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Court fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20130723

Dossier : T-1109-12

Référence : 2013 CF 808

Ottawa (Ontario), le 23 juillet 2013

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

 

ENTRE :

 

NING DONG

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’un appel interjeté, en application du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C-29, (la Loi), à l’encontre de la décision du 15 février 2012 par laquelle un juge de la citoyenneté a rejeté la demande citoyenneté du demandeur.

 

[2]               Le demandeur sollicite une ordonnance annulant la décision du juge de la citoyenneté et demande la délivrance d’un bref de mandamus enjoignant au ministre de lui octroyer la citoyenneté.

 

Contexte

 

[3]               Le demandeur est un citoyen de la Chine qui, le 2 octobre 2002, est devenu résident permanent du Canada.

 

[4]               Le 16 mars 2010, il a présenté une demande de citoyenneté canadienne. Il a comparu devant le juge de la citoyenneté le 14 décembre 2011.

 

Décision visée par le contrôle

 

[5]               Le juge de la citoyenneté a communiqué sa décision au demandeur par lettre datée du 13 avril 2012. La période de quatre ans pertinente aux fins de la condition de résidence prévue par la Loi s’étendait, a-t-il précisé, du 16 mars 2006 au 16 mars 2010.

 

[6]               Le juge de la citoyenneté a fait remarquer qu’il avait demandé au demandeur à l’audience de lui fournir des documents à l’appui additionnels dans les 30 jours, soit au plus tard le 16 janvier 2012, et qu’il avait ensuite obtenu une prolongation de délai jusqu’au 22 février 2012.

 

[7]               Le juge de la citoyenneté a conclu que le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences de l’alinéa 5(1)c) de la Loi, vu qu’il n’avait pas fourni ces documents d’appui essentiels et qu’en conséquence, il n’était pas en mesure de statuer sur sa demande de résidence.

 

[8]               Quant aux documents produits par le demandeur, ils étaient entachés d’inexactitudes et certains éléments requis n’y étaient pas déclarés. Le relevé de paiement pour le demandeur du ministère de la Santé et des Soins de longue durée ne faisait état que d’un seul paiement pendant toute la période pertinente. Le demandeur a aussi déclaré qu’il n’avait pas produit de déclarations de revenus personnelles ou de société pendant la période pertinente. D’après les antécédents de voyage du SIED du demandeur, il n’avait pas rapporté une entrée effectuée le 12 mars 2009.

 

[9]               Le demandeur ne s’étant pas conformé à sa demande de production, le juge de la citoyenneté a conclu qu’il n’avait pas respecté les exigences prévues par la Loi. Le juge de la citoyenneté a refusé de formuler une recommandation favorable en vertu du paragraphe 5(4) de la Loi.

 

[10]           Il ressort du dossier certifié du tribunal que le juge de la citoyenneté a exigé les documents suivants :

Questionnaire sur la résidence

 

ANTÉCÉDENTS DE VOYAGE DU SIED, DU 2 OCTOBRE 2002 À CE JOUR

 

RELEVÉ DES DÉPLACEMENTS DEPUIS LES États-Unis, DU 2 OCTOBRE 2002 À CE JOUR

 

COPIES LISIBLES DE TOUTES LES PAGES DES DEUX PASSEPORTS

 

RELEVÉ DES DÉPLACEMENTS DEPUIS LA CHINE ET HONG KONG, DU 2 OCTOBRE 2002 À CE JOUR

 

FEUILLETS T4 ET AVIS DE COTISATION POUR LES ANNÉES 2002 À CE JOUR

 

DÉCLARATIONS D’EMPLOI ET DE REVENUS DE SOCIÉTÉ, PRODUITES DEPUIS 2003 À CE JOUR (Y COMPRIS TOUT REVENU INTERNATIONAL)

 

RELEVÉ DE FACTURATION DU MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SOINS DE LONGUE DURÉE, DEPUIS LE 1er JANVIER 2013 À CE JOUR

 

FACTURES DE TÉLÉPHONE ET DE SERVICES PUBLICS, DU 1er JANVIER 2003 À CE JOUR.

