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Date : 20130612

Dossier: T-1086-12

Référence : 2013 CF 642

Montréal (Québec), le 12 juin 2013

En présence de monsieur le juge Martineau 

 

ENTRE :

 

BANQUE NATIONALE DU CANADA

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

DORIS LAVOIE

 

et

 

LINE GAGNON

 

 

 

défenderesses

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Banque Nationale du Canada [employeur] requiert l’annulation d’une décision arbitrale accueillant les plaintes de congédiement injuste de mesdames Doris Lavoie et Line Gagnon [plaignantes]. La décision contestée a été rendue le 7 mai 2012 par un arbitre désigné sous l’autorité de la partie III du Code canadien du travail, LRC 1985, c L-2 [Code].

 

[2]               Jugeant que les plaignantes avaient commis les gestes qui leur étaient reprochés et qu’il y avait matière à sanction, mais que la mesure disciplinaire prise par l’employeur était exagérée, l’arbitre a annulé les congédiements et a remplacé ceux-ci par des suspensions d’un mois sans salaire, en plus d’ordonner la réintégration et l’indemnisation des plaignantes, d’où la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[3]               Le pouvoir discrétionnaire de l’arbitre désigné d’accorder « toute réparation appropriée », lorsqu’il conclut que le congédiement est injuste, n’est pas véritablement remis en cause et découle de la loi (paragraphe 242(4) du Code). Rappelons que le caractère définitif et sans appel d’une telle ordonnance est assuré par une clause privative de large portée (article 243 du Code).

 

[4]               Au départ, il convient de souligner que la présente affaire ne soulève aucun nouveau principe de droit et que les parties conviennent que la légalité de la décision contestée doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable (Banque de Montréal c Payne, 2012 CF 431 aux para 19 à 21). Celle-ci tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 47).

 

[5]               Normalement, lorsqu’un arbitre doit déterminer si un employeur a une cause juste et suffisante pour congédier un employé, la jurisprudence enseigne que trois questions sont susceptibles de se poser (Heustis c Nouveau-Brunswick (Commission d’énergie électrique), [1979] 2 RCS 768 à la p 772). Premièrement, l’employé a-t-il fait l’acte reproché? Deuxièmement, cet acte justifiait-il une mesure disciplinaire de la part de l’employeur? Troisièmement, le cas échéant, l’acte était-il suffisamment grave pour justifier ce congédiement?

 

[6]               Le congédiement d’un employé est la sanction ultime. De manière générale, l’employeur doit respecter les principes de discipline progressive (King c Canada (Procureur général), 2012 CF 488, conf par 2013 CAF 131). L’employé ainsi averti ou suspendu aura la chance de modifier tout comportement fautif. Il existe bien entendu des exceptions à la discipline progressive. L’arbitre doit apprécier la gravité de la mauvaise conduite dans le contexte des circonstances existantes, l’ancienneté et le rendement antérieur de l’employé étant des facteurs pertinents.

 

[7]               La gravité de la faute peut constituer un motif de congédiement lorsqu’elle entraine une rupture définitive du lien de confiance, la jurisprudence favorisant l’adoption d’une approche contextuelle, notamment lorsqu’il est question de malhonnêteté. Il n’y a aucun automatisme et il faut établir un équilibre utile entre la gravité de l’inconduite et la sanction infligée (McKinley c BC Tel, [2001] 2 RCS 161 aux para 48 à 57).

 

[8]               Dans le monde bancaire, on accorde une importance particulière à l’intégrité du personnel et au respect des consignes générales et des codes de conduite, gage du maintien de la confiance du public. À ce chapitre, le lien de confiance entre employeur-employé tout comme entre l’institution bancaire et ses clients est primordial (Lepire c Banque Nationale du Canada c, 2004 CF 1555; Deschênes c Banque canadienne impériale de commerce, 2009 CF 799, conf par 2011 CAF 216).

 

[9]               Il n’empêche, ce ne sont pas tous les manquements à un code de conduite qui justifient un congédiement. Tout dépend des circonstances. L’arbitre pourra notamment considérer le caractère grave ou répétitif du manquement à titre de facteur aggravant. D’un autre côté, il pourra également considérer la bonne foi de l’employé et tout autre facteur atténuant. Par exemple, on peut invoquer la connaissance, voire de la tolérance passée de l’employeur. Chaque cas est un cas d’espèce. Le contexte et l’environnement peuvent varier considérablement d’un employeur à l’autre.

