Décisions de la Cour fédérale

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Date : 20130613

Dossier : T-312-13

Référence : 2013 CF 643

[traduction française certifiée, non révisée]

Entre :

 

LAWYERS’ PROFESSIONAL INDEMNITY

COMPANY

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

ANTHONY COOTE

 

 

 

défendeur

 

 

 

Motifs des ordonnances

 

Le juge HUGHES

 

[1]               La demanderesse Lawyers’ Professional Indemnity Company (LawPRO) a présenté une requête en vertu de l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, visant à faire déclarer le défendeur Anthony Coote plaideur quérulent et à obtenir une réparation en conséquence. Le défendeur Coote a présenté deux requêtes, lesquelles ont été entendues au même moment que la requête de la demanderesse : la première se veut une contestation fondée sur la Charte et une demande visant à faire déclarer LawPRO plaideur quérulent, alors que la deuxième sollicite l’annulation ou la modification des ordonnances antérieures des juges Manson et Boivin de la Cour. Je prononcerai un seul exposé des motifs visant les trois requêtes et des ordonnances distinctes à l’égard de chacune d’elles. En bref, j’accueillerai la requête de LawPRO visant à faire déclarer Anthony Coote plaideur quérulent et je rejetterai les deux requêtes présentées par Anthony Coote.

 

Les parties

[2]               La demanderesse Lawyers’ Professional Indemnity Company (LawPRO) est une société d’assurances représentant des avocats en Ontario contre lesquels des réclamations ont été présentées par diverses personnes. LawPRO a été désignée à titre de partie défenderesse dans une action engagée devant la Cour par le défendeur, M. Coote (action T‑1083‑12); elle a été désignée à titre de défenderesse dans une procédure projetée par Anthony Coote devant la présente Cour (12‑T‑19); elle était une demanderesse dans une instance devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario (CV‑10‑3731‑00), dans laquelle M. Coote a été déclaré plaideur quérulent; elle était partie à un appel ultérieur interjeté devant la Cour d’appel de l’Ontario et est partie à un prétendu appel de plein droit que M. Coote tente d’interjeter devant la Cour suprême du Canada.

 

[3]               Le défendeur Anthony Coote (M. Coote), aussi appelé Antoine Coote ou Caufield Anthony St. Orbain Coote, est une personne qui réside actuellement à Mississauga, en Ontario. Il est le père de Twain Coote (M. Coote fils), qui a fait l’objet d’une procédure en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR) et qui est actuellement détenu en attendant son renvoi en Jamaïque. Cette instance semble être le point de départ des nombreuses procédures que son père a intentées devant les tribunaux de l’Ontario et la présente Cour.

 

 

Les questions en litige dans la requête présentée par LAWPRO

[4]               Dans sa requête, LawPRO demande à la Cour si, dans les circonstances de l’espèce, M. Coote devrait être déclaré plaideur quérulent et, le cas échéant, quelle réparation devrait être accordée en conséquence.

 

[5]               Le défendeur Coote conteste la présente requête et soulève plusieurs questions qui peuvent être résumées comme suit :

 

1.         Le consentement du procureur général a-t-il été dûment obtenu?

 

2.         La présente instance aurait-elle dû être introduite par voie de demande plutôt que par voie de requête?

 

3.         Le sceau de la Cour aurait-il dû être apposé sur l’avis de requête?

 

4.         L’avis de requête a-t-il été valablement signifié au défendeur Coote?

 

5.         LawPRO a-t-elle qualité pour engager la présente procédure?

 

6.         M. Coote avait-il raison d’intenter les diverses procédures qu’il a engagées, notamment les appels et les demandes de directives?

 

[6]               J’examinerai tout d’abord les questions 1 à 5 que soulève le défendeur, pour ensuite aborder en une seule question la question présentée par la demanderesse et la sixième question du défendeur, qui constitue la question 6 des présents motifs.

 

QUESTION 1 – le consentement du procureur général a-t-il été dûment obtenu?

 

[7]               L’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales prévoit qu’une requête en vertu de cette disposition nécessite le consentement du procureur général. Un consentement signé le 23 janvier 2013 par le sous‑procureur général adjoint, Contentieux, a été versé au dossier.

 

[8]               Le défendeur Coote s’est opposé à ce consentement, soulignant qu’il avait été signé par le sous‑procureur général adjoint et non par le procureur général. Cette objection fait fi des dispositions du paragraphe 24(2) de la Loi d’interprétation, LRC 1985, c I‑21, qui dispose :

 

(2) La mention d’un ministre par son titre ou dans le cadre de ses attributions, que celles-ci soient d’ordre administratif, législatif ou judiciaire, vaut mention :

 

 

 

 

a) de tout ministre agissant en son nom ou, en cas de vacance de la charge, du ministre investi de sa charge en application d’un décret;

 

 

b) de ses successeurs à la charge;

 

c) de son délégué ou de celui des personnes visées aux alinéas a) et b);

 

d) indépendamment de l’alinéa c), de toute personne ayant, dans le ministère ou département d’État en cause, la compétence voulue.

 

24. (2) Words directing or empowering a minister of the Crown to do an act or thing, regardless of whether the act or thing is administrative, legislative or judicial, or otherwise applying to that minister as the holder of the office, include

 

(a) a minister acting for that minister or, if the office is vacant, a minister designated to act in the office by or under the authority of an order in council;

 

(b) the successors of that minister in the office;

 

(c) his or their deputy; and

 

 

 

(d) notwithstanding paragraph (c), a person appointed to serve, in the department or ministry of state over which the minister presides, in a capacity appropriate to the doing of the act or thing, or to the words so applying.

 

 

[9]               La Cour d’appel fédérale a déclaré que ces dispositions s’appliquaient dans des circonstances comme celles de l’espèce. Dans l’arrêt King c Canada (Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2009 CAF 105, le juge Sexton a écrit ce qui suit aux paragraphes 16 et 17 :

16        L’alinéa 24(2)d) énonce que lorsqu’une loi confère à un ministre le pouvoir de prendre une décision, ce pouvoir peut également être exercé par des fonctionnaires du ministère nommés à cette fin. Autrement dit, un tel fonctionnaire peut lui‑même prendre une décision obligatoire, sans consulter le ministre et sans aucune intervention personnelle du ministre, et sans donner d’avis à qui que soit.

