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Date : 20130618

Dossier : IMM-6512-12

Référence : 2013 CF 680

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 juin 2013

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

MOHAMMAD DEHGHAN

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), en vue d’obtenir le contrôle judiciaire de la décision datée du 9 mars 2012 (la décision) par laquelle une agente des visas (l’agente) de la section des visas de l’Ambassade du Canada à Varsovie, en Pologne, a refusé la demande de résidence permanente au Canada présentée par le demandeur en tant que membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral).

 

CONTEXTE

[2]               Âgé de 42 ans, le demandeur est un citoyen iranien. Il a demandé la résidence permanente au Canada dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) en décembre 2009. Il s’est autoévalué et s’est attribué 70 points d’après la grille de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) et, dans sa lettre d’accompagnement, il avait réclamé la substitution de l’appréciation de l’agente à la grille pour le cas où il ne recueillerait pas le nombre de points requis.

 

[3]               Le demandeur a obtenu un doctorat en médecine de l’Université des sciences médicales Shahid Beheshti en 1997 au terme de huit années d’études. Il a joint à sa demande une lettre du Département de l’éducation du ministère de la Santé et de l’Éducation médicale de l’Iran attestant que ce diplôme était considéré comme une maîtrise en Iran (dossier du demandeur, pages 126 et 127).

 

[4]               Après avoir terminé son doctorat, le demandeur a obtenu une spécialisation en dermatologie de l’Université des sciences médicales Shahid Beheshti. Il s’agit d’un programme de quatre ans que le demandeur a terminé en 2001. Au total, le demandeur a étudié pendant 24 ans.

 

[5]               L’épouse du demandeur a également obtenu un doctorat en médecine et a poursuivi ses études avec une spécialisation de quatre ans en cardiologie. Elle a étudié en tout pendant 23 ans.

 

[6]               Par lettre datée du 9 mars 2012, l’Ambassade du Canada à Varsovie a informé le demandeur qu’il n’avait pas recueilli le nombre de points minimal requis pour pouvoir obtenir un visa de résident permanent. L’agente a attribué au demandeur 66 points, alors que le nombre minimum requis est de 67 points. Le point manquant était attribuable au fait que l’agente considérait que les doctorats obtenus en Iran par le demandeur et son épouse n’étaient pas des diplômes d’études supérieures.

 

[7]               Le représentant du demandeur a écrit le 23 avril 2012 à l’agente pour demander un réexamen de sa décision et pour lui fournir des explications au sujet du système d’enseignement iranien. L’agente a répondu le 5 juin 2012 en expliquant que sa décision était définitive et qu’elle ne reviendrait pas sur sa décision.

 

DÉCISION À L’EXAMEN

[8]               La décision rendue en l’espèce est constituée de la lettre du 9 mars 2012 (la lettre de refus) et des notes de l’agente qui ont été versées au Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI).

 

[9]               L’agente a déclaré que le demandeur n’avait obtenu qu’un seul diplôme qui lui permettait d’exercer la médecine et que rien ne permettait de penser qu’il avait obtenu d’autres diplômes avant celui‑ci ou encore que ce diplôme a été décerné par une faculté d’études supérieures. En ce qui concerne sa spécialisation en dermatologie, l’agente a déclaré que rien ne permettait de penser que le diplôme qu’il avait obtenu lui avait été délivré par une faculté d’études supérieures. En tirant cette conclusion, l’agente a cité le guide opérationnel OP 6a, dont voici un extrait :

Un diplôme de médecine correspond généralement à un diplôme universitaire de premier cycle, au même titre qu’un baccalauréat en droit ou qu’un baccalauréat en pharmacie, même s’il s’agit d’un diplôme « professionnel », et devraient donner 20 points. S’il s’agit d’un diplôme de deuxième cycle et s’il est délivré par une faculté des Études supérieures, par exemple, 25 points pourraient être accordés. Si le baccalauréat est un préalable, mais que le diplôme en soi est considéré comme un diplôme de premier cycle, 22 points seront accordés.

 

 

[10]           Étant donné que l’agente avait considéré que le demandeur n’avait obtenu qu’un seul diplôme suivi d’un certificat de spécialiste, le demandeur s’est vu attribuer 22 points pour avoir obtenu au moins deux diplômes universitaires de premier cycle et pour avoir accumulé un total d’au moins quinze années d’études à temps plein complètes. L’épouse du demandeur s’est vu attribuer quatre points pour le même niveau d’études. Le demandeur a ainsi obtenu en tout 66 points, ce qui était insuffisant pour lui permettre d’obtenir le minimum de 67 points requis. Le demandeur ne satisfaisait donc pas aux exigences pour l’obtention de la résidence permanente prévues pour la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral).

