) the use or operation of the machine or thing constitutes a danger to the employee or to another employee;

 

 

(b) a condition exists in the place that constitutes a danger to the employee; or

 

(c) the performance of the activity constitutes a danger to the employee or to another employee.

 

 

[4]               L’article 124 du Code fait une obligation générale à l’ASFC à titre d’employeur de veiller à la protection du personnel en matière de santé et de sécurité au travail. Le refus de travailler intervient lorsque l’employé se trouve insatisfait des mesures prises pour sa protection. S’il y a danger, au sens du Code, le refus est justifié.

 

[5]               L’enquête sur le refus a été menée par une agente de santé et de sécurité. Elle a conclu, le 1er mai 2009, qu’il y avait absence de danger au sens de la Loi.

 

[6]               Cette décision a été portée en appel et la décision a été rendue en appel par une agente d’appel le 29 septembre 2010. La décision initiale était confirmée.

 

[7]               Le demandeur s’est pourvu en contrôle judiciaire une première fois de cette décision. Cette demande de contrôle judiciaire a été accordée (Laroche c Procureur général du Canada, 2011 CF 1454, 401 FTR 287). Le remède ordonné voulait que le tout soit « retourné à l’agente d’appel afin qu’elle complète son analyse à la lumière des motifs du présent jugement ».

 

[8]               Conformément au jugement de cette Cour, la même agente d’appel du tribunal a repris où les choses avaient été laissées et elle a complété son analyse, sans convoquer d’audience ou recevoir des représentations supplémentaires. Cette agente d’appel a, essentiellement, bonifié son analyse telle que requise par cette Cour, sans pour autant changer la conclusion initiale à laquelle elle en était arrivée : il y avait absence de danger au sens de la Loi en l’espèce. Cette décision a été rendue le 4 avril 2012.

 

[9]               C’est de cette dernière décision dont contrôle judiciaire est demandé.

 

Motifs

[10]           Pour comprendre la situation qui se présente, il faut remonter aux motifs de la 1re décision de l’agente d’appel rendue le 29 septembre 2010.

 

[11]           L’agente reconnaît d’emblée que la définition de « danger » est au cœur de la problématique. On y réfère à l’article 128 et on en retrouve le texte de la définition qui en est donnée par le Code au paragraphe 122(1) du Code :

  122. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

 

« danger » Situation, tâche ou risque — existant ou éventuel — susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade — même si ses effets sur l’intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats — , avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d’avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.

 

  122. (1) In this Part,

 

 

 

“danger” means any existing or potential hazard or condition or any current or future activity that could reasonably be expected to cause injury or illness to a person exposed to it before the hazard or condition can be corrected, or the activity altered, whether or not the injury or illness occurs immediately after the exposure to the hazard, condition or activity, and includes any exposure to a hazardous substance that is likely to result in a chronic illness, in disease or in damage to the reproductive system;

 

 

[12]           Ce n’est pas toute possibilité de risque qui constitue un danger au sens du Code. Il faudra plutôt qu’il y ait une possibilité raisonnable (Verville c Services correctionnels, 2004 CF 767, 253 FTR 294, en particulier au paragraphe 36). Cette compréhension du test n’est pas contestée par les parties en l’espèce.

 

[13]           S’appuyant sur la preuve, l’agente d’appel identifia deux types de risques. Je reproduis en partie le paragraphe 110 de sa décision où les deux types de risques sont identifiés :

                                            i.                        que le lieu n’ait pas été correctement sécurisé au préalable et qu’un individu armé soit dans le lieu;

                                          ii.                        que les policiers ne surveillent pas correctement le lieu et qu’un individu armé soit dans le périmètre extérieur du lieu ou réussisse à entrer dans le lieu.

 

[14]           Ainsi, un fonctionnaire participant à une perquisition fait face à un risque au préalable si les lieux n’ont pas été sécurisés. Le fonctionnaire fait aussi face à un risque si, même sécurisé au préalable, un périmètre sécurisé n’est pas maintenu. S’il y a possibilité raisonnable de risque, il y aura danger au sens du paragraphe 122 et le fonctionnaire sera justifié de refuser de travailler, comme cela est prévu à l’article 128 du Code. À l’inverse, l’absence de danger, tel que défini, entraîne que le refus de travail n’est pas justifié.

 

[15]           L’agente d’appel du tribunal conclut à l’absence de danger relativement aux deux types de risques identifiés. Quant au premier type de risques, en tout temps les corps policiers communiquent avec les douaniers et les avisent de se présenter sur les lieux après avoir sécurisé les lieux. Cette conclusion n’a pas été attaquée en révision.

