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Date : 20130704

Dossier : IMM-9378-12

Référence : 2013 CF 749

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 juillet 2013

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

 

SHAHLAVI, MAJID

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Une cour de révision ne doit pas s’attendre à la perfection, pas plus qu’elle ne doit l’exiger, en ce qui concerne le déroulement d’une audience de la Section d’appel de l’immigration (la SAI); cependant, à mon avis, la conduite de la SAI dans la présente affaire commande la tenue d’une nouvelle audience. En dernier ressort, la procédure adoptée par un tribunal administratif doit être « équitable, raisonnable et appropriée dans les circonstances » : voir Uniboard Surfaces Inc c Kronotex Fussboden GmbH & Co KG, 2006 CAF 398, au paragraphe 48. En l’espèce, tout ce que l’on peut conclure à la suite d’un examen complet de la transcription est que tout semblant d’ordre et de procédure avait disparu au cours de la deuxième journée d’audience, et que celle-ci s’était déroulée dans un désordre quasi total : le tribunal et les deux avocats lançaient sporadiquement des remarques et des interjections, la fille de la demanderesse a livré un témoignage non assermenté qui a été accepté, les avocats ont témoigné et un témoin n’a pas été appelé, apparemment en raison du désordre. Il ne fait aucun doute que les parties, y compris le conseil du demandeur, sont à blâmer pour l’audience qui a tourné au vinaigre. Néanmoins, le tribunal a la responsabilité de diriger l’instance et d’assurer l’équité du processus. Il est approprié dans les circonstances, et surtout parce que l’intérêt supérieur d’un enfant handicapé est en jeu, d’accorder une nouvelle audience au demandeur.

 

[2]               Majid Shahlavi est un citoyen de l’Iran. Sa famille et lui s’étaient vu accorder la résidence permanente au Canada en mars 2006 au titre du programme des entrepreneurs. Sa famille, y compris sa fille Nahal, l’avait initialement rejoint au Canada en mars 2006 pour une période de deux mois, mais ils étaient retournés en Iran afin que Nahal puisse terminer ses examens pour l’année scolaire qu’elle avait commencée dans ce pays. La famille était restée en Iran jusqu’à l’automne 2006; pendant que M. Shahlavi affirmait s’occuper des préparatifs au Canada pour sa famille, Nahal fut tragiquement victime d’un accident de voiture en Iran et fut gravement blessé.

 

[3]               Selon le dossier de la présente demande, l’historique des déplacements de M. Shahlavi et de Nahal après l’accident est incertain; cependant, ce qui est certain, c’est qu’un agent d’immigration a conclu que M. Shahlavi et Nahal avaient tous les deux manqué à leur obligation de résidence prévue au paragraphe 28(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), car ils n’avaient pas résidé au Canada pour au moins 730 jours dans la période de cinq ans précédant le 29 août 2011. L’agent a aussi conclu que Mme Samsani, l’épouse de M. Shahlavi, avait elle aussi manqué à son obligation de résidence, mais seulement par moins de deux semaines, et Mme Samsani avait alors réussi à garder son statut de résidente permanente pour des motifs d’ordre humanitaire (motifs CH).

 

[4]               Le demandeur et Nahal ont interjeté appel de la décision de l’agent auprès de la SAI, appel fondé sur des motifs humanitaires au titre de l’alinéa 67(1)c) de la Loi. Seule Nahal a eu gain de cause.

 

[5]               La demande de M. Shahlavi et de Nahal a été entendue pendant deux jours. Il a été mentionné, peu après le début de l’audience, que leur conseil appellerait Mme Samsani à titre de témoin et qu’elle était exclue de la salle d’audience. Il a répété son intention de l’appeler à témoigner à plusieurs reprises au cours de l’audience et il l’a fait pour la dernière fois tout juste avant la fin de l’audience. Mais Mme Sansani n’a pas été appelée.

 

[6]               Je ne souscris pas à l’observation du demandeur selon laquelle la Commission a directement empêché de quelque manière que ce soit que Mme Samsani soit appelée à titre de témoin. Le dossier démontre que le conseil du demandeur n’a jamais réellement appelé Mme Samsani à témoigner, et ce, même s’il a affirmé à plus d’une occasion qu’il le ferait.

 

[7]               Cependant, comme je l’ai expliqué aux parties après avoir sollicité leurs observations, la Cour est très perturbée par la manière avec laquelle l’audience s’est déroulée. Lors de la première journée d’audience, M. Shahlavi a témoigné sous serment. Son témoignage principal et son contre‑interrogatoire occupent la plus grande partie de la transcription de la première journée d’audience, laquelle s’était terminée par une discussion concernant la preuve exigée par le tribunal, après que ce dernier eut mentionné [traduction] « qu’il s’agit d’une affaire difficile ».

 

[8]               La deuxième journée d’audience s’est amorcée par la production de nouveaux éléments de preuve documentaire et par une autre déclaration selon laquelle Mme Samsani serait appelée à titre de témoin. Dans les faits, comme le relève la transcription, elle n’a pas été appelée, et le tribunal n’a entendu aucun témoignage cette journée‑là. L’audience a plutôt dégénéré en ce que l’on pourrait seulement qualifier de désordre total, alors que le tribunal n’a imposé ou donné ni structure ni directive. Il est impossible de lire la transcription de 23 pages de cette journée d’audience et de comprendre quels éléments de preuve, le cas échéant, disposait la Commission, de savoir si les parties ont vraiment formulé des observations quant à la preuve, et pourquoi Mme Samsani n’a pas été appelée à témoigner.

 

[9]               Il se pourrait qu’un tribunal différemment constitué parvienne, après une audience équitable, à la même conclusion que celle tirée par le tribunal en question; cependant, la demande doit être accueillie, parce qu’il est impossible d’affirmer que le demandeur a eu droit à une audience équitable, et ce, en raison des sérieuses lacunes que je viens de décrire.

 

[10]           Aucune des parties n’a proposé de question en vue de la certification.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est accueillie, que la décision de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada est annulée et qu’un tribunal différemment constitué rendra une nouvelle décision à l’égard de l’appel du demandeur. Aucune question n’est certifiée.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-9378-12

 

 

INTITULÉ :                                      SHAHLAVI, MAJID

c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 27 juin 2013

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge Zinn

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 4 juillet 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Asiya Hirji         

 

 

POUR LE DEMANDEUR

Ian Hicks       

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MAMANN, SANDALUK & KINGWELL LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

WILLIAM F. PENTNEY

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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