 

QUESTIONS EN LITIGE

[11]           Le demandeur soulève les questions suivantes dans la présente demande :

a.                   L’agente a‑t‑elle tiré une conclusion déraisonnable en attribuant 22 points au demandeur pour ses études malgré les éléments de preuve indiquant qu’il avait obtenu une spécialisation en dermatologie?

b.                  L’agente a‑t‑elle commis une erreur en n’exerçant pas son pouvoir discrétionnaire de manière à approuver la demande présentée par le demandeur dans la catégorie des travailleurs qualifiés compte tenu des circonstances uniques de l’espèce?

 

NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE

[12]           Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada explique qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse de la norme de contrôle. En fait, lorsque la norme de contrôle applicable à la question qui lui est soumise est bien arrêtée par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme. C’est seulement lorsque cette recherche est infructueuse que la cour de révision entreprend l’examen des quatre facteurs formant l’analyse relative à la norme de contrôle.

 

[13]           La première question porte sur l’évaluation des points attribués au demandeur par l’agente dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). Il s’agit d’une évaluation factuelle et, selon la jurisprudence, cette évaluation est assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable (Zhong c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 980, au paragraphe 11; Malik c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 128, au paragraphe 22).

 

[14]           La seconde question porte sur la façon dont l’agente a exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a examiné la demande du demandeur. La norme applicable est également celle de la décision raisonnable (Kniazeva c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 268; Ali c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1247; Hamza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 264). Toutefois, la norme de contrôle qui s’applique à l’étude, par l’agente, de la demande de substitution de l’appréciation formulée par le demandeur est celle de la décision correcte (Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1314, au paragraphe 23).

 

[15]           Lorsqu’une décision est contrôlée selon la norme de la décision raisonnable, l’analyse a trait « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59). Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision est déraisonnable, en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

[16]           Dans ses arguments, le demandeur affirme que la décision de l’agente n’est pas suffisamment motivée. Il soutient qu’il s’agit d’une question d’équité procédurale. Toutefois, dans l’arrêt  Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 [Newfoundland Nurses], la Cour suprême du Canada a jugé que l’insuffisance des motifs ne permet pas à elle seule de casser une décision. Les motifs doivent plutôt « être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles ». La question de savoir la décision est suffisamment motivée sera donc analysée en même temps que celle de savoir si la décision est raisonnable dans son ensemble.

[17]           À titre subsidiaire, le demandeur soulève au sujet de la première question en litige un argument qui porte sur la possibilité de répondre adéquatement aux réserves exprimées par l’agente. Il s’agit d’une question d’équité procédurale (Kuhathasan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 457, au paragraphe 18) et, ainsi que la Cour suprême l’a déclaré dans l’arrêt Syndicat canadien de la fonction publique c Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 RCS 539, au paragraphe 100, « [i]l appartient aux tribunaux judiciaires et non au ministre de donner une réponse juridique aux questions d’équité procédurale ». Ces questions sont par conséquent assujetties à la norme de contrôle de la décision correcte.

 

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

 

 

[18]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent à la présente instance :

 

Visa et documents

 

 

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

 

 

[…]

 

*        (1) Le présent article s’applique aux demandes de visa et autres documents visées au paragraphe 11(1) — sauf à celle faite par la personne visée au paragraphe 99(2) —, aux demandes de parrainage faites par une personne visée au paragraphe 13(1), aux demandes de statut de résident permanent visées au paragraphe 21(1) ou de résident temporaire visées au paragraphe 22(1) faites par un étranger se trouvant au Canada, aux demandes de permis de travail ou d’études ainsi qu’aux demandes prévues au paragraphe 25(1) faites par un étranger se trouvant hors du Canada.

 

(2) Le traitement des demandes se fait de la manière qui, selon le ministre, est la plus susceptible d’aider l’atteinte des objectifs fixés pour l’immigration par le gouvernement fédéral.

 

 

(3) Pour l’application du paragraphe (2), le ministre peut donner des instructions sur le traitement des demandes, notamment des instructions :

 

a) prévoyant les groupes de demandes à l’égard desquels s’appliquent les instructions;

 

a.1) prévoyant des conditions, notamment par groupe, à remplir en vue du traitement des demandes ou lors de celui‑ci;

 

b) prévoyant l’ordre de traitement des demandes, notamment par groupe;

 

 

c) précisant le nombre de demandes à traiter par an, notamment par groupe;

 

 

d) régissant la disposition des demandes dont celles faites de nouveau.

 

 

 

(3.1) Les instructions peuvent, lorsqu’elles le prévoient, s’appliquer à l’égard des demandes pendantes faites avant la date où elles prennent effet.

 

 

(3.2) Il est entendu que les instructions données en vertu de l’alinéa (3)c) peuvent préciser que le nombre de demandes à traiter par an, notamment par groupe, est de zéro.

 

(4) L’agent — ou la personne habilitée à exercer les pouvoirs du ministre prévus à l’article 25 — est tenu de se conformer aux instructions avant et pendant le traitement de la demande; s’il ne procède pas au traitement de la demande, il peut, conformément aux instructions du ministre, la retenir, la retourner ou en disposer.