 

[16]           Quant au second type de risques, relativement au périmètre sécurisé, l’agente d’appel considère que la possibilité de risque n’atteint pas le plateau de la possibilité raisonnable. Elle en arrive à cette conclusion parce qu’il est loisible à l’agent de l’ASFC de décider de ne pas entrer à l’intérieur du périmètre dit sécuritaire s’il n’est pas satisfait, s’il a même des doutes que le périmètre n’est pas bien gardé. Dès lors, il y a absence de danger dans l’un et l’autre des types de risques.

 

[17]           C’est au sujet du deuxième type de risques que la demande de contrôle judiciaire a réussi en cette Cour, la Cour s’étant déclarée satisfaite de la décision sur le premier type.

 

[18]           Trouvant appui sur la décision de la Cour d’appel fédérale dans Martin c Procureur général du Canada, 2005 CAF 156, notre Cour s’est dite non satisfaite de l’analyse parce que l’agente d’appel n’avait pas tenu compte de tous les éléments de preuve pertinents.

 

[19]           Comme la Cour le note, les mesures de surveillance du périmètre peuvent bien être jugées adéquates par l’agent de l’ASFC de telle manière qu’il acceptera d’entrer sur les lieux, mais qu’en serait-il si ces mesures étaient relaxées, ou disparaissaient en cours de perquisition? Au titre du deuxième type de risques, il y a deux situations bien distinctes qui doivent être considérées. D’abord, l’existence du périmètre au moment où la perquisition par le douanier doit commencer; ensuite, l’existence et le maintien du périmètre durant la perquisition.

 

[20]           Le défaut par l’agente d’appel de considérer cette deuxième situation (maintien du périmètre durant la perquisition) rendait sa décision déraisonnable, et était donc fatal. Dit autrement, si la possibilité de refuser de se rendre sur les lieux de la perquisition parce que le périmètre est jugé par l’agent de l’ASFC comme n’étant pas sécuritaire est garante de la sécurité de l’agent, encore faudrait-il que la même qualité de périmètre continue en cours de perquisition. Or, cette situation n’a pas même été étudiée par l’agente d’appel, celle-ci s’étant satisfaite que les lieux aient été sécurisés et qu’un périmètre ait été établi suffisamment pour écarter la possibilité raisonnable. La nature dynamique d’une perquisition n’avait pas été considérée suffisamment.

 

[21]           Cependant, le remède choisi par notre Cour était à portée limitée, comme je l’ai noté précédemment. Constatant que de nombreux éléments de preuve pertinents à l’examen de la dynamique d’une perquisition, par rapport à l’examen statique de conditions au moment où celle-ci débute, la Cour a choisi de retourner l’affaire à l’agente d’appel pour que cet examen de la dynamique soit fait.

 

[22]           Au paragraphe 39 du jugement de notre Cour, on doit lire :

[39]     . . . Ce volet, qui avait été invoqué par le demandeur, était tout aussi pertinent et il a été escamoté par l’agente d'appel. Or, plusieurs éléments de preuve étaient pertinents aux fins d’évaluer et de mesurer les risques de blessures associés à l’hypothèse qu’une ou des personnes pénètrent dans le périmètre sécurisé durant l’opération, notamment :

1.         La nature des milieux dans lesquels les perquisitions sont effectuées;

2.         Les témoignages du demandeur et de son collègue L. Moreau qui ont indiqué que lors de fouilles dans des résidences privées, ils étaient seuls dans la majorité des pièces où ils travaillaient;

3.         Le témoignage du demandeur indiquant qu’il avait travaillé seul dans un sous-sol n’ayant qu’une porte d’accès et que lorsqu’il a trouvé l’objet de la fouille et appelé les policiers qui se trouvaient à l’étage, plusieurs minutes se sont écoulées avant qu’ils viennent le trouver;

4.         Le témoignage du demandeur déclarant que lors d’une fouille exécutée à l’extérieur, les policiers de garde sont demeurés dans leur véhicule et qu’aucune garde proche ne lui avait été offerte;

5.         Le témoignage de L. Moreau qui a déclaré qu’il n’avait jamais eu l’impression ou ressenti que les policiers sur les lieux étaient là pour le protéger lors des fouilles;

6.         Les témoignages du demandeur et de L. Moreau lorsqu’ils ont déclaré n’avoir jamais été escortés par des policiers pour faire le trajet entre leur voiture et le lieu de perquisition, et vice-versa, et plus particulièrement, le témoignage du demandeur lorsqu’il a indiqué qu’il lui était arrivé de devoir se rendre à sa voiture durant une opération pour y prendre des outils;

7.         Le témoignage de R. Groulx, membre de la GRC, quant au caractère dynamique des opérations et des possibilités que les circonstances changent durant l’opération;

8.         Le témoignage du demandeur et de L. Moreau sur la formation qu'ils ont reçue pour parer à des attaques avec leur équipement de défense et sur leur vulnérabilité s’ils faisaient l’objet d’attaque alors qu’ils n'avaient pas leur équipement de défense;

9.         Le témoignage d’Y. Patenaude du SPVM qui a déclaré que si le périmètre d’un lieu de perquisition n’est pas sous bonne garde, n’importe qui peut s’introduire dans le lieu.

