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Date : 20130506

Dossier : IMM-6595-12

Référence : 2013 CF 468

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 mai 2013

En présence de madame la juge Tremblay-Lamer

 

 

ENTRE :

 

RECILIOME SAINVRY

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), qui vise la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) refusait de rouvrir la demande d’asile qu’il avait déposée.

 

LES FAITS

[2]               Le demandeur est un citoyen d’Haïti. Il a présenté une demande d’asile au Canada en 2008.

 

[3]               Le demandeur allègue qu’il est analphabète. Il a aussi mentionné, dans son formulaire de renseignements personnels rédigé en français et présenté à la Commission le 25 septembre 2008, qu’il avait besoin d’un interprète parlant le Créole.

 

[4]               Le 16 janvier 2012, la Commission a avisé le demandeur par écrit de se présenter à une conférence de mise au rôle, ce qu’il a fait. Le demandeur n’était pas représenté à ce moment‑là. La date de son audience a été fixée de manière péremptoire au 8 mars 2012, mais il prétend qu’il avait compris que l’audience allait avoir lieu le 8 mai 2012. Aucun interprète n’était présent lors de la conférence de mise au rôle.

 

[5]               Le demandeur n’a pas demandé à qui que ce soit de lui lire l’avis d’audience écrit lorsqu’il a quitté la conférence de mise au rôle, parce qu’il tenait pour acquis qu’il avait compris à quelle date l’audience avait été fixée. Par conséquent, il ne s’est pas présenté à l’audience relative la demande d’asile le 8 mars 2012.

 

[6]               Le demandeur a été avisé par écrit qu’une audience en désistement avait été fixée au 30 mars 2012, mais il allègue qu’il avait tenu pour acquis qu’il s’agissait d’un deuxième avis lui rappelant la tenue de son audience au mois de mai. Puisque le demandeur ne s’était pas présenté à l’audience sur le désistement, la Commission a prononcé le désistement de sa demande et lui a envoyé un avis écrit. Il a montré cet avis à une amie, qui l’a amené chez un avocat. L’avocat a présenté une demande à la Commission en vue de faire rouvrir la demande d’asile. C’est la décision découlant de cette demande qui est visée par la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[7]               La Commission a mentionné que, au cours d’une conférence de mise au rôle, la date de l’audience est lue à voix haute aux demandeurs qui sont présents et qu’elle est répétée à plusieurs reprises pour qu’ils puissent l’entendre. C’était le choix du demandeur de ne pas tenir compte, en raison de ses propres suppositions, d’un document que la Commission lui avait envoyé par la suite. La Commission a conclu que le demandeur ne lui avait pas donné d’explication raisonnable pour justifier son omission de se présenter à son audience lors de la date péremptoire ainsi qu’à l’audience sur le désistement.

 

[8]               La question en litige dans le contexte de la présente demande est celle de savoir si la Commission a conclu de façon raisonnable qu’il n’y avait eu aucun manquement à un principe de justice naturelle.

 

[9]               L’article 55 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228 [abrogé, DORS/2012-256, article 73] (les Règles) expose comment une demande d’asile ayant fait l’objet d’un désistement peut être rouverte :

Demande de réouverture d’une demande d’asile

 

55. (1) Le demandeur d’asile ou le ministre peut demander à la Section de rouvrir toute demande d’asile qui a fait l’objet d’une décision ou d’un désistement.

 

Forme de la demande

 

(2) La demande est faite selon la règle 44.

 

Contenu de la demande faite par le demandeur d’asile

 

(3) Si la demande est faite par le demandeur d’asile, celui-ci y indique ses coordonnées et en transmet une copie au ministre.

 

Élément à considérer

 

(4) La Section accueille la demande sur preuve du manquement à un principe de justice naturelle.

Application to reopen a claim

 

55. (1) A claimant or the Minister may make an application to the Division to reopen a claim for refugee protection that has been decided or abandoned.

 

Form of application

 

(2) The application must be made under rule 44.

 

Claimant’s application

 

(3) A claimant who makes an application must include the claimant’s contact information in the application and provide a copy of the application to the Minister.

 

Factor

 

(4) The Division must allow the application if it is established that there was a failure to observe a principle of natural justice.

