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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20130429

Dossier : IMM-8085-12

Référence : 2013 CF 445

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 avril 2013

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

SEDIGHI, Seyed Mahdi

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), qui vise la décision d’un agent d’immigration (l’agent) de l’ambassade du Canada à Varsovie, en Pologne, par laquelle ce dernier a rejeté la demande de résidence permanente présentée par M. Seyed Mahdi Sedighi (le demandeur) au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral).

 

Les faits et les dispositions pertinentes

[2]               Les faits de la présente affaire sont simples et ils ne soulèvent qu’une seule question. Le demandeur souhaite devenir un résident permanent du Canada conformément au paragraphe 12(2) de la Loi. Cette disposition est libellée ainsi :

  12. (2) La sélection des étrangers de la catégorie « immigration économique » se fait en fonction de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada.

 

  12. (2) A foreign national may be selected as a member of the economic class on the basis of their ability to become economically established in Canada.

 

 

[3]               Le demandeur est un médecin qui a été formé en Iran. Il doit répondre aux exigences prévues aux articles 73 à 85 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), pour être considéré appartenir à la catégorie « immigration économique ».

 

[4]               L’agent a rejeté la demande en application des articles 76 et 78 du Règlement. Plus précisément, il a attribué 66 points au demandeur, alors que ce dernier avait besoin de 67 points pour remplir les conditions requises. Le demandeur conteste l’appréciation effectuée par l’agent, en prétendant que ce dernier a eu tort de lui attribuer 22 points sur une possibilité de 25 points au titre du facteur des études.

 

[5]               Le sous‑alinéa 76(1)a)(i) du Règlement est en partie libellé ainsi :

  76. (1) Les critères ci-après indiquent que le travailleur qualifié peut réussir son établissement économique au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) :

 

 

a) le travailleur qualifié accumule le nombre minimum de points visé au paragraphe (2), au titre des facteurs suivants :

 

 

     (i) les études, aux termes de l’article 78,

 

 

  76. (1) For the purpose of determining whether a skilled worker, as a member of the federal skill worker class, will be able to become economically established in Canada, they must be assessed on the basis of the following criteria:

 

(a) the skilled worker must be awarded not less than the minimum number of required points referred to in subsection (2) on the basis of the following factors, namely,

 

     (i) education, in accordance with section 78,

 

 

Comme l’énonce le sous‑alinéa 76(1)a)(i), les études du demandeur, qui doivent être appréciées conformément à l’article 78, sont l’un des critères à prendre en considération. Le paragraphe 78(2) est libellé ainsi :

  78. (2) Un maximum de 25 points d’appréciation sont attribués pour les études du travailleur qualifié selon la grille suivante :

a) 5 points, s’il a obtenu un diplôme d’études secondaires;

b) 12 points, s’il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant une année d’études et a accumulé un total d’au moins douze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

c) 15 points, si, selon le cas :

(i) il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant une année d’études et a accumulé un total de treize années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein,

(ii) il a obtenu un diplôme universitaire de premier cycle nécessitant une année d’études et a accumulé un total d’au moins treize années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

d) 20 points, si, selon le cas :

(i) il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant deux années d’études et a accumulé un total de quatorze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein,

(ii) il a obtenu un diplôme universitaire de premier cycle nécessitant deux années d’études et a accumulé un total d’au moins quatorze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

e) 22 points, si, selon le cas :

(i) il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant trois années d’études et a accumulé un total de quinze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein,

(ii) il a obtenu au moins deux diplômes universitaires de premier cycle et a accumulé un total d’au moins quinze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

f) 25 points, s’il a obtenu un diplôme universitaire de deuxième ou de troisième cycle et a accumulé un total d’au moins dix-sept années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein.

 

  78. (2) A maximum of 25 points shall be awarded for a skilled worker’s education as follows:

(a) 5 points for a secondary school educational credential;

(b) 12 points for a one-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 12 years of completed full-time or full-time equivalent studies;

(c) 15 points for

(i) a one-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 13 years of completed full-time or full-time equivalent studies, or

(ii) a one-year university educational credential at the bachelor’s level and a total of at least 13 years of completed full-time or full-time equivalent studies;

(d) 20 points for

(i) a two-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 14 years of completed full-time or full-time equivalent studies, or

(ii) a two-year university educational credential at the bachelor’s level and a total of at least 14 years of completed full-time or full-time equivalent studies;

(e) 22 points for

(i) a three-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 15 years of completed full-time or full-time equivalent studies, or

(ii) two or more university educational credentials at the bachelor’s level and a total of at least 15 years of completed full-time or full-time equivalent studies; and

(f) 25 points for a university educational credential at the master’s or doctoral level and a total of at least 17 years of completed full-time or full-time equivalent studies.