 

[23]           Il en résulte que la décision à rendre par l’agente d’appel est limitée à cette seconde situation relativement au maintien du périmètre sécuritaire qui n’avait pas été examinée dans sa première décision. Cet examen est fondé sur la preuve qui avait été présentée; l’analyse était à être complétée. C’est ce à quoi l’agente d’appel devait s’employer et c’est de cette décision par ailleurs étroite dont on demande le contrôle judiciaire.

 

[24]           Dans cette deuxième décision de l’agente d’appel, elle complète l’analyse. Elle a choisi de reproduire de très nombreux paragraphes de la première décision, expliquant ainsi que la seconde décision compte près de 150 paragraphes. En réalité, l’analyse requise par notre Cour compte à peine quelques paragraphes, à la fin desquels l’agente d’appel conclut :

[125]     Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que, le 17 mars 2009, la possibilité que le lieu où devait se rendre D. Laroche pour exécuter sa fouille ne soit pas correctement surveillé par le corps policier de façon à s’assurer qu’aucun individu armé soit dans le périmètre extérieur du lieu ou réussisse à entrer dans le lieu durant l’exécution de sa tâche était une simple possibilité (« a mere possibility ») et non une possibilité raisonnable (« reasonable possibility »).

 

Analyse

[25]           Deux questions se posent devant cette Cour. D’abord, l’agente d’appel a-t-elle porté atteinte à l’équité procédurale en déclinant la demande de tenir une audience à la suite du jugement de cette Cour? Ensuite, la seconde décision de l’agente d’appel est-elle raisonnable? J’examinerai les deux questions dans l’ordre de leur présentation.

 

L’équité procédurale

[26]           Le demandeur s’est plaint d’une atteinte à l’équité procédurale lorsque l’agente d’appel a décliné la demande de tenir une audience à la suite du premier jugement de cette Cour et avant la seconde décision de l’agente d’appel. Il est entendu que l’examen de cette question doit se faire au regard de la norme de la décision correcte (Sketchley c Canada (Procureur général), [2006] 3 RCF 392).

 

[27]           À mon avis, cette prétention quant à l’équité procédurale n’est pas fondée. Plusieurs raisons expliquent ma conclusion.

 

[28]           La portée des décisions et jugements antérieurs a son importance. Ce qui est devant cette Cour ne touche que les cas où des corps policiers demandent l’assistance de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’Agence) pour effectuer des perquisitions, présumément parce que l’Agence a des ressources que ces corps policiers n’ont pas. On parle en l’espèce d’assistance parce que la perquisition à effectuer n’entre pas dans le mandat sous le régime de la Loi sur les douanes, de la Loi sur l’accise, ou de la Loi de 2001 sur l’accise. Dans la mesure où un fonctionnaire possède les pouvoirs d’un agent en vertu de ces lois, celui-ci est un agent de la paix aux termes de la définition d’agent de la paix en vertu du l’article 2 du Code criminel. Lorsqu’il a les attributs d’un agent de la paix, le fonctionnaire a les pouvoirs et protections conférés par la loi aux agents de la paix.

 

[29]           Dans les cas où il ne s’agit que d’assistance, le fonctionnaire n’est pas un agent de la paix. L’Agence a donc requis que les fonctionnaires qui acceptent de fournir de l’assistance aux corps policiers ne portent pas leurs outils défensifs dans les cas d’assistance parce que, de l’avis de l’Agence, la protection contre la responsabilité civile ou criminelle conférée à l’agent de la paix dans l’exécution de ses tâches n’est plus présente. Par ailleurs, la participation aux opérations d’assistance est elle-même volontaire lorsqu’elle est sous l’autorité d’un corps policier. Je conviens que ce point de vue quant au statut d’agent de la paix n’est pas universellement accepté puisque le syndicat représentant le demandeur semble avoir une interprétation différente. En fin de compte, ce qui importe pour nos fins est que l’ASFC ait pris la décision que lors de perquisitions qui sont menées pour des fins autres que les lois qu’elle est chargée d’appliquer, ses agents ne peuvent porter un certain équipement qu’ils pourraient porter si la responsabilité de l’opération est celle de l’Agence.