 

[10]           Un bref rappel de la preuve s’impose avant d’analyser la décision contestée et les principaux motifs de révision que soulève l’employeur. Il n’existe pas de transcriptions des auditions. Toutefois, les parties ont déposé devant la Cour des affidavits précisant le contenu général des témoignages entendus à l’audition, ainsi que les pièces et représentations écrites qui ont été produites à l’arbitrage.

 

[11]           Au moment de leur suspension avec solde, puis de leur congédiement, les plaignantes ont chacune plus de trente ans de service. Elles n’ont aucun dossier disciplinaire et ont toujours eu un rendement professionnel satisfaisant et des évaluations positives. Les plaignantes travaillent alors au bureau de change de la rue Saint-Jean à Québec, l’une comme agent de service à la clientèle (plus de dix ans) et l’autre comme responsable senior (plus de quinze ans). Ce n’est pas une succursale bancaire comme les autres; il s’agit essentiellement d’un petit comptoir, où passants, touristes et commerces environnants peuvent y échanger des devises avec les préposés au service à la clientèle. Plus important encore, la survie du bureau de change dépend de sa rentabilité, donc du volume des transactions journalières. Or, ce dernier est en concurrence avec plusieurs autres comptoirs de change opérant dans ce secteur très touristique du Vieux-Québec.

 

[12]           Au cours de leur dernière année de service, les plaignantes ont eu quatre supérieures immédiates dont madame Edith Maltais, directrice Services clients, qui est entrée en fonctions en mai 2009. Une enquête interne au bureau de change est initiée suite à la « dénonciation » d’une collègue de travail, madame Marcelle Charest, qui rencontre Mme Maltais en juillet 2009. Mme Charest lui explique qu’elle « en a ras-le-bol » et qu’elle « est tannée de se faire taper sur la tête ». Elle se plaint du comportement des plaignantes et de certaines pratiques touchant la sécurité. Jusqu’alors, les plaignantes jouissent d’une grande autonomie et ont toute la confiance de leurs supérieurs. D’ailleurs, il n’y a pas jamais eu de plainte de la part des clients. Madame Maltais supervise alors le comptoir de change depuis son bureau situé à la succursale bancaire du 150, boulevard René-Lévesque à Québec.

 

[13]           Un enquêteur au service de l’employeur rencontre séparément les trois employées concernées les 12, 13 et 19 août 2009 et recueille des « déclarations statutaires ». Le 20 août 2009, les plaignantes sont avisées par Mme Maltais, qu’elles sont congédiées « pour les motifs que vous connaissez et qui ont été discutés avec vous ». Des motifs écrits du congédiement ne seront pas fournis aux plaignantes, mais devant l’arbitre, l’employeur invoquera une rupture définitive du lien de confiance pour justifier sa décision de mettre fin à l’emploi des plaignantes (et de leur collègue de travail qui ne conteste cependant pas son congédiement).

 

[14]           De fait, l’employeur reproche aux plaignantes d’avoir, pendant plusieurs années, commis divers manquements au Code de déontologie et aux Instructions permanentes – qui est, selon un témoin patronal, la « Loi de la Banque ». Dans l’argumentation écrite soumise par l’employeur à l’arbitre, les reproches adressés aux plaignantes sont répertoriés en quatre catégories : sécurité, taux de change, tarification et manquements à l’intégrité et fausses déclarations. Lors de l’audition de cette demande de contrôle judiciaire, le procureur de l’employeur a précisé à la Cour que ces manquements n’ont pas tous la même gravité et ne touchent pas tous à l’intégrité des plaignantes, bien que considérés séparément ou cumulativement, l’employeur était en droit de congédier les plaignantes.

 

[15]           En plus de déposer devant l’arbitre les déclarations statutaires recueillies par l’enquêteur des trois employées concernées et diverses preuves documentaires, l’employeur fait notamment témoigner la gestionnaire ayant pris la décision. En bref, l’employeur fait valoir qu’il y a eu mauvaise gestion des combinaisons des coffres bancaires et de la clé de la succursale; des manquements répétés par rapport à la répartition de l’encaisse et au relevé des opérations de change; un non-respect des taux de change en vigueur et la facturation de frais de transaction injustifiés; et enfin un non-respect de la procédure pour déclarer les différences de caisse, voire une « falsification de documents » selon la gestionnaire. L’employeur insiste sur la gravité des fautes commises et sur leur caractère intentionnel, répété et systémique, plaidant qu’il s’agit d’un cas où le principe de la gradation des sanctions n’est pas applicable.

