Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

 


Date : 20130425

Dossier : IMM-4639-12

Référence : 2013 CF 431

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 avril 2013

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

 

OLUDARE AYODELE KOMOLAFE

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), fondée sur son expérience déclarée à titre de foreur et de dynamiteur, code 7372 de la Classification nationale des professions (CNP). Il est titulaire d’un baccalauréat en géologie et d’un certificat en dynamitage délivré par le ministère des Mines et du Développement de l’acier du Nigeria. Il travaille comme superviseur de carrière au Nigeria.

 

[2]               Le paragraphe 75(2) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement) décrit le travailleur qualifié entre autres comme l’étranger qui a accompli l’ensemble des tâches figurant dans l’énoncé principal établi pour la profession dans les descriptions des professions de la Classification nationale des professions, et qui a exercé une partie appréciable des fonctions principales de la profession, notamment toutes les fonctions « essentielles ».

 

[3]               Une agente de Citoyenneté et Immigration Canada a déterminé que le demandeur n’avait pas fourni de preuve établissant qu’il satisfaisait à ces exigences et que sa demande ne pouvait être traitée plus avant, conformément au paragraphe 75(3) du Règlement.

 

[4]               La décision est une lettre type indiquant que l’agente n’était pas convaincue que le demandeur avait accompli les tâches figurant dans l’énoncé principal établi pour la profession ou exercé une partie appréciable des fonctions principales de la profession. L’agente a par la suite souscrit, aux fins du présent contrôle judiciaire, un affidavit dans lequel elle déclare que la preuve présentée par le demandeur établissait que celui-ci avait déjà accompli seulement deux des fonctions principales de la profession.

 

[5]               Les décideurs ne peuvent compléter leurs motifs par un affidavit, mais ils peuvent expliquer les notes prises au moment de la décision : Taleb c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 384, aux paragraphes 24 et 25.

 

[6]               En l’espèce, l’agente n’a pas pris de notes pour décrire son raisonnement. L’affidavit a été souscrit le 30 juillet 2012, trois mois après la décision, ce qui remet en question sa fiabilité. Évidemment, l’affidavit ne se résume pas à une simple explication des notes de l’agente, puisqu’il n’y a pas de notes; il sert plutôt de motifs de la décision. Il est donc irrecevable.

 

[7]               L’employeur du demandeur a fourni une lettre dans laquelle il est dit, entre autres, que le demandeur : a) planifie, supervise et coordonne des opérations de forage, b) dresse la carte des trous et détermine leur diamètre et leur espacement, c) décide quand suspendre ou poursuivre le forage, d) calcule la quantité d’explosifs requis, e) supervise les subordonnés qui exécutent des opérations de chargement, g) veille à l’application des mesures de sécurité, et h) raccorde le circuit de tir.

 

[8]               Selon la description de la profession énoncée dans la CNP, « [l]es dynamiteurs de ce groupe chargent des explosifs dans des trous de dynamitage et font exploser des charges ». Six fonctions principales sont énumérées, dont plusieurs pourraient correspondre aux tâches décrites dans la preuve du demandeur, en particulier les tâches b), e), g) et h) indiquées ci‑dessus. Il ne revient pas à la Cour de déterminer si le demandeur a bel et bien accompli les tâches figurant dans l’énoncé principal et une partie appréciable des fonctions principales. Il incombe à l’agent de le faire et d’expliquer son raisonnement, qui peut donner ouverture à contrôle judiciaire. Comme le juge Richard Mosley a statué dans Gulati c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 451, il est impossible d’évaluer le caractère raisonnable des conclusions de l’agent sans savoir quelles fonctions n’ont pas été exercées.

 

[9]               La décision ne jette aucune lumière sur le raisonnement de l’agente. L’agente s’est contentée d’énoncer sa conclusion, sans l’expliquer. Il est impossible de savoir comment elle est parvenue à cette décision.

 

[10]           L’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, ne valide pas la décision. L’arrêt Newfoundland Nurses établit que le contrôle judiciaire porte sur la décision en soi, et non sur le processus décisionnel. Lorsqu’elles sont manifestes, les lacunes de la preuve peuvent être comblées s’il est possible de le faire en s’appuyant sur la preuve et sur des inférences logiques, virtuellement comprises dans le résultat, mais non expressément tirées. La cour de révision examine le dossier dans le but de confirmer la décision.

 

[11]           L’arrêt Newfoundland Nurses ne donne pas à la Cour toute la latitude voulue pour fournir des motifs qui n’ont pas été donnés, ni ne l’autorise à deviner quelles conclusions auraient pu être tirées ou à émettre des hypothèses sur ce que le tribunal a pu penser. C’est particulièrement le cas quand les motifs passent sous silence une question essentielle. Il est ironique que l’arrêt Newfoundland Nurses, une affaire qui concerne essentiellement la déférence et la norme de contrôle, soit invoqué comme le précédent qui commanderait au tribunal ayant le pouvoir de surveillance de faire le travail omis par le décideur, de fournir les motifs qui auraient pu être donnés et de formuler les conclusions de fait qui n’ont pas été tirées. C’est appliquer la jurisprudence à l’envers. L’arrêt Newfoundland Nurses permet aux cours de contrôle de relier les points sur la page quand les lignes, et la direction qu’elles prennent, peuvent être facilement discernées. Ici, il n’y a même pas de points sur la page.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l’agent est annulée, et l’affaire est renvoyée à Citoyenneté et Immigration Canada pour nouvel examen par un autre agent. Il n’y a pas de question à certifier.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4639-12

 

INTITULÉ :                                      OLUDARE AYODELE KOMOLAFE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 10 avril 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT
 :                            LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 25 avril 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Casimir Eziefule

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Jocelyn Espejo Clark

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Casimir Eziefule

Windsor (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.