 

[30]           L’examen de la question n’a pas été rendu plus facile du fait que les détails de la perquisition à laquelle le demandeur était invité à participer sont inconnus, l’Agence ayant décliné d’y participer. L’affaire prend alors des allures plus théoriques. La portée de cette affaire, en fonction des faits mis en preuve, est donc restreinte aux seuls cas d’assistance. Ce constat a son importance parce qu’il permet de mieux apprécier le contexte très étroit de la décision de l’agente d’appel, mais aussi celui du jugement de cette Cour donnant des instructions à l’agente d’appel.

 

[31]           D’ailleurs, il est quand même un peu surprenant qu’une affaire où il aurait été possible de simplement décliner de participer, puisque c’est une option qui s’offrait au demandeur, ait donné lieu à un refus de travail formel en vertu de l’article 128 du Code, qui lui-même a fait l’objet d’une enquête, de deux décisions d’une agente d’appel, et maintenant d’une seconde demande de contrôle judiciaire, le tout depuis le 13 mars 2009. Je le répète, il ne s’agit que de la participation volontaire de fonctionnaires de l’Agence pour porter assistance à des corps policiers dans des cas qui ne sont pas couverts par le mandat de l’Agence. Rien de plus. Le problème ne se pose plus si l’Agence n’offre plus cette assistance ou si ses fonctionnaires n’y participent plus volontairement.

 

[32]           Le jugement de cette Cour qui a donné lieu à la décision dont contrôle judiciaire est demandé a été rendu le 12 décembre 2011. Presque trois mois plus tard, le 5 mars 2012, le demandeur s’est enquis de la tenue « d’audition dans la période d’avril-juin 2012 ». Le lendemain la réponse arrivait. Il n’y avait aucune équivoque : l’écrit informait « du fait qu’aucune nouvelle audience ne serait tenue dans ce dossier ». L’écrit de la registraire du tribunal référait ensuite au dispositif du jugement de notre Cour pour souligner que l’agente d’appel devait compléter « son analyse à la lumière des commentaires de la Cour et non pour que l’affaire soit entendue de nouveau ». L’écrit conclut que l’agente d’appel « de (sic) tiendra pas de nouvelle audience dans cette affaire ». Le demandeur était prévenu deux fois mieux qu’une.

 

[33]           Il n’est pas douteux que la tenue d’une audience constitue la participation à un processus administratif la plus élaborée. Les règles d’équité procédurale peuvent être adéquates sans se rendre à l’audience. Or, c’est ce que le demandeur a requis et il n’est pas davantage douteux que cette demande a été refusée. Ainsi, pendant près de trois mois aucune demande n’est faite au titre de l’équité procédurale; lorsqu’elle est faite, elle requiert le plus haut niveau d’équité procédurale; la demande est refusée péremptoirement et puis rien n’arrive. Le demandeur ne fait aucune nouvelle demande pour participer différemment à l’exercice auquel était conviée l’agente d’appel par notre Cour. Est-ce surprenant qu’une décision soit rendue un mois plus tard, le 4 avril? Y a-t-il eu renonciation, de telle manière que le demandeur est forclos de plaider l’atteinte à l’équité procédurale?

 

[34]           En fait, l’obstacle à l’argument du demandeur selon lequel il aurait dû être entendu, d’une manière ou d’une autre, est fondamental. Il réside dans le jugement même de cette Cour.

 

[35]           Comme j’ai tenté de l’expliquer, le jugement de cette Cour retourne le dossier au décideur sur un élément du dossier au sujet duquel l’analyse est considérée comme incomplète. Le dossier n’a pas changé, les parties ont fait leurs représentations au sujet de la nature dynamique d’une opération comme une perquisition, et l’affaire a été entendue. C’est seulement que, bien qu’entendue, cette affaire n’a pas été conclue parce que la réponse sur un des éléments n’a pas été complète.

 

[36]           Le demandeur voudrait maintenant avoir l’occasion de faire des représentations supplémentaires. Par définition, il n’y a rien de nouveau : l’analyse d’un élément était incomplète.

 

[37]           Ce n’est pas sans rappeler les décisions de la Cour suprême du Canada dans Mobil Oil Canada Ltd c Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 RCS 202 et Knight c Indian Head School Division No 19, [1990] 1 RCS 653 [Knight]. Les obligations en matière d’équité procédurale ne vont pas jusqu’à requérir des audiences lorsque des échanges complets ont déjà eu lieu.