 

 

La norme de contrôle applicable

[6]               Le demandeur ne traite pas de la question de la norme de contrôle applicable aux affaires de cette nature dans son mémoire des faits et du droit. Il affirme plutôt, de manière assez elliptique, que [traduction] « les questions liées à la raisonnabilité doivent être contrôlées selon la norme de la raisonnabilité, alors que les questions liées à l’équité doivent être contrôlées selon la norme de la décision correcte ».

 

[7]               La Cour examine en l’espèce l’application de normes juridiques réglementaires à des faits. On a conclu de façon constante que les questions mixtes de fait et de droit sont susceptibles de contrôle selon la norme de la raisonnabilité. La présente affaire ne fait pas exception. Il est bien connu qu’en principe, cette norme appelle à la déférence. Pour reprendre les termes employés dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47 :

[...] Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

 

 

[8]               Par conséquent, la Cour ne substituera pas son opinion sur l’affaire à celle de l’agent, mais elle se demandera plutôt si la conclusion appartient aux issues acceptables. Les motifs doivent être « examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), [2011] 3 RCS 708, au paragraphe 14).

 

Analyse

[9]               On doit tenir pour acquis, compte tenu de la norme de contrôle applicable aux affaires de cette nature, que le demandeur prétend que, vu qu’il était médecin en Iran, il n’était pas raisonnable pour l’agent de conclure qu’il avait droit à moins de 25 points au titre de ses études.

 

[10]           Le demandeur prétend avec vigueur qu’il répond aux exigences de l’alinéa f) du paragraphe 78(2). L’agent a conclu que les études du demandeur correspondaient aux dispositions de l’alinéa e). Voici les motifs fournis par l’agent :

[traduction]

Je constate que ce demandeur a indiqué que le plus haut degré de scolarité qu’il avait atteint était un doctorat. Le Guide opérationnel OP 6 mentionne ce qui suit : « Un diplôme de médecine correspond généralement à un diplôme universitaire de premier cycle, au même titre qu’un baccalauréat en droit ou qu’un baccalauréat en pharmacie, même s’il s’agit d’un diplôme “professionnel”, et devraient donner 20 points. S’il s’agit d’un diplôme de deuxième cycle et s’il est délivré par une faculté des Études supérieures, par exemple, 25 points pourraient être accordés. Si le baccalauréat est un préalable, mais que le diplôme en soi est considéré comme un diplôme de premier cycle, 22 points seront accordés. »

 

En l’espèce, le demandeur a reçu un seul diplôme pour lui permettre de pratiquer la médecine. Rien n’indique qu’il ait obtenu un baccalauréat avant d’obtenir ce diplôme ou que celui‑ci lui ait été délivré par une faculté des Études supérieures. Le demandeur a fait une spécialisation après avoir obtenu un seul diplôme et il semble exercer les fonctions liées à cette spécialisation.

 

À la lumière de ce qui précède, je lui accorde 22 points, car il a obtenu au moins deux diplômes universitaires de premier cycle et a accumulé un total de 15 années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein.

 

 

 

[11]           La Cour doit se demander si la décision de l’agent était raisonnable dans les circonstances. Il incombait au demandeur de convaincre la Cour, selon la prépondérance des probabilités, que cette décision était déraisonnable. Avec égards pour l’opinion contraire, il ne l’a pas fait.

 

[12]           Le demandeur se fonde sur sa déclaration selon laquelle il avait reçu un doctorat en médecine et il s’oppose ensuite à la conclusion de l’agent voulant qu’il s’agisse d’un diplôme de premier cycle. Le demandeur se trouve essentiellement à prétendre que sept ans et demi d’études universitaires doivent être considérés comme un doctorat ou, à tout le moins, comme une maîtrise.