 

 

Questions en litige

 

[11]           Dans son mémoire, le demandeur soulève les questions suivantes :

            1.         Si le demandeur se rend compte que la demande renferme une erreur, jusqu’à quand peut-il la corriger sans que l’on considère qu’il a « omis de déclarer »?

            2.         Les dossiers sur les contrôles aux frontières sont-ils considérés faire partie des  documents les plus importants et sont-ils sérieusement pris en compte?

            3.         Devrait-on prendre en considération l’origine du demandeur, eu égard au fait que tous les passeports ne sont pas traités de la même façon aux frontières et que tous les pays n’autorisent pas la double citoyenneté?

            4.         Combien de fois un résident permanent devrait-il se présenter à un hôpital ou une clinique ou consulter un médecin pour qu’on le considère être effectivement présent au Canada?

            5.         Combien de jours le juge de la citoyenneté considère-t-il le demandeur avoir véritablement résidé au Canada?

 

[12]           Je reformulerais les questions qui précèdent comme suit :

            1. Quelle est la norme de contrôle applicable?

            2. Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur en rejetant la demande?

 

Observations écrites du demandeur

 

[13]           Le demandeur fait ressortir le fait que son passeport chinois et son visa américain restreignent ses déplacements à l’étranger.

 

[14]           Le demandeur concède qu’il a commis une erreur en ne mentionnant pas dans sa demande initiale un voyage d’une journée effectué aux États-Unis du 11 au 12 mars 2009. Il avait toutefois fait part de cette erreur au défendeur par lettre datée du 6 janvier 2012, de sorte qu’elle avait été corrigée au moment où le juge de la citoyenneté a rendu sa décision. Ce seul jour d’absence fait tomber le demandeur sous le seuil des 1 095 jours de résidence, le demandeur comptant 1 121 jours de présence effective. Cela semble d’ailleurs être la seule déclaration inexacte faite par le demandeur, puisque le juge de la citoyenneté n’en a relevé aucune autre. Par conséquent, le juge de la citoyenneté met en fait en question l’intégrité des systèmes de surveillance aux frontières du Canada, de la Chine et de Hong Kong.

 

[15]           Le demandeur soutient aussi qu’il n’y a aucune obligation juridique de recourir aux services de santé pour obtenir la citoyenneté, et qu’il n’avait pas besoin de tels services puisqu’il est jeune et en santé. Il a bien tenté de renouveler sa carte d’assurance-santé de l’Ontario, mais les documents administratifs qu’il a remplis ont été rejetés.

 

[16]           Le demandeur ajoute que la Loi n’exige pas la production de déclarations de revenus pour pouvoir obtenir la qualité de citoyen. La violation d’autres lois n’est pas un facteur pertinent quant au respect de la condition de résidence prévue par la Loi.

 

[17]           Le demandeur présente des documents additionnels dans la présente instance, au moyen d’un affidavit, pour démontrer qu’il satisfait aux conditions de résidence effective.

 

Observations écrites du défendeur

 

[18]           Le défendeur soutient que le demandeur n’a démontré l’existence d’aucune erreur qui entacherait l’analyse du juge de la citoyenneté. Il n’est pas loisible au demandeur de compléter sa demande avec de nouveaux éléments de preuve. Il conviendrait ainsi de radier les parties de l’affidavit au moyen desquels le demandeur tente de présenter de nouveaux éléments de preuve.

 

[19]           Selon le défendeur, le demandeur demande en fait à la Cour de réévaluer la preuve. Le demandeur ne nie pas qu’il n’a utilisé qu’une seule fois l’assurance-santé de l’Ontario, ni qu’il n’a jamais produit de déclarations de revenus; il s’oppose tout simplement au poids accordé à cette preuve. Il incombait au demandeur de démontrer sa résidence, et il n’a pas réussi à le faire. 