 

17        Le juge Létourneau a expliqué l’application de l’alinéa 24(2)d) dans l’arrêt Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Wiemer, [1998] A.C.F. no 809 (C.A.) (QL), au paragraphe 11, une autre affaire concernant une décision rendue en vertu du RPC :

 

La Loi ne prévoit pas que le ministre doive personnellement approuver une demande de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension. En vertu du paragraphe 24(2) de la Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I‑21, les pouvoirs conférés à un ministre peuvent être exercés par une personne nommée ayant, dans le ministère en cause, la compétence voulue. En effet, l’article 24 ne fait que reconnaître dans une loi une pratique courante rendue nécessaire par la diversité et la complexité de l’administration publique moderne. Avant l’adoption de cette disposition, la délégation implicite des pouvoirs ministériels était déjà une pratique reconnue par les tribunaux afin de garantir une gestion saine et efficace de l’administration publique. D’ailleurs, la Cour suprême du Canada a récemment confirmé l’existence de cette pratique lorsque le juge Major, s’exprimant au nom de la Cour, a statué que la délégation explicite de pouvoirs à des agents du ministère, qui est effectuée à l’art. 7 de la Loi sur les pêches, peut sembler inutile aujourd’hui. Comme l’a écrit le juge Major, « [l]orsqu’un pouvoir est conféré à un ministre, les mesures nécessaires seront prises généralement non pas par le ministre lui‑même, mais par les fonctionnaires compétents de son ministère, en vertu d’une délégation de pouvoir ».

 

 

[10]           Je conclus que le consentement du sous‑procureur général adjoint figurant au présent dossier répond à l’exigence prévue au paragraphe 40(2) de la Loi sur les Cours fédérales.

 

QUESTION 2 – La présente instance aurait-elle dû être introduite par voie de demande plutôt que par voie de requête?

 

[11]           La présente instance a été introduite par voie d’avis de requête. Je conclus que cela était approprié.

 

[12]           Dans l’arrêt Nelson c Canada (Douanes et Agence du revenu), 2003 CAF 127, la Cour d’appel fédérale a examiné la question de savoir si une requête ou une demande était la bonne façon de procéder en vertu de l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales et a statué qu’une requête était appropriée. S’exprimant au nom de la Cour, la juge Sharlow a écrit ce qui suit au paragraphe 22 :

 

22        M. Nelson soutient que, pour que la Cour puisse rendre l’ordonnance prévue à l’article 40 de la Loi sur la Cour fédérale, il faut que la personne visée ait présenté une demande introductive d’instance, et non une requête interlocutoire, comme c’est le cas en l’espèce. Cet argument est mal fondé. L’article 40 de la Loi sur la Cour fédérale parle simplement de « requête ». Ce terme est suffisamment large pour englober tant demandes que les requêtes introductives d’instance.

 

QUESTIONS 3 – Le sceau de la cour aurait-il dû être apposé sur l’avis de requête?

 

[13]           Il n’existe aucune exigence selon laquelle l’avis de requête doit être en l’espèce délivré sous le sceau de la Cour.

 

QUESTION 4 – L’avis de requête a-t-il été valablement signifié au défendeur Coote?

 

[14]           À l’audience, le défendeur Coote a fait valoir que l’avis de requête et d’autres documents de la demanderesse ne lui avaient pas été valablement signifiés. M. Coote a comparu et a déposé des documents en réponse à la requête, de même que ses propres requêtes. Il a pleinement connaissance, et ce depuis très longtemps, de tous les documents fournis par LawPRO dans la présente affaire. Je conclus que cette objection soulevée à l’audience est sans fondement.

 

Question 5 – LawPRO a-t-elle qualité pour engager la présente procédure?

 

[15]           L’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales ne précise pas qui peut intenter des procédures en vertu de cette disposition. Je conclus que LawPRO, qui est une partie devant la Cour, de même que devant les tribunaux de l’Ontario et la Cour suprême du Canada dans des procédures engagées par M. Coote ou l’impliquant, possède un intérêt suffisant à l’égard de la réparation recherchée pour avoir qualité pour intenter la présente procédure.

 

QUESTION 6 – Les faits et le droit justifient-ils une ordonnance déclarant que M. COOTE EST UN PLAIDEUR quérulent ET PRÉVOYANT UNE RÉPARATION EN CONSÉQUENCE?

 

[16]           J’examinerai tout d’abord la compétence de la Cour fédérale à l’égard d’une demande visant à faire déclarer qu’une personne est un plaideur quérulent et à obtenir une réparation en conséquence. Cette compétence est énoncée à l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7 :

 

40. (1) La Cour d’appel fédérale ou la Cour fédérale, selon le cas, peut, si elle est convaincue par suite d’une requête qu’une personne a de façon persistante introduit des instances vexatoires devant elle ou y a agi de façon vexatoire au cours d’une instance, lui interdire d’engager d’autres instances devant elle ou de continuer devant elle une instance déjà engagée, sauf avec son autorisation.

 

Note marginale : Procureur général du Canada

 

(2) La présentation de la requête visée au paragraphe (1) nécessite le consentement du procureur général du Canada, lequel a le droit d’être entendu à cette occasion de même que lors de toute contestation portant sur l’objet de la requête.

 

Note marginale : Requête en levée de l’interdiction ou en autorisation

 

(3) Toute personne visée par une ordonnance rendue aux termes du paragraphe (1) peut, par requête au tribunal saisi de l’affaire, demander soit la levée de l’interdiction qui la frappe, soit l’autorisation d’engager ou de continuer une instance devant le tribunal.

 

Note marginale : Pouvoirs du tribunal

 

(4) Sur présentation de la requête prévue au paragraphe (3), le tribunal saisi de l’affaire peut, s’il est convaincu que l’instance que l’on cherche à engager ou à continuer ne constitue pas un abus de procédure et est fondée sur des motifs valables, autoriser son introduction ou sa continuation.

 

Note marginale : Décision définitive et sans appel

 

(5) La décision du tribunal rendue aux termes du paragraphe (4) est définitive et sans appel.

