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Date : 20130604

Dossier : T‑1423‑12

Référence : 2013 CF 595

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 juin 2013

En présence de madame la juge Snider

 

 

ENTRE :

 

PATRICK WHITTY

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

REPRÉSENTÉ PAR LE

MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT

 

 

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Monsieur Patrick Whitty, le demandeur, réclamait à Environnement Canada (EC) des renseignements le concernant lui‑même et ses trois sociétés, RPR Environmental Inc., 1049585 Ontario Inc., s/n RPR Environmental Services, et 876947 Ontario Ltd., s/n RPR Environmental. Dans la présente demande de contrôle judiciaire, M. Whitty explique qu’il réclame les mesures suivantes :

 

1.                  une ordonnance enjoignant à EC de se conformer aux obligations que lui impose la Loi sur l’accès à l’information, LRC 1985, c A‑1 [la Loi];

2.                  un bref de mandamus enjoignant à EC de lui faire parvenir une copie complète de ses renseignements personnels inscrits au Système national de renseignements sur l’application de la loi reliés à l’environnement (NEMISIS), ainsi qu’une copie complète d’un document antérieurement réclamé par le demandeur.

 

[2]               La présente demande soulève un problème du fait que M. Whitty n’a pas respecté les conditions légales à remplir avant de pouvoir saisir notre Cour d’une demande. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

 

[3]               Monsieur Whitty a présenté à EC des demandes de renseignements et a soumis des plaintes au Commissariat à l’information du Canada (le CIC) depuis fort longtemps. Nous n’en retracerons que les grandes lignes.

 

La demande de 2009

 

[4]               Un peu avant novembre 2009, M. Whitty a présenté une première demande en vertu de la Loi. Il a réclamé des documents se rapportant à [traduction] « de présumées violations de toute loi applicable » par lui‑même ou par ses compagnies, se trouvant en la possession ou le contrôle du Service des poursuites pénales du Canada ou d’EC.

 

[5]               EC a répondu à cette demande en novembre 2009. EC a refusé de lui communiquer certains renseignements conformément à certains articles énumérés de la Loi. Monsieur Whitty s’est dit préoccupé par le fait qu’EC avait expurgé le nom de la personne mentionnée dans un courriel du 5 février 2009 (le document spécifique). Le document spécifique concernait un profil personnel versé dans NEMISIS auquel un enquêteur souhaitait ajouter des renseignements.

 

La demande de 2011

 

[6]               Dans une seconde demande soumise à EC (la demande de 2011), M. Whitty réclamait une liste détaillée de documents et notamment une copie non expurgée du document spécifique :

[traduction

La présente demande vise à obtenir des documents de quelque nature que ce soit me concernant ou concernant mes sociétés et se trouvant dans le Système national de renseignements sur l’application de la loi relié à l’environnement également connu sous le nom de NEMISIS.

 

Sans limiter la portée générale du mot « documents », la présente demande englobe toutes les versions provisoires et définitives de dossiers, lettres, notes, calepins de notes d’enquêteurs, affidavits, mémoires, plaintes, rapports, renseignements servant à obtenir des mandats de perquisition, courriels (y compris les courriels détaillés), télécopies, directives et notes de service, et communications avec des conseillers juridiques, en copie papier ou informatisée, ainsi que des bandes audio et vidéo et des photographies.

 

Je demande également communication d’un document spécifique qui m’a déjà été transmis, ainsi qu’il est précisé dans votre lettre ci‑jointe du 20 novembre 2009. Le nom d’une personne a été caviardé dans ce document spécifique. J’ai des raisons de croire que je suis la personne dont le nom est mentionné dans ce courriel. Dans l’affirmative, je réclame la communication sans délai de ce document spécifique dans sa version non expurgée, et ce, sans attendre que les autres renseignements soient compilés.

 

Première plainte au CIC

 

[7]               La date limite prévue par la loi pour qu’EC réponde à la demande de 2011 était le 2 juillet 2011. Le 30 juin 2011, EC a signifié à M. Whitty un « avis de prolongation » l’informant que le Ministère avait besoin d’une prolongation de 200 jours (jusqu’au 18 janvier 2012) pour terminer l’examen de sa demande. Le 4 août 2011, M. Whitty s’est plaint au CIC de cette prorogation de délai. Cette plainte s’est vue attribuer le numéro de dossier 3211‑00503. Dans une réponse datée du 27 octobre 2011 (le rapport relatif à la prorogation), le CIC a informé M. Whitty que la prorogation était [traduction] « valable et raisonnable ».