 

[13]           La preuve démontrait qu’après avoir terminé ses études primaires et ses études secondaires, le demandeur s’était vu décerner un [traduction] « diplôme de médecine » et un certificat d’études « doctorales ». Le demandeur a tenté de compléter le dossier dont la Cour disposait en introduisant en preuve un affidavit, dans lequel il faisait état de certaines recherches effectuées sur Internet à propos des diplômes en médecine délivrés en Iran. Le défendeur s’est opposé à l’introduction d’une telle preuve à ce stade‑ci de l’instance.

 

[14]           Il est bien établi en droit qu’une demande de contrôle judiciaire doit viser la décision qui a été rendue et que le dossier dont la cour de révision dispose doit être celui dont disposait le décideur (Isomi c Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2006 CF 1394, et les précédents qui y sont cités; Montesuma c Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2011 CF 918; Tabanag c Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2011 CF 1293; Mahouri c Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2013 CF 244). La Cour ne substitue pas son opinion à celle du décideur : accepter de nouveaux éléments de preuve à ce stade‑ci pourrait seulement viser à pondérer à nouveau la preuve ainsi complétée. Une telle chose n’est pas permise. Je juge que la nouvelle preuve est irrecevable : par conséquent, la Cour n’en tiendra pas compte.

 

[15]           Pour bénéficier de l’alinéa 78(2)f) du Règlement, le demandeur devait démontrer que le diplôme d’études universitaires qu’il avait obtenu était un diplôme universitaire de deuxième ou de troisième cycle. Son affirmation selon laquelle l’agent avait, d’une manière ou d’une autre, une obligation de se renseigner au sujet des exigences d’obtention d’un diplôme de médecine en Iran est sans fondement. Le fardeau n’est pas renversé; il reste sur les épaules du demandeur, et ce, tout au long du processus. Le demandeur a soulevé un argument ingénieux, fondé sur un des mots employés dans la version anglaise de l’alinéa 78(2)f) : « level ». Il prétend que l’emploi du mot « level » conjointement avec les mots « master’s or doctoral » dans la version anglaise donne à penser que ce n’est pas un diplôme en particulier qui est exigé, mais plutôt un diplôme de « niveau » équivalent. Malheureusement pour le demandeur, son argument ingénieux ne concorde pas avec la version française du même alinéa, qui établit clairement que le diplôme requis doit être un diplôme de deuxième ou de troisième cycle. Il est bien connu que les tribunaux chercheront le sens commun entre des versions bilingues et que c’est ce sens qui sera retenu (Merck Frosst Canada Ltée c Canada (Santé), [2012] 1 RCS 23). Compte tenu de la preuve dont disposait l’agent, il n’était pas déraisonnable pour ce dernier de conclure que le diplôme du demandeur n’était pas un diplôme de deuxième ou de troisième cycle.

 

[16]           Très récemment, la Cour s’est trouvée devant la même situation dans laquelle était soulevé le même argument relativement à un « doctorat en médecine » ayant été obtenu après huit ans d’études en Iran (en effet, le dossier révélait aussi que l’époux de la demanderesse s’était vu décerner un diplôme en médecine, qu’il a obtenu après sept ans d’études). Le juge Michael Manson, dans la décision Mahouri, précitée, a aussi conclu que la demanderesse ne s’était pas acquittée du fardeau qui lui incombait. Le décideur avait examiné la preuve et il avait conclu de manière raisonnable qu’un simple diplôme permettant à une personne de pratiquer la médecine constituait un diplôme de premier cycle. En l’espèce, le demandeur ne s’est pas acquitté lui non plus du fardeau qui lui incombait devant la Cour, soit de démontrer que la conclusion n’était pas raisonnable.

 

[17]           Il s’ensuit que la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Les parties n’ont pas présenté de question devant être certifiée au titre de l’article 74 de la Loi, et la présente affaire n’en soulève aucune.

 


 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire relativement à la décision rendue le 19 juin 2012 par un agent d’immigration à l’ambassade du Canada à Varsovie, en Pologne, est rejetée.

 

 

« Yvan Roy »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-8085-12

 

INTITULÉ :                                      SEDIGHI, Seyed Mahdi

c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 10 avril 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge Roy

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 29 avril 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Jean-François Bertrand                              POUR LE DEMANDEUR

 

Me Michèle Joubert                                         POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

BERTRAND, DESLAURIERS                    POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

 

William F. Pentney                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

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