 

40. (1) If the Federal Court of Appeal or the Federal Court is satisfied, on application, that a person has persistently instituted vexatious proceedings or has conducted a proceeding in a vexatious manner, it may order that no further proceedings be instituted by the person in that court or that a proceeding previously instituted by the person in that court not be continued, except by leave of that court.

 

Marginal note: Attorney General of Canada

 

(2) An application under subsection (1) may be made only with the consent of the Attorney General of Canada, who is entitled to be heard on the application and on any application made under subsection (3).

 

 

Marginal note: Application for rescission or leave to proceed

 

 

(3) A person against whom a court has made an order under subsection (1) may apply to the court for rescission of the order or for leave to institute or continue a proceeding.

 

 

 

 

Marginal note: Court may grant leave

 

(4) If an application is made to a court under subsection (3) for leave to institute or continue a proceeding, the court may grant leave if it is satisfied that the proceeding is not an abuse of process and that there are reasonable grounds for the proceeding.

 

 

 

No appeal

 

 

(5) A decision of the court under subsection (4) is final and is not subject to appeal.

 

 

[17]           La Cour fédérale a remplacé la Cour de l’Échiquier et, en vertu de l’article 4 de la Loi sur les Cours fédérales, précitée, est maintenue à titre de tribunal additionnel de droit, d’equity et d’amirauté du Canada, propre à améliorer l’application du droit canadien, et continue d’être une cour supérieure d’archives ayant compétence en matière civile et pénale.

 

4. La section de la Cour fédérale du Canada, appelée la Section de première instance de la Cour fédérale, est maintenue et dénommée « Cour fédérale » en français et « Federal Court » en anglais. Elle est maintenue à titre de tribunal additionnel de droit, d’equity et d’amirauté du Canada, propre à améliorer l’application du droit canadien, et continue d’être une cour supérieure d’archives ayant compétence en matière civile et pénale.

4.  The division of the Federal Court of Canada called the Federal Court — Trial Division is continued under the name “Federal Court” in English and “Cour fédérale” in French. It is continued as an additional court of law, equity and admiralty in and for Canada, for the better administration of the laws of Canada and as a superior court of record having civil and criminal jurisdiction.

 

 

[18]           Les dispositions applicables de la Loi sur les Cours fédérales, telles qu’elles étaient en vigueur à l’époque, et aux fins des présentes, ne sont pas différentes des dispositions actuelles. La Cour suprême du Canada les a examinées dans l’arrêt Canada (Commission des droits de la personne  c Canadian Liberty Net, [1998] 1 RCS 626, dans lequel le juge Bastarache, s’exprimant au nom de la majorité, a examiné plusieurs dispositions de la Loi et a conclu au paragraphe 36 que la compétence de la Cour fédérale ne devrait pas être interprétée de façon restrictive et que la Cour peut être considérée comme ayant une plénitude de compétence :

 

36        Comme l’indique clairement le texte de la Loi sur la Cour fédérale et le confirme le rôle additionnel qui est confié à cette cour par d’autres lois fédérales, dans le présent cas la Loi sur les droits de la personne, le Parlement a voulu conférer à la Cour fédérale une compétence administrative générale sur les tribunaux administratifs fédéraux. Pour ce qui concerne son rôle de surveillance des décideurs administratifs, les pouvoirs confiés par une loi à la Cour fédérale à cet égard ne doivent pas être interprétés de façon restrictive. Cela signifie que, lorsqu’il s’agit d’une question relevant clairement de son rôle de surveillance d’un organisme administratif, ce qui inclut la prise de mesures provisoires visant à régir des différends dont l’issue finale est laissée au décideur administratif concerné, la Cour fédérale peut être considérée comme ayant plénitude de compétence.

 

[19]           La Cour fédérale peut traiter des affaires vexatoires de plusieurs manières. Si un acte de procédure dans une instance est « scandaleux, frivole ou vexatoire » ou s’il constitue « un abus de procédure », l’article 221 des Règles des Cours fédérales (DORS/98‑106) [les Règles] prévoit que la Cour peut ordonner le rejet de l’action ou la radiation de cet acte de procédure. Si une personne, qu’elle soit ou non partie à un litige, se comporte d’une manière qui constitue un outrage au tribunal ou à sa procédure, la Cour peut, aux termes des articles 466 à 472 des Règles, examiner l’outrage allégué et imposer des pénalités, y compris l’emprisonnement, une amende, la mise sous séquestre ou ordonner à la personne d’accomplir un acte ou de s’abstenir de l’accomplir.

 

[20]           L’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales prévoit une procédure en vertu de laquelle une personne qui a utilisé le système judiciaire d’une façon telle qu’elle est considérée comme un plaideur quérulent peut être déclarée plaideur quérulent et la Cour peut restreindre l’accès de cette personne au système judiciaire.

 

[21]           Les tribunaux sont un élément fondamental de notre forme démocratique de gouvernement et l’accès aux tribunaux devrait être protégé. Cependant, lorsqu’il est reconnu qu’une personne a utilisé le système de façon vexatoire en consommant de façon excessive le temps et les ressources de la Cour, qu’elle harcèle inutilement les fonctionnaires et les membres du personnel des tribunaux et les empêche ainsi d’accomplir leurs fonctions, des restrictions doivent être imposées à ces personnes pour faire en sorte que tous ceux qui cherchent à utiliser légitimement la procédure judiciaire et obtenir justice puissent le faire. La Cour doit également soupeser le droit de se faire entendre devant le tribunal d’une personne et celui des autres personnes. La Cour, dans le cadre de sa plénitude de compétence, de même qu’en vertu de l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales, a le pouvoir de déclarer que des personnes sont des plaideurs quérulents et d’accorder une réparation en conséquence.

