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Date : 20130419

Dossier : IMM‑9381‑12

Référence : 2013 CF 401

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 avril 2013

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

 

BHATA, Sajid Gulam Vali

BHATA, Samimbanu Gulam

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               La commissaire de la Section de la protection des réfugiés [la commissaire] a refusé les demandes d’asile et de protection présentées par les demandeurs. Il s’agit du contrôle judiciaire de cette décision.

 

II.        CONTEXTE

[2]               Les demandeurs, originaires d’un petit village en Inde, sont frère et sœur. La sœur travaillait pour le chef du village en tant que cuisinière et gardienne d’enfants. Le frère, quant à lui, travaillait dans les champs.

 

[3]               Selon le récit de la demanderesse, avant l’incident de mai 2011, elle avait été violée par le chef du village à trois ou quatre reprises.

 

[4]               Selon le récit du demandeur, en mai 2011, la fille du chef du village l’a approché et lui a fait des avances sexuelles. Il a refusé ses avances en tentant de s’en aller, mais la fille a déchiré ses propres vêtements et l’a accusé de tentative de viol.

 

[5]               En guise de représailles pour le prétendu viol par le demandeur, le chef du village, deux voisins et un agent de police se sont livrés au viol collectif de la soeur. L’un des hommes impliqués dans le viol se nommait Jamal.

 

[6]               Les demandeurs ont quitté l’Inde et sont arrivés au Canada en juin 2011. Toutefois, avant de quitter l’Inde, la demanderesse a joint Zakir à Vancouver, un homme avec lequel elle a par la suite noué une relation amoureuse. Zakir est le frère de Jamal, l’un des prétendus violeurs. Elle affirme qu’elle avait rencontré Zakir tandis qu’elle se promenait dans le village, et que ce dernier lui avait dit qu’il vivait au Canada et lui avait remis son numéro de téléphone pour le cas où elle en aurait besoin.

 

[7]               Enfin, la demanderesse prétend avoir été physiquement agressée par l’ex‑épouse de Zakir, sa fille et les deux fils de Jamal (les neveux de Zakir) en raison de sa relation amoureuse avec Zakir à Vancouver.

 

[8]               La commissaire a conclu qu’il lui incombait de décider s’il y avait suffisamment d’éléments de preuve crédibles ou dignes de foi permettant de conclure qu’il existe une « possibilité sérieuse » que les demandeurs d’asile soient persécutés, ou s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’ils seraient exposés au risque d’être soumis à la torture, à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités s’ils retournent en Inde.

 

[9]               La commissaire a conclu que la question la plus déterminante était la crédibilité. Elle a jugé que les deux demandeurs n’étaient pas crédibles sur un certain nombre de points et a également estimé qu’il existait une possibilité de refuge intérieur (PRI) viable pour le demandeur.

 

[10]           Le présent contrôle judiciaire soulève la question de savoir si la décision de la commissaire était raisonnable, à la fois en ce qui a trait à la crédibilité et à l’existence d’une PRI viable.

 

III.       ANALYSE

[11]           Il ne fait aucun doute que, conformément aux principes exposés dans Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable.

De plus, en ce qui a trait à la justesse des conclusions sur la crédibilité, la Cour doit faire montre d’une grande retenue à l’égard du juge des faits, lequel est le mieux placé pour évaluer chacun des témoins et leur témoignage dans le contexte global de l’affaire.

 

[12]           Dans leur argumentation orale, les demandeurs ont affirmé que la commissaire avait commis une erreur en s’attardant à des questions non pertinentes, plus précisément aux croyances religieuses et à la relation de la demanderesse avec son petit ami.

 

[13]           Cet argument est sans fondement. Une juste analyse de la preuve et des motifs ne révèle aucune erreur du genre. Ce sont les demandeurs qui avaient soulevé la question des croyances religieuses. Par ailleurs, l’attention portée au petit ami était justifiée compte tenu du récit de viol et d’agressions de la demanderesse.

 

[14]           Il était plus que loisible à la commissaire de se montrer sceptique quant à la relation amoureuse entre la demanderesse et le frère de l’un de ses violeurs. De même, la commissaire pouvait à bon droit juger que le récit que la demanderesse avait fait de l’agression dont elle avait été victime à Vancouver n’était pas raisonnable, étant donné que les fils du violeur (les neveux du petit ami) auraient prétendument été impliqués et que cet élément n’avait pas été communiqué à la police lorsque l’incident avait été signalé.

 

[15]           La commissaire a raisonnablement conclu que le fait que la demanderesse avait attendu quatre mois avant de présenter une demande d’asile ne correspondait pas avec son récit ni avec sa crainte subjective.

 

[16]           La commissaire a également commenté l’attitude de la demanderesse au cours de l’interrogatoire. Les Directives no 4 de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR), intitulées Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe – Directives données par la présidente en application du paragraphe 65(3) de la Loi sur l’immigration, date d’entrée en vigueur : 13 novembre 1996 [les Directives], n’empêchent pas de tirer des conclusions sur la crédibilité en fonction de l’attitude. Il ne s’agit que de directives et elles n’ont pas le même poids ni le même effet que des dispositions législatives. Il appert du dossier que la commissaire connaissait et comprenait les Directives. En outre, l’attitude n’était pas le facteur essentiel qui avait déterminé la conclusion du manque de crédibilité.

La Cour se doit de respecter l’observation du témoin par la commissaire dans la mesure où celle‑ci était réceptive et attentive aux questions traitées dans les Directives.

 

[17]           Rien ne permet de renverser la conclusion de manque de crédibilité des deux demandeurs tirée par la commissaire.

 

[18]           La commissaire a conclu que le demandeur avait une PRI viable étant donné qu’il avait réussi à se cacher auparavant, qu’il n’était pas exposé au risque d’être arrêté, qu’il pourrait difficilement être retrouvé par le chef du village dans un pays vaste comme l’Inde, et qu’il avait un bon niveau d’instruction, de l’expérience de travail et la capacité de communiquer en anglais. Il s’agit de facteurs raisonnables dont on peut tenir compte.

 

IV.       CONCLUSION

[19]           En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Myra‑Belle Béala De Guise

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑9381‑12

 

INTITULÉ :                                                  BHATA, SAJID GULAM VALI

                                                                        BHATA, SAMIMBANU GULAM

 

                                                                        et

 

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 9 avril 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 19 avril 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ghulam Murtaza

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Mary E. Murray

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

GMS LAW CORPORATION

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

M. WILLIAM F. PENTNEY

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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