 

Application before entering Canada

 

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

[…]

 

 (1) This section applies to applications for visas or other documents made under subsection 11(1), other than those made by persons referred to in subsection 99(2), to sponsorship applications made by persons referred to in subsection 13(1), to applications for permanent resident status under subsection 21(1) or temporary resident status under subsection 22(1) made by foreign nationals in Canada, to applications for work or study permits and to requests under subsection 25(1) made by foreign nationals outside Canada.

 

 

 

(2) The processing of applications and requests is to be conducted in a manner that, in the opinion of the Minister, will best support the attainment of the immigration goals established by the Government of Canada.

 

(3) For the purposes of subsection (2), the Minister may give instructions with respect to the processing of applications and requests, including instructions

 

(a) establishing categories of applications or requests to which the instructions apply;

 

(a.1) establishing conditions, by category or otherwise, that must be met before or during the processing of an application or request;

 

(b) establishing an order, by category or otherwise, for the processing of applications or requests;

 

(c) setting the number of applications or requests, by category or otherwise, to be processed in any year; and

 

(d) providing for the disposition of applications and requests, including those made subsequent to the first application or request.

 

(3.1) An instruction may, if it so provides, apply in respect of pending applications or requests that are made before the day on which the instruction takes effect.

 

 

(3.2) For greater certainty, an instruction given under paragraph (3)(c) may provide that the number of applications or requests, by category or otherwise, to be processed in any year be set at zero.

 

(4) Officers and persons authorized to exercise the powers of the Minister under section 25 shall comply with any instructions before processing an application or request or when processing one. If an application or request is not processed, it may be retained, returned or otherwise disposed of in accordance with the instructions of the Minister.

 

 

[19]           Les dispositions suivantes du Règlement s’appliquent à la présente instance :

 

Substitution de l’appréciation de l’agent à la grille

 

76 (3) Si le nombre de points obtenu par un travailleur qualifié — que celui‑ci obtienne ou non le nombre minimum de points visé au paragraphe (2) — n’est pas un indicateur suffisant de l’aptitude de ce travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada, l’agent peut substituer son appréciation aux critères prévus à l’alinéa (1)a).

 

 

 

 

 

[…]

 

Études (25 points)

 

78 (2) Un maximum de 25 points d’appréciation sont attribués pour les études du travailleur qualifié selon la grille suivante :

 

a) 5 points, s’il a obtenu un diplôme d’études secondaires;

 

b) 12 points, s’il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant une année d’études et a accumulé un total d’au moins douze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

 

c) 15 points, si, selon le cas :

 

(i) il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant une année d’études et a accumulé un total de treize années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein,

 

(ii) il a obtenu un diplôme universitaire de premier cycle nécessitant une année d’études et a accumulé un total d’au moins treize années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

 

d) 20 points, si, selon le cas :

 

(i) il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant deux années d’études et a accumulé un total de quatorze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein,

 

(ii) il a obtenu un diplôme universitaire de premier cycle nécessitant deux années d’études et a accumulé un total d’au moins quatorze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

 

e) 22 points, si, selon le cas :

 

(i) il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant trois années d’études et a accumulé un total de quinze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein,

 

(ii) il a obtenu au moins deux diplômes universitaires de premier cycle et a accumulé un total d’au moins quinze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

 

f) 25 points, s’il a obtenu un diplôme universitaire de deuxième ou de troisième cycle et a accumulé un total d’au moins dix-sept années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein.

 

[…]

 

Capacité d’adaptation (10 points)

 

83. (1) Un maximum de 10 points d’appréciation sont attribués au travailleur qualifié au titre de la capacité d’adaptation pour toute combinaison des éléments ci‑après, selon le nombre indiqué :

 

a) pour les diplômes de l’époux ou du conjoint de fait, 3, 4 ou 5 points conformément au paragraphe (2);

 

 

 

 

 

b) pour des études antérieures faites par le travailleur qualifié ou son époux ou conjoint de fait au Canada, 5 points;

 

 

c) pour du travail antérieur effectué par le travailleur qualifié ou son époux ou conjoint de fait au Canada, 5 points;

 

d) pour la présence au Canada de l’une ou l’autre des personnes visées au paragraphe (5), 5 points;

 

e) pour avoir obtenu des points pour un emploi réservé au Canada en vertu du paragraphe 82(2), 5 points.

 

Études de l’époux ou du conjoint de fait

 

 

(2) Pour l’application de l’alinéa (1)a), l’agent évalue les diplômes de l’époux ou du conjoint de fait qui accompagne le travailleur qualifié comme s’il s’agissait du travailleur qualifié et lui attribue des points selon la grille suivante :

 

 

 

a) dans le cas où l’époux ou le conjoint de fait obtiendrait 25 points, 5 points;

 

b) dans le cas où l’époux ou le conjoint de fait obtiendrait 20 ou 22 points, 4 points;

 

 

c) dans le cas où l’époux ou le conjoint de fait obtiendrait 12 ou 15 points, 3 points.   