 

[22]           Dans ses motifs dans la décision Société canadienne des postes c Varma (2000), 192 FTR 278, [2000] ACF no 851, aux paragraphes 20 et 21, la juge Dawson (qui est ensuite devenue juge à la Cour d’appel fédérale) a décrit la réparation prévue au paragraphe 40(1) de la Loi sur les Cours fédérales comme étant une réparation extraordinaire, mais nécessaire :

 

[20]     La jurisprudence ne décrit pas en détail l’objectif que vise le paragraphe 40(1) de la Loi. Cependant, dans Mishra c. Ottawa (City), [1997] O.J. No 4352, le juge Sedgwick de la Cour de justice de l’Ontario (Division générale) a examiné l’objectif de la disposition équivalente de la Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990, ch. C.43, de l’Ontario, et dit, au paragraphe 52 de ses motifs :

 

[TRADUCTION] Notre cour ne rendra pas à la légère une ordonnance limitant d’une quelconque façon le libre accès de toute personne aux tribunaux en vue de faire valoir ses droits civils et d’obtenir des réparations. L’accès doit être exercé de façon responsable et d’une manière qui tienne compte des lois et règles de procédure applicables et respecte l’intégrité de l’administration de la justice, notamment la protection, dont bénéficie toute personne, de ne pas au hasard faire l’objet d’instances vexatoires.

 

[21]     Une ordonnance fondée sur le paragraphe 40(1) constitue une réparation extraordinaire. Cependant, une telle réparation est nécessaire dans certains cas pour maintenir le respect du processus judiciaire et protéger d’autres personnes contre des litiges frivoles et inutiles.

 

[23]           Au paragraphe 22, la juge Dawson a adopté les facteurs à examiner énoncés par les tribunaux ontariens, selon lesquels :

 

         il n’y a pas de catégories limitatives de procédures vexatoires;

 

         l’historique de l’instance doit être soigneusement examiné pour déterminer si les agissements d’une partie sont de nature vexatoire; par exemple :

 

o   il n’y avait pas de cause raisonnable d’action;

 

o   le point litigieux a été tranché en justice;

 

o   un appel déjà rejeté est poursuivi;

 

o   les motifs invoqués et les questions soulevées tendent à être repris dans des actions subséquentes.

 

[24]           Au paragraphe 23, la juge Dawson a écrit ce qui suit : le comportement d’une personne peut être pertinent; des allégations frivoles et non fondées de conduite inconvenante ont-elles été formulées contre les avocats qui avaient représenté le défendeur et contre ceux de la partie adverse? les actes de procédures de la personne sont‑ils remplis d’allégations extrémistes et non fondées?

 

[25]           Dans R c Mennes, 2004 CF 1731, feu la juge Layden‑Stevenson (qui était alors encore juge à la Cour fédérale) a renvoyé à la décision du juge Henry de la Haute Cour de justice de l’Ontario dans Lang Michener Lash Johnson c Fabian, et al (1987), 37 DLR (4th) 685, qui énumérait plusieurs facteurs que la Cour devait prendre en compte. Voici ce qu’elle a écrit aux paragraphes 76 à 78 :

 

76        Une ordonnance en vertu du paragraphe 40(1) est une réparation extraordinaire. Toutefois, dans les dossiers opportuns, la réparation s’impose pour maintenir le respect du processus judiciaire et pour protéger d’autres personnes contre les litiges frivoles et inutiles : Olympia Interiors, précité. Puisque la disposition de la Loi est semblable à la disposition correspondante de la loi ontarienne, les jugements rendus par les tribunaux ontariens peuvent nous guider : Vojic c. Canada (Ministre du Revenu national), [1992] AC.F. no 902 (1re inst.).

 

77        Dans l’affaire Re Lang Michener et al. and Fabian et al. (1987), 37 D.L.R. (4th) 685, le juge Henry a examiné la jurisprudence ontarienne et il en a extrait les principes suivants concernant les instances vexatoires :

 

[traduction]

a) constitue une procédure vexatoire le fait d’intenter une ou plusieurs actions pour décider d’une question qui a déjà été tranchée par un tribunal compétent;

b) l’action est vexatoire s’il est évident qu’une action ne peut aboutir, ou bien si celle-ci ne peut absolument rien donner de bon, ou bien si aucune personne raisonnable ne peut raisonnablement s’attendre à obtenir un moyen de redressement;

c) l’action est vexatoire notamment si elle a un but inopportun, notamment le harcèlement et l’oppression d’autres parties par une multitude d’instances qui n’ont pas pour objet de revendiquer des droits légitimes;

d) les instances vexatoires présentent cette caractéristique générale que les motifs invoqués et questions soulevées tendent à être repris dans d’autres actions subséquentes, où ils sont répétés et apprêtés de rajouts, souvent de pair avec des poursuites contre les avocats qui ont représenté la partie ou la partie adverse par le passé;

e) en décidant si une instance est vexatoire, la Cour doit tenir compte de tout l’historique de l’affaire et non seulement de savoir si, à l’origine, il s’agissait d’une bonne cause d’action;

f) le fait que la personne qui institue la procédure ne paie pas les dépens lorsqu’elle n’a pas gain de cause est un des facteurs dont il faut tenir compte pour décider si l’instance est vexatoire;

g) la conduite du défendeur qui persiste à interjeter appel de décisions judiciaires tout en n’ayant jamais gain de cause peut constituer une conduite vexatoire.

 

78        Les catégories d’instances vexatoires ne sont pas délimitées : Vojic, précité. Outre les circonstances établies dans Re Lang Michener, précité, les instances suivantes ont été jugées vexatoires :

 

- la Cour n’a pas compétence pour accorder la réparation demandée : Foy, précité;

- l’instance a pour but de retarder d’autres instances : Mascan Corp. précité;

- la partie au litige a institué une action, mais elle n’a pas poursuivi un grand nombre d’instances avec diligence : Yorke c. Canada (1995), 102 F.T.R. 189 (1re inst.);

- les plaidoiries contiennent un grand nombre d’allégations outrancières ou exagérées qui ne sont pas fondées : ibid.;

- la partie a fait preuve de mépris à l’égard de la Cour : Vojic, précité;

- la partie a distribué des documents judiciaires à des individus qui n’avaient rien à voir avec l’affaire, et ce pour des motifs étrangers au litige : Société canadienne des postes c. Varma, (2000), 192 F.T.R. 278 (C.F. 1re inst.);

- la partie a eu recours à des tactiques abusives pendant le litige : Nelson c. Canada, 2002 CFPI 77, confirmé (2003), 301 N.R. 359 (C.A.F.), autorisation d’interjeter appel rejetée, [2003] C.S.C.R. no 139.

 

 

[26]           Fait important, elle a écrit au paragraphe 79 que l’affaire doit être examinée de façon objective plutôt que subjective. J’examinerai l’affaire de façon objective.