 

Analyse et décision

 

[20]           Première question en litige

      Quelle est la norme de contrôle applicable?

            Lorsque la norme de contrôle applicable à une question particulière dont elle est saisie est déjà établie en jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme (voir Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 57).

 

[21]           La Cour a déjà statué que la raisonnabilité était la norme de contrôle s’appliquant aux appels interjetés à l’encontre de décisions des juges de la citoyenneté (voir Kohestani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 373, [2012] CF n° 443, au paragraphe 12).

 

[22]           Lorsqu'elle examine la décision d’un juge de la citoyenneté suivant la norme de la décision raisonnable, la Cour ne doit intervenir que si ce juge en est arrivé à une conclusion qui n'est pas transparente, justifiable et intelligible et qui n'appartient pas aux issues acceptables au vu des éléments de preuve soumis (voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 4). Comme l’a conclu la Cour suprême dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, il n’appartient pas à une cour de révision de substituer la solution qu’elle juge elle-même appropriée à celle qui a été retenue, pas plus qu’il ne lui appartient d’évaluer de nouveau la preuve (au paragraphe 59).

 

[23]           Deuxième question en litige

      Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur en rejetant la demande?

            Selon le défendeur, je ne devrais pas prendre en compte les éléments de preuve joints à l’affidavit du demandeur qui n’avaient pas été présentés au juge de la citoyenneté. Je suis du même avis.

 

[24]           L’examen des observations du demandeur m’amène à conclure que celui‑ci me demande en fait d’apprécier de nouveau la preuve. Je n’ai pas à jouer un tel rôle dans le cadre de la présente demande (appel).

 

[25]           Selon mon examen des motifs du juge de la citoyenneté, je ne conclus pas qu’il était d’avis que le recours aux services de santé assurés par le régime public ou la production de déclarations constituaient une condition préalable, au plan juridique, à l’obtention de la citoyenneté canadienne. Il a simplement relevé l’absence de ces éléments de preuve, ce qu’à titre de juge de la citoyenneté il lui était loisible de faire dans l’évaluation de la preuve de résidence.

 

[26]           Je suis d’accord avec le demandeur pour dire qu’il a corrigé l’omission concernant l’excursion d’une seule journée aux États-Unis. Je constate que le juge de la citoyenneté a évalué les autres éléments de preuve de résidence qui lui avaient été présentés, et que l’erreur liée à cette excursion ne semble pas avoir eu d’incidence majeure sur sa décision. Le juge de la citoyenneté a tout simplement conclu qu’il y avait trop peu d’éléments de preuve pour que la condition de résidence énoncée à l’alinéa 5(1)c) de la Loi soit remplie.

 

[27]           Par conséquent, la demande (l'appel) du demandeur est rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande (l’appel) soit rejetée.

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

 

 

 


ANNEXE

 

Dispositions législatives pertinentes

 

Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C-29

 

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

 

a) en fait la demande;

 

b) est âgée d’au moins dix-huit ans;

 

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

 

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

 

 

 

 

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

 

 

 

d) a une connaissance suffisante de l’une des langues officielles du Canada;

 

e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

 

f) n’est pas sous le coup d’une mesure de renvoi et n’est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l’article 20.

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

 

(a) makes application for citizenship;

 

(b) is eighteen years of age or over;

 

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

 

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

 

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

 

(d) has an adequate knowledge of one of the official languages of Canada;

 

(e) has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship; and

 

(f) is not under a removal order and is not the subject of a declaration by the Governor in Council made pursuant to section 20.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1109-12

 

INTITULÉ :                                      NING DONG

 

                                                            - et -

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 23 janvier 2013

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 23 juillet 2013

 

 

COMPARUTIONS 

 

Ning Dong

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Asha Gafar

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

Ning Dong

Scarborough (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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