 

[10]           Le juge Rennie a fait remarquer dans la décision Karagoz c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011CF 1479, au paragraphe 6, que le pouvoir de la Commission de rouvrir une demande d’asile est étroitement circonscrit (voir aussi Lopez Diaz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 131, au paragraphe 11). Comme l’a énoncé la Cour d’appel du Canada dans l’arrêt Nazifpour c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 35, au paragraphe 82 :

La Cour fédérale a rejeté l’argument selon lequel, bien que l’article 55 des Règles oblige expressément la Section à rouvrir sa décision pour manquement à un principe de justice naturelle, il n’empêche pas la Section de rouvrir ses décisions pour d’autres motifs, y compris l’existence de nouveaux éléments de preuve, étant donné qu’il ne dit pas que le manquement à un principe de justice naturelle est le seul motif possible de réouverture. La Cour a déclaré que l’article 55 n’élargit pas la compétence de la Section de rouvrir ses décisions portant sur la qualité de réfugié et la qualité de personne à protéger. La Section peut rouvrir ses décisions uniquement pour manquement à un principe de justice naturelle […]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[11]           Le demandeur soutient en premier lieu que la Commission a commis un manquement à la justice naturelle en ne l’informant pas qu’elle prendrait connaissance d’office du fait que son personnel répétait à maintes reprises aux demandeurs d’asile la date de leur audience lors d’une conférence de mise au rôle. Si cette information avait été transmise au demandeur, il aurait pu répondre à la préoccupation de la Commission en présentant des éléments de preuve supplémentaires, comme un autre affidavit ou d’autres actes de procédure.

 

[12]           Le défendeur soutient dans ses observations écrites que, puisque l’article 21 des Règles énonce qu’une conférence de mise au rôle vise à aider la Commission à fixer une date de procédure, il est logique que, lors d’une conférence de mise au rôle, un demandeur et la Commission discutent du moment auquel l’audience serait tenue et que la date à laquelle serait effectivement fixée l’audience serait alors donnée au demandeur.

 

[13]           Je conviens avec le défendeur qu’il est logique que, lors d’une conférence de mise au rôle, un demandeur et la Commission aient une discussion concernant le moment auquel l’audience serait tenue et que la date à laquelle serait effectivement fixée l’audience serait alors donnée au demandeur. Cela ne relève pas de la connaissance spécialisée.

 

[14]           Le demandeur prétend de plus qu’il a commis une erreur de bonne foi en ce qui concerne la date d’audience et qu’on ne peut lui reprocher le simple fait de ne pas être capable d’en faire plus que ce qu’il peut faire.

 

[15]           Le défendeur relève que le demandeur avait été avisé par écrit de la tenue d’une audience devant la Commission, et ce, à trois reprises. Il était présent lors de la conférence de mise au rôle, mais il a toutefois omis de se présenter à l’audience relative à sa demande d’asile et à l’audience sur le désistement. Le défendeur prétend que la manière avec laquelle le demandeur a traité les avis écrits relativement à l’audience relative à sa demande d’asile et à l’audience sur le désistement témoignent d’un degré d’indifférence qui ne peut être expliqué simplement par un malentendu attribuable à son inadvertance ou par sa honte au sujet de son degré de littératie.

 

[16]           Je souscris à la prétention du demandeur. À un certain moment, le demandeur doit assumer une certaine part de responsabilité en vue de s’assurer qu’il comprend la correspondance écrite qu’il a reçue relativement à sa demande d’asile (Capelos c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] ACF no 217, au paragraphe 5; Wackowski v Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 280, au paragraphe 13). Malgré le fait que le demandeur se décrit comme une personne ayant un degré de littératie limité, il a choisi de ne pas demander à qui que ce soit de vérifier la date inscrite sur l’avis écrit qu’il avait reçu lors de la conférence de mise au rôle. Il avait même une amie qui l’attendait dans la pièce d’accueil de la Commission lorsqu’il assistait à la conférence de mise au rôle, mais il ne lui a pas montré l’avis d’audience écrit lorsqu’il a quitté la conférence.

 

[17]           Le demandeur a une fois de plus fait fi d’un avis écrit concernant la date de son audience sur le désistement, prétendument parce qu’il supposait qu’il s’agissait d’un deuxième avis pour lui rappeler la tenue de son audience. Le demandeur a choisi de ne pas demander à qui que ce soit de vérifier ce qui était écrit dans la lettre. Ce comportement n’était tout simplement pas celui d’une personne faisant preuve de diligence dans la présentation de sa demande d’asile, et il incombait au demandeur d’assumer les conséquences de ces décisions irresponsables. Par conséquent, compte tenu de l’ensemble des circonstances, je suis convaincue qu’il n’y a pas eu de manquement aux principes de justice naturelle et que la Commission n’a pas commis une erreur susceptible de contrôle en refusant de rouvrir la demande d’asile.

 

[18]           Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE QUE :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.

 

 

 

 

« Danièle Tremblay‑Lamer »

Juge

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6595-12

 

INTITULÉ :                                      Reciliome Sainvry

                                                            c

                                                            Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 1er mai 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE TREMBLAY-LAMER

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 6 mai 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Raoul Boulakia

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Julie Waldman

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Raoul Boulakia

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney,

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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