 

 

Circumstances for officer’s substituted evaluation

 

 

76 (3) Whether or not the skilled worker has been awarded the minimum number of required points referred to in subsection (2), an officer may substitute for the criteria set out in paragraph (1)(a) their evaluation of the likelihood of the ability of the skilled worker to become economically established in Canada if the number of points awarded is not a sufficient indicator of whether the skilled worker may become economically established in Canada.

 

[…]

 

Education (25 points)

 

78 (2) A maximum of 25 points shall be awarded for a skilled worker’s education as follows:

 

 

(a) 5 points for a secondary school educational credential;

 

(b) 12 points for a one-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 12 years of completed full-time or full-time equivalent studies;

 

 

(c) 15 points for

 

(i) a one-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 13 years of completed full-time or full-time equivalent studies, or

 

 

(ii) a one-year university educational credential at the bachelor’s level and a total of at least 13 years of completed full-time or full-time equivalent studies;

 

 

(d) 20 points for

 

(i) a two-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 14 years of completed full-time or full-time equivalent studies, or

 

 

(ii) a two-year university educational credential at the bachelor’s level and a total of at least 14 years of completed full-time or full-time equivalent studies;

 

 

 

(e) 22 points for

 

(i) a three-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 15 years of completed full-time or full-time equivalent studies, or

 

 

(ii) two or more university educational credentials at the bachelor’s level and a total of at least 15 years of completed full-time or full-time equivalent studies; and

 

 

(f) 25 points for a university educational credential at the master’s or doctoral level and a total of at least 17 years of completed full-time or full-time equivalent studies.

 

 

 

[…]

 

Adaptability (10 points)

 

 

83. (1) A maximum of 10 points for adaptability shall be awarded to a skilled worker on the basis of any combination of the following elements:

 

 

 

(a) for the educational credentials of the skilled worker’s accompanying spouse or accompanying common-law partner, 3, 4 or 5 points determined in accordance with subsection (2);

 

(b) for any previous period of study in Canada by the skilled worker or the skilled worker’s spouse or common-law partner, 5 points;

 

(c) for any previous period of work in Canada by the skilled worker or the skilled worker’s spouse or common-law partner, 5 points;

 

(d) for being related to a person living in Canada who is described in subsection (5), 5 points; and

 

(e) for being awarded points for arranged employment in Canada under subsection 82(2), 5 points.

 

Educational credentials of spouse or common-law partner

 

(2) For the purposes of paragraph (1)(a), an officer shall evaluate the educational credentials of a skilled worker’s accompanying spouse or accompanying common-law partner as if the spouse or common-law partner were a skilled worker, and shall award points to the skilled worker as follows:

 

(a) for a spouse or common-law partner who would be awarded 25 points, 5 points;

 

(b) for a spouse or common-law partner who would be awarded 20 or 22 points, 4 points; and

 

(c) for a spouse or common-law partner who would be awarded 12 or 15 points, 3 points.

 

 

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Le demandeur

            Points attribués pour les études

 

[20]           Le demandeur souligne que, si l’agente l’avait évalué en considérant qu’il était titulaire d’une maîtrise ou d’un doctorat, il aurait recueilli le nombre de points exigés pour sa demande. Le succès de sa demande dépend donc de cette question.

[21]           L’agente disposait d’éléments de preuve suivant lesquels en Iran, un doctorat en médecine équivaut à une maîtrise. La spécialisation en médecine du demandeur était également au niveau du doctorat selon ce qui était indiqué dans ses formulaires de demande. Ainsi, contrairement à l’affirmation de l’agente suivant laquelle [traduction] « rien ne permet de penser que le demandeur a obtenu un baccalauréat ou une maîtrise avant ce diplôme ou que celui‑ci lui a été décerné par une faculté d’études supérieures », ces éléments de preuve avaient été portés à la connaissance de l’agente dans la demande soumise par le demandeur. Le demandeur soutient que, vu ces éléments de preuve, la conclusion tirée par l’agente était déraisonnable.

[22]           De plus, le guide OP 6a précise : « Il est important de s’informer de la façon dont l’administration locale responsable des établissements d’enseignement considère les diplômes, c’est-à-dire de premier cycle, de deuxième cycle ou d’études supérieures ».  Rien dans la décision ne permet de penser que l’agente se soit même posé la question de savoir comment un diplôme en médecine était reconnu en Iran. Suivant la jurisprudence, le défaut d’un agent de suivre le guide d’immigration applicable peut constituer une erreur susceptible de contrôle (Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c Martinez-Brito, 2012 CF 438). Dans le cas qui nous occupe, l’agente a tenu compte de certaines parties du guide OP 6a et en a ignoré d’autres; le demandeur affirme qu’en agissant ainsi, elle a commis une erreur.