 

[16]           De leur côté, les plaignantes, qui ont également témoigné à l’audition, ne voient pas la situation du même œil. Il n’y a pas matière à congédiement, tout au plus une suspension. Les plaignantes minimisent la soi-disant gravité des manquements reprochés, et le cas échéant, leur caractère répétitif – qu’il s’agisse par exemple de la sécurité, ou encore des commissions versées pendant un court laps de temps à des guides. Même si elles reconnaissent que certaines pratiques sont dérogatoires, encore faut-il que la direction ait pris des mesures de sécurité qui s’imposent et leur ait permis de corriger le tir. Le principal problème, c’est le manque d’encadrement. Les plaignantes expliqueront à l’arbitre qu’elles ont toujours été laissées à elles-mêmes; qu’elles n’ont pas agi de façon malhonnête; que les gestes posés n’ont causé aucun préjudice à l’employeur et peuvent s’expliquer par les contraintes particulières du bureau de change, tandis qu’elles informaient régulièrement leurs patrons des taux de change et que les rouleaux de transaction étaient transmis à chaque jour au centre administratif. Bref, leurs supérieurs étaient parfaitement au courant de la situation et n’ont rien fait pendant des années.

 

[17]           Pour les plaignantes, leur intégrité et honnêteté n’est pas en cause. Il s’agit « d’erreurs », alors que les gestes qui leur sont reprochés, ont été posés de bonne foi et dans l’intérêt de la banque. Par exemple, elles expliquent : « Dans le langage bancaire, nous appelions une transaction fictive une transaction qui résultait d’une erreur d’écriture et qui était utilisée pour faire balancer les comptes. Cette transaction n’était ni malhonnête ni frauduleuse et permettait de faire balancer les comptes, en attendant que la pièce manquante soit trouvée. » D’ailleurs, lors de la rencontre du 19 août 2009, l’enquêteur a dit à la plaignante Lavoie : « il n’y a pas de vol, pas de fraude […] des petites lacunes […] ». De plus, leur supérieur immédiat, monsieur Claude Sauvageau, avait été mis au courant à l’époque (2003 ou 2004) qu’elles avaient pendant un mois « ramassé […] les commissions que les guides avaient négociées avec leurs clients », une pratique qui avait cessé peu de temps après. Bref, les plaignantes font valoir que leur congédiement est injuste et constitue une mesure disproportionnée dans les circonstances. 

 

[18]           Dans la décision contestée, l’arbitre conclut que les plaignantes « ont contrevenu au Code de déontologie et aux Instructions permanentes dans l’exécution de leur travail », mais suite à son analyse de toute la preuve, il « ne croit pas que le lien de confiance soit définitivement rompu entre l’employeur et les plaignantes ». Cette conclusion factuelle semble s’appuyer sur un ensemble d’éléments contextuels tirés de la preuve au dossier. Selon l’arbitre, l’employeur avait, sinon une connaissance antérieure des manquements reprochés et n’a pas agi à ce moment-là – ce que vient incidemment confirmer l’affidavit très détaillé des plaignantes qui relate leur témoignage à l’audition – sinon pu laisser croire à tort aux plaignantes que tout allait bien et qu’elles pouvaient continuer d’agir de la sorte. Il s’agit d’un cas où l’employeur a fait preuve de négligence.

 

[19]           En particulier, l’arbitre considère que les plaignantes n’ont pas été encadrées suffisamment. S’agissant par exemple de la politique du taux de change, l’arbitre trouve « pour le moins surprenant que cette pratique exercée par les plaignantes, pratique qui existe depuis longtemps et qui n’a jamais été cachée, n’ait pas été découverte bien avant par l’employeur au moment de ses inspections ». L’arbitre note également que « si des auditions avaient été faites régulièrement tel que prévu, rien de tout ceci ne serait arrivé. Les plaignantes auraient été avisées si elles avaient commis des erreurs et elles les avaient corrigées ». Au passage, selon la preuve au dossier, il semble d’ailleurs que l’employeur était déjà au courant des divers problèmes de sécurité au bureau de change même si ce fait n’est pas mentionné expressément dans l’analyse de l’arbitre.