 

[38]           L’affaire Canada Lands Company CLC Ltd v Alberta (Municipal Government Board), 2008 ABQB 51, comporte certaines analogies avec la présente cause. Le demandeur contestait l’évaluation de certaines propriétés par le Municipal Government Board (« MGB ») aux fins d’établir l’impôt foncier. Un premier contrôle judiciaire (2006 ABQB 293) s’était soldé de la façon suivante :

[136]     The decision of the MGB as to the amount of the assessment is set aside and I direct the MGB to reconsider the assessment in light of these Reasons.

 

[39]           Ladite reconsidération a aussi fait l’objet d’un contrôle judiciaire :

[2]     The MGB’s reconsideration of the appeal of the 2003 assessment did not involve a new hearing, new evidence or further submissions. The panel wrote a new decision based solely on the record generated at the original hearing. After reconsidering its decision, the MGB issued MGB 009/07 on January 30, 2007, arriving at exactly the same assessment as in MGB 101/05; namely, $52,489,000.

 

 

[9]     In fact, I directed in para. 3 of my formal order that the MGB “reconsider the assessment in light of the Reasons for Judgment.” However, in para. 5 of that order, I left the MGB some discretion as to the manner in which it conducted its reconsideration of the assessment appeal. This allowed the MGB the option of conducting a full-rehearing, rendering its decision solely on the previous record or carrying out some form of partial re-hearing. The decision of the panel to not hear further evidence or further submissions and to render a new decision based solely on the record was within its discretion.

 

[40]           Il me semble que la même conclusion s’impose en l’espèce. Notre Cour a requis qu’un aspect de la question fasse l’objet d’une analyse complète. On ne peut y voir aucune indication qu’il fallait procéder à une nouvelle audience, ou de recevoir de quelle que manière de nouvelles représentations.

 

[41]           Je conviens que si de nouveaux éléments de preuve avaient été considérés par l’agente d’appel, il y aurait eu nécessité d’une nouvelle audition, quelle qu’en soit la forme appropriée. Mais si l’agente d’appel avait considéré une autre preuve, elle serait sortie du cadre du dossier et aurait outrepassé ce qui était requis par le jugement de cette Cour, à savoir de compléter l’analyse. Avec égards, c’est tout ce qu’elle était en droit de faire. L’affaire avait été entendue, c’était maintenant temps de compléter l’analyse et non de rouvrir l’affaire.

 

[42]           Pour seule autorité à l’appui de sa prétention, le demandeur s’appuie sur un court passage de Brown et Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada, au numéro 12:6320, dont le titre est « The Scope and Procedure of a Redetermination » :

     When a tribunal reconsiders a matter either on its own motion or following judicial review it must, of course, comply with the duty of fairness.

 

[43]           Le problème est que ce dont il est question en l’espèce n’est pas une « redetermination ». Les auteurs établissaient au paragraphe précédent en quoi consiste une « redetermination » :

     Generally, a decision-maker may redetermine a matter after its original decision has been set aside or declared invalid on an application for judicial review. Thus, a tribunal may decide a dispute for a second time where its first decision was quashed for breach of either the duty of fairness or a statutory procedural requirement. And despite some earlier decisions to the opposite effect, it now seems clear that a tribunal may make a redetermination even though, when quashing the original decision, the reviewing court did not order that the matter be remitted. This is so because technically the effect of quashing a decision on a declaration of invalidity is to leave the parties, and the tribunal, in the position that they were in prior to the making of the invalid decision.

                                                (Renvoi omis. J’ai souligné.)

 

[44]           Plutôt que de requérir une « redetermination », notre Cour aura ordonné qu’une partie de l’analyse soit complétée. L’analyse antérieure n’a pas été mise en doute; de fait, la Cour s’en est déclarée satisfaite. Ce qui reste à trancher est la qualité dynamique des perquisitions pour voir s’il y a danger au sens de la loi et comme celui-ci peut être minimisé au point où la possibilité que le danger survienne ne serait pas raisonnable.

 

[45]           Il existe toute une panoplie de remèdes qui peuvent être ordonnés à la suite d’un contrôle judiciaire, allant même dans certains cas particuliers et sûrement exceptionnels jusqu’à l’exécution spécifique (voir Lebon c Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2013 CAF 55). La seule directive donnée était de compléter l’analyse : on ne parle pas de considérer à nouveau ou de déterminer une nouvelle fois à la suite d’une erreur. Il s’agissait de finir ce qui avait été commencé, bien sûr sur la base du dossier tel qu’il existait (Francella c Canada (Procureur général) (2003), 234 DLR (4th) 572, 313 NR 354 (CAF)).

 

[46]           S’il s’agissait d’une « redetermination » malgré ma compréhension, j’aurais conclu que l’argument sur l’équité procédurale a été invoqué trop tard, bien après la première occasion, tel que la jurisprudence l’indique.