[23]           Le demandeur a soumis une lettre dans laquelle il est clairement déclaré qu’en Iran, un doctorat en médecine équivaut à une maîtrise. Si l’agente avait considéré les diplômes du demandeur de la même manière que les autorités iraniennes – ce qui est l’approche exigée par le guide OP 6a –, le demandeur aurait recueilli suffisamment de points pour pouvoir être considéré comme un travailleur qualifié. Le demandeur affirme que l’agente a commis une erreur en assimilant son doctorat en médecine et sa spécialisation à des diplômes de premier cycle.

[24]           À titre subsidiaire, le demandeur affirme que l’agente a commis une erreur en ne respectant pas les principes d’équité procédurale en ne lui faisant pas part de ses réserves au sujet de ses diplômes (Rukmangathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 284), d’autant plus que le demandeur avait établi à première vue qu’il était admissible en tant que travailleur qualifié. Si le demandeur avait été informé du fait que l’agente entendait évaluer ses diplômes d’une manière différente de celle dont ils sont évalués en Iran, le demandeur aurait présenté des arguments à cet égard.

Pouvoir discrétionnaire de l’agente

[25]           Le demandeur souligne que l’agente lui a attribué 66 points, et qu’il ne lui manquait donc qu’un seul point pour obtenir les 67 points exigés. Le demandeur avait demandé la substitution de l’appréciation de l’agente à la grille pour le cas où il ne recueillerait pas le nombre de points exigés. Suivant le paragraphe 76(3) du Règlement, l’agente peut substituer son appréciation aux critères prévus au Règlement « [s]i le nombre de points obtenus par un travailleur qualifié […] n’est pas un indicateur suffisant de l’aptitude de ce travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada ».

[26]           Dans le cas qui nous occupe, rien ne permet de penser que l’agente a tenu compte d’autres facteurs que les points d’appréciation. Elle n’a pas tenu compte des aspects uniques de la situation du demandeur tels que le niveau de scolarité élevé du demandeur et de son épouse lorsqu’elle a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire. Cette façon de procéder a été considérée comme une erreur susceptible de contrôle dans d’autres affaires semblables (Choi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 577; Hernandez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1398).

 

[27]           À titre subsidiaire, le demandeur affirme que les motifs fournis par l’agente n’étaient pas suffisants pour justifier son refus d’exercer son pouvoir discrétionnaire en sa faveur. Dans la décision Adu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 565, la Cour déclare ce qui suit, au paragraphe 11 :

L’importance de rendre des décisions « motivées » a été reconnue de nouveau par la Cour suprême trois ans plus tard dans R. c. Sheppard, 2002 CSC 26, où la Cour a indiqué que les parties qui n’ont pas gain de cause devraient savoir exactement pourquoi. Même si Sheppard était une affaire criminelle, le raisonnement que la Cour y a adopté a été appliqué dans le contexte administratif en général et dans le contexte de l’immigration en particulier, dans des affaires comme Harkat (Re), [2005] A.C.F. no 481; Mahy c. Canada, [2004] A.C.F. no 1677; Jiang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 597; Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] A.C.F. no 1415.

 

 

[28]           Dans la présente affaire, l’agente se contente de déclarer : [traduction] « Je suis convaincue que les points attribués reflètent de façon exacte la capacité de l’intéressé de réussir son établissement économique au Canada ». Elle n’offre aucune autre raison et ne précise pas en quoi les caractéristiques uniques du demandeur telles que son choix d’exercer la dermatologie ne suffisent pas pour compenser le petit point manquant. Le demandeur affirme que les motifs de l’agente sont déficients et constituent à ce titre une erreur susceptible de contrôle (Jogiat c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 815).

Le défendeur

            Points attribués pour les études

[29]           Le défendeur souligne que le guide OP 6a précise qu’il convient d’accorder 22 points en vertu du Règlement si le défendeur est titulaire d’au moins deux diplômes universitaires de premier cycle, et ce, même si le diplôme de premier cycle est une condition préalable. Le demandeur affirme que son diplôme médical est un diplôme de premier cycle et que sa spécialisation en dermatologie est un doctorat, ce que ne confirme cependant pas le dossier dont disposait l’agente.

[30]           Le demandeur soutient que l’agente n’a pas cherché à savoir comment un diplôme médical était considéré en Iran, comme le guide OP 6a le lui imposait de faire, mais qu’elle ne disposait d’aucun élément de preuve lui permettant de penser qu’en Iran, un diplôme médical est considéré comme un diplôme de deuxième cycle. La preuve permettait plutôt de penser que le demandeur s’était inscrit en médecine tout de suite après avoir terminé ses études secondaires.

[31]           Qui plus est, la lettre versée au dossier du demandeur dans laquelle le diplôme médical était qualifié de maîtrise n’avait pas été portée à l’attention de l’agente. Par conséquent, on ne peut reprocher à l’agente de ne pas avoir tenu compte de cet élément de preuve et le demandeur ne peut l’invoquer maintenant (Hanif c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 68 [Hanif] aux paragraphes 31 et 32). En ce qui concerne l’affidavit souscrit par Julia Gurr-Lacasse, l’agente signale que la lettre n’atteste pas que le diplôme a été délivré par un établissement d’études supérieures ni n’étayait ses conclusions. Le défendeur affirme que cette lettre ne suffit pas pour démontrer que la conclusion tirée par l’agente au sujet de l’équivalence n’est pas exacte.