 

Seconde plainte au CIC

 

[8]               Le 20 mars 2012, M. Whitty s’est plaint au CIC au sujet du délai, qui était expiré depuis longtemps. Le CIC a attribué le numéro 3212‑00017 à cette seconde plainte.

 

[9]               Le 30 mars 2012, EC a répondu à la demande présentée en vertu de la Loi en 2011 par M. Whitty (la réponse du 30 mars). Monsieur Whitty s’est dit particulièrement préoccupé par le fait que des passages du document spécifique avaient été expurgés et qu’EC n’avait pas, contrairement à sa demande, rétabli les passages expurgés du document en indiquant en clair le nom caviardé.

 

[10]           Dans une lettre datée du 14 juin 2012 (le rapport relatif au retard), le CIC a répondu à la plainte du 20 mars 2012. Le CIC a reconnu que la réponse tardive avait placé EC [traduction] « dans une situation de refus présumé au sens du paragraphe 10(3) de la Loi ». Toutefois, comme EC avait répondu le 30 mars 2012, le CIC a simplement estimé que la plainte était [traduction] « bien fondée et qu’elle [avait] été réglée sans qu’une recommandation soit faite au responsable de l’institution fédérale ».

 

[11]           Le 23 juillet 2012, M. Whitty a introduit la présente demande de contrôle judiciaire.

 

Troisième plainte au CIC

 

[12]           Bien que le dossier soit quelque peu embrouillé, je reconnais que M. Whitty a soumis une autre plainte au CIC en juin 2012 (la troisième plainte) ou vers cette époque. Dans cette plainte, M. Whitty aurait allégué ce qui suit :

[traduction

Environnement Canada a appliqué de façon irrégulière des exemptions de manière à pouvoir refuser de façon injustifiable la communication totale ou partielle de documents réclamés en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.

 

[13]           Il convient de signaler que la troisième plainte est la première dans laquelle M. Whitty s’est plaint au CIC au sujet des renseignements supprimés de façon irrégulière par EC dans sa réponse du 30 mars. Les plaintes antérieures ne portaient que sur la question du retard d’EC. De plus, il importe par ailleurs de signaler que la troisième plainte de M. Whitty ne se limitait pas au passage expurgé du document spécifique. En d’autres termes, la plainte de M. Whitty porte sur les 8 000 pages de documents qu’EC lui a communiquées. Par conséquent, pour bien répondre à la plainte, le CIC doit examiner chacune des 8 000 pages en question.

 

[14]           Le CIC a commencé – mais n’a pas encore terminé – une enquête au sujet de la troisième plainte. Le 20 juin 2012, le CIC a envoyé à EC un document intitulé [traduction] « avis de l’intention de mener une enquête et résumé de la plainte » conformément à l’article 32 de la Loi. Le 21 juin 2012, EC a transmis à M. Whitty, en réponse à sa demande, plus de 8 000 pages, y compris une copie de travail des documents recueillis par EC en réponse à la demande de M. Whitty, indiquant les exemptions réclamées par EC. Le 26 juillet 2012, EC a été informé que la plainte n’avait pas encore été confiée à un enquêteur. Une autre mise à jour a été réclamée par EC le 21 novembre 2012, mais aucune réponse n’avait encore été reçue au moment où a été souscrit l’affidavit qui a été versé au dossier du défendeur.

 

Analyse

 

J’ai l’impression que M. Whitty ne sait pas très bien quelle décision est susceptible de faire l’objet d’un contrôle de la part de notre Cour. En fait, M. Whitty ne peut réclamer le contrôle de toute présumée « décision » du CIC;es recommandations, qui n’ont aucun effet obligatoire Conseil canadien des œuvres de charité chrétiennes c. Canada (Ministre des Finances), [1999] 4 CF 245,

[16]           (Statham c Société Radio‑Canada, 2009 CF 1028, [2010] 4 FCR 216, au paragraphe 18, conf. par 2010 CAF 315, [2012] 2 RCF 421)41 de la Loi énumère les conditions à respecter avant de pouvoir présenter une demande de contrôle judiciaire :

41. La personne qui s’est vu refuser communication totale ou partielle d’un document demandé en vertu de la présente loi et qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet devant le Commissaire à l’information peut, dans un délai de quarante‑cinq jours suivant le compte rendu du Commissaire prévu au paragraphe 37(2), exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour. La Cour peut, avant ou après l’expiration du délai, le proroger ou en autoriser la prorogation.