 

[20]           L’arbitre souligne que les plaignantes « ont été laissées à elles-mêmes, sans supervision […] ont géré le bureau de change de façon à ce qu’il fonctionne » et qu’elles « ont essayé de rentabiliser le bureau de change, d’augmenter le volume de transactions ». De fait, l’arbitre conclut dans sa décision que les plaignantes « n’ont pas agi dans le but de voler la banque et de s’enrichir » et qu’elles « ont agi en pensant qu’elles pouvaient agir de façon différente des instructions permanentes afin de se simplifier la vie et d’augmenter le volume de transactions du bureau de change ». Même si les plaignantes ont contrevenu à certaines règles, l’arbitre rejette l’argument de l’employeur qu’il pouvait congédier les plaignantes parce que le lien de confiance était définitivement rompu. C’est un cas où la progression des mesures disciplinaires s’applique.

 

[21]           En somme – je résume l’essence de son raisonnement – l’arbitre ne voit pas dans les pratiques des plaignantes un comportement « frauduleux » ou « malhonnête » comme le prétend l’employeur. Autrement, il l’aurait expressément noté dans sa décision et aurait confirmé leur congédiement. D’ailleurs, l’arbitre prend la peine de qualifier les manquements en cause de « décisions de gestion qui ne leur appartenaient pas » ou qui « s’écartaient des normes dictées par l’employeur », d’où la nécessité de sévir – même s’il n’y a pas rupture définitive du lien de confiance.

 

[22]           Pour l’arbitre, les plaignantes, ont mal agi certes, mais leur congédiement est une mesure exagérée dans les circonstances, étant donné qu’il y a eu négligence de la part de l’employeur, que les plaignantes n’avaient pas agi dans un dessein malhonnête ou d’enrichissement personnel et que celles-ci avaient pu à tort présumer que leur façon de faire pour maintenir le bon rendement du bureau de change avait l’aval de l’employeur. Dans les circonstances, l’arbitre conclut donc que des suspensions d’un mois sans salaire sont suffisantes. Il ordonne à l’employeur de réintégrer les plaignantes et de les indemniser de toute perte subie, le cas échéant.

 

[23]           Se disant insatisfait non seulement du remède – ce n’est pas une suspension d’un mois sans salaire qui était la mesure disciplinaire appropriée mais le congédiement pur et simple des plaignantes – mais également de la suffisance des motifs de l’arbitre, l’employeur demande aujourd’hui à la Cour d’intervenir. L’employeur reprend devant moi l’essentiel de l’argumentation qui n’a pas été retenue par l’arbitre, en commençant par la prétention à l’effet que le « lien de confiance a été rompu ». L’employeur soumet que les pratiques des plaignantes « constituent incontestablement une conduite malhonnête », alors que « seul le congédiement permet d’établir un équilibre entre la gravité des manquements et la sanction adéquate ».

 

[24]           De plus, l’employeur prétend devant moi que l’arbitre a conclu erronément que les manquements des plaignantes n’ont pas entraîné de pertes financières. En effet, l’employeur dit avoir présenté une preuve documentaire claire et non contredite à ce sujet (ce que les plaignantes démentent de leur côté). L’employeur conteste également la conclusion de l’arbitre qu’il a été négligent dans la supervision et l’encadrement des plaignantes. De toute façon, même si un tel manque de supervision pouvait être un facteur atténuant, ce facteur ne devrait pas à lui seul avoir l’importance que l’arbitre lui a accordé en l’espèce, surtout en tenant compte du contexte bancaire, de sorte que la conclusion de l’arbitre est déraisonnable.

 

[25]           Je dois rejeter les prétentions de l’employeur. Ce faisant, j’accepte en substance les principaux motifs de rejet développés par les plaignantes dans leur mémoire écrit et qui ont été repris de manière générale à l’audience pour leur procureur.

 

[26]           Je reprends : selon la prétention de l’employeur, l’arbitre n’avait ici pas d’autre choix que de conclure à une rupture définitive du lien de confiance. En somme, l’employeur m’invite à réévaluer la preuve et me demande de tout simplement casser la décision contestée, sans retourner l’affaire à une autre arbitre, car le congédiement constitue ici la seule alternative. On voit donc que l’employeur s’en prend au bien-fondé de certaines déterminations factuelles de l’arbitre et au poids qu’il a pu donner à certains facteurs pertinents.