[32]           Le défendeur affirme en outre que la décision récente Mahouri c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 244 [Mahouri] ne peut être distinguée de la présente espèce. Dans cette affaire, un ressortissant iranien s’était vu attribuer 22 points pour un diplôme médical et une spécialisation. La Cour a affirmé qu’il était raisonnable de la part de l’agente d’attribuer 22 points en raison du défaut du demandeur de soumettre suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que le diplôme lui avait été délivré par un établissement d’études supérieures et comment les diplômes seraient considérés en Iran.

[33]           Dans le cas qui nous occupe, bien que le demandeur qualifie les diplômes de doctorats dans son formulaire de demande, on ne trouve au dossier aucun élément de preuve démontrant que ses diplômes seraient considérés comme plus que des diplômes de premier cycle en Iran. Compte tenu du fait que le demandeur n’a soumis aucun élément de preuve démontrant que ses diplômes seraient considérés comme plus que des diplômes de deuxième cycle ou de cycle plus élevé, l’agente n’a pas commis d’erreur en n’abordant pas la question dans les motifs de sa décision.

[34]           Le défendeur fait de plus valoir que l’agente n’était pas tenue de mettre le demandeur au courant de ses réserves au sujet de sa demande. Il incombait au demandeur de soumettre tous les renseignements et documents à l’appui de sa demande (Oladipo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 366, au paragraphe 24 [Oladipo]). Il n’existe aucune obligation de la part des agents de chercher à obtenir des éclaircissements ou de donner aux demandeurs l’occasion de fournir une réponse à leurs motifs de préoccupation (décision Mahouri, précitée; Bellido c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 452, au paragraphe 35 [Bellido]; Liao c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 1926 [Liao]).

Pouvoir discrétionnaire de l’agente

[35]           Le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 76(3) n’est censé s’appliquer « qu’exceptionnellement » et ne devrait pas avoir pour effet de supplanter l’objet sous-jacent d’assurer le traitement uniforme des demandes (Requidan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 237 [Requidan], au paragraphe 29). Il s’agit d’une décision hautement discrétionnaire et le demandeur doit présenter de bonnes raisons pour expliquer pourquoi les points qui lui ont été attribués ne correspondent pas à sa capacité de réussir son établissement économique au Canada (Fernandes c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 243, au paragraphe 7).

[36]           Dans le cas qui nous occupe, le demandeur a demandé une substitution de l’appréciation sans fournir de raison supplémentaire pour expliquer la raison pour laquelle cette mesure serait justifiée en l’espèce. L’agente a tenu compte de l’âge, des études et de l’expérience du demandeur et de son épouse et a estimé que les points qui leur avaient été attribués reflétaient adéquatement la capacité du demandeur de réussir son établissement économique au Canada. Aucune preuve contraire n’a été présentée et l’agente n’a donc commis aucune erreur à cet égard.

[37]           La Cour a confirmé que l’obligation de motiver l’évaluation de la demande de substitution est limitée (Lee c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 617, au paragraphe 61). Il suffit de présenter des éléments de preuve démontrant que l’agente a pris en considération cette évaluation (Mina c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1182, au paragraphe 18).

[38]           Dans la présente affaire, la demande de substitution de l’appréciation présentée par le demandeur était limitée et la décision était hautement discrétionnaire. Par conséquent, l’obligation de fournir des motifs était minimale. Qui plus est, l’agente a suffisamment expliqué le résultat dans ses motifs : elle ne disposait d’aucun élément de preuve lui permettant de penser que les points attribués ne reflétaient pas de façon exacte la capacité du demandeur de réussir son établissement économique au Canada et l’agente était par conséquent convaincue que les points attribués étaient exacts.

Réponse du demandeur

[39]           Le demandeur affirme que les arguments du défendeur ne répondent pas à la question centrale en litige dans la présente affaire, en l’occurrence celle de savoir si la spécialisation médicale du demandeur aurait dû être évaluée en tenant compte de la façon dont ces diplômes sont reconnus dans son pays de résidence comme l’exige le guide OP 6a.

[40]           Le demandeur affirme qu’il n’était pas nécessaire que l’agente prenne connaissance de la lettre jointe à sa demande au sujet de l’évaluation des doctorats médicaux en Iran pour savoir que les diplômes en question sont considérés comme des diplômes d’études supérieures. Ces renseignements et les documents fournis par le demandeur étaient suffisants pour que l’agente procède à une évaluation des diplômes en fonction des « autorités locales ». On ne trouve dans les notes versées au STIDI ou dans l’affidavit soumis par l’agente rien qui indique que l’agente a examiné la façon dont les études du demandeur sont évaluées par les autorités locales chargées de surveiller les diplômes en Iran.