 

[47]           Tel que je l’ai indiqué, près de trois mois après la décision de cette Cour de retourner l’affaire pour en compléter l’analyse, le demandeur manifeste son intention d’avoir une audience, la règle d’équité procédurale la plus élaborée. La réponse ne tarde pas. Elle arrive le lendemain, et elle est péremptoire.

 

[48]           Pourtant le demandeur ne fait rien pendant quelques semaines et la nouvelle décision est rendue un mois plus tard. Pour reprendre les mots de madame la juge l’Heureux-Dubé dans Knight, précité, à la page 686 :

. . . Comme j’accepte la conclusion de fait du juge de première instance que les parties « avaient dit tout ce qu’elles avaient à dire » (à la p. 283), exiger du Conseil qu’il donne un avis en bonne et due forme de ses motifs et qu’il tienne une audition n’aurait pas d’autre effet, à mon humble avis, que de lui imposer une exigence de pure procédure contrairement aux principes, précédemment énoncés, de souplesse dans la procédure administrative.

 

[49]           À mon avis, l’agente d’appel était en droit de croire que le demandeur se satisfaisait qu’elle n’aurait qu’à compléter son analyse. La lettre réponse était sans équivoque (Regina v Campbell et al, [1969] 2 OR 126). Il n’est pas question de suggérer que le demandeur eut dû courir devant cette Cour pour obtenir un remède dès le lendemain du refus de tenir une audience : on lui aurait peut-être opposé que telle démarche était prématurée. C’est plutôt le silence complet après le refus péremptoire qui laisse à croire à une forme d’acquiescement, ou à tout le moins à l’impression raisonnable que le demandeur acceptait la réponse.

 

[50]           Comme chacun le sait, le contrôle judiciaire est un remède discrétionnaire qui peut être refusé (Mines Alerte Canada c Canada (Pêches et Océans), [2010] 1 RCS 6).

 

[51]           En l’espèce, les facteurs suivants militent tous pour le rejet de ce moyen :

1.                                                       l’ordonnance de la Cour n’est que pour compléter l’analyse sur un aspect de l’affaire;

 

2.                                                       toute la preuve avait été entendue;

 

3.                                                       les parties avaient fait leurs représentations;

 

4.                                                       le demandeur, après un délai de presque trois mois a demandé la tenue d’une audience, ce qui lui a été refusé illico et sans ambiguïté;

 

5.                                                       malgré ce refus péremptoire, aucune mesure n’a été prise pour rechercher d’autres accommodements, ce qui suggère certes une forme d’acquiescement ou, à tout le moins il est difficile à ce stade d’en faire un reproche sévère au tribunal administratif (Mohammadian c Canada (MCI), [2001] 4 CF 85 (CAF); F. Zonman E Co Real Estate Ltd v Toronto Real Estate Board (1982), 36 OR 724 (Cour divisionnaire de l’Ontario)).

 

[52]           Dans une affaire aux paramètres étroits, y compris une ordonnance de notre Cour qui ne requiert qu’un complément d’analyse, où tout a été dit, ce qui élimine la possibilité d’un préjudice réel, et où le demandeur n’a pas fait valoir ses prétentions en temps utile, ayant pourtant reçu avis du tribunal administratif qu’une audience n’aurait pas lieu, la balance des inconvénients penche en faveur de l’examen au mérite de ce litige dont l’origine remonte au 13 mars 2009.

 

La décision est-elle raisonnable?

[53]           La seconde question à traiter touche la qualité de la décision rendue par l’agente d’appel. Elle consiste à déterminer si la décision est raisonnable.

 

[54]           En effet, la norme de contrôle a déjà été déterminée au premier jugement de cette Cour et il n’y a aucune raison de s’en écarter (Société canadienne des postes c Pollard, 2008 CAF 305). Les parties en conviennent.

 

[55]           Qui dit norme de la décision raisonnable dit norme de déférence à l’endroit du tribunal administratif. On peut lire au paragraphe 49 de Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir] :

[49]     La déférence inhérente à la norme de la raisonnabilité implique donc que la cour de révision tienne dûment compte des conclusions du décideur.  Comme l’explique Mullan, le principe de la déférence [traduction] « reconnaît que dans beaucoup de cas, les personnes qui se consacrent quotidiennement à l’application de régimes administratifs souvent complexes possèdent ou acquièrent une grande connaissance ou sensibilité à l’égard des impératifs et des subtilités des régimes législatifs en cause » : D. J. Mullan, « Establishing the Standard of Review : The Struggle for Complexity? » (2004), 17 C.J.A.L.P. 59, p. 93.  La déférence commande en somme le respect de la volonté du législateur de s’en remettre, pour certaines choses, à des décideurs administratifs, de même que des raisonnements et des décisions fondés sur une expertise et une expérience dans un domaine particulier, ainsi que de la différence entre les fonctions d’une cour de justice et celles d’un organisme administratif dans le système constitutionnel canadien.