 

[27]           Cependant, je m’arrête pour dire que j’ai cherché de la documentation qui pourrait m’aider à examiner, subjectivement, la motivation d’une personne qui peut être considérée comme un plaideur quérulent. Il en existe peu. J’ai toutefois trouvé un article, daté du 10 juin 2007, du docteur Mark I. Levy, publié sur le site Web de la Forensic Psychiatric Associates Medical Corporation : « Vexatious Litigants – Litigants Who Won’t Accept “No” (or “Yes”) for an Answer » [les plaideurs quérulents – les plaideurs qui n’acceptent pas de se faire dire « non » (ou « oui »)]. L’auteur décrit trois comportements caractéristiques qui se retrouvent communément chez les plaideurs quérulents :

 

[traduction]

1.         Changer d’avocat à plus d’une reprise, accompagné d’au moins une occasion au cours de laquelle il se représente lui‑même en cour, en personne. Il n’est pas étonnant qu’un avocat compétent trouve un moyen de se retirer de l’affaire, de façon éthique, après une période de difficultés à contrôler le client. Tôt ou tard, habituellement après un délai au cours duquel il semble « correct », ce plaideur trouve un avocat qui s’identifie plus ou moins à son client, vraisemblablement pour des raisons liées à son état psychologique personnel. Il ressort d’une telle situation une dyade avocat‑client investie d’une mission. Le client est hors de contrôle et même son avocat ne reconnaît pas une telle absence de contrôle. Aucun règlement ne peut donc être conclu.

 

2.         Éléments démontrant des traits de personnalité narcissique et paranoïaque, obtenus à la suite d’un examen psychiatrique et de tests psychologiques. En règle générale, ces traits se manifestent en paroles ou par le comportement (par exemple, par l’apparence physique) indiquant que la personne se considère comme une exception, c’est-à-dire que les règles habituelles de conduite dans le cadre d’un processus judiciaire que tous les plaideurs devraient normalement respecter ne s’appliquent pas à elle parce qu’elle serait spéciale, car elle a été maltraitée, humiliée ou autrement lésée par ses prétendus agresseurs – dont peuvent faire partie les juges–, et ce, de façon indue. Par conséquent, le plaideur quérulent aurait le droit de bénéficier d’un statut exceptionnel et d’accommodements de la Cour. Même si la source initiale des mauvais traitements allégués est le défendeur dans une action civile, il n’est pas rare que la Cour elle-même soit attirée dans cette « danse » et le plaideur la vit d’un point de vue paranoïaque, la Cour devenant aussi un agresseur. Cette mise en cause de la Cour découle invariablement du fait qu’elle tente d’imposer un minimum de décorum au comportement du plaideur en invoquant les exigences procédurales habituelles. Par suite de cette transformation – dans l’esprit du plaideur – de la Cour d’arbitre à oppresseur, les réponses de la Cour peuvent éventuellement être perçues comme étant une source plus grande de persécution et d’humiliation que ne l’était la conduite initiale qu’aurait eue le défendeur.

 

3.         Le refus de régler des litiges en utilisant les voies procédurales coutumières de la négociation et même le processus judiciaire habituel. Une telle personne désire que sa prétendue souffrance, humiliation et victimisation soient étalées au grand jour du processus judiciaire. Selon le fantasme qu’une telle personne entretient, d’« autres personnes » (les jurés, au départ la Cour elle-même) compatiront à sa souffrance et défendront en quelque sorte ses droits et offriront une forme de rédemption. Tout cela n’est qu’illusion. Par conséquent, non seulement refuse‑t‑elle typiquement d’accepter une décision judiciaire défavorable, mais elle rejettera une décision qui la favorise, si elle croit que l’acceptation d’une telle décision mettra fin au litige et à la possibilité d’obtenir la reconnaissance imaginée de ses droits. Bien que cela puisse sembler absurde à première vue, il s’agit d’un résultat direct de la motivation particulière du plaideur d’aller devant les tribunaux avant tout, c’est-à-dire faire reconnaître la victimisation alléguée dont il est l’objet et non résoudre le conflit. Évidemment, une telle motivation entraîne une quête sans fin parce qu’aucun degré de reconnaissance de la souffrance ne peut s’approcher de l’amour inconditionnel qu’il recherche et donc « guérir » le narcissisme blessé et l’estime de soi endommagée d’une telle personne. Si elle en a l’autorisation, elle tentera de porter en appel au niveau le plus élevé les décisions de première instance.

 

[28]           J’entreprendrai toutefois une analyse objective des circonstances de l’espèce.

 

LES FAITS

[29]           La demanderesse a déposé l’affidavit d’un parajuriste qui travaille dans les bureaux de ses avocats, Justin Loveland, auquel sont joints des documents tirés de plusieurs instances devant la Cour, la Cour d’appel fédérale, les cours de l’Ontario et la Cour suprême du Canada auxquelles M. Coote était partie. L’auteur de l’affidavit n’a pas été contre‑interrogé.

 

[30]           De plus, la Cour est au courant de procédures dans le présent dossier T-312-13 et des appels en découlant interjetés par M. Coote à la Cour d’appel fédérale. Comme la Cour l’a déclaré dans la décision Varma, précitée, au paragraphe 10, une Cour a le droit de tenir compte de ses propres dossiers et des instances dont ils font état.

 

[31]           Je résume ci‑après bon nombre des mesures prises par le défendeur Coote dans la présente instance et dans d’autres instances :

Le 10 février 2011, la Cour supérieure de l’Ontario a déclaré M. Coote plaideur quérulent en vertu du paragraphe 140(3) de la Loi sur les tribunaux judiciaires. La Cour d’appel de l’Ontario a confirmé cette décision dans 2011 ONCA 562.

M. Coote a déposé ce qu’il appelle un appel « de plein droit » auprès de la Cour suprême du Canada. Le greffe de cette cour a indiqué dans une lettre à M. Coote que cette façon de faire n’était pas appropriée et que l’affaire serait traitée comme une demande d’autorisation de pourvoi.

 

Le 14 mars 2012, M. Coote a déposé devant la Cour fédérale une requête pour directives concernant la décision du greffe de la Cour suprême. Le juge Campbell de la Cour a rejeté la requête pour défaut de compétence en raison de l’absence d’un acte introductif d’instance relevant de la compétence de la Cour fédérale.