[41]           En ce qui concerne l’équité procédurale, le demandeur rappelle que le défendeur a cité de nombreuses décisions dans lesquelles il est affirmé que l’agent n’a pas à mettre le demandeur au courant de tous ses motifs de préoccupation. Toutefois, les décisions en question mentionnent des situations dans lesquelles le demandeur s’était vu offrir la possibilité de répondre à l’agent et ne l’avait pas fait de façon exhaustive.

[42]           Dans l’affaire Oladipo, le demandeur s’était vu offrir la possibilité de répondre aux réserves formulées au sujet de sa crédibilité au moyen d’une entrevue. Dans l’affaire Bellido, la demanderesse n’avait soumis aucun document pour confirmer ses capacités linguistiques et la Cour avait déclaré que l’agent n’avait pas à l’informer lorsqu’une exigence essentielle comme un test linguistique n’était pas respectée. Dans l’affaire Liao, la Cour a jugé que l’agent devait poser au demandeur des questions ou que l’agent devait orienter comme il se doit ses questions ou demander des renseignements raisonnables qui donnaient au demandeur la possibilité de répondre à ses préoccupations.

[43]           Dans le cas qui nous occupe, le demandeur ne s’est pas vu accorder la possibilité de communiquer à l’agente des renseignements sur la façon dont son diplôme était évalué en Iran. On ne trouve dans l’affidavit de l’agente ou dans les notes versées au dossier STIDI aucun élément de preuve permettant de penser que l’agente a orienté ses questions ou demandé des renseignements raisonnables au demandeur ou à toute autre personne sur la façon dont les diplômes du demandeur étaient évalués par les autorités locales. Par conséquent, le demandeur répète que l’agente a manqué à l’équité procédurale en ne lui accordant pas la possibilité de répondre à ses préoccupations au sujet de son évaluation de ses diplômes malgré les affirmations claires faites par le demandeur à ce sujet dans sa demande.

[44]           Quant à la substitution de l’appréciation, le demandeur souligne que, dans son affidavit, l’agente affirme que cette demande n’était pas motivée et que le mémoire du défendeur précise que le demandeur n’a fourni [traduction] « aucune raison supplémentaire ». Toutefois, dans sa lettre du 23 avril 2012, le demandeur explique clairement que ses études, sa profession, son âge et sa situation de famille justifient l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’agente en sa faveur.

[45]           Dans la décision Nayyar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 199, la Cour a jugé que la possibilité de fournir des détails au sujet de l’expérience et des diplômes du demandeur constituait des raisons valables. Par conséquent, l’agente a commis une erreur en n’exerçant pas son pouvoir discrétionnaire dans le cas qui nous occupe.

[46]           Les notes du STIDI ne font état d’aucun raisonnement justifiant la conclusion de l’agente que les points attribués au demandeur [traduction] « reflètent avec exactitude » sa capacité de s’établir avec succès au Canada. L’agente affirme qu’elle a pris acte de la demande de substitution de l’appréciation faite par le demandeur, mais elle ne donne aucune opinion ou explication sur les raisons pour lesquelles elle conclut que les points attribués et les renseignements fournis [traduction] « reflètent avec exactitude » la capacité du demandeur de réussir son établissement économique au Canada. Le demandeur ignore pourquoi l’agente est arrivée à cette conclusion et soutient que l’absence de motifs suffisants constitue une entorse aux principes de justice naturelle (Jogiat c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 815).

ANALYSE

[47]           En ce qui concerne les questions d’évaluation des études et d’équité procédurale, je suis d’accord avec le défendeur pour dire que la présente espèce ne peut être distinguée des affaires Mahouri, précitée, et Sedighi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 445.

[48]           Il incombait au demandeur de fournir suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que les qualifications médicales que lui et sa femme détenaient – peu importe la façon dont elles étaient désignées – ne sont pas considérées en Iran comme de simples diplômes de premier cycle. Or, le demandeur n’a pas soumis suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu’il y avait lieu d’attribuer davantage de points au titre des études.

[49]           De plus, vu l’ensemble des faits de l’espèce, l’agente n’avait, tout comme dans les affaires Mahouri et Sedighi, précitées, aucune obligation de chercher à obtenir d’autres renseignements du demandeur au sujet de la nature des diplômes en cause. La question de savoir si le demandeur avait des diplômes suffisants pour justifier l’attribution d’autres points relève carrément des exigences de la Loi et il incombait de toute évidence au demandeur d’en faire la preuve.

[50]           Le demandeur soutient qu’on ne l’a pas traité avec équité sur le plan procédural étant donné qu’on ne lui a pas donné l’occasion de soumettre à l’agente des renseignements au sujet de la façon dont son diplôme était évalué en Iran. Cela n’est de toute évidence pas le cas. Le demandeur avait la possibilité de soumettre les éléments de preuve qu’il souhaitait avec sa demande pour démontrer comment ses diplômes seraient considérés en Iran. Il a tout simplement choisi de ne pas se prévaloir de cette possibilité. Il lui incombait de démontrer la valeur de ses diplômes dans sa demande (voir les décisions Mahouri et Sedighi, précitées).