 

[56]           L’expertise en matière de santé et sécurité au travail est bien sûr celle développée par le tribunal et son agente d’appel en l’espèce. La notion de « danger » en vertu du Code en est une qu’elle manipule quotidiennement. Une bonne mesure de déférence lui sera due. La nature même de la notion de déférence implique que plusieurs solutions soient acceptables, et la cour en révision ne peut substituer ses vues à celles du tribunal administratif si celles-ci appartiennent à l’une des « différentes solutions rationnelles acceptables ».

 

[57]           C’est au paragraphe 47 de Dunsmuir, précité, que l’on retrouve les premières indications de ce qu’il faut rechercher pour se satisfaire qu’une décision est raisonnable. A-t-elle les attributs de la raisonnabilité?

[47]     La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[58]           Le demandeur devait donc satisfaire la Cour que la décision était déraisonnable en ce qu’elle n’était pas parmi les différentes solutions rationnelles acceptables. C’est le fardeau duquel le demandeur doit se décharger.

 

[59]           En l’espèce, le caractère raisonnable de la décision devra être apprécié à partir de la seconde décision, celle qui répondait à l’ordonnance de compléter l’analyse. Comme l’a souligné le demandeur, et comme noté précédemment, cette nouvelle analyse tient à quelques paragraphes.

 

[60]           L’agente d’appel était appelée à tenir compte de tous les éléments de preuve pertinents pour déterminer s’il y avait danger au sens de la loi. S’il n’y a pas danger, il ne saurait y avoir refus de travailler valide, au sens de l’article 128 du Code. La notion de danger est tributaire de la possibilité qu’un risque se matérialise. Pour qu’un danger puisse faire l’objet d’un refus de travail, la possibilité doit être raisonnable, ce qui implique une mesure d’objectivité. La seule crainte subjective ne satisfera pas un tel standard. Ainsi, l’analyse à être complétée devait porter sur la possibilité raisonnable qu’un risque se matérialise non seulement avant que la perquisition ne commence (individu armé qui serait sur les lieux avant la perquisition) ou au moment où un périmètre sécuritaire est établi autour du lieu de la perquisition, mais aussi au cours de celle-ci.

 

[61]           La qualité de la décision rendue suite au jugement de cette Cour doit être évaluée en révision judiciaire à la lumière de la décision unanime de la Cour suprême du Canada dans Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve et Labrador (Conseil du Trésor), [2011] 3 RCS 708 [Newfoundland and Labrador Nurses’ Union]. Ainsi, madame la juge Abella déclare, au paragraphe 14 :

[14]     Je ne suis pas d’avis que, considéré dans son ensemble, l’arrêt Dunsmuir signifie que l’« insuffisance » des motifs permet à elle seule de casser une décision, ou que les cours de révision doivent effectuer deux analyses distinctes, l’une portant sur les motifs et l’autre, sur le résultat. . . .

 

[62]           La perfection n’est pas de ce monde et on ne la recherchera pas dans les motifs d’une décision. Voici le test qu’une cour de révision devra imposer selon la Cour suprême du Canada dans Newfoundland and Labrador Nurses’ Union, précité:

[16]     Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision. Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit-il, qui a mené à sa conclusion finale (Union internationale des employés des services, local no 333 c. Nipawin District Staff Nurses Assn., [1975] 1 R.C.S. 382, p. 391). En d’autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables.

 

[17]     Le fait que la convention collective puisse se prêter à une interprétation autre que celle que lui a donnée l’arbitre ne mène pas forcément à la conclusion qu’il faut annuler sa décision, si celle-ci fait partie des issues possibles raisonnables. Les juges siégeant en révision doivent accorder une « attention respectueuse » aux motifs des décideurs et se garder de substituer leurs propres opinions à celles de ces derniers quant au résultat approprié en qualifiant de fatales certaines omissions qu’ils ont relevées dans les motifs.

 

                                                            (J’ai souligné.)

 

[63]           Il ne fait aucun doute que l’agente d’appel a bien compris la tâche qui lui était imposée par notre Cour. Elle a pesé la preuve présentée. Les différentes assertions qui sont relevées par notre Cour, et que j’ai reproduites au paragraphe 19 de mes motifs, sont contrebalancées par d’autres éléments de preuve qui tendent tous à démontrer et soutenir la conclusion à laquelle l’agente d’appel en est arrivée : nous ne sommes pas en face d’une possibilité raisonnable mais bien d’une simple possibilité.