 

M. Coote a tenté de déposer un avis de requête sollicitant la modification ou l’annulation de la directive du juge Campbell.

 

Le 16 mai 2012, le juge Mosley a ordonné que l’avis de requête ne soit pas accepté pour dépôt. Il a également ordonné au greffe d’obtenir des directives d’un juge de la Cour à l’égard de tout autre dépôt effectué par M. Coote.

 

Le 5 juin 2012, M. Coote a intenté une action en Cour fédérale contre les membres du personnel de la Cour suprême du Canada et LawPRO (T‑1083‑12). Dans la déclaration, il sollicitait des dommages‑intérêts de 456 850 000 $. Parmi les allégations, mentionnons l’iniquité procédurale, l’abus de procédure, des retards indus, l’influence indue, la malhonnêteté, la supercherie et la fraude.

 

M. Coote a déposé une autre déclaration devant la Cour fédérale le 25 juin 2012. Les défendeurs désignés dans celle-ci étaient le cabinet d’avocats et les membres de celui‑ci représentant son fils (que LawPRO défend) et les membres de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR). Cette déclaration découle d’une instance concernant son fils Twain A. Coote qui fait l’objet d’une procédure d’expulsion. M. Coote, qui n’est pas avocat, prétendait représenter M. Coote fils.

 

Le 26 juillet 2012, les défendeurs LawPRO ont déposé une requête en radiation de la deuxième déclaration pour défaut de compétence de la Cour. Le 2 août 2012, M. Coote a signifié une réponse à la requête en radiation. Sa réponse est difficile à comprendre. Il semble solliciter la « radiation » de l’avocat représentant LawPRO, pour « faire remédier à des défauts » et obtenir « l’autorisation de modifier tout oubli de la part des membres du personnel de la Cour fédérale ou de parfaire le droit à plaider qu’exigent les défendeurs ».

 

Le 7 août 2012, les défendeurs CISR ont signifié leur requête en radiation de la deuxième déclaration de M. Coote présentée contre eux.

 

Le 14 août 2012, M. Coote a présenté une requête pour faire constater que les défendeurs LawPRO étaient en défaut. Le 15 août, il a signifié un autre dossier de requête pour faire constater que les défendeurs CISR étaient en défaut. Le 24 août, les défendeurs LawPRO ont répondu à la requête en jugement par défaut.

 

Le 21 août 2012, la juge Gagné a radié la déclaration et adjugé des dépens de 500 $ aux défendeurs. Ces dépens ont été payés.

 

Le 30 août 2012, M. Coote a signifié sa réplique au dossier de réponse des défendeurs LawPRO.

 

M. Coote a présenté une requête en réexamen des ordonnances de la juge Gagné et en jugement par défaut.

 

Le 6 septembre 2012, LawPRO a répondu à la requête en réexamen. Le 11 septembre 2012, M. Coote a signifié une réplique au dossier de réponse de LawPRO. La juge Gagné a rejeté la requête en réexamen le 30 octobre 2012.

 

Le 20 septembre 2012, le juge Hughes a radié la deuxième déclaration et adjugé les dépens aux défendeurs LawPRO et CISR. Les requêtes en jugement par défaut de M. Coote ont également été rejetées.

 

Le 25 septembre 2012, M. Coote a interjeté deux appels contre les ordonnances du juge Hughes et le rejet de la requête en jugement par défaut.

 

Le 14 octobre 2012, M. Coote a transmis une lettre au greffe de la Cour d’appel fédérale. Il sollicitait des directives concernant des « irrégularités, le non-respect des Règles de la Cour fédérale et un préjudice ».

 

Le 30 octobre 2012, la juge Dawson de la Cour d’appel fédérale a déclaré dans une directive que la Cour ne répondrait pas à cette question.

 

Le 31 octobre, M. Coote a présenté une requête visant à faire déterminer le contenu des dossiers d’appel.

 

Le 1er novembre 2012, M. Coote a présenté une requête en modification et en annulation de la directive de la juge Dawson.

 

Le 30 novembre 2012, la juge Trudel a rendu une ordonnance concernant la requête de M. Coote sollicitant la modification ou l’annulation de la directive de la juge Dawson. La juge Trudel a rejeté la requête.

 

Le 11 décembre 2012, la juge Gauthier de la Cour d’appel a prononcé une ordonnance à l’égard de la requête de M. Coote en détermination du contenu du dossier d’appel.

 

Le 26 février 2013, le protonotaire Aalto a rendu une ordonnance rejetant la requête en annulation de M. Coote.

 

Le 27 février 2013, le juge Stratas de la Cour d’appel fédérale a ordonné le regroupement des nombreux appels de M. Coote.

 

Le 13 mars 2013, la juge Heneghan a fourni par écrit une directive concernant l’objection de M. Coote relativement au dépôt d’une déclaration modifiée de LawPRO. Elle a rejeté l’objection puisque celle-ci n’était pas fondée.

 

Le 18 mars 2013, le juge Manson a rendu une ordonnance relativement à la requête de M. Coote en modification ou en annulation de l’ordonnance du protonotaire Aalto.

 

Le 27 mars 2013, M. Coote a déposé un avis d’appel contre la décision du juge Manson.

 

Le 11 avril 2013, le juge Boivin a rendu une ordonnance concernant la date, l’heure et l’endroit de l’audience de la présente requête.

 

Le 24 avril 2013, le juge Nadon de la Cour d’appel fédérale a rejeté la requête de M. Coote par laquelle il sollicitait des éclaircissements relativement à l’ordonnance du juge Stratas et la radiation des avocats et de leurs documents.

 

Le 29 avril 2013, le juge Stratas a donné des directives concernant le regroupement de nombreuses procédures découlant des ordonnances interlocutoires des juges Boivin et Manson.

 

Le 3 mai 2013, M. Coote a déposé un avis d’appel contre la décision du juge Boivin.

 

Le 27 mai 2013, la Cour fédérale a donné comme directive que toute objection de la part de M. Coote concernant l’insuffisance de l’avis d’audience et l’insuffisance de la durée de l’audience soit déposée sous forme de requête.