[51]           Le demandeur fait valoir que l’agente avait l’obligation de connaître la situation en Iran en ce qui concerne les diplômes médicaux et, si elle ignorait la situation, de communiquer avec lui pour lui offrir l’occasion de présenter des éléments de preuve à ce sujet, comme l’exigeait l’équité procédurale. Un argument similaire a été écarté par le juge Yvan Roy dans la décision Sedighi, au paragraphe 15.

[52]           Le demandeur a tenté d’écarter la jurisprudence établie par les jugements Mahouri et Sedighi en citant la décision rendue par le juge Sean Harrington dans l’affaire Sharifi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 453, aux paragraphes 14 à 16.

[53]           Dans la décision Sharifi, le juge Harrington a conclu que « l’agent des visas est censé savoir en quoi consistent les fonctions d’un officier mécanicien de troisième classe, même si elles n’ont pas été énoncées » :

Par conséquent, l’agent des visas est censé connaître le Règlement sur le personnel maritime pris en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada, 2001. Il doit savoir qu’un officier mécanicien de quatrième classe doit accumuler au moins six mois de service à titre de mécanicien responsable des machines à bord d’un ou de plusieurs bâtiments à moteur d’une puissance de propulsion d’au moins 500 kW, qu’il a suivi divers cours de formation et qu’il a réussi des examens en mécanique appliquée, thermodynamique, électrotechnologie, qu’il possède des connaissances en mécanique des bâtiments à moteur et des bâtiments à vapeur et, je le répète, encore beaucoup plus.

 

 

[54]           Dans la décision Sharifi, le juge Harrington ne cite aucun précédent au sujet du degré ou de la portée de l’expertise exigée de l’agent des visas; il ne cite pas la jurisprudence de la Cour exprimée dans des affaires comme Mahouri et Sedighi et il n’établit pas de distinction avec ces décisions. Par conséquent, je tiens pour acquis que Sharifi est une décision d’espèce et, en particulier, que ce que l’agent des visas était censé savoir dans l’affaire Sharifi au sujet du Règlement sur le personnel maritime pris en application de la Loi sur la marine marchande du Canada de 2001 se limitait aux faits de cette affaire.

[55]           À mon avis, la présente affaire s’accorde davantage avec le raisonnement qui a été suivi dans les décisions Mahouri et Sedighi, dans lesquelles la jurisprudence antérieure de notre Cour a été appliquée, et j’estime que je dois me rallier en l’espèce à cette jurisprudence.

[56]           L’autre question soulevée par le demandeur est celle de savoir si l’agente a raisonnablement traité sa demande claire de substitution de l’appréciation.

[57]           Ainsi que le défendeur le souligne, le pouvoir discrétionnaire d’envisager la possibilité d’une substitution de l’appréciation en vertu du paragraphe 76(3) de la Loi est un pouvoir hautement discrétionnaire qui ne doit être exercé qu’exceptionnellement de manière à ne pas nuire à l’uniformité que favorise le recours à un système d’attribution de points (décision Requidan, précitée).

[58]           En l’espèce, le demandeur a sollicité une substitution de l’appréciation, mais il n’a fourni aucun élément de preuve ou avancé de raison pour démontrer pourquoi l’agente devait, malgré les points déjà attribués, recourir à une substitution de l’appréciation. Il n’y avait donc rien de déraisonnable ou d’inadéquat de la part de l’agente de conclure ce qui suit :

[traduction]

Je suis convaincue que les points attribués et les renseignements fournis reflètent de façon exacte la capacité de l’intéressé de réussir son établissement économique au Canada.

 

 

[59]           Le demandeur doit être conscient du fait que le problème que posait sa demande était l’insuffisance de la preuve étant donné qu’il a, dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, tenté de me présenter des éléments de preuve supplémentaires pour étayer sa cause, éléments qu’il n’avait pas soumis à l’agente. Il est toutefois de jurisprudence constante qu’outre certaines exceptions bien reconnues – dont aucune n’est présente en l’espèce – mon examen de la décision doit se faire en fonction du même dossier que celui dont disposait l’agente (décision Hanif, précitée).

[60]           Les avocats s’entendent pour dire qu’il n’y a aucune question à certifier et la Cour est du même avis.


JUGEMENT

 

LA COUR :

 

1.                  REJETTE la demande.

2.                  DÉCLARE qu’il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.



COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6512-12

 

INTITULÉ :                                      MOHAMMAD DEHGHAN

 

                                                            et

 

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 2 mai 2013

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            MONSIEUR LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES JUGEMENTS :           Le 18 juin 2013

 

 

COMPARUTIONS :   

 

Krassina Kostadinov                                                               POUR LE DEMANDEUR

 

Jane Stewart                                                                            POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :    

 

Waldman & Associates                                                           POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Toronto (Ontario)

 

William F. Pentney                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

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