 

[64]           À titre d’exemple, s’il est sans doute vrai que les circonstances entourant une opération peuvent changer rapidement (témoignage d’un membre de la Gendarmerie royale du Canada) et que n’importe qui peut s’introduire sur le lieu d’une perquisition si le périmètre n’est pas sous garde (policière du Service de police de la Ville de Montréal), il était aussi en preuve que non seulement aucun tel incident ne s’était jamais produit lors de fouilles menées par des agents de l’Agence, mais le demandeur lui-même a convenu que telle possibilité est faible. Qu’un incident ne se soit pas produit ne démontre pas que la possibilité n’est pas raisonnable; mais la concession du demandeur tend à confirmer qu’un périmètre sécurisé continuera de l’être grâce à la présence policière sur les lieux. De plus, l’agent peut refuser d’entrer sur les lieux si une inspection n’a pas eu lieu ou si le périmètre n’est pas sécuritaire en début de perquisition, comme il a été accepté par cette Cour.

 

[65]           La même logique prévaut à ce stade de l’analyse. L’agente d’appel a rappelé que les agents de l’ASFC ont toujours la faculté de cesser leurs tâches s’ils ne sont plus satisfaits de la sécurité des lieux et ce malgré que le demandeur et un collègue aient « admis que des policiers armés sont toujours demeurés dans les lieux où ils travaillaient pour en assurer la surveillance » (paragraphe 123) avec à l’appui un plan d’opérations minutieusement établi au préalable.

 

[66]           Les perquisitions sont à n’en pas douter des opérations à géométrie variable. La souplesse conférée aux agents qui assistent des forces policières vise à minimiser les risques à cause de la grande variété de circonstances. La possibilité qu’un danger se réalise est bien sûr présente. Mais c’est la possibilité raisonnable qui doit être considérée. La possibilité est minimisée par le plan d’intervention, l’obligation de garder les lieux par les policiers et la décision qui peut être prise sur place par l’agent de l’ASFC de se déclarer insatisfait des mesures eu égard aux circonstances.

 

[67]           À mon avis, l’agente d’appel, à la suite de l’analyse de la preuve offerte, pouvait raisonnablement conclure que, dans les circonstances, la possibilité qu’un individu, armé ou non, réussisse à s’introduire sur les lieux de la perquisition, après que les lieux ont été sécurisés et qu’un périmètre a été établi, et cela malgré que les lieux sont gardés durant la perquisition en fonction d’un plan opérationnel, n’était qu’une simple possibilité. Ayant accordé une attention respectueuse aux motifs du décideur, ceux-ci permettent de comprendre le fondement de la décision. Les conclusions de cette décision sont parmi les solutions rationnelles acceptables. Elles ont les attributs de la raisonnabilité soit la justification de la décision, sa transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel.

 

[68]           En fin de compte, ce que souhaite le demandeur est que quelle que soit la perquisition, il puisse porter ses « outils défensifs » à cause d’une crainte subjective d’un danger éventuel. Qui est sur les lieux d’une perquisition devrait être armé, semble prétendre le demandeur. Si ce devait être nécessaire, bien d’autres personnes, qui ne sont certes pas des agents de la paix, et qui assistent les corps policiers, à cause de leur expertise particulière, dans des perquisitions devraient aussi porter ces « outils défensifs ». Mais être sur les lieux d’une perquisition pour y apporter une assistance technique est bien loin du rôle joué par les agents de la paix qui en assurent la conduite. Quand les mesures sécuritaires sont prises, et encore davantage lorsque la personne portant assistance peut se désister si les mesures lui semblent insuffisantes avant ou pendant la perquisition, je vois mal comment la conclusion à laquelle l’experte en matière de santé et de sécurité au travail, l’agente d’appel, pourrait être qualifiée de déraisonnable. C’était pourtant le fardeau qu’avait le demandeur. Il ne s’en est pas déchargé.

 

[69]           En conséquence, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

 


JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 4 avril 2012 par Katia Néron, agente d’appel du Tribunal de santé et sécurité au travail Canada, est rejetée. Le tout avec dépens.

 

 

« Yvan Roy »

Juge

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-887-12

 

INTITULÉ :                                      DAVID LAROCHE c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 15 mai 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge Roy

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 18 juillet 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me James Cameron                                                    POUR LE DEMANDEUR

 

Me Anne-Marie Duquette                                          POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Raven, Cameron, Ballantyne

& Yazbeck LLP/s.r.l.                                                  POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney                                                    

Sous-procureur général du Canada                             POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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