 

Le 30 mai 2013, le juge Stratas a ordonné le regroupement de divers appels et a suspendu le dépôt de requêtes supplémentaires à moins que les motifs n’en soient clairement énoncés.

 

Le 5 juin 2013, la Cour a ordonné que les requêtes de M. Coote soient entendues le 10 juin 2013, y compris la requête visant l’annulation ou la modification des ordonnances des juges Manson et Boivin.

 

Outre ce qui précède, M. Coote a envoyé aux parties et à la Cour de nombreux courriels et lettres, y compris des projets d’actes de procédure et de dossiers de requête.

 

[32]           Pour illustrer le ton de certains éléments de correspondance déposés par M. Coote auprès de la Cour, je présente le texte qui suit tiré des pages 16 et 17 du dossier déposé par M. Coote en réponse à la présente requête. Il s’agit d’un extrait d’une lettre écrite par M. Coote aux avocats de la demanderesse, datée du 12 février 1013 (sic) :

 

[traduction] Je solliciterai votre radiation définitive du dossier pour utilisation abusive de la procédure judiciaire, ce que le greffe n’a jamais autorisé auparavant, a contrecarré à maintes reprises, comme le démontrent les pages 194 à 196 et 255 à 258. Je contesterai les trois articles ci-dessus parce qu’ils sont discriminatoires, ont été appliqués de façon déraisonnable et méprisable, malicieuse et vexatoire, alors que des allégations sont formulées à l’encontre de juges, de lawpro, de membres du personnel du greffe, de la Couronne, de représentants du Conseil canadien de la magistrature et des juge du Conseil; ces allégations sont accompagnées des mêmes allégations formulées contre des juges des cours provinciales et présentées au Conseil canadien de la magistrature dans mon cas et en Cour fédérale dans les cas cités, lesquelles cours sont chargées d’entendre des requêtes fondées sur l’article 40 ou l’article 140 correspondant, constituant nettement un conflit d’intérêts, de même qu’une application inéquitable suivant les articles applicables de la Charte. J’ai aussi l’intention de contester la constitutionnalité de ces trois articles en faisant signifier la contestation aux procureurs généraux de toutes les provinces. Je déposerai d’autres requêtes en vertu des Règles des Cours fédérales relativement aux nombreuses questions qui sont toutes contestées en raison d’inexactitudes, de suppositions erronées, de questions reportées, reprises et remises en cause soulignées à la page 229 de votre dossier actuellement devant la Cour d’appel fédérale, justifiant l’ajournement et la requête en suspension à venir. Compte tenu du fait qu’une requête sollicitant des directives peut être nécessaire, celle-ci est également un facteur militant en faveur d’un ajournement.

 

Finalement, je déposerai une requête incidente en vertu de l’article 40 en vue d’obtenir une ordonnance déclarant plaideurs quérulents les défendeurs de la CSC, lawpro et tous ses défendeurs, la Couronne fédérale et ses défendeurs, la Couronne provinciale et tous ses défendeurs, m’appuyant sur votre propre dossier décrivant la conduite ingérable de toutes les personnes visées. Si l’ordonnance de déclaration de plaideur quérulent s’applique à tous les plaideurs, elle doit également s’appliquer aux défendeurs de la Cour suprême, à la Couronne provinciale et à ses défendeurs, ainsi qu’à la Couronne fédérale et à ses défendeurs.

 

Comme je l’ai déclaré, mes intentions sont très fermes et sans équivoque et ma détermination sera appuyée par l’avis de comparution à venir.

 

 

LES COURS DE L’ONTARIO

[33]           Je sais que M. Coote a été déclaré plaideur quérulent dans une décision de la juge van Rensburg de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, Ontario c Coote, 2011 ONSC 858, une décision que la Cour d’appel de l’Ontario a confirmée (2011 ONCA 562). La juge van Rensburg a écrit ce qui suit aux paragraphes 86 à 91 de sa décision :

 

[traduction]

86        L’application de l’article 140 met l’accent sur la conduite du plaideur, sur la façon dont il a fait valoir ses droits devant les tribunaux et sur la question de savoir si, et le cas échéant dans quelle mesure, sa conduite constituait une utilisation abusive de nos tribunaux. En l’espèce, le défendeur a manifesté toutes les caractéristiques identifiées par le juge Henry en ce qui a trait à un plaideur quérulent. Il a rouvert des questions de procédure et de fond dont les décisions avaient déjà été rendues et lui étaient défavorables. Dans des actions ultérieures, il a repris des motifs invoqués et des questions soulevées dans une instance et a formulé des allégations à l’encontre d’avocats qui ont agi pour lui ou contre lui dans des instances antérieures. Il n’a payé aucuns des dépens auxquels il a été condamné. Il a de façon persistante interjeté appel des décisions judiciaires et ces appels ont tous étés rejetés.

 

87        Il ressort de façon évidente des documents qu’il a déposés dans les différentes instances que M. Coote utilise les tribunaux et les différentes procédures comme une plate-forme à partir de laquelle il peut faire valoir ses divers griefs sans cesse grandissants contre notre système de justice et les gens qui en font partie, notamment les juges, les avocats et les membres du personnel judiciaire.

 

88        De nombreux juges ont rédigé des motifs détaillés de leurs décisions, expliquant à M. Coote les raisons pour lesquelles certaines demandes qu’il a persisté à faire valoir ne pouvaient être accueillies. Plutôt que d’accepter ces indications et de présenter sa demande au fond, M. Coote a répondu par des allégations d’inconduite. En réponse aux décisions défavorables, M. Coote a formulé des allégations de complots, de conflits d’intérêts, d’incompétence, de fraude et autres irrégularités de la part des juges, des membres du personnel judiciaire et des avocats.

 

89        Les mesures que M. Coote a prises devant les tribunaux ne sont que la pointe de l’iceberg. Ceux que M. Coote a désignés comme défendeurs ont retenu les services d’avocats pour répondre aux procédures engagées contre eux. Les avocats ont tenté de raisonner M. Coote et ils ont finalement rédigé des requêtes pour tenter de départager les demandes non justiciables des demandes qui pourraient avoir une chance d’être accueillies devant les tribunaux. Ces mêmes avocats ont dû répondre aux très nombreux courriels et autres communications de M. Coote.