 

[27]           S’il n’y a qu’une seule issue acceptable, le congédiement, cela revient à dire que c’est la norme de la décision correcte qui devrait guider notre analyse. Toutefois, on le sait bien, c’est la norme de la décision raisonnable qui doit s’appliquer en l’espèce. Or, la Cour suprême enseigne que les motifs de la décision contestée doivent être examinés dans leur ensemble et leur contexte, alors que la cour de révision peut, si elle le juge nécessaire, examiner le dossier pour apprécier le caractère raisonnable du résultat : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708 aux para 9 et 15 [Newfoundland]; Construction Labour Relations c Driver Iron Inc, 2012 CSC 65 au para 3. C’est bien ce que la Cour a bien humblement tenté de faire.

 

[28]           En l’espèce, l’intelligibilité des motifs et la transparence du processus décisionnel ne posent pas problème. La décision contestée fait quelque 39 pages; après un résumé de la preuve (pages 2 à 30) et de l’argumentation des parties (pages 30 à 32), on retrouve le raisonnement général et les conclusions principales de l’arbitre (pages 32 à 38). L’arbitre a bien expliqué pourquoi le congédiement était injustifié. Son raisonnement repose sur la preuve au dossier. En l’espèce, nous ne pouvons pas conclure qu’il n’y a qu’une seule issue acceptable dans cette affaire.

 

[29]           Il incombait exclusivement à l’arbitre de trancher les questions entourant le congédiement ayant été longuement débattues par les parties. Faut-il le rappeler, l’arbitre a ici passé neuf jours à entendre les témoins et les représentations des procureurs. Il a considéré l’ensemble de la preuve au dossier et, en sa qualité d’expert, il est présumé connaître les principes généraux en matière disciplinaire. L’arbitre désigné a choisi l’option qui lui apparaissait la plus raisonnable dans les circonstances, compte tenu de la preuve au dossier et des facteurs pertinents. Il est donc mieux placé que la Cour pour déterminer s’il y a eu rupture du lien de confiance, et si le congédiement est une mesure exagérée dans les circonstances. Le fait que l’arbitre ait pu omettre de mentionner dans son analyse un élément de preuve, un argument, une disposition législative ou un précédent ne suffit pas pour invalider la décision contestée. En effet, le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit-il, qui a mené à sa conclusion finale (Newfoundland au para 16).

 

[30]           À mon avis, il n’existe aucun motif sérieux pouvant justifier la Cour d’intervenir en l’espèce. Je le rappelle, il ne s’agit pas ici d’un appel mais d’une révision judiciaire. Même si la Cour n’est pas nécessairement d’accord avec le résultat final, le processus décisionnel n’est pas entaché d’aucune erreur fondamentale. Ayant lu attentivement les motifs de la décision contestée à la lumière de la preuve au dossier, je suis d’avis que l’arbitre n’a pas ignoré les principes dégagés par la jurisprudence. Même si un autre arbitre serait peut-être parvenu à un résultat différent, je ne peux pas conclure que le raisonnement général de l’arbitre désigné est arbitraire, capricieux ou déraisonnable, ou encore que ses conclusions ne peuvent pas s’appuyer sur la preuve.

 

[31]           En conclusion, l’annulation par l’arbitre désigné des congédiements (incluant leur remplacement par des suspensions sans salaire) constituait donc une issue acceptable en regard du droit et de la preuve au dossier. Le procureur des défenderesses a mentionné lors de sa réplique orale que depuis que la présente demande de contrôle judiciaire a été déposée, l’employeur a fermé le bureau de change de la rue Saint-Jean. Puisque la question de la réintégration n’a pas été soulevée par l’employeur et que la question d’une fermeture éventuelle du bureau de change n’a pas été spécifiquement portée à l’attention de l’arbitre, je n’ai pas à examiner cet élément postérieur à la décision attaquée.

 

[32]           Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire, qui est non fondée en l’espèce, doit être rejetée par la Cour.

 

[33]           Vu le résultat, les dépens seront accordés aux défenderesses.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

 

 

 

 

 

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1086-12

 

INTITULÉ :                                      BANQUE NATIONALE DU CANADA c DORIS LAVOIE et LINE GAGNON

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             le 5 juin 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :                     le 12 juin 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Érik Morissette

Me Maxime-Arnauld Keable

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Me Rénald Labbé

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Québec (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Rénald Labbé Avocat inc.

Québec (Québec)

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

 

 

 

 

 

 

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