41. Any person who has been refused access to a record requested under this Act or a part thereof may, if a complaint has been made to the Information Commissioner in respect of the refusal, apply to the Court for a review of the matter within forty‑five days after the time the results of an investigation of the complaint by the Information Commissioner are reported to the complainant under subsection 37(2) or within such further time as the Court may, either before or after the expiration of those forty‑five days, fix or allow.

 

 

[17]           L’obligation de porter plainte au CIC est clairement énoncée dans l’arrêt Canada (Commissaire à l’information du Canada) c Canada (Ministre de la Défense nationale), (1999), 240 NR 244, [1999] ACF no 522 (CAF), au paragraphe 27 :

L’enquête que doit mener le Commissaire est la pierre angulaire du système d’accès à l’information. Elle représente une méthode informelle de résolution des conflits où l’institution fédérale se voit investie non pas d’un pouvoir décisionnel, mais bien d’un pouvoir de recommandation auprès de l’institution concernée. L’importance de cette enquête est soulignée par le fait qu’elle constitue un préalable à l’exercice du pouvoir de révision, selon que le prévoient les articles 41 et 42 de la Loi. [Non souligné dans l’original.]

 

[18]           Par conséquent, dans le cas qui nous occupe, le contrôle judiciaire ne peut être demandé sans qu’un rapport faisant étant de l’enquête menée par le CIC n’ait été rédigé sur le sujet pertinent.

 

[19]           De toute évidence, M. Whitty ne peut solliciter le contrôle judiciaire en invoquant le rapport relatif à la prorogation, étant donné que le délai prescrit est expiré.

 

[20]           Dans son plaidoyer, M. Whitty a précisé que le rapport du 14 juin 2012 portant sur la plainte relative au retard était le document sur lequel il se fondait pour introduire sa demande de contrôle judiciaire. Toutefois, l’enquête menée par le CIC au sujet de la plainte en question ne saurait satisfaire aux exigences d’un contrôle judiciaire, étant donné qu’elle avait trait au retard et non à l’expurgation. La plainte présentée par M. Whitty portait uniquement sur le fait qu’EC avait violé les dispositions de la Loi en ne répondant pas à sa demande avant l’expiration du délai prorogé. Le CIC a correctement répondu à la plainte formulée par M. Whitty au sujet du délai. Le CIC a conclu que, parce qu’EC avait répondu à la demande du 30 mars 2012, il lui suffisait de reconnaître la longueur du délai écoulé. Le défaut de M. Whitty de recevoir les documents qu’il souhaitait n’était pas une question qui avait été portée à l’attention du CIC à l’époque. Monsieur Whitty s’était uniquement plaint auprès du CIC du retard et non des passages expurgés. À mon avis, le CIC a abordé la question qui lui était soumise de façon complète et raisonnable; toutefois, cette analyse ne saurait satisfaire aux conditions préalables qui devaient être remplies avant de pouvoir introduire la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[21]           En somme, la seule décision qui peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire est la réponse du 30 mars d’EC. Toutefois, le problème de M. Whitty est qu’à défaut d’un rapport du CIC exposant en détail la façon dont elle avait enquêté sur la troisième plainte, le tribunal ne peut accueillir – ni même examiner – la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[22]           Dans ces circonstances, les conditions préalables à la recevabilité de toute demande de contrôle judiciaire n’ont pas été respectées et la demande sera donc rejetée. Les dépens seront adjugés au défendeur.

 


JUGEMENT

 

LA COUR :

 

1.                  REJETTE la demande de contrôle judiciaire;

 

2.                  CONDAMNE le demandeur à payer au défendeur les dépens, lesquels sont fixés au montant de 500 $, ce qui comprend les débours.

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑1423‑12

 

INTITULÉ :                                                  PATRICK WHITTY c
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, REPRÉSENTÉ PAR LE MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 28 mai 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 4 juin 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Patrick Whitty

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Jacqueline Dais‑Visca

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Patrick Whitty

St. Catherines (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR,

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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