 

90        M. Coote a engagé des procédures et pris des mesures dans le cadre des procédures à d’autres fins que de faire valoir des droits légitimes, harcelant et opprimant en conséquence les autres parties et leurs avocats.

 

91        Je suis convaincue que M. Coote est un plaideur quérulent et qu’une ordonnance en vertu de l’article 140 de la Loi sur les tribunaux judiciaires est nécessaire afin d’empêcher qu’il continue d’utiliser de façon abusive nos tribunaux par l’introduction et la poursuite d’instances vexatoires.

 

 

[34]           La juge van Rensburg a déclaré M. Coote plaideur quérulent et a accordé en conséquence une réparation semblable à celle que sollicite LawPRO en l’espèce. Elle a adjugé des dépens payables à LawPRO. La Cour d’appel de l’Ontario a rejeté l’appel et a adjugé des dépens supplémentaires en faveur de LawPRO. On m’informe que M. Coote doit toujours des dépens de plus de 135 000 $.

 

[35]           M. Coote a tenté d’interjeter un appel [traduction] « de plein droit » à la Cour suprême du Canada. Les membres du personnel du greffe de la Cour suprême du Canada ont écrit à M. Coote pour l’informer qu’il n’existait aucun appel [traduction] « de plein droit » dans la présente affaire et que sa demande serait traitée comme une demande d’autorisation de pourvoi. M. Coote a refusé d’accepter ces conseils et, au bout compte, il a cherché à intenter, en Cour fédérale, une action en dommages‑intérêts importants contre les membres du personnel du greffe.

 

La requête de M. COOTE EN ANNULATION OU EN MODIFICATION DES ORDONNANCES DES JUGES MANSON ET BOIVIN

 

[36]           M. Coote a présenté une requête, qui a été entendue en même temps que la requête de LawPRO, en annulation ou modification de l’ordonnance du juge Manson, datée du 18 mars 2013, et de l’ordonnance du juge Boivin, datée du 11 avril 2013, prononcées dans le cadre de la présente instance. Dans son ordonnance, le juge Manson a rejeté un appel de l’ordonnance du protonotaire Aalto qui avait refusé d’annuler la présente instance. L’ordonnance du juge Boivin a regroupé la requête de M. Coote concernant des contestations fondées sur la Charte et autres réparations et la requête de LawPRO visant à faire déclarer M. Coote plaideur quérulent, et a fixé au 10 juin 2013 la date d’audience des deux requêtes.

 

[37]           Je rejetterai la requête pour plusieurs motifs :

 

(1)               En l’absence d’un consentement ou de circonstances inhabituelles, seul le juge de la Cour qui a prononcé une ordonnance peut la modifier, et ce, uniquement dans des circonstances limitées, comme dans le cas d’une erreur administrative ou d’une question qui a été omise. Aucun autre juge de la Cour ne peut le faire.

 

(2)               Les deux ordonnances font l’objet d’un appel.

 

(3)               En ce qui a trait à l’ordonnance du juge Boivin, la question est maintenant théorique; j’ai entendu les deux requêtes le 10 juin 2013.

 

[38]           Je rejetterai la requête avec dépens, incluant les débours et les taxes, fixés à une somme symbolique de 250 $, puisque cette requête était essentiellement liée à la requête de LawPRO.

 

La requête de M. COOTE, fondéE sur la charte, cherchant à faire déclarer LAWPRO PLAIDEUR QUÉRULENT ET à OBTENIR D’AUTREs RÉPARATIONs

 

[39]           Comme l’a ordonné le juge Boivin, j’ai entendu cette requête en même temps que j’ai entendu la requête de LawPro visant à faire déclarer M. Coote plaideur quérulent.

 

[40]           Je rejette la requête. Premièrement, la preuve dont je dispose, qui consiste en bonne partie des instances inscrites en Cour suprême du Canada, intéressant la Reine du chef de l’Ontario, M. Coote et LawPRO, ne démontre tout simplement pas que LawPRO a agi de façon vexatoire. En fait, la preuve appuie une conclusion selon laquelle c’est M. Coote qui a agi d’une telle manière. Des instances instituées en Ontario auxquelles LawPRO n’est pas partie et qui ne sont pas pertinentes en ce qui la concerne étaient jointes à l’affidavit de M. Coote. Aucun élément de preuve ne corrobore quelque allégation que ce soit selon laquelle LawPRO est un plaideur quérulent.

 

[41]           En ce qui a trait à la contestation fondée sur la Charte, aucun argument n’a été présenté et aucune preuve n’a été fournie à l’appui d’une contestation de l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales fondée sur les dispositions évoquées de la Charte, soit les paragraphes 15(1) et 24(1). Il en va de même quant aux prétendues contestations de M. Coote visant le paragraphe 40(1) et l’alinéa 58(1)a) de la Loi sur la Cour suprême, LRC 1985, c S‑26.

 

[42]           Dans un arrêt daté du 23 août 2011, la Cour d’appel de l’Ontario a rejeté la contestation constitutionnelle de M. Coote visant l’article 140 de la Loi sur les tribunaux judiciaires de l’Ontario. Par conséquent, même si la Cour fédérale était compétente à l’égard de la constitutionnalité de cette Loi, ce qu’elle n’est pas, l’affaire est chose jugée.

 

[43]           Je rejetterai la requête avec dépens, incluant les débours et les taxes, fixés à une somme symbolique de 250 $, puisque cette requête était essentiellement liée à la requête de LawPRO.

 

 

                                                                                                            « Roger T. Hughes »

Juge

 

 


Toronto (Ontario)

Le 13 juin 2013

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


cour fédérale

 

Avocats inscrits au dossier

 

 

Dossier :                                        T-312-13

 

Intitulé :                                      LAWYERS’ PROFESSIONAL INDEMNITY COMPANY c ANTHONY COOTE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 10 juin 2013

 

Motifs des ordonnances :            le juge HUGHES

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 13 juin 2013

 

 

 

Comparutions :

 

Faren H. Bogach

 

Pour la demanderesse

 

Anthony Coote

Pour le défendeur

(se représentant lui-même)

 

 

Avocats inscrits au dossier :

 

WeirFoulds LLP

Avocats 

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

s/o

Pour le défendeur

(se